20151224-Compas tape dans l`oeil anderlechtois
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20151224-Compas tape dans l`oeil anderlechtois
Le Soir Jeudi 24 et vendredi 25 décembre 2015 20 BRUXELLES Compas tape dans l’œil anderlechtois bien », ajoute, pour sa part, Yves Lemmens, le directeur général de la Société régionale du Logement (SLRB). « Cela aura un impact important sur le quartier qui est encore appelé à se transformer, Dieteren dont les ateliers sont situés juste en face ayant déjà annoncé son intention de partir », ajoute Benjamin Cadranel. La présence du patron de la SLRB n’est en rien due au ha- sard mais bien à la volonté très récente pour les deux opérateurs publics d’œuvrer main dans la main comme c’est aussi le cas par exemple dans le projet Tivoli (Tour&Taxis). Une association qui, à entendre le duo, a tout son sens. « Lorsque nous débarquons, on nous voit souvent comme les méchants qui allons imposer du logement social », sourit Yves Lemmens. Sur l’air bien connu du Nimby (never in ANDERLECHT R. Ro p Rue sy C hau du dro n ns Mo .h de Com pas Ch. de Av. Cl s Mon ém enc eau z rog nie eB Ru e de L aC lin iq ue C ol juillet, le marché a été attribué à la société BAM, fin octobre. « Ce n’était pas le candidat le moins cher mais, en termes de qualités urbanistiques et d’habitabilité, il est arrivé largement en tête », pointe Benjamin Cadranel. « L’aspect jardin avec potager, compostage pour les habitants ou encore plaine humide pour contrer les inondations en font un projet abouti, tout est pensé afin que les gens se sentent iste im h uC n ed Ru Odo e Ru rpo ive Le projet Compas prévoit la création de 129 appartements dont 68 destinés à l’acquisition. Lîlot comptera en outre des espaces publics mais aussi une crèche de 24 lits. © D.R. al n Ca eL S Périmètre du contrat de quartier Compas ed Ru i le projet ne s’inscrit pas directement dans le cadre du contrat de revitalisation (2013-2017) qui vise à donner un nouveau visage au quartier Heyvaert aujourd’hui pollué par le commerce des voitures d’occasion, il n’en sera pas moins des plus utiles pour en accentuer les effets. C’est qu’à l’horizon 2018, 129 logements vont pousser sur les vestiges d’une friche industrielle de près de 10.000 m2 qui bordent la rue du Compas, à Anderlecht. « À l’origine, ce terrain devait plutôt être réaffecté en zone d’activités économiques, souligne Benjamin Cadranel, l’administrateur général de Citydev. Il est apparu que ce quartier avait surtout besoin de logements et d’espaces dédiés à la collectivité. D’un point de vue économique, on voyait d’ailleurs assez mal de nouvelles entreprises lourdes s’y installer sans bénéficier d’accès pour leur charroi. Ce n’est pas un hasard si ce lieu est resté en friche pendant si longtemps… ». Après un recours auprès du Conseil d’État en my back yards, pas dans mon jardin). Autrement dit, le logement social, c’est bien, mais loin de chez moi. Du coup, le partenariat avec Citydev qui propose, lui, du logement acquisitif moyen et non du social locatif ouvre bien des portes et atténue les craintes tant des communes que des riverains. Qui plus est, le brassage des publics permet de créer la mixité plutôt que des ghettos. Ce que souligne la ministre du Logement, Céline Fremault (CDH). « L’objectif est de favoriser l’émergence de développement de projets de logements publics mixtes (à la fois sociaux/moyens et locatifs/acquisitifs), et ce conformément à la déclaration de politique générale. Ce projet, dont je me réjouis, y répond particulièrement ». Concrètement, le projet Compas comporte donc 129 logements dont 68 labellisés Citydev : 12 appartements 1 chambre, 29 de 2 chambres et 27 de 3 chambres. Grâce au subside régional, les acquéreurs devraient débourser autour de 1.350 euros le m2. Avec une condition : ne pas revendre dans les 20 ans à venir. Des logements moyens donc qui comprendront caves et parking, ce qui n’est pas le cas pour ceux de la SLRB, le reste étant de qualité similaire. « Sans emplacement de parking, on ne pourrait pas trouver de candidat acheteur », argue Benjamin Cadranel. s rs d e s ie R. égis M Citydev et la Société régionale du logement s’associent pour redonner vie à une friche industrielle de la rue du Compas. À la clé, un leitmotiv nommé mixité. LE SOIR - 24.12.15 129 appartements et une crèche vont pousser dans le quartier Heyvaert Ru URBANISME Quant à l’absence de cave pour les logements sociaux. « Certaines Sisp (société immobilière de service public) ont rencontré des problèmes de gestion de ces espaces par le passé ». De son côté, la SLRB mettra à la location 61 logements : 16 d’une chambre, 28 de 2 et 17 de 3. L’îlot comprendra en outre deux voiries, un espace public arboré mais aussi une crèche de 24 lits. Les travaux devraient démarrer fin 2016 pour aboutir fin 2018. ■ PATRICE LEPRINCE Emir Kir : « On a fermé les yeux sur les départs en Syrie » SAINT-JOSSE Le mayeur souligne que très peu de combattants partis en Syrie émargent de la communauté turque ENTRETIEN aint-Josse (28.000 habitants) est la commune la plus pauvre du Royaume : le revenu moyen y est deux fois moins élevé que la moyenne nationale. C’est la plus petite commune de la Région bruxelloise, la plus dense, la plus jeune et la plus allochtone aussi : les Belges de souche y sont minoritaires. Les communautés turque et marocaine y sont les plus représentées, pesant chacune 20% de la population. Emir Kir y est bourgmestre depuis 2012. Le premier maïeur d’origine turque de la partie francophone du pays touche du bois : quatre personnes suspectées ou présumées de radicalisme étaient pointées dans sa commune en début de législature. Aujourd’hui, il n’y a plus personne. S Comment expliquez-vous que, contrairement à Molenbeek par exemple, dont la bourgmestre dispose d’une liste de 85 noms d’individus présumés ou suspectés de représenter une menace terroriste, votre commune semble jusqu’ici épargnée par le phénomène ? Saint-Josse présente la même configuration sociologique que nombre d’autres communes bruxelloises. Mais la diversité de l’immigration, à SaintJosse, est importante. De très nombreuses nationalités cohabitent ici. Ensuite, l’importante communauté turque ne connaît pas ce lien qui relie la communauté maghrébine avec la Syrie, un pays où Daesch est très présent : ce sont des cousins du monde arabe. Seconde différence avec les musulmans originaires du Maghreb : les turcs ou les belgo-turcs s’inscrivent dans une tradition laïque, ont un immense respect pour l’Etat et séparent la sphère publique de la sphère religieuse qui, chez eux, relève Pour le bourgmestre Emir Kir, la N-VA, veut étouffer Bruxelles. © PIERREYVES THIENPONT. de la vie privée. Enfin, il existe une plus grande structuration du mouvement religieux du côté turc. Voilà pourquoi très peu de combattants partis en Syrie ou revenus de ses champs de bataille émargent de la communauté turque. a eu ici une volonté commune de travailler sur la citoyenneté, sur une meilleure intégration. En avril prochain, il y aura une journée « portes ouvertes » des mosquées. Objectif : provoquer le dialogue entre toutes les parties. Celle-ci partage pourtant avec la communauté marocaine la même croyance en l’Islam… Ma commune compte six mosquées : trois turques et trois marocaines. Après les attentats contre « Charlie-Hebdo », il y Si la communauté turque est, comme vous le dites, plus imperméable aux tentations de Daesh que d’autres communautés musulmanes, la Turquie est tout de même impliquée dans le trafic de pétrole reven- du pas Daesh… Pourquoi stigmatiser la Turquie ? Et pas ceux qui, en Chine ou aux Etats-Unis, contribuent aux massacres en vendant les armes ? Qui achète et qui vend le pétrole à Daesh ? C’est une nébuleuse que les médias doivent éclaircir. Il y a une faillite collective dans ce dossier syrien et globalement dans l’ensemble du Proche Orient. C’est une question internationale. Un grand (pseudo) Etat (pseudo) islamique au territoire plus étendu que la France, aux moyens financiers considérables, disposant d’armes et de matériel militaire sophistiqués, déclare la guerre à nos démocraties, Ils ont revendiqué les attentats de Paris, affirmant qu’ils agissaient en représailles des interventions occidentales en Syrie. La position adoptée par les pays concernés est tout sauf claire. On a fermé les yeux en Belgique sur les départs en Syrie. De manière indirecte, on a poussé certains à combattre le régime de Bachar. Il faudrait faire preuve de dignité dans ce dossier : sur 24 millions de Syriens, 13 millions ont quitté le pays pour échapper à mort. Il y a non- assistance à peuple en danger. Que fait-on pour mettre fin aux massacres? Je plaide à titre personnel en faveur de la recherche d’un accord par la voie diplomatique et sous l’égide des Nations Unies. Il ne sert à rien d’intervenir militairement en ordre dispersé. On a fait rêver les gens avec les printemps arabes. Et on leur livre le chaos aujourd’hui. Ils puisent dans ce désastre une forme de révolte, d’indignation et de colère. Bruxelles et Molenbeek ont été ciblés pour ne pas avoir pris les mesures adéquates contre le radicalisme. Vous partagez ces critiques ? Tous ceux qui affirment que la lutte contre le terrorisme et le radicalisme est l’affaire de Molenbeek ou de la Région bruxelloise sont des idiots. Jan Jambon joue la comédie. Il va nettoyer Molenbeek ? Que fait-il ? Où sont les moyens pour la police de proximité, pour la police fédérale, pour la prévention ? On ne l’entend que pour dire du mal de Bruxelles et stigmatiser Molenbeek, « la base arrière des djihadistes ». Il y a des gens qui vivent dans cette commune. Elle ne se réduit pas à une poignée d’ordures. Il y a une volonté au Nord du pays, et en particulier dans le chef de la N-VA, d’étouffer Bruxelles et d’en renvoyer une image négative. Le gouvernement a pourtant élaboré une série de mesures contre le terrorisme… Très peu sont mises en œuvre. Et, surtout, on attend les moyens financiers. Il a dégagé 400 millions sans les affecter, sans préciser ses intentions. Acheter des boucliers qui manquent ? Des gilets pareballes que l’on doit aujourd’hui emprunter à l’étranger ? Des véhicules qui ont dépassé les 300.000 kilomètres au compteur ? Ce gouvernement n’anticipe pas. Pire. Il a réduit les moyens des politiques de proximité, supprimé la politique des grandes villes, sabré dans les effectifs des gardiens de la paix. Aujourd’hui, face à la menace terroriste, le gouvernement ne prend pas ses responsabilités. Les communes bruxelloises attendent toujours la réserve de policiers fédéraux nécessaire en cas de situation grave. Il faut un plan Marshall de la sécurité et la prévention. Votre commune a refusé de créer, à l’instar de nombreuses communes bruxelloises, une cellule locale de sécurité intégrale, pour optimiser l’échange d’informations en matière de prévention du terrorisme. Pourquoi ? Nous travaillons en permanence sur le radicalisme et les moyens de le prévenir. Nous avons réformé notre politique de prévention, en la décentralisant, en agissant dans tous les quartiers de la commune, avec des centres sociaux de prévention et une présence continue sur le terrain. Et des permanences sociales pour les gens en décrochage. Notre objectif, c’est la lutte contre la racine du mal : l’exclusion sociale. Pas question de créer une cellule spéciale contre le terrorisme. Nous sommes avec nos travailleurs sociaux contactables à tout moment. J’organise des rencontres citoyennes chaque semaine avec les habitants. Les défis socio-économiques de Saint-Josse sont considérables. Le travail de cohésion sociale est prioritaire. Nous multiplions les initiatives qui améliorent le cadre de vie : rénovation des grands espaces publics, installation de terrasses, majoration des primes à la rénovation de logements, multiplication des corbeilles de fleurs, doublement des largeurs des trottoirs à Madou et d’autres places, augmentation du nombre de balayeurs : Saint-Josse est une des communes les plus propres du centre-ville. Un cadre de vie agréable est indissociable de la cohésion sociale. ■ Propos recueillis par DIRK VANOVERBEKE sur lesoir.be Le reportage à Saint-Josse 20