Comportements et problèmes sexuels après l`âge de 50 ans
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Comportements et problèmes sexuels après l`âge de 50 ans
curriculum Comportements et problèmes sexuels après l’âge de 50 ans Kurt April, cabinet de psychiatrie et de psychothérapie, Horgen Quintessence P La sexualité est un facteur important pour la qualité de vie dans la deuxième moitié de l’existence. P Les troubles sexuels sont fréquents, mais sont souvent méconnus. P La plupart du temps, ce n’est pas l’âge en soi qui est la cause d’une dysfonction sexuelle, mais une maladie organique. P Le rôle de la relation de couple, des effets indésirables des médicaments et des troubles psychiques sont souvent sous-estimés. P Les facteurs liés au mode de vie jouent un rôle prépondérant, en particulier dans la genèse des troubles érectiles. P La sexualité est un thème trop souvent négligé dans la consultation médicale. Les patients sont gênés d’aller consulter leur médecin pour des problèmes sexuels et celui-ci n’aborde pas ce sujet. P Les troubles de la fonction sexuelle peuvent souvent être traités avec succès ou du moins améliorés même chez les plus de 50 ans. La population vieillit, les gens vivent de plus en plus longtemps en bonne santé et les personnes de plus de 50 ans tendent à rester plus longtemps sexuellement actives. Cette tendance va probablement se poursuivre, dans la mesure où la conception libérale de la sexualité gagne du terrain de génération en génération. Le comportement sexuel après la cinquantaine Kurt April L’auteur certifie qu’aucun conflit d’intérêt n’est lié à cet article. Souvent, les gens estiment jusqu’à un âge très avancé que la sexualité est une partie importante de leur vie [1, 2]. Comme l’ont aussi confirmé des études suisses, chez de nombreuses personnes l’aptitude à avoir des relations sexuelles et à en retirer de la satisfaction occupent encore une place importante pour la qualité de vie durant la deuxième partie de leur existence [3, 4]. Selon une étude représentative américaine auprès de 3000 hommes et femmes, 73% des sujets de 57–64 ans, 53% des 65– 74 ans et encore 26% des 75–85 ans sont sexuellement actifs [1]. Même dans la huitième et la neuvième décade, il reste une proportion non négligeable de personnes rapportant des relations vaginales et orales ou des masturbations (tab. 1 p). L’entretien sur la sexualité au cabinet Des enquêtes représentatives réalisées dans différents pays et aussi en Suisse montrent qu’environ un tiers Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 763 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch. des personnes éprouvent des difficultés durant la seconde moitié de leur existence à parler de leur sexualité avec le médecin [2, 5, 6]. Deux tiers des personnes évaluées attendent de la part de leur médecin qu’il prenne luimême l’initiative de la discussion sur les problèmes sexuels. De nombreux praticiens hésitent néanmoins à aborder spontanément les questions sexuelles avec leurs patients parce qu’ils ne se sentent pas assez compétents en la matière ou parce qu’ils craignent de se lancer dans une conversation ressentie comme désagréable par les personnes d’un certain âge [1]. Une enquête suisse a révélé que seulement 4% des médecins avaient profité de prescriptions médicamenteuses à des patients venus les consulter en raison de troubles érectiles pour discuter avec eux de leur sexualité. Dysfonctions sexuelles Selon les manuels de diagnostic DSM-IV ou ICD-10, les troubles sexuels sont caractérisés par un dysfonctionnement dans le déroulement des relations: manque d’envie d’avoir des relations sexuelles (troubles de la libido), troubles de l’excitabilité sexuelle (érection, lubrification) et problèmes associés au ressenti de la relation (orgasme, troubles de l’éjaculation), ainsi que douleurs coïtales (dyspareunie et vaginisme). Selon une étude américaine, environ la moitié des sujets sexuellement actifs entre 57 et 85 ans souffre d’au moins un problème sexuel et un tiers même de deux problèmes sexuels [1]. La Global Study of Sexual Attitudes and Behaviours (GSSAB) [2], qui a porté sur 13882 femmes et 13618 hommes âgés de 40 à 80 ans provenant de 29 pays a montré – et cela a été confirmé par d’autres études [7–9] – que l’éjaculation précoce et la dysfonction érectile sont les problèmes les plus fréquents chez l’homme, tandis que le manque d’intérêt pour la sexualité et l’insuffisance de lubrification constituent l’essentiel des problèmes chez la femme (tab. 2 p). Les dysfonctions sexuelles sont-elles un signe de l’âge? Des études récentes ont montré que l’activité sexuelle diminue certes avec l’âge, mais que l’incidence des problèmes sexuels ne semble pas augmenter dans l’ensemble. Les problèmes sexuels sont plus fortement liés à l’état de santé physique qu’à l’âge proprement dit [2, 9]. La dysfonction érectile est le seul trouble sexuel pour lequel une corrélation claire a été démontrée avec l’âge. Forum Med Suisse 2009;9(43):769 769 curriculum Tableau 1: Comportement sexuel des personnes de 57 à 85 ans sexuellement actives; enquête représentative aux Etats-Unis [1]. 57–64 ans 65–74 ans 75–85 ans Rapport vaginal Hommes 91,1% 78,5% 83,5% Femmes 86,8% 85,4% 74,4% Rapport oral au cours des 12 derniers mois Hommes 62,1% 47,9% 28,3% Femmes 52,7% 46,5% 35,0% Masturbation au cours des 12 derniers mois Hommes 63,4% 53,0% 27,9% Femmes 31,6% 21,9% 16,4% La relation est moins nette pour l’éjaculation précoce et les troubles de la lubrification, ce qui n’est guère étonnant compte tenu de leur composante biologique. Concernant la dysfonction érectile, on ne constate pas toujours une progression constante en fonction de l’âge, et une régression avec les années est parfois observée [10]. Etiologie et facteurs de risque Les principales causes de la dysfonction sexuelle chez les plus de 50 ans – comme d’ailleurs chez les moins de 50 ans – sont les troubles psychiques (en particulier les dépressions, les troubles Les principales causes de anxieux et l’abus d’alcool), le stress la dysfonction sexuelle chez (difficultés financières et problèmes au les plus de 50 ans sont les troubles psychiques, le stress travail) et les problèmes de couple [9, 11]. S’ajoutent à cela les tumeurs, les traumaet les problèmes de couple tismes et les interventions chirurgicales dans la région urogénitale et au niveau de la moelle épinière, les maladies endocriniennes, les maladies sexuellement transmissibles et les effets indésirables des médicaments, en particulier des psychotropes [9, 12]. Une étude israélienne a mis en lumière l’importance des facteurs liés à la relation de couple dans la genèse des dysfonctions sexuelles [13]. Il s’agissait d’une enquête menée auprès des épouses d’hommes souffrant de dysfonction érectile. 91% d’entre elles ont poussé leur époux à consulter et 55% des femmes interrogées présentaient elles-mêmes au moins une dysfonction, secondaire au trouble de l’érection présent chez leur partenaire. L’observation selon laquelle la satisfaction dans la relation de couple est associée à une incidence nettement diminuée des problèmes sexuels a été confirmée par de nombreuses autres études [9]. Les facteurs de risque pour la dysfonction érectile incluent les maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, maladie coronarienne, hypercholestérolémie, accident vasculaire cérébral), le tabagisme, l’obésité, la sédentarité, l’hyperplasie de la prostate et le diabète sucré [7, 14]. Chez les femmes, les maladies cardiovasculaires sont uniquement corrélées avec la sécheresse vaginale et la dyspareunie associée [9, 15]. Traitement et prévention La majorité des dysfonctions sexuelles, même chez les plus de 50 ans, est secondaire à des causes qui peuvent être traitées partiellement ou totalement. Lorsqu’il y a une origine psychosociale ou un conflit de couple sousjacent, un suivi, une thérapie individuelle ou de couple sont indiqués. L’efficacité des médicaments n’a été démontrée que pour les inhibiteurs de la 5-phosphodiestérase dans la dysfonction érectile. Des modifications du mode de vie (idéalement dès la quarantaine), comme le maintien du poids idéal, une activité physique régulière, l’arrêt de la consommation de tabac et la maîtrise du stress, peuvent prévenir ou du moins retarder la survenue de dysfonctions sexuelles. Parfois, des modifications comportementales tardives sont à même d’améliorer des troubles érectiles préexistants [3, 14]. L’entretien médical revêt une importance cruciale pour le diagnostic, le traitement et la prévention. La qualité de vie et la relation de couple peuvent être améliorées, même lorsque la dysfonction sexuelle a un substrat biologique. Un accompagnement médical à long terme par un médecin traitant ou un spécialiste compétent ayant un certain doigté permet souvent d’assurer un succès thérapeutique durable [16]. Une étude sur le comportement sexuel de femmes âgées de 58 à 93 ans a très bien montré que l’entretien médical peut modifier le comportement dans ce domaine même Tableau 2. Prévalence en % des problèmes sexuels chez les hommes et les femmes entre 40 et 80 ans en Europe [2]. Orgasme trop rapide, éjaculation précoce Dysfonction érectile Hommes 20,7 13,3 Femmes 7,7 Manque d’intérêt sexuel Incapacité d’avoir un orgasme Sexualité non satisfaisante Dyspareunie Problèmes de lubrification Europe du Nord 12,5 9,1 7,7 2,9 25,6 17,7 17,1 9,0 18,4 Europe du Sud Hommes 21,5 Femmes 11,5 12,9 13,0 12,2 9,1 4,4 29,6 24,2 22,2 11,9 16,1 Forum Med Suisse 2009;9(43):770 770 curriculum chez des sujets âgés [17]. Des femmes seules ayant abordé avec leur médecin des questions sexuelles avaient un comportement plus responsable vis-à-vis de leur santé et prenaient moins de risques sur le plan des maladies sexuellement transmissibles que les femmes du groupe contrôle. Les problèmes sexuels non diagnostiqués et non traités peuvent évoluer vers des dépressions et des isolements sociaux [18]. Discussion Durant des décennies, les troubles de la fonction sexuelle apparaissant au cours du vieillissement ont été perçus comme l’expression d’un phénomène d’involution naturelle, autrement dit non influençable. Les scientifiques et les médecins se sont davantage préoccupés des problèmes sexuels des personnes en âge de procréer. L’introduction du premier inhibiteur de la 5-phosphodiestérase , le sildénafil (Viagra®) en 1998, a suscité un premier changement de paradigme dans la prise en charge médicale des problèmes de dysfonction sexuelle [19]. Une nouvelle révolution sexuelle, comme l’écrivent certains [12]. Pour la première fois, il était devenu possible d’offrir un médicament efficace contre la dysfonction érectile. On a cru avoir enfin trouvé la solution au problème vieux de plusieurs millénaires de l’impuissance en tant que symbole de la perte de virilité; un problème qui a poussé des millions d’hommes dans la détresse à chercher le salut auprès de guérisseurs de toutes sortes, dans la magie ou dans les herbes chinoises et africaines probablement plus néfastes que bénéfiques; l’ère du Viagra était arrivée. Dans le même temps, la conception dominante de l’étiologie des troubles sexuels s’est modifiée: on admettait jusque-là que l’origine des problèmes était avant tout psychique; désormais, on estime que l’origine est organique dans 90% des cas pour la dysfonction érectile et en définitive aussi pour les autres problèmes de la sexualité de l’homme et de la femme [21]. De grands espoirs ont par la suite été fondés sur la recherche d’autres substances capables de résoudre les problèmes sexuels [22]. Au cours de la seconde moitié de cette décennie, on a ainsi déjà évoqué un second changement de paradigme Références recommandées – Lindau ST, Schumm LP, Laumann EO, Levinson W, O’Muircheartaigh CA, Waite LJ. A study of sexuality and health among older adults in the United States. N Engl J Med. 2007;357:762–74. – Laumann EO, Das A, Waite LJ. Sexual Dysfuntion among Older Adults: Prevalence and Risk Factors from a Nationally Representative U.S. Probability Sample of Men and Women 57 Years of Age. J Sex Med. 2008; 5:2300–11. [19]: de nouvelles données ont montré que le concept «psychique versus organique» était en fait trop simpliste et que cette approche ne donnait pas une image assez différenciée des problèmes sexuels durant la seconde moitié de l’existence. Les facteurs biologiques du vieillissement peuvent mais ne doivent pas nécessairement être la cause des troubles sexuels. On trouve ainsi au premier plan de nombreuses causes traitables, telles que des troubles psychiques, des pathologies endocriniennes, des troubles de la personnalité (la peur de l’échec) et des problèmes de couple. On a également constaté que certains facteurs biologiques, en particulier dans la dysfonction érectile, dépendent fortement du mode de vie de l’individu [14, 18]. Il reste certes des lacunes et il y a passablement de données contradictoires dans les connaissances liées à la sexualité et à ses troubles durant la seconde moitié de la vie. Pourtant, les nouvelles acquisitions dans ce domaine ont changé fondamentalement notre conception de la nature sexuelle de l’être humain et elles ont aussi modifié notre regard sur les dysfonctions sexuelles. Ces dernières sont devenues des maladies accessibles dans leur grande majorité à un traitement ou des affections améliorables, voire évitables, par des modifications comportementales [10]. Malheureusement, bien trop peu de personnes bénéficient aujourd’hui encore de notre meilleure compréhension des troubles de la fonction sexuelle. La nouvelle donne dans ce domaine n’a malheureusement pas encore vraiment franchi la barrière de la conscience collective, que ce soit chez les patients ou chez les médecins, qui méconnaissent encore souvent l’importance de l’entretien de conseil sur la sexualité. Qui donc serait mieux placé que le médecin pour jouer ce rôle gratifiant de conseiller aux patients à l’occasion de la consultation? Nos patients attendent de nous une attitude plus proactive. Ils nous en seront reconnaissants. Correspondance: Dr Kurt April FMH Psychiatrie et Psychothérapie Seestr. 126 CH-8810 Horgen [email protected] – Esposito K, Giugliano F, Di Palo C, Giugliano G, Marfella R, D’Andrea F et al.: Effect of lifestyle changes on erectile dysfunction in obese men: a randomized controlled trial. JAMA 2004;291:2978–84. Vous trouverez la liste complète et numérotée des références dans la version en ligne de cet article sous www.medicalforum.ch. Forum Med Suisse 2009;9(43):771 771 CURRICULUM Sexualverhalten und -probleme ab 50 Jahren / / Comportements et problèmes sexuels après l’âge de 50 ans Weiterführende Literatur (Online-Version) / Références complémentaires (online version) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Lindau ST, Schumm LP, Laumann EO, Levinson W, O’Muircheartaigh CA, Waite LJ. A study of sexuality and health among older adults in the United States. N Engl J Med. 2007;357:762–74. Laumann EO, Nicolosi A, Glasser DB, Paik A, Gingell C, Moreira E. Wng T. Sexual problems among women and men aged 40–80 y: prevalence and correlates identified in the Global Study of Sexual Attitudes and Behaviors. Int J Impot Res. 2005;17:39–57. Laumann EO, Paik A, Rosen RC. Sexual Dysfunction in the United States: Prevalence and Predictors. JAMA. 1999;281:537–44. Buddenberg C, Bucher T, Hornung R. 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