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Droit du commerce international et douanier Avril 2007 Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Le cycle de Doha de l’OMC – Peut-on mettre fin à l’impasse? Malgré des signes modestes de progrès ces dernières semaines, le cycle de Doha de l’OMC est en grande difficulté. Les dirigeants politiques du monde entier, y compris ceux du Canada, se sont engagés à conclure un accord ambitieux. Après plus de cinq ans de négociations, le fossé à combler reste toutefois énorme, sans solution en vue. Les prochains mois verront la réussite ou l’échec de Doha. D’où viennent ces difficultés? Quel est l’enjeu de l’échec ou de la réussite des négociations? Que se passera-t-il dans les semaines ou les mois à venir? Le point sur le cycle de Doha Vancouver Calgary Toronto Ottawa Montréal Québec City New York Londres Johannesburg Les difficultés du cycle de Doha datent de son lancement même, en novembre 2001 – ce qui devait être la neuvième ronde de négociations pour la libéralisation du commerce depuis la création du système d’échanges internationaux en 1947. L’un des premiers objectifs du Programme de Doha pour le développement est de répondre aux besoins des pays en développement en favorisant le développement économique et en soulageant la pauvreté. Le lancement du cycle de Doha visait également à rétablir la confiance dans l’économie internationale, fortement ébranlée à la suite des attentats du 11 septembre. Charlene Barshefsky, ancienne représentante au commerce des ÉtatsUnis, ne cache pas son opinion sur Doha : ce cycle aurait été lancé sous « des prétextes essentiellement faux », a-t-elle récemment déclaré. Elle prétend que, n’eût été du désir de se montrer solidaire avec les États-Unis et de soutenir l’économie mondiale après le 11 septembre, le cycle « n’aurait presque certainement pas vu le jour ». Malgré l’intention louable des dirigeants des pays riches de le consacrer au développement, ajoute-t-elle, « leur capacité de remplir leurs engagements a toujours été, sous des rapports importants, absente – ce qui était clair dès le départ, au-delà des discours » 1 . Comme celui d’Uruguay, qui l’a précédé de 1986 à 1994, le cycle de Doha est ambitieux et dépasse largement les questions de commerce agricole qui ont établi sa notoriété. Les principaux enjeux des négociations sont les suivants : • 1 www.fasken.com Tout un éventail de questions de mise en œuvre et touchant au traitement spécial et différencié, importantes pour les pays en développement, qui découlent du cycle d’Uruguay et de la nécessité de renforcer et de préciser International Herald Tribune, 31 janvier 2007 Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Droit du commerce international et douanier les droits particuliers accordés à ces pays. • • • La réforme de la réglementation des trois piliers de l’agriculture : l’accès aux marchés, les subventions aux exportations et le soutien interne. L’ouverture des marchés pour les secteurs des services, comme la banque, l’assurance et le transport, particulièrement dans les pays en développement. commerce au plan multilatéral ...et verrouiller la réforme à une échelle sans précédent » 3 . Grand exportateur, le Canada est encore plus concerné que la plupart des autres pays par l’issue des négociations de Doha. Au-delà de l’incidence du cycle sur le commerce agricole, les grands domaines d’importance stratégique pour le Canada sont notamment : • Les services financiers : Le Canada cherche à obtenir la hausse des plafonds de participation et la réduction des restrictions aux permis dans la banque et l’assurance, notamment dans des pays avancés comme la Chine. • Les autres services : Le Canada demande un meilleur accès aux marchés et des garanties de traitement équitable dans divers autres secteurs des services actuellement à l’abri des disciplines de l’OMC dans la plupart des pays, tels, entre autres, la construction et l’ingénierie, la recherche et le développement, les transports et les services concernant l’environnement. • L’automobile : Les droits élevés exigés dans les marchés asiatiques à croissance rapide restent une source d’irritation pour le secteur automobile canadien (ce qui a amené le Canada à poursuivre la Chine devant l’OMC de concert avec les États-Unis et l’Union européenne); • Les télécommunications : L’obligation faite aux sociétés offrant des services de télécommunications au Canada d’être sous propriété canadienne est un problème de longue date, bien que le gouvernement fédéral ait indiqué récemment qu’il serait prêt à accepter de plus grands investissements étrangers. Par ailleurs, les sociétés canadiennes devraient bénéficier de l’assouplissement des restrictions La réduction des droits de douane et d’autres mesures touchant les produits industriels, surtout, encore, dans les pays en développement. Entre autres éléments délicats du programme de Doha, citons les droits en matière de propriété intellectuelle, les règles antidumping et sur les subventions, le système de règlement des différends de l’OMC et les questions liées au commerce et à l’environnement. La plupart des questions de Doha font partie de ce que l’on appelle « l’engagement unique », soit le principe selon lequel l’accord final doit être global. Le commerce agricole est le principal obstacle, bien qu’il ne faille pas sous-estimer d’autres aspects tels que les nouvelles disciplines dans le domaine en explosion du commerce des services. On estime, en effet, que les services représentent actuellement 60 % de la production et de l’emploi dans le monde, mais seulement 20 % des échanges internationaux 2 . Le volume des échanges de produits et de services touché par les négociations est véritablement impressionnant, ce qui a amené le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, à décrire le cycle de Doha comme « la tentative la plus ambitieuse que les gouvernements aient faite pour libéraliser le 2 Site Web de l’OMC/AGCS (en anglais seul.) 2 3 Discours de Pascal Lamy, 11 octobre 2006 Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Droit du commerce international et douanier 3 imposées aux investissements étrangers dans le secteur par les pays en développement avancés. produits manufacturés dans les pays en développement avancés tels que le Brésil et l’Inde 4 . Malgré ses visées ambitieuses, le cycle de Doha a connu, dès le départ, de grandes difficultés. Suite à l’échec de la réunion de Cancun en 2003, les ministres du commerce des pays membres se sont réunis de nouveau à Hong Kong fin 2005 pour tenter de relancer les négociations. Ils se sont alors entendus sur des engagements relativement modestes, notamment celui d’éliminer les subventions aux exportations d’ici 2013, tout en reportant cependant le règlement de toutes les questions plus épineuses. Les négociations ont officiellement repris en février dernier, à la suite de réunions tenues dans le cadre du Forum économique mondial de Davos. Les progrès restent toutefois modestes, malgré une série de réunions entre hauts et moyens fonctionnaires. Peu à peu, certaines questions qui faisaient partie de la Déclaration initiale de Doha ont été abandonnées, tandis que d’autres étaient confiées à des comités de l’OMC. Au nombre de ces abandons rapides, citons les questions dites de Singapour (ainsi appelées parce qu’elles sont à l’ordre du jour depuis une réunion ministérielle tenue à Singapour en 1996) : • l'élargissement des disciplines en matière de réglementation des investissements étrangers; • les principes touchant le droit de la concurrence, notamment les cartels d’exportation; • une plus grande transparence dans la passation des marchés publics. En juillet 2006, à la suite de l’échec des principaux participants d’en arriver à un compromis sur les questions les plus importantes, Lamy a suspendu les négociations pour éviter qu’elles ne dégénèrent, tout en précisant les trois conditions clés qui permettraient de résoudre l’impasse : l’engagement des États-Unis à réduire davantage le soutien interne accordé aux agriculteurs, un plus grand accès aux marchés agricoles américains et la réduction des droits de douane frappant les importations de Les négociations sont d’autant plus urgentes que la loi habilitant une procédure accélérée aux États-Unis (le Trade Promotion Authority (TPA) Act) devient caduque en juillet. Cette loi permet au Congrès d’approuver ou de rejeter un traité commercial international, mais non de le modifier ou d’en retarder la ratification et la mise en œuvre. La prorogation de cette loi fait face à de nombreux obstacles et, sans elle, tout accord de Doha sera probablement reporté de plusieurs mois, voire plusieurs années. Sans parler de la position affaiblie du président Bush devant un Congrès dominé par les Démocrates, le déficit commercial record du pays et les inquiétudes soulevées par la protection des droits des travailleurs viennent compliquer le débat. Cette prorogation est également étroitement liée à une nouvelle loi agricole (Farm Bill), actuellement à l’étude au Congrès. Une percée dans les négociations de Doha serait probablement vue comme la meilleure raison de proroger le TPA. Les défis Les défis qui empêchent la conclusion d’une entente sont, dans une grande mesure, de nature politique, comme le montre la situation aux États-Unis. De tous les grands intervenants, c’est ce pays qui a été la cible des critiques les plus virulentes pour son refus de mettre de l’eau dans son vin. L’Union européenne est toutefois elle-même déchirée par la 4 U.S. Government Accountability Office, Congress Faces Key Decisions as Efforts to Reach Doha Agreement Intensify, Mars 2007, p. 9 Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Droit du commerce international et douanier perspective d’avoir à ouvrir ses marchés agricoles aux importations, comme l’indiquent des remarques récentes du président sortant Jacques Chirac 5 . Le contexte des négociations a passablement changé depuis les cycles précédents. Jusqu’ici, c’étaient les Américains et les Européens qui dominaient les négociations commerciales internationales et qui en dictaient les termes. À preuve l’accord de Blair House, conclu en 1992 entre les États-Unis et l’Union européenne, sur lequel se sont appuyées les diverses ententes du cycle d’Uruguay. Cette stratégie – et les acrobaties diplomatiques qu’elle entraîne – est plus difficile à suivre dans un cycle qui se veut celui du développement. Nous assistons donc à des négociations beaucoup plus complexes et à une montée du rôle des principaux pays en développement, plus particulièrement le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. En outre, les pays en développement eux-mêmes ont des intérêts très différents et parfois contradictoires. Certains, tels le Brésil en agriculture et la Chine dans les produits manufacturés, ont grand intérêt à obtenir un meilleur accès aux marchés des pays développés et en développement. D’autres, tels les pays de la CARICOM, prennent des positions essentiellement défensives visant à protéger leurs marchés des importations. L’Inde, quant à elle, est ambivalente : puissance industrielle ascendante, elle est obligée de protéger ses quelque 650 millions de petits agriculteurs de la concurrence des importations. Ajoutons à cela le malaise croissant que la globalisation suscite dans la société. Cette tendance met de plus en plus l’OMC et ses partisans sur la défensive, tout particulièrement à l’égard des rapports entre le commerce, d’une part, et le développement et l’environnement, d’autre part. 5 The Guardian, 5 mars 2007, Chirac Rails at Mandelson’s Trade Strategy 4 Dans le cadre du prédécesseur de l’OMC, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (connu sous son acronyme anglais, GATT), le commerce international s’est considérablement libéralisé, mais généralement loin des yeux du public. Le processus de règlement des différends commerciaux du GATT privilégiait la consultation et le compromis plutôt que la décision. Depuis la création de l’OMC en 1995, un système de règlement des différends plus autoritaire et légaliste s’est accompagné de disciplines plus contraignantes dans un certain nombre de domaines. Cela a suffi pour que l’on accuse les instances juridictionnelles de l’OMC d’activisme judiciaire, d’invention et d’interprétation débridée des textes souvent ambigus rédigés par les diplomates et les négociateurs commerciaux. La nature plus légaliste du système empêche par ailleurs les négociateurs d’avoir recours à l’implicite pour parvenir à un rapprochement. L’OMC ne sait pas, en tant qu’institution, réagir aux situations où les décisions juridictionnelles semblent aller trop loin, ni s’adapter aux nouvelles tendances mondiales. Comme le fait remarquer l’économiste Sylvie Ostry, l’OMC souffre d’un déséquilibre grave entre ses pouvoirs législatif et exécutif extrêmement faibles et son système de règlement des différends judiciarisé extrêmement fort 6 . Soulignons que, avec l’exigence d’une plus grande transparence, l’OMC est scrutée de beaucoup plus près que le GATT ne l’a jamais été. Est-il alors étonnant que la diplomatie cède souvent le pas aux effets de galerie ? Certains craignent que l’OMC ne finisse par ressembler aux Nations Unies et par être plus portée sur les discours que sur l’action concrète. Chose surprenante, la mondialisation même vient compliquer les choses pour l’OMC. Les changements causés par la technologie, les 6 Mars 2002, Doha and After, communication donnée à la conférence « From Doha to Kananaskis », p. 2 Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Droit du commerce international et douanier mouvements de capitaux et l’émergence d’économies comme la Chine battent l’OMC de vitesse. Comme le montre le cycle de Doha, l’OMC commence à perdre son emprise sur les échanges commerciaux internationaux. Perspectives d’avenir Malgré tous ces défis, Doha est loin de l’échec. Le cycle d’Uruguay a connu son lot d’impasses et de reports. Le cycle actuel n’est donc pas un cas de figure. Nonobstant les différences, des progrès considérables ont été réalisés sur les modalités de la poursuite des négociations. Les médias n’ont pas bien su rendre compte de la convergence qui se dessine sur de nombreux points. Une entente est encore à portée de la main, surtout si les intervenants importants bougent sur les trois conditions clés. L’étendue de l’entente possible est une toute autre question. Il devient de moins en moins probable que l’accord final sera aussi global que le laissait espérer la déclaration de 2001. Même en supposant qu’ils finissent par s’entendre, les ministres du commerce reporteront probablement un certain nombre de questions à des rondes futures. Le domaine complexe du commerce des services est le plus susceptible de donner lieu à une entente limitée à certains secteurs (les télécommunications et les services financiers, notamment). Des groupes de pression, tels la Coalition of Service Industries, des États-Unis, et le European Services Forum, ont ainsi été poussés à insister pour que l’on ne dilue pas les objectifs des négociations dans le secteur tertiaire 7 . Ces négociations s’intensifieront en mai et en juin, à l’approche de la disparition du TPA. L’UE a ses propres raisons de forcer une percée tant que la présidence tournante est encore occupée par le chancelier allemand, Andrea Merkel (dont le mandat se termine à la fin juin). Les pays en développement 7 Inside US Trade, 21 février 2007 5 tels que l’Inde subiront des pressions énormes visant à les faire bouger sur les questions des services et des droits frappant les produits industriels en échange d’une réduction des subventions agricoles et d’un meilleur accès aux marchés agricoles pour les pays développés. Même s’il y a percée, il faudra bien du temps pour peaufiner une entente définitive. Pascal Lamy faisait preuve d’optimisme lorsqu’il déclarait récemment qu’un nouvel accord commercial pourrait être conclu d’ici le début de 2008 si les obstacles étaient levés dans le premier semestre de 2007. L’OMC restera une organisation internationale de premier plan, même en cas d’échec de Doha. Elle pâtira toutefois d’une crise de confiance sans précédent, qui touchera aussi le système multilatéral qu’elle encadre. De plus en plus de pays intenteront des litiges commerciaux et les perdants seront plus enclins à résister aux décisions défavorables. L’impossibilité de s’entendre dans le cadre de Doha accélérera également la tendance croissante à conclure des accords commerciaux régionaux. Rappelons, à titre d’exemple, que l’OMC faisait état de 130 de ces accords en 1995 alors qu’il y en avait quelque 300 en vigueur ou en négociation fin 2003. À cet égard, le Canada rattrape le temps perdu : il a annoncé récemment son intention de négocier un accord de promotion et de protection de l’investissement étranger (APPIE) avec l’Inde et parle ouvertement d’une solution de rechange – négocier un accord de libre-échange – dépendant de l’issue du cycle de Doha. On présente également la création d’une zone commerciale composée de 21 économies de la région Asie-Pacifique comme un pis-aller en cas d’échec des négociations de l’OMC. La prolifération des accords régionaux a une incidence profonde sur la structure et l’intégrité de l’OMC et du système commercial international. Elle se traduit par une multiplication des règles, des Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Droit du commerce international et douanier informations à fournir et des impondérables. L’intégration de ces accords dans une structure globale encadrée par l’OMC s’avère de plus en plus difficile et augmente le risque de conflits. Cette prolifération crée un réseau complexe de règles commerciales préférentielles qui affaiblissent le principe de la non-discrimination qui est au cœur des règles de l’OMC. En résumé, les prochains mois seront cruciaux pour l’avenir du multilatéralisme dans le commerce international. Pour de plus amples renseignements sur le présent article, veuillez communiquer avec l’une des personnes suivantes : David K. Wilson 613.236.3882 [email protected] Anne M. Tardif 613.236.3882 [email protected] 6 Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Droit du commerce international et douanier 7 Ce bulletin se veut un outil d’information à l’intention de nos clients sur les récents développements en droit des valeurs mobilières. Les déclarations présentées ne constituent pas des avis juridiques; aucun lecteur ne devrait agir sur le fondement de ces déclarations sans avoir consulté auparavant un avocat qui saura analyser sa situation particulière et lui fournir des conseils appropriés. Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. est une société à responsabilité limitée et comprend des sociétés juridiques professionnelles Ce bulletin se veut un outil d’information à l’intention de nos clients sur les récents développements en droit des valeurs mobilières. Les déclarations présentées ne constituent pas des avis juridiques; aucun lecteur ne devrait agir sur le fondement de ces déclarations sans avoir consulté auparavant un avocat qui saura analyser sa situation particulière et lui fournir des conseils appropriés. Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. est une société à responsabilité limitée et comprend des sociétés juridiques professionnell© 2007 Fasken Martineau DuMoulin LLP Vancouver Calgary Toronto Ottawa Montréal Québec City 604 631 3131 [email protected] 403 261 5350 [email protected] 416 366 8381 [email protected] 613 236.3882 [email protected] 514 397 7400 [email protected] 418 640 2000 [email protected] Londres Johannesburg New York 44 20 7917 8500 [email protected] 27 11 685 0800 [email protected] 212 935 3203 [email protected]