Une stratégie transversale pour lutter contre le terrorisme et le

Transcription

Une stratégie transversale pour lutter contre le terrorisme et le
Une stratégie transversale
pour lutter contre le
terrorisme et le radicalisme
Résumé
Les attentats de Paris ainsi que les récentes opérations antiterroristes appellent une réponse politique globale qui articule les
enjeux sécuritaires, sociaux et de vivre-ensemble. Il s’agit ici
d’intégrer nos propositions dans un plan global et d’engager un
travail plus fouillé et plus ciblée sur certaines propositions
politiques.
.
1
Introduction : Objectifs et principes
A l’unanimité dans la condamnation des attentats de Paris et le nécessaire recueillement
succède le retour du débat politique qui voit gouvernements et partis s’opposer sur les suites à
leur donner ainsi qu’aux opérations anti-terroristes menées par les services de sécurité à
Verviers. Ce plan d’actions et la méthodologie de travail proposés ont pour objectif de définir
l’approche des écologistes dans ce débat important.
Le leitmotiv des écologistes est l’efficacité des politiques à mener dans le respect de l’Etat de
droit et des libertés. Une lutte efficace contre le terrorisme et le radicalisme implique d’une
part, une coordination poussée entre les différents niveaux de pouvoir, et d’autre part, la
volonté de s’attaquer au problème par la racine en agissant sur les causes du radicalisme tout en
répondant à l’urgence sécuritaire dans le respect de l’Etat de droit. Pour Ecolo, toute réponse
sécuritaire doit être proportionnée, préserver les libertés individuelles et publiques, et éviter les
effets de stigmatisation qui valideraient le discours djihadiste.
Cette note propose 2 volets :
1) La réplique d'Ecolo aux 12 mesures du plan gouvernemental.
2) Notre stratégie transversale de lutte contre le terrorisme et le radicalisme violent,
constituée d’axes déclinés en propositions.
2
Partie 1 : Position d’Ecolo par rapport aux 12
mesures du gouvernement fédéral
Dans la foulée des attentats de Paris et des opérations anti-terroristes menées dans notre
territoire, le gouvernement fédéral a annoncé 12 mesures pour lutter contre le terrorisme et le
radicalisme. Si certaines propositions seront soutenues par Ecolo, d’autres nécessitent plus
d’informations et de véritables garanties quant au respect des droits et libertés
fondamentales. Enfin, certaines mesures apparaissent inefficaces voire contre-productives car
stigmatisantes envers une partie de nos concitoyens
1. La mesure d’ores et déjà appliquée
Appel à l'armée pour des missions spécifiques de surveillance.
Nous sommes défavorables au principe de « l’armée dans les rues ». C’est avant tout les polices
fédérale et locale qui doivent assurer la sécurité des citoyens sur notre territoire, pas l’armée.
Toutefois, en cas d’alerte maximale, et pour une durée limitée, le recours à l’armée (sous
l’autorité policière) peut se justifier pour protéger des synagogues, mosquées, gares et
aéroports.
2. Les mesures qu’Ecolo pourrait soutenir
Mise en oeuvre du gel des avoirs nationaux. Activer le mécanisme prévu par la loi
pour identifier les personnes impliquées dans le financement terrorise et dont les
avoirs seront gelés.
Nous sommes favorables au principe de cette proposition mais nous attendons les textes pour
déterminer notre positionnement et nous rassurer que cette mesure puisse faire l’objet d’un
recours judiciaire a priori et a posteriori afin d’éviter toute prise de décision arbitraire.
Renforcement de la capacité d'analyse de la Sûreté de l'Etat.
Nous appelons également à un renforcement de nos services de renseignement. C’est plus
particulièrement notre capacité d'analyse humaine qu’il s’agit de renforcer, et non pas l’usage
des algorithmes - qui implique une surveillance généralisée - que nous rejetons. Nous plaidons
également pour une plus grande clarté dans la priorisation des missions de la Sûreté.
Extention des infractions terroristes et adaptation de la législation pour une sanction
plus effective. Insertion d'une nouvelle infraction terroriste relative au déplacement
à l'étranger à des fins terroristes, dans le code pénal.
Nous serons attentifs à ce que le Gouvernement fédéral ne se limite pas à un seul ou à une
sélection de pays et à ce qu’il clarifie la notion de « déplacement à l’étranger à des fins
terroristes ». Nous privilégions à court-terme l’option qui consiste à donner des moyens
suffisants à nos services de sécurité et à la justice pour déterminer si les « returnees » ont
commis des actes criminels. Dans ce cas, il est évident que des poursuites pénales doivent
pouvoir être engagées.
Extension de la liste des infractions donnant lieu à l'utilisation des méthodes
particulières de recherche. Incitation au terrorisme, recrutement et formation et
déplacement à l'étranger à des fins terroristes.
3
Nous sommes favorables au principe de l’extension de la législation permettant la mise sur
écoute dans le cadre des instructions portant sur l’incitation, le recrutement et la formation au
terrorisme. Le démantèlement de ces filières doit être une priorité absolue. Néanmoins, il est
fondamental que ces pratiques restent soumises à l’accord motivé et préalable du juge
d’instruction.
Retrait temporaire de carte d'identité, refus de délivrance et de retrait de passeport.
Retirer les passeports et les cartes d'identité des personnes concernées qui
présentent un risque pour l'ordre public et la sécurité.
La notion de « risque pour l’ordre public et la sécurité » doit être précisée. D’autant plus que
cette possibilité existe déjà pour les passeports. Pour minimiser les induits non voulus de ce type
de mesure (accélération de la radicalisation et du passage à l’acte), cette mesure doit être
précédée d’un contrôle a priori par une juge d’instruction et suivie d’un contrôle qui ouvre un
droit de recours. Par ailleurs, retirer les documents d’identité pour empêcher quelqu’un d’aller
combattre doit absolument être accompagné de mesures de suivi (éducatives, de sécurité, etc.).
Enfin, il est tout à fait anormal que des mineurs puissent voyager vers la Turquie et la Syrie sans
accord parental.
Révision de la circulaire "Foreign Fighters" du 25 septembre 2014. Simplification des
structures actuelles et répartition plus claire des tâches entre les services ainsi
qu'une systématisation dans la manière dont s'opérera le suivi.
Nous sommes favorables au principe mais nous attendons plus de précisions pour juger si cette
simplification diminuera effectivement la charge sur le niveau local dans le suivi des
« returnees ».
Echange de l'information : optimiser l'échange d'information entre les autorités et
services administratifs et judiciaires.
Nous refusons catégoriquement le principe d’une surveillance de masse du type PRISM aux USA.
Nous réservons notre soutien à ces mesures en fonction du périmètre des informations récoltées
et leur destination dans le cadre de ces échanges.
Révision du Plan R. La révision du plan de 2005 contre la radicalisation est accélérée
afin de tenir compte des évolutions récentes.
Nous n’avons pas accès au Plan R… Ce qui pose question quant aux possibilités offertes aux
parlementaires dans leur travail de contrôle de l’exécutif.
Radicalisme dans les prisons. Lutte contre la radicalisation dans les prisons par, d'une
part, une meilleure détection des détenus radicalisés et ceux qui encouragent la
radicalisation. D'autre part, la prise de contre-mesures. La formation du personnel
pénitentiaire et collaboration avec les conseillers islamiques revêt une importance
centrale.
Considérer cette problématique du seul point de vue sécuritaire est contre-productif : isoler les
détenus radicalisés est une action de court-terme nécessaire mais insuffisante. Une action
efficace et de long terme ne fera pas l’économie d’une refonte profonde de notre politique
carcérale tournée, enfin, vers l’éducation, l’accompagnement social et la réinsertion des
détenus, et par conséquent d’une approche concertée avec les Communautés, compétentes pour
l’aide aux détenus.
Réforme des structures du renseignement et de la sécurité.
4
Nous ne disposons pas d’assez d’éléments actuellement pour pouvoir nous positionner.
Cependant, a priori, la finalité poursuivie est légitime
3. Les mesures qu’Ecolo ne soutiendra pas
Élargissement des possibilités de retrait de la nationalité
Cette mesure est plus symbolique qu’efficace. Elle nous semble peu dissuasive vis-à-vis des
jeunes qui veulent partir. Mais nous nous opposons à cette idée pour une raison plus
fondamentale : à l’heure où la lutte contre le terrorisme et le radicalisme appelle unité et
rassemblement, créer deux catégories distinctes de citoyens belges est inacceptable : nous
ferions des « nouveaux belges » ou des personnes ayant eu la double nationalité des citoyens
potentiellement de seconde zone. Pour Ecolo, il s’agit d’une mesure contraire au vivre-ensemble
et à la cohésion sociale, qui crée une grave inégalité de traitement des citoyens sur base de
leurs origines.
La déchéance des droits civils et politiques – comme pour les collaborateurs après la seconde
guerre mondiale – nous semble être une mesure plus adéquate à disposition des juges, car elle
ne fait de différence entre les citoyens selon leur origine.
5
Partie 2 : Un plan global de lutte contre le
terrorisme et le radicalisme
Pour Ecolo, faire face au radicalisme de manière efficace, dans la durée et dans le respect de
nos valeurs et de nos libertés, implique non seulement la mobilisation de moyens sécuritaires
mais elle nécessite surtout une véritable politique de cohésion sociale impliquant des mesures
socio-économiques, fiscales, d’emploi, d’éducation, de culture, de jeunesse, d’enfance, de
logement, d’aménagement du territoire. La pauvreté, les inégalités, la désespérance, l’absence
de perspectives constituent un terreau favorable à la radicalisation violente et aux crispations
identitaires. Ce plan écologiste met l’accent sur 5 axes prioritaires, sachant qu’Ecolo a toujours
travaillé de manière transversale et systémique.
Axe 1 : Sécurité et Justice
Notre réponse sécuritaire à court-terme pourrait se concentrer autour de politiques visant trois
objectifs prioritaires : le renforcement les services de renseignements, le démantèlement les
filières de recrutement et la lutte contre le commerce illégal des armes. Cette réponse doit
s’étendre à une meilleure coopération et coordination des services de sécurité tant au niveau
des polices locales qu’au niveau européen par un échange plus efficace d’informations entre les
Etats-membres dans le respect des libertés, des droits des justiciables et des procédures. En la
matière, tout élargissement des prérogatives sécuritaires doit, Etat de droit oblige,
s’accompagner d’une augmentation substantielle des moyens de la justice, à l’inverse donc de
la politique poursuivie par le gouvernement fédéral et son prédécesseur.
 Proposition 1 : lutter contre le commerce illégal des armes en Belgique
Plaider pour un contrôle plus strict de la vente, de la circulation et de la détention d'armes, et
le cas échéant, le renforcement des interdictions. La lutte contre l'importation, le transit, la
détention et le commerce des armes à feu illégales devrait être renforcée et devenir une
priorité absolue à l’avenir.
 Proposition 2 : renforcer les services de renseignement
S'opposer aux coupes budgétaires imposées aux services de sécurité et plus particulièrement à la
Sureté de l'Etat et à l’OCAM mais aussi à Astrid et dans les unités spéciales. La priorité doit être
au renforcement des services de renseignement qui constituent la riposte de court-terme la plus
fondamentale aux risques d’attaque terroriste. Avant d’envisager des modifications législatives
et l’élargissement des prérogatives de la Sureté (notamment en matière d’écoute téléphonique),
il s’agit de donner des moyens aux services de renseignement pour qu’ils puissent remplir leurs
missions actuelles. En outre, il importe de s’attaquer aux problèmes et dysfonctionnements
notamment en termes de partage interne de l'information.
 Proposition 3 : démanteler les filières de recrutement djihadiste
Depuis 2012, des réseaux agissent pour endoctriner, recruter et envoyer des jeunes personnes en
Syrie et en Irak où ils rejoindront des troupes djihadistes. La priorité doit aller à l’identification,
au démantèlement et à la sanction de ses filières de recrutement qu’elles agissent sur internet
ou dans nos quartiers. L’action de ces réseaux fait souvent fi des frontières communales,
régionales ou nationales : il importe par conséquent d’organiser un partage plus efficace des
informations entre les différents niveaux de pouvoir. Au niveau local, certaines zones de police
6
disposent d’une cellule « radicalisme ». Il convient d’évaluer ces cellules à l’aune de l’évolution
du contexte et des formes de militantisme radical. Ces cellules disposent-elles d’un niveau
d’expertise suffisante ? Bénéficient-elles d’une circulation optimale des informations ? Ont-elles
les moyens matériels pour assumer leurs missions dans le contexte actuel ?
 Proposition 4 : gérer intelligemment les returnees
A leur retour en Belgique, les personnes parties en Syrie et en Irak sont identifiées et fichées.
Cette analyse au cas par cas est nécessaire. L’OCAM doit disposer des moyens suffisants pour
réaliser cette mission. Dans le cas où l’implication dans des actes criminels est avérée, des
poursuites pénales doivent pouvoir être engagées. En outre, toute démarche qui aboutirait à une
marginalisation sociale des « returnees » (qui n’ont pas de sang sur les mains) est susceptible
d’accentuer leur dangerosité. C’est pour cette raison que notre réponse doit comprendre un
programme de réinsertion (après un check-in sécuritaire) sur le modèle danois 1.
 Proposition 5 : lutter contre le radicalisme en prison
Le milieu carcéral est un théâtre central de radicalisation, et par conséquent, de lutte contre le
radicalisme. Considérer cette problématique du seul point de vue sécuritaire est contreproductif : isoler les détenus qui font du prosélytisme djihadiste est une action de court-terme
nécessaire mais insuffisante. Une action efficace et de long terme contre le radicalisme ne fera
pas l’économie d’une refonte profonde de notre politique carcérale tournée, enfin, vers
l’éducation, l’accompagnement social et la réinsertion des détenus.
Dans l’immédiat, les aumôniers musulmans constituent une pièce maîtresse dans le dispositif de
lutte contre le radicalisme dans les prisons. Porteurs d’une parole théologique légitime,
relativement extérieurs à l’institution, ils sont en situation de proposer un contre-discours
efficace au radicalisme religieux. Nous proposons d’augmenter sensiblement leur nombre (ils
sont actuellement 18) et de mieux les former pour renforcer leurs capacités de réplique aux
discours radicaux.
Axe 2 : Lutter contre les inégalités sociales, les discriminations et le
racisme
Une réponse exclusivement sécuritaire et de court-terme est non seulement insuffisante mais a
toutes les chances d’être contre-productives. Des politiques économiques (emploi), sociales et
culturelles sont primordiales pour assécher le marais du radicalisme. L’exclusion sociale, les
discriminations et l’islamophobie constituent des boosts pour les prédicateurs djihadistes.
 Proposition 1 : faire de la lutte contre les discriminations et le racisme une cause
nationale
La lutte contre les discriminations et le racisme doit mobiliser l’ensemble de la société, et non
pas seulement celles et ceux qui en sont les victimes. Plus particulièrement, l’islamophobie
croissante dans notre société doit faire l’objet d’une action politique affirmée. Cette défiance à
l’encontre des musulmans constitue la pièce maîtresse de l’argumentaire djihadiste. Les
autorités ont en la matière un rôle d’impulsion à jouer : un plan d’actions concret, complet et
ambitieux doit être élaboré pour donner un second souffle à la lutte contre les discriminations
et le racisme, qu’il soit islamophobe ou antisémite. Ce travail doit associer étroitement les
associations antiracistes et celles qui luttent contre les discriminations mais aussi les médias et
1
Sur base volontaire, ce programme danois offre une aide médicale pour les blessures de guerre et un accompagnement
psychologique. Ils aident également les jeunes à reprendre leur scolarité s’ils l’ont arrêtée ou à trouver un emploi. Le
programme soutient également les familles des personnes partis combattre.
7
les partenaires sociaux.
 Proposition 2 : Punir l’incitation à la haine et plus particulièrement la cyber-haine
La liberté d'expression s’arrête là où commence l’incitation à la haine. Ces discours doivent être
combattus plus activement. Internet et les réseaux sociaux sont de fait des espaces d’impunité
pour les discours incitant à la haine et à la violence qu’ils soient islamophobes, antisémites ou
djihadistes. Une évaluation de notre arsenal juridique en la matière doit être menée pour
l’adapter, le cas échéant, aux formes de la cyber-haine, et nous donner ainsi les moyens de
lutter efficacement tout en préservant la liberté du net.
Axe 3 : Ecole, jeunesse et citoyenneté
 Proposition 1 : lutter efficacement contre l'inégalité scolaire
Une action efficace et de long terme contre le radicalisme ne fera pas l’économie d’une
politique réellement ambitieuse de lutte contre les inégalités et la ségrégation scolaires, dont
nous détenons le triste record en Europe. Le décrochage scolaire, le sentiment que « tout est
piper d’avance » offrent un terrain favorable aux replis communautaires et aux ruptures
identitaires. Pour être efficace et durable, la lutte contre le radicalisme ne pourra pas faire
l’économie d’un véritable choc d’égalité des chances et de mixité sociale dans notre
enseignement.
 Proposition 2 : permettre aux professeurs de relever le défi de la diversité culturelle et
d’offrir aux enfants une instruction émancipatrice et citoyenne
Ces derniers jours, les enseignants furent particulièrement confrontés aux interrogations et,
parfois, aux comportements inciviques d’une partie de leurs élèves. Pour un nombre croissant de
nos jeunes la parole institutionnelle, celle des professeurs, des médias, des politiques, est
décrédibilisée. La théorie du complot prend une place de plus en plus importante dans leur
représentation du monde. Plus que jamais, les professeurs doivent bénéficier d’une formation
leur permettant de relever le défi de la diversité culturelle et d’offrir aux enfants les conditions
d’une instruction émancipatrice.
 Proposition 3 : renforcer les moyens des services d’aide à la jeunesse
Le radicalisme violent, à l’instar de la criminalité, vient souvent ponctuer une enfance et une
jeunesse difficiles. Il est urgent de renforcer les services de prévention mais également
l’accompagnement des jeunes ayant commis des infractions par un suivi intensif dans leur milieu
de vie. L’amélioration de l'accueil et de l'éducation des enfants placés apparaît comme un levier
préventif fondamental de lutte contre la délinquance et la criminalité, dont le terrorisme est la
forme politique.
 Proposition 4 : faire évoluer les cours de religion et morale vers des cours de
citoyenneté/histoire des religions/philosophie
Notre volonté forte et historique d’organiser des cours de citoyenneté, d'histoire des religions et
de philosophie auxquels tous les élèves prendraient part ensemble ne vise à ne remplacer qu'une
des deux heures des « cours philosophiques ». Cette proposition équilibrée permet de tenir
compte du fait que les cours de religion islamique constituent aujourd'hui un levier important
pour lutter contre le fondamentalisme religieux. Ceux-ci sont en effet un levier de contrediscours en ce qu'ils constituent l’espace « religieux » formel2 le plus fréquenté par les jeunes
2
En opposition aux espaces « virtuels » (sites web, Youtube) où les discours radicaux et complotistes sont largement dominants
8
musulmans3. A l’heure où l’offre islamique virtuelle est quasi-monopolisée par les discours
salafistes, la suppression complète des cours de religion islamique consisterait à supprimer le
seul espace institutionnel, contrôlé, légitime (pour ces jeunes), où les jeunes peuvent exprimer
leur questionnement religieux. Plus généralement, les professeurs de religion islamique et les
aumôniers des prisons sont des médiateurs fondamentaux dans la lutte contre le radicalisme,
dans sa dimension « idées et contre-discours ».
Toutefois, la citoyenneté ne doit pas être confinée à un cours : elle doit être un principe central
dans l’organisation de l’école où la participation des élèves doit être encouragée.
 Proposition 5 : soutenir les acteurs jeunesse sur le terrain
S’il faut évidemment aider l’école dans ses missions, il apparaît également important de
travailler avec les acteurs qui sont en dehors des lieux institutionnels « traditionnels ». Maisons
des jeunes, maisons de quartiers, organisations de jeunesse,…doivent être soutenues dans leurs
missions de base : former des citoyens responsables, actifs, critiques et solidaires, poursuivre
des objectifs de démocratie, de mixité, de solidarité, etc.
Axe 4 : lutter contre le radicalisme et la polarisation dans les quartiers
Dans certaines communes populaires, les acteurs locaux, qu’ils soient politiques ou associatifs,
ont le sentiment d’être dépassés du fait, d’une part, du contraste entre la petitesse de leurs
moyens et l’ampleur de la problématique, et d’autre part, du millefeuille institutionnel et
administratif qui freinent leur action. La prévention locale des phénomènes de radicalisme
violent4 et de polarisation sociale5 doit faire l’objet d’une évaluation des outils existants, d’une
mobilisation des moyens publics au service des acteurs de premières lignes. Pour être efficaces,
ces politiques locales de prévention doivent associer plus étroitement les acteurs associatifs qui
travaillent à la cohésion sociale (mais aussi les associations dites communautaires).
 Proposition 1 : renforcer les agents de prévention « radicalisme » dans les communes
Plusieurs communes6 ont engagé une personne chargée de la « prévention de la polarisation et
du radicalisme sur le territoire communal ». Ces responsables sont actuellement dans une phase
de définition empirique de leur mission7 et de prise de contact avec leur alter-égo dans les
autres communes. Ils sont quatre en Région bruxelloise et « limité » à leur territoire communal8,
ici encore la démesure entre les moyens libérés et l’ampleur des missions à réaliser saute aux
yeux. Il s’agit par conséquent de renforcer leurs moyens, de mieux articuler leurs missions avec
les outils existants et de favoriser les partages d’expériences qui dépassent les frontières
communales ou des zones de police.
3
et aux espaces « informels » tels que la rue, les copains, les associations communautaires qui ne se limitent pas à la prédication
religieuse, les collectifs, etc.
Bien plus que les mosquées qui accueillent 10% des fidèles et une petite proportion de jeunes - puisqu’ils sont à l’école
pendant les prêches du vendredi - mais également plus que les cours d’arabe et l’engagement associatif religieux qui
constituent également des espaces formels de l’offre religieuse musulmane.
4
La radicalisation violente est définie comme un processus dans lequel un individu ou un groupe, inspiré par des conceptions
philosophiques, religieuses, politiques ou idéologiques, souhaite un changement radical dans la société en utilisant ou en
encourageant l'utilisation de moyens non démocratiques et violents.
5
La polarisation est un processus dans lequel les oppositions entre les groupes se renforcent au point de potentiellement aboutir
à des tensions ou des conflits
6
7
8
En Région bruxelloise : Bruxelles-Villes, Anderlecht, Schaerbeek et Molenbeek
Sur papier leur fonction comprend deux dimensions : stratégique puisqu’ils sont doivent analyser l’évolution de la
radicalisation sur leur territoire et opérationnel puisqu’ils doivent sensibiliser les acteurs institutionnels et
associatifs de leur commune à ces phénomènes.
Chaque zone de police « critique » du point du nombre d’individus impliqués dans une filière djihadiste à
destination de la Syrie a pu bénéficier du budget nécessaire à l’engagement d’une personne. Celle-ci a été
« offerte » à la commune la plus « critique »… Quid des autres communes critiques ?
9
 Proposition 2 : associer des responsables communautaires et de mosquées dans les
stratégies locales de lutte contre le radicalisme.
Pour être efficaces, la conception et la mise en œuvre des stratégies locales de lutte contre le
radicalisme et la polarisation doivent associer, et non plus seulement consulter, les associations
dites communautaires et des responsables de mosquées.
 Proposition 3 : outiller et former les acteurs de première ligne au niveau local
Les services de prévention et de cohésion sociale des administrations communales sont souvent
dépassés par le phénomène de la radicalisation. Les animateurs et éducateurs de rue ne sont pas
assez outillés, voire dans les cas les plus inquiétants, rechignent à assumer cette mission de
lutte contre la radicalisation. Il s’agit donc de mieux former ces acteurs de première ligne et de
concevoir avec eux des outils utiles pour faire face, sur le terrain, aux phénomènes de
radicalisme, dans une démarche respectueuse de leur identité : socio-éducative et nonsécuritaire.
 Proposition 4 : associer les familles des jeunes partis combattre en Syrie dans l’effort de
prévention au niveau local
L’association des familles des jeunes partis combattre en Syrie (donc certains sont décédés) dans
cet effort de prévention est une réelle plus-value, sous-exploitée. Certaines « mamans » font
déjà ce travail mais avec peu de moyens et dans un grand isolement : il faut les soutenir plus activement. Leur intervention dans les écoles, les associations, les maisons de jeunes, etc., font
bouger les lignes dans le bon sens. Elles ont vécu le radicalisme dans leur chair, elles ont été
spectatrices de l’embrigadement de leur enfant, ce qui leur donne une « expertise du réel » et
une grande légitimité pour sensibiliser les jeunes.
Axe 5 : œuvrer à un règlement politique des conflits au Moyen-Orient
Le terrorisme et la radicalisation sont aussi les conséquences des conflits qui ensanglantent les
peuples du Moyen-Orient. L’Europe et la Belgique donnent le sentiment d’être sourds aux
appels des peuples qui luttent contre la dictature et l’occupation militaire. Une partie de notre
jeunesse s’indigne particulièrement du grand malheur du peuple syrien et de l’injustice que
subissent les Palestiniens. Couplé au silence et à l’immobilisme de nos gouvernements, cette
indignation constitue appel d’air pour le djihadisme. Nous plaidons pour l’envoi, à court-terme,
de signaux forts pour témoigner de l’action et du souci de la Belgique et de l’Union européenne
pour le calvaire des peuples au Moyen-Orient.
Proposition 1 : reconnaissance de l’Etat palestinien, boycott des produits des colonies
israéliennes et levée du blocus de Gaza
Nous proposons notamment que la Belgique reconnaisse, dans les plus brefs délais, et de
manière plein et résolue, l’Etat palestinien et créer les possibilités d’un boycott des produits
issus des colonies israéliennes. Nous appelons à la fin immédiate du blocus subi par les
Palestiniens à Gaza, appauvris, pris en étau entre Israël et l’Egypte. Ce calvaire n’a que trop
duré: l’Europe doit agir en ouvrant une ligne maritime entre Nicosie et Gaza pour permettre à la
population palestinienne de se ravitailler et de se reconstruire après avoir subi, cet été, les
bombardements de l’Etat d’Israël.
Proposition 2 : œuvre à un règlement politique du conflit syrien et accueillir plus de réfugiés
syrien
10
En Syrie, seule un règlement politique est susceptible de mettre fin au martyr du peuple syrien.
Plusieurs millions de Syriens sont réfugiés dans les pays voisins. En Europe, la Belgique a
détourné son regard en accueillant que peu de réfugiés syriens. Nous voulons que notre pays
ainsi que l’Union européenne prenne sa juste part dans l’accueil de ces réfugiés.
Pour toute information complémentaire :
[email protected]
11