La profession doit tenir compte des nouvelles attentes

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La profession doit tenir compte des nouvelles attentes
Dossier | Quand le vin innove
La profession
doit tenir compte
des nouvelles attentes
Depuis quelques années, de nouveaux types de vin ont été commercialisés par les viticulteurs.
Ces nouvelles gammes de vins légers en alcool, des vins aromatisés, naturels ont pour vocation d’attirer
de nouveaux consommateurs, d’initier la jeune génération, les 20-40 ans, aux subtilités du vin.
Les vins bio ou naturels ont la cote. Des régions remettent d’anciens cépages au
goût du jour, d’autres se tournent à nouveau vers la vigne. De nouveaux packaging
arrivent sur les marchés. Des bouchons toujours plus « techniques », etc…
L’Innovation est le nerf de la gare, dans un secteur qui possède malgré tout
une image très traditionnelle. Petit tour d’horizon et témoignages.
Dossier réalisé avec la participation de Juliette Coste, Thierry Joly, Audrey Monségu et Claire Nioncel.
«
E
n préambule, je tiens à souligner
que les nouvelles tendances ne
se décrètent pas, mais qu’elles
sont directement liées aux attentes des
consommateurs. La filière viticole est très
diversifiée, avec une diversité de produits liée à la diversité des bassins de
production, et chacun de ces bassins de
production est attentif à répondre à ces
attentes.
On observe aujourd’hui plusieurs tendances dans la demande, comme celle
de vins plus légers, plus fruités et plus
“marketés”, via le développement du
procédé de désalcoolisation des vins qui
permet d’obtenir des produits à moindre
teneur en alcool mais cependant toujours
fruités. Un second élément est ce qui a trait
à la dynamique sur le vin rosé. Avec le
débat qui a eu lieu avec la Commission
européenne, et le combat gagné de respecter ce produit, la nouvelle tendance
observée est la consommation du vin rosé
tout au long de l’année, avec une demande
d’approvisionnement significative.
A côté de cela il y a des modes, tels que le
développement de vins aromatisés comme
le rosé pamplemousse. Il y a les consommateurs traditionnels de vin en tant que
fleuron de notre pays, qui recherchent des
millésimes et des appellations spécifiques,
et les consommateurs qui recherchent
d’autres types de produits, qui se développent et pour lesquels on ne peut pas
passer à côté. Ces effets de mode, il faut
aussi les aborder sous un angle économique : les vignes plantées aujourd’hui
produiront pendant les vingt prochaines
années. On peut aller sur les tendances, et
il est primordial pour la filière d’être réactive, mais avec la contrainte que la vigne
est une culture pérenne.
Ensuite il y a d’autres éléments en termes
de tendances, notamment sur le marketing, avec par exemple le développement
de la consommation de vin au verre, ou
bien du “doggy bag” pour ramener la bouteille de vin entamée au restaurant chez
soi. Au-delà du marketing, ces nouvelles
tendances relèvent d’une consommation
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responsable de vin, en accord avec les
attentes sociétales.
La filière vitivinicole doit prendre en
compte ces nouvelles attentes, et elle le fait
déjà, pour répondre à la diversité de ces
nouvelles tendances de consommation. » Q
Jérôme Despey,
président du Conseil
spécialisé vin de FranceAgriMer
Quand le vin innove | Dossier
Q InterLoire
Casser l’image traditionnelle
L’interprofession des vins du Val de Loire, a lancé début septembre sa nouvelle campagne de communication qui donne la
parole à chacune de ses cinquante appellations sous le slogan collectif « tous les vins sont dans sa nature ». Et chaque appellation décline sa propre identité !
L
a nouveauté de la campagne InterLoire
réside dans le champ d’expression
réservé à chacune des AOC. Chacune
d’entre elle a peaufiné son propre slogan,
au plus près de son identité et des promesses faites au consommateur. Ainsi, les
codes traditionnels et conservateurs de la
communication dans le monde du vin sont
cassés. C’est dans ce sens qu’a travaillé
l’agence de com’ Les gros mots. Cinquante
slogans déclinés comme « Son charme se
révèle quand ses larmes commencent à
couler », « Sa robe brillante s’invite à tous les
mariages », « Il est rond, un peu enveloppé
mais quel beau corps »...
Tous les vins
sont dans sa nature
Autour de cette signature fédératrice, l’objectif est bien de mettre en avant la diversité
des appellations des vins de Loire. « Pour la
valoriser, nous sommes partis sur une communication quasi pop’ qui joue la couleur et
la jubilation mais également la pédagogie »,
expliquent les protagonistes.
Le film de la nouvelle campagne a été publié
sur la page Facebook de l’interprofession
https://www.facebook.com/VinsdeLoire.
Un film convivial et très simple, qui place
l’humain au centre de la communication
puisque des vignerons et des négociants
se succèdent à l’image jusqu’à se retrou-
ver tous ensemble devant le Château de
Saumur. Q
INTERLOIRE
InterLoire rassemble 4 000 viticulteurs, 15 coopératives, 60 maisons de négoce réparties
dans les pays nantais, angevin, saumurois, tourangeau. Le troisième vignoble français en
appellations produit une récolte de deux millions d’hectolitres et commercialise 270 millions de bouteilles par an.
L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013 | 11
Dossier | Quand le vin innove
Q Bernard Farges, Président de la CNAOC (Confédération Nationale
des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d’Origine Contrôlées)
Il faut éduquer les jeunes au vin
Viticulteur dans le Bordelais, Bernard Farges fait le point sur les vins d’Appellations d’Origine Protégées. Il rappelle que ce
concept est aujourd’hui repris dans plusieurs pays dont les Etats-Unis, et qu’il est un vrai atout pour l’UE.
D.R.
lisation des négociants et des viticulteurs.
Une attention plus forte est portée à l’élevage et la qualité s’est améliorée.
Autre point positif, le fait que les AOP bénéficient désormais d’aides de l’UE a permis
des investissements sur l’outil de production, la commercialisation et de créer une
dynamique sur l’Asie et l’Europe du Nord.
L’Information Agricole – Quelle est la
situation au sein des AOP ?
Bernard Farges Q La situation globale est
satisfaisante. L’accroissement des volumes
exportés, la réduction des rendements et
de petites récoltes font qu’il n’y a pratiquement plus de stocks. Le marché est donc
plus sain, plus cohérent, et il y a moins
d’anarchie sur les prix.
Par ailleurs, le changement des procédures de contrôle initié en 2008 est désormais digéré par la filière et porte ses fruits.
Désormais susceptibles de toucher tout le
monde, les contrôles sont plus pertinents,
plus proches de la commercialisation qu’auparavant et ont engendré une responsabi-
I. A. – Où en est le bio ?
B. F. Q Le bio a connu une forte progression en volume et en nombre de vignobles
en conversion mais 2012 et 2013 ont été
pour les producteurs des années difficiles
en terme de maîtrise des maladies et on a
vu des producteurs faire machine arrière.
Par ailleurs, on a constaté dans certaines
régions un tassement de l’écart de prix
entre le bio et le non-bio. Je pense donc
que nous sommes à un palier mais cela
peut repartir car le bio est un produit marketing fort, une vraie réussite. Mais le marché doit mûrir.
I. A. – Comment se traduit pour les AOP
le succès des vins rosés, effervescents,
naturels et aromatisés ?
B. F. Q Le succès des rosés et des crémants
est dû à l’évolution qualitative de ces produits et cela permet de toucher de nouveaux consommateurs. Pour le rosé c’est
un marché très français, très marqué par
les jeunes et les femmes, et si la Provence
est leader il y a de beaux challengers avec
le Val-de-Loire, Bordeaux et la vallée du
Rhône. Quant aux crémants, du fait de leur
progression, ils font désormais clairement
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partie de l’offre de régions comme l’Alsace
et la Bourgogne.
En ce qui concerne les vins naturels, cela
ne représente pas grand-chose pour nous,
mais c’est un outil de communication intéressant pour ceux qui en font car c’est le
moyen de raconter une histoire.
Les vins aromatisés, enfin, ne nous concernent
guère car ils sont pour la quasi-totalité produits avec des vins qui ne sont pas des AOP.
I. A. – Quels sont à votre avis les enjeux
des années à venir ?
B. F. Q Jusqu’en 2008, il semblait que la seule
dynamique de développement serait sur les
vins de cépages et les marques. Mais on
voit aujourd’hui que cela peut aussi se faire
par les indications géographiques comme
les AOP et ce concept, d’ailleurs repris dans
plusieurs pays dont les Etats-Unis, est un
vrai atout pour l’UE. Nous attendons donc
des institutions européennes qu’elles le protègent et le défendent lors des négociations
commerciales. En France, il faut que les
gouvernements en place et à venir réalisent
que les postures et les positions émanant
souvent du ministère de la Santé nuisent
à notre filière qui est le 2e poste exportateur de notre pays et emploie 500 000 personnes. Nous sommes d’accord avec la lutte
contre l’alcoolisme mais dire que le vin est
nocif dès le 1er verre est une aberration.
Nous demandons aussi au gouvernement
d’être attentif aux évolutions ayant trait à la
fiscalité et à la communication. Nous avons
besoin de communiquer et d’éduquer les
jeunes consommateurs au vin.
Quand le vin innove | Dossier
Q Bouteilles
Le packaging sort de ses gonds
D
eux tendances coexistent actuellement dans l’univers du packaging du vin, explique JeanClaude Goudrias, directeur des ventes de
Vidrala, fabricant de bouteilles en verre.
La première concerne le passage aux bouteilles allégées en verre par bon nombre
d’opérateurs. La seconde, c’est le recours
à des flacons élégants, originaux en verre
lourd. » Les producteurs y voient, en effet,
le moyen de différencier leurs gammes du
reste des offres. Laurent Mallet, directeur
des ventes monde chez Saver Glass renchérit : « La demande pour des modèles
en rupture croît, depuis quelques années. »
D’après lui, elle correspond au besoin de
se démarquer, tout en rehaussant la valeur
perçue du contenu. Elle répond en outre
aux attentes de marchés export en plein
essor, comme la Chine très sensible à l’esthétisme de l’habillage.
Achat d’impulsion
Les verriers adaptent leur collection en
conséquence. Saver Glass a ainsi créé des
formes cossues à partir des standards du
marché, la bordelaise, la bourguignonne
et la champenoise. Au salon de l’Emballage à Villepinte, en novembre dernier, il a
dévoilé quelques-uns de ces exemplaires :
Constance Superbia, une bordelaise
conique aux épaules charnues, et Maxima,
une bourgogne au col fin et allongé, Geisha
et Essencia Wine, deux créations proches
des flacons de parfum. Verallia (SaintGobain) s’illustre, également, dans ce
registre. Le fabricant a récemment lancé la
gamme « Rosés Irrésistibles » : 9 modèles à
l’architecture « décalée », en 75 cl en teinte
extra-blanc. « C’est une couleur qui supporte
très bien l’originalité », assure Emilie Paillard
Brunet, chef de marché vins de l’entreprise.
Elodie Dieudonné du Domaine de Cantarelle en AOC Coteaux Varois a adopté le
modèle Naerobi du verrier, une bouteille
ornée sur le bas de sept anneaux de verre,
pour y présenter son rosé Osé d’Elodie.
« Nous l’avons testé au caveau, explique
la jeune femme. Nous avons reconstitué le
rayon d’un supermarché avec différentes
bouteilles de rosés dont la nôtre. Elle a remporté l’adhésion de nos clients, car elle attire
le regard. » Les femmes en particulier l’ont
appréciée.
Car en plus de conférer à leurs hôtes un
positionnement huppé, ces bouteilles audacieuses favorisent « l’achat d’impulsion »,
remarque-t-on chez Verallia. En début
d’année, Gérard Bertrand, le propriétaire
du domaine de L’Hospitalet dans le Languedoc, a sorti Côte des Roses, une bouteille
dont le fond représente un bouquet de
roses. Renfermant un AOC Languedoc dans
les trois couleurs, elle est partie comme des
petits pains lors de la Saint-Valentin.
Sa genèse illustre une
autre tendance du secteur. C’est une étudiante
de l’école Boulle de Paris
qui l’a dessinée, dans le
cadre du 1er concours de
design packaging verre
organisé par Verallia.
Elle a remporté le premier prix décerné par
un jury de professionnels
dans lequel se trouvait
Gérard Bertrand. Séduit
par le projet, il a décidé
de l’éditer avec l’aide du
verrier. En Italie, le verrier
Bruni Glass coordonne
depuis plusieurs années
D.R.
«
des concours de ce
type. Il en ressort des
créations inédites, très
prisées de ces clients.
A Sancerre, la Maison
Joseph Mellot a mis
en compétition les
étudiants de l’école
supérieure des Arts
et des Techniques de
Paris pour la réalisation de la bouteille
de son 500e anniversaire. Le flacon primé
reproduit la carte
topographique
du
vignoble de Sancerre
sous forme de sérigraphie. L’entreprise en
a l’exclusivité. Encore un autre moyen de
se démarquer et de faire parler de son vin.
Les coupures de presse sur cette initiative
foisonnent sur son site Internet. Q
LES TENDANCES
DES ANNÉES À VENIR
Lors du salon Vinitech à Bordeaux, en
novembre dernier, Verallia, le second producteur de l’emballage en verre pour les
boissons, a fait découvrir les tendances
émergentes. Parmi elles, la sérigraphie
avec des encres thermosensibles dont le
décor change en fonction de la température. Il apparaît ou disparaît en fonction
de cette dernière. A suivre, également les
encres odorantes également basée sur la
sérigraphie avec des microcapsules de
parfum. Elles libèrent l’arôme du vin, par
exemple, dès lors qu’on les frotte. Tout aussi
innovant, l’effet Saticoat obtenu par pulvérisation d’émail sur la bouteille. Il devient
phosphorescent sous l’atténuation de la
lumière.
L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013 | 13
D.R.
Les bouteilles de vin s’émancipent des codes traditionnels. Un phénomène qui répond à la nécessité de se différencier, de
monter en gamme ou de favoriser l’achat d’impulsion. Les verriers vont jusqu’à créer des concours d’étudiants pour proposer des flacons exclusifs.
Dossier | Quand le vin innove
Q Clientèle jeune et urbaine
Le naturel a le vent en poupe
Présentés comme une alternative aux vins dits technologiques et meilleurs pour la santé, les vins naturels ont conquis
une clientèle urbaine et branchée. Très hétérogène au début, leur qualité s’est améliorée et ils devraient s’enraciner dans le
paysage viticole.
S’
il est une catégorie de vins qui est
actuellement en vogue, c’est bien
les vins naturels. C’est-à-dire des
vins issus de vignes cultivées en bio ou en
bio-dynamie, vinifiés avec des levures indigènes, peu ou pas filtrés et sans ou avec
peu de sulfites. Les pratiques varient toutefois d’un vigneron à l’autre car il n’existe
aucune réglementation en la matière, tout
au plus une charte rédigée par l’Association
des Vins Naturels. Il existe donc parfois de
grandes différences de qualité d’un producteur à l’autre et il est indéniable que certains tentent de valoriser de mauvais vins
sous couvert de cette philosophie.
Le vin naturel est de ce fait un sujet de
polémiques. Pour preuve, les propos sans
nuance du critique Michel Bettane qui, en
début d’année, jugeait dans une revue italienne « les rouges puent et les blancs sont
d’emblée plus ou moins oxydatifs ». Une
prise de position qui lui a valu une volée
de bois verts de la part des défenseurs de
ces vins, dont de nombreux blogeurs, car
leur renommée s’est en grande partie faite
via internet et les réseaux sociaux, courtcircuitant ainsi les prescripteurs traditionnels. D’où une clientèle majoritairement jeune, et citadine. « Lorsqu’on voit
le nombre de bars à vins spécialisés sur
ce créneau qui ouvrent et les nouveaux
consommateurs qui disent que c’est çà le
vin, il y a de quoi être inquiet », affirme
Jean-Louis Denois, vigneron près de
Limoux, lui-même adepte des méthodes
naturelles mais qui ne veut pas de cette
mention sur ses bouteilles. « De bons commencent à apparaître, mais je ne veux pas
être assimilé à ces vins car certains sont
D.R.
Sujet de polémique
Jean-Louis Denois est adepte des méthodes naturelles
troubles, ont une mauvaise odeur, des
goûts de lie ». Une position que partage
Benoît Braujou, du domaine Fons Sanatis
dans l’Hérault bien qu’il fasse lui aussi des
vins avec un minimum d’ajouts d’intrants.
« Dans les vins naturels, il y a un peu de
tout, du très bon et du mauvais. Il ne faut
pas faire n’importe quoi. Un vin doit être
propre, surtout quand il est vendu 20 €, et
il ne faut pas dire que c’est normal quand
il y a du gaz, une odeur de réduit ou beaucoup de dépôt ».
mateurs en quête de nouveaux goûts et
ceux qui rejettent certains aspects de la
certification bio comme l’autorisation des
traitements au cuivre dans les vignes. Par
ailleurs, ce n’est que depuis peu qu’elle
englobe la vinification et les normes retenues, jugées a minima par beaucoup, ne
sont pas de nature à reconquérir cette
clientèle. « Elle ne freine pas beaucoup sur
les sulfites, c’est dommage, il faut avancer sur leur limitation pour se mettre à
l’abri d’une éventuelle crise alimentaire »,
Il y a du très bon et du mauvais
Ces vins sont-ils un effet de mode et voués
à disparaître comme le pronostiquent certains ? C’est peu probable car des cavistes
traditionnels commencent à s’y intéresser,
notant un accroissement de leur qualité.
De plus, ils ont su séduire les consom-
14 | L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013
estime Jean-Louis Denois qui utilise des
levures connues pour stabiliser ses vins.
« Je suis pour le vin naturel, mais avec
technique et sécurité comme le préconise
Arnaud Immelé, pas pour le principe du
laisser-faire ». Q
Quand le vin innove | Dossier
Q Innovations
Un bouchon très technique
Les bouchonniers se livrent, actuellement, à une bataille sur le terrain de l’innovation technologique. Les trois leaders dans
leur domaine respectif ont présenté des nouveautés majeures en 2013.
D.R.
Amorim entend bien lui barrer la route.
« Notre solution conserve le pop à l’ouverture auquel le consommateur se dit très
attaché », indique Antonio Amorim, PDG
de l’entreprise éponyme. « De plus son coût
équivaut à celui d’un système de bouchage
comparable. » Elle est actuellement testée
par une douzaine de metteurs en marché.
D.R.
Nouvelle gamme
de joints
La capsule à vis s’était, toutefois, préparée à
riposter. En février dernier, Amcor Flexible,
le fabricant de la Stelvin, a lancé une gamme
de quatre nouveaux joints présentant des
niveaux différents de perméabilité à l’oxygène. « Jusqu’alors nous ne proposions
que deux joints aux vinificateurs, indique
Philippe Exertier, responsable commercial
distribution marché vins Europe. Notre
nouvelle gamme constitue une véritable
révolution, elle n’avait pas évolué depuis
les années 90. » Baptisée Stelvin Inside, elle
a été créée par les services R&D français du
groupe et a également nécessité quatre ans
de recherche. Elle permet de boucher des
vins à consommation rapide, 1 à 3 ans, et
des vins de garde 5 à 7 ans. Mieux, les joints
sont exempts de chlore, sécurité alimentaire
oblige. Ils ont fait l’objet d’essais concluants
au Château Margaux et chez Advini, le
négociant languedocien. « Nous sommes en
mesure de couvrir les différents segments
de vin du marché à l’instar du liège », ajoute
Philippe Exertier.
L’autre grande annonce provient du géant
mondial du bouchon synthétique, Nomacorc. Au mois d’avril, il a présenté sa dernière nouveauté, le premier bouchon plastique à empreinte carbone neutre. Après
deux ans de recherche le Select bio a vu
le jour à Liège en Belgique, où se trouve
l’équipe de chercheurs du groupe. Particularité, il est fabriqué à partir de polymères
de plantes dérivées de la canne à sucre,
contrairement à l’offre existante dont les
polymères proviennent du pétrole. Cette
matière première végétale entre à 60 %
dans sa composition, le reste provenant
du pétrole. Il reste malgré tout neutre pour
l’environnement. Une tonne de canne à
sucre capture 3 kg de CO2, lors de son cycle
de vie. La matière première arrive donc
avec un bilan carbone négatif dans l’usine
de fabrication, qui fonctionne avec des
énergies renouvelables. Avec ce bouchon,
Nomarcorc se montre aussi vertueux que le
liège pour l’environnement. Il reste en outre
abordable, 15 % de plus qu’un synthétique
classique entre 100 et 150 €/le mille. Q
L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013 | 15
D.R.
T
rois innovations majeures ont marqué
l’univers du bouchage en 2013. En juin
dernier à Vinexpo, Amorim et O-I, les
leaders mondiaux de leurs secteurs respectifs, le bouchon de liège et la bouteille de
verre, ont présenté leur concept révolutionnaire : Hélix. « La plus grande avancée dans
le domaine du packaging depuis le début
du siècle », s’enhardissent les deux protagonistes. De quoi s’agit-il ? D’un bouchon de
liège rainuré qui se twiste à l’intérieur du
col d’une bouteille dont le goulot est fileté.
Résultat, plus besoin de tire-bouchon pour
ôter l’obturateur de son orifice ! « Le bouchon interagit avec le pas de vis incrusté à
l’intérieur de la bouteille », explique Benoît
Villaret, directeur des ventes France chez
O-I. Les départements R&D des deux entreprises ont travaillé main dans la main pendant 4 ans pour parvenir à cette solution
qui leur a coûté la bagatelle d’environ 5 millions d’euros.
Elle s’adresse au marché des vins dits
« popular premium », vendus au consommateur entre 5 et 10 euros. Il représente
quelque 5 milliards de cols, dont une partie
utilise la capsule à vis, laquelle enregistre
une croissance exponentielle. Elle a gagné
quelques 500 millions de cols par an au
cours des cinq dernières années, pour boucher près de 4,5 milliards de bouteilles dans
le monde, à l’heure actuelle. Son ascension en fait une rivale dangereuse pour les
fabricants de bouchon de liège. Avec Hélix,
Dossier | Quand le vin innove
Q Sucess story
L’alliance vin-sirop fait mouche
En trois ans, les vins aromatisés se sont fait une place de choix sur les linéaires. Un nouveau débouché pour les vins de
cépages ou de pays mais pas forcément un moyen d’amener de nouveaux consommateurs au vin.
D.R.
L
a success story du moment dans l’univers viticole est celle des vins aromatisés. Inexistant avant 2011, ce marché
symbolisé par le rosé pamplemousse a vu
ses ventes bondir de 125 % entre mars 2012
et mars 2013 et devrait atteindre 16,5 millions de litres cette année rien que pour la
France. Une réussite qui surprend même au
sein du groupe Castel, le premier à s’être
positionné sur ce créneau en 2011 avec la
marque Very Pamp. « Nous pensions que
ce serait un produit saisonnier or nous en
vendons toute l’année, qu’il se boirait en
apéritif uniquement or il est consommé tout
au long du repas, qu’il serait majoritairement bu par les femmes or les hommes en
consomment presque autant, que la clientèle serait jeune or les 30-45 ans en achètent
également ».
Du coup, d’autres fabricants s’y sont mis, tels
la Compagnie Vinicole de Bourgogne avec
sa gamme Arômes et Vin, le groupe Marie
Brizard avec Fruits & Wine et le groupe
Antésite avec la marque Noirot. Leclerc,
Carrefour, Casino ont également lancé des
vins aromatisés sous leurs marques de distributeurs. Même des vignerons s’y essaient,
tel le Château Poulvère, à Montbazillac, près
de Bergerac, qui les commercialise sous une
marque spécifique Twenty Wine. « Je n’y
croyais guère, mais ma fille m’a convaincu
et depuis le lancement en mai 2012 nous
avons vendu 25 000 bouteilles, soit 10 %
de notre production, essentiellement sur le
Sud-Ouest où nous avions déjà des commerciaux », explique Francis Borderie, le
propriétaire du domaine. Avec des bouteilles dont le prix va de 6,90 € à 7,50 €
et un produit élaboré avec du vin de l’AOC
Bergerac, il est pourtant bien plus cher que
la concurrence dont les produits se trouvent
entre 2,50 et 4 €. « Nous avons voulu faire
des vins aromatisés de qualité, nous utilisons
de vrais sirops de fruits de la maison Morin,
et les consommateurs nous disent qu’ils font
la différence avec les autres ».
Le prix généralement inférieur à un apéritif classique est indéniablement une des
clefs de la réussite de ces vins. Ainsi que
le côté convivial qu’ils véhiculent et leur
goût sucré qui leur permet de toucher
des gens qui ne consomment habituellement pas de vin. En particulier parmi les
femmes et les jeunes qui sont clairement la
cible prioritaire des fabricants. Le marché
a également été dopé par l’élargissement
de la gamme des produits. Au rosé pamplemousse d’origine, sont venus s’ajouter
de nouveaux mélanges tels du rosé citron,
du blanc pêche, du blanc pomme verte, du
blanc au chocolat blanc, du rouge grenade,
du rouge griotte, ... Au printemps dernier,
le négociant bordelais Haussmann a même
fait le buzz en lançant un rouge cola baptisé
Rouge Sucette. Ces vins aromatisés amèneront-ils au vin de nouveaux consommateurs comme l’affirment certains ? Rien n’est
moins sûr. En attendant c’est un débouché
non négligeable pour les vins de cépages et
de pays. Mais attention, le prix est primordial pour les fabricants et les vins espagnols
et chiliens sont en embuscade. Q
LE ROUGE COLA, GAMME SUCETTE
Du vin rouge associé à du cola. Négociant dans la région bordelaise, Haussmann Famille
a présenté au dernier salon Vinexpo, en juin dernier, une nouvelle recette de boisson aromatisée à base de vin.
Négociants travaillant avec des propriétaires de vignobles bordelais, Haussmann Famille
a fait beaucoup parler de son « rouge cola ». Du vin rouge mélangé au fameux cola. Une
nouvelle référence qui complète la gamme « Sucette » lancée par ces professionnels en
avril. La société de préciser : « Il se boit très frais. La balance est parfaite entre l’amertume
du vin et le sucre du cola ».
Car la seule limite du vin aromatisé n’est que l’imagination des producteurs, qui travaillent
main dans la main avec des laboratoires spécialisés dans les arômes. Haussmann Famille
a d’abord innové en créant un rosé sucette fruit de la passion, avant de l’adapter à un vin
blanc. Le rosé n’est pas la seule couleur à se prêter au mélange. Techniquement, toutes les
couleurs sont susceptibles d’être associées à un arôme. Le rosé sucette fruit de la passion
n’atteint que 9°C. L’entreprise bordelaise explique que le produit qui est complètement
différent de ce qu’elle fait en parallèle. Et les réflexions sont d’ores et déjà entamées pour
développer la prochaine référence de la gamme « Sucette »...
DÉFINITION : VIN AROMATISÉ OU BOISSON AROMATISÉE À BASE DE VIN ?
Une boisson aromatisée à base de vin, titrant moins de 14,5 % volume, doit contenir au
moins 50 % de vin mais pas d’alcool ajouté, tandis qu’un vin aromatisé est une boisson
élaborée avec au moins 75 % de vin et « mutée » à l’alcool pour lui permettre de titrer au
moins 14,5 % vol. Les deux catégories de produits ont une aromatisation naturelle, principalement à base d’herbes aromatiques, d’écorces, de racines, d’épices ou de fruits.
16 | L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013
Quand le vin innove | Dossier
Q Pierre Pages, spécialiste du vin
En quête de vins à identité forte
L’information Agricole – Quelles ont
été les principales évolutions du marché français au cours des dernières
années ?
Pierre Pages Q Les consommateurs
s’orientent de plus en plus vers les produits
de qualité véhiculant une identité forte
liée au vigneron, au terroir ou au type de
vins. Ce qui explique en partie le succès
des vins naturels et biodynamiques qui leur
donnent en outre le sentiment d’appartenir à une tribu. Ils sont également moins
fidèles qu’avant et cherchent des découvertes. Sauf avec le champagne pour lequel
il y a une fidélisation assez forte, les gens
s’approprient la marque, disent « viens
goûter mon champagne ». Pour ce qui est
du bio, ce n’est plus un positionnement
fort. Il y a chez les consommateurs un puissant sentiment de bio arnaque du fait qu’il
faut payer plus cher. Enfin, il y a bien sûr
eu la montée en puissance des rosés dont la
demande s’est envolée.
I. A. – Comment voyez-vous l’avenir ?
P. P. Q Je pense que la demande en vins du
Languedoc va exploser si leurs prix suivent
une évolution raisonnable. La qualité est
déjà là, mais il reste un travail de fond à
faire sur l’image de ces vins auprès des
consommateurs et cela prend du temps. Par
contre, les rosés pourraient perdre en attractivité car leurs prix ont souvent augmenté.
Quant aux vins naturels je pense qu’ils sont
déjà à leur apogée et que la demande va se
stabiliser, voire décroître d’ici une dizaine
d’années. Il s’agit d’une mode très bobo.
I. A. – La demande est-elle identique sur
les autres marchés ?
P. P. Q La France et l’Europe sont des
marchés de consommateurs avertis qui
recherchent un terroir, des vins ayant de
la fraîcheur et de la complexité. Les pays
nouveaux consommateurs n’en sont pas
Thierry Joly
Titulaire d’un master de l’OIV, ancien caviste, organisateur de cours de dégustation pour Français et étrangers, Pierre Pages
nous livre son opinion sur les évolutions des marchés français et internationaux.
encore là, c’est la marque qui prédomine.
Ils recherchent en outre des vins ronds avec
une expression puissante, peu d’acidité et
des arômes explosifs faciles à identifier.
I. A. – Les vins produits en France sontils adaptés à la demande ?
P. P. Q Oui en ce qui concerne la France et
l’Europe. Par contre, sur les nouveaux marchés, nos AOP ne conviennent pas à une
consommation quotidienne. Mais ce serait
une erreur de vouloir les adapter à ces marchés comme cela a été fait avec la parkérisation, ce dont beaucoup reviennent.
D’autant que nous avons des sociétés qui
font très bien cela avec des vins de cépages
distribués sous des marques.
I. A. – Les vins étrangers peuvent-ils
percer sur le marché français ?
P. P. Q Beaucoup sont susceptibles de plaire
aux Français mais les distribuer relève du
défi car le marché hexagonal est très nationaliste, régionaliste même, et 90 % du
vin vendu est français. Un caviste spécialisé en vins étrangers peut réussir car le
client fait la démarche de se déplacer. Par
contre, dans les supermarchés, les clients
vont vers des valeurs refuges, vers ce qu’ils
connaissent.
I. A. – Quel avenir voyez-vous pour les
vins aromatisés et les vins allégés en
alcool ?
P. P. Q Les premiers sont certes en plein
boom mais je ne suis pas persuadé qu’ils
seront encore en vogue dans 5 ans. En
revanche, ils peuvent être des clefs d’entrée
sur l’Asie ou l’Amérique du Sud car les nouveaux consommateurs commencent toujours par des vins sucrés pour aller ensuite
vers des vins plus secs. En ce qui concerne
les seconds, je n’y crois guère car les gens
se disent que le vin a été trafiqué pour
réduire l’alcool. De plus, je ne suis pas sûr
que le degré d’alcool soit le premier souci
du consommateur.
L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013 | 17
Dossier | Quand le vin innove
Q Tradition
Le retour des anciens vignobles
A travers toute la France, associations et particuliers relancent la culture de la vigne dans des régions où elle a disparu à
cause du phylloxéra, des guerres ou pour raisons économiques. Les difficultés d’obtention des droits de plantation freinent
toutefois ce renouveau.
D.R.
L
e dernier-né des vignobles français se
trouve sur la côte basque et ressuscite
une tradition viticole interrompue au
cours du 20e siècle. Cette renaissance est
l’œuvre d’Emmanuel Poirmeur, jeune œnologue qui a fondé le domaine Egiategia et
planté 2 ha de chardonnay sur la corniche
près de Saint-Jean-de-Luz. « Après analyse
des sols, des climats et étude des vins pouvant être produits pour se marier avec la
cuisine locale car je vise un débouché de
proximité », explique-t-il. A partir de colombard et d’ugni blanc achetés, il élabore aussi
un perlant blanc en partie vinifié dans des
cuves immergées dans l’océan, à 15 m de
profondeur. Un procédé qu’il a breveté
en 2007. « La stabilité de la température,
l’agitation et les changements de pression
amènent les levures à produire des arômes
qu’elles ne font pas sur terre », assure-t-il.
Autre création récente, le vignoble d’Haillicourt, dans le Pas-de-Calais, qui a vu le
jour en 2009 à l’initiative d’Olivier Pucek,
enfant du pays parti en Charente. Aidé d’un
vigneron de ce département, Henri Jammet,
il a planté 30 ares de chardonnay sur le versant sud d’un terril, un sol qui se réchauffe
très vite et est en outre très drainant. « Le
projet a été très bien accueilli localement et
est soutenu par la mairie », souligne Olivier
Pucek qui a fait les premières vendanges
en octobre.
Mais ce n’est pas le seul vignoble du
Nord-Pas-de-Calais. Il en existe une demidouzaine d’autres, toujours de petites tailles.
On en trouve aussi quelques-uns en Picardie ainsi qu’en Ile-de-France où il y a environ 12 ha de vignes. La plupart ont été plantés à partir des années 90-95 avec comme
motivation l’amour du vin et la volonté de
faire revivre des vignobles disparus. Même
chose en Bretagne. « Nous comptons une
centaine de vignerons amateurs pour une
vingtaine de vignobles répartis dans les
quatre départements, les deux plus importants étant le coteau du Braden à Quimper
et Saint-Suliac, près de Saint-Malo », révèle
Jean-Michel Kerboeuf, vice-président de
l’Association des Vignerons Bretons. Il en
existe également un près de Falaise, en
Normandie, le domaine Les Arpents du
Soleil, créé en 1995. « Dans le lieu le moins
pluvieux et le plus chaud de la région et où
les sols sont similaires à ceux de la Bourgogne », assure Gérard Samson. A la tête
de 5 ha, il produit 25 000 bouteilles par an.
« J’ai eu une autorisation de plantation à titre
d’expérimentation qui donnait alors droit à
la commercialisation », explique-t-il.
Par contre, les vignobles précédemment
cités ne peuvent pas vendre, à l’exception
de celui de Suresnes, près de Paris, car ils
n’ont qu’une autorisation de plantation à
titre culturel. « C’est une aberration car les
18 | L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013
restaurants locaux sont prêts à jouer le
jeu. Pendant ce temps, Anglais et Belges
plantent à tour de bras », tempête Olivier
Pucek. « C’est ainsi car l’Ile-de-France n’est
pas considérée comme zone viticole alors
que ce fut le 1er vignoble de France et que
nous avons de bons terroirs », renchérit
Pierre Facon, conseiller général à NeuillyPlaisance où il a créé un vignoble en 1995
et produit le seul crémant de la région. Il
est également secrétaire de l’Association
des Vignerons Franciliens Réunis qui milite
pour la création d’une IGP « Vin de Paris –
Ile-de-France ».
La vente étant interdite, la plupart de ces
vignobles septentrionaux sont associatifs ou
communaux, les vins étant distribués aux
membres en échange de leur cotisation ou
mis aux enchères au profit d’œuvres caritatives. Malgré cela, Daniel Lorcy, le maire
de l’île d’Arz, dans le Morbihan, entend
relancer la viticulture sur sa commune et
Yan Picarda
ainsi créer de l’emploi. « Des terrains ont été
acquis et 50 pieds de plusieurs cépages vont
être plantés au printemps prochain pour
déterminer les variétés les plus adaptées »,
explique-t-il. Cela pourrait s’inscrire dans
le cadre d’un projet plus vaste comprenant
également des plantations sur l’île d’Hur et
à Sarzeau, sur la presqu’île de Rhuys.
Les vignobles recréés ailleurs en France
n’ont pas ce problème. Cependant, l’acquisition des droits de plantation a pour tous été
l’étape la plus compliquée. « Heureusement
que nous avions Chirac pour nous soutenir
à nos débuts en 2003 » se souvient Michel
Breuil, le président de la SCA Coteaux du
Saillant-Vézère, en Corrèze. Une coopérative dont les 20 membres totalisent 20 ha
implantés sur une faille schisteuse et qui
produit 57 000 bouteilles par an dont 80 %
de blancs. Avec à la clef 4 emplois permanents, le recours régulier à des salariés temporaires et l’accueil de près de 100 groupes
par an. Un sacré coup de pouce pour l’économie locale.
Près de Limoges, une association a en 1995
initié la plantation de vignes pour relancer la production du rosé de Verneuil-surVienne jadis réputé. « Avec l’appui du maire,
pour éviter que la ville ne devienne une
cité dortoir », précise Jean-Claude Lacan,
son président. Encépagé en gamay et pinot
noir, le vignoble de 5,5 ha est exploité par
un ancien éleveur laitier qui s’est reconverti.
Thierry Joly
Quand le vin innove | Dossier
En 2002, Sylvain Lafond, lui, a relancé le
vignoble de Menoux, près d’Argenton-surCreuse, dans l’Indre, où il produit du rouge
et du rosé. Dans le Lot, sept agriculteurs font
depuis 2003 revivre le vignoble de Rocamadour et cultivent 8 ha de vignes, produisant
des rouges et un rosé vendus sous l’IGP Vin
de Pays du Lot. Près de Gourdon, Christian
Roch a en 1997 planté 1 ha et réhabilité une
vieille vigne pour produire un vin passerillé
qu’il appelle vin de grenier. Un vin paillé est
élaboré de manière similaire à Branceilles,
en Corrèze, où le vignoble relancé en 1987
couvre maintenant 30 ha donnant égale-
ment du rouge et du rosé. Plus original, en
1995, un vignoble disparu depuis un siècle
a resurgi dans les dunes de Capbreton sur la
côte landaise, où Nicolas Tison, du Domaine
Les Dunes de la Pointe a planté 5 ha de
chenin, cabernet franc, cabernet sauvignon
et tannat pour produire des vins rouges,
rosés et blancs. Dans l’Ariège, c’est en 1998
que quatre amis ont relancé la culture de
la vigne en plantant syrah, merlot, cabernet
sauvignon et pinot noir. Reconnaissance du
travail fourni, ils ont cet automne obtenu la
création d’une IGP.
Un petit vignoble a également été recréé
par des amateurs à Treigny, dans le sud de
l’Yonne.
Mais dans l’Est de l’Hexagone, la renaissance la plus notable est celle des coteaux
du Giers, entre Lyon et Saint-Etienne. Initiée par une association à partir de la fin
des années 80, elle a conduit à un vignoble
qui s’étend aujourd’hui sur plus de 30 ha. Il
faut aussi signaler le vignoble mosellan qui
n’a certes jamais disparu mais s’était rétréci
à 4 ha en bordure du Luxembourg et de
l’Allemagne. Depuis le milieu des années
90, avec l’appui des Pouvoirs publics, il a
reconquis des terres au sud de Metz et près
de Château-Salins. Comptant désormais
64 ha, il a obtenu une AOP en 2010 et une
route des vins y a même été inaugurée en
2013. Q
L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013 | 19
Dossier | Quand le vin innove
Diversification des cépages
De nombreux cépages abandonnés après le phylloxéra pour des raisons techniques ou économiques font leur réapparition.
Recherche d’une identité locale, volonté de se distinguer commercialement et intérêt technique explique cette évolution
récente.
’
Thierry Joly
D
ici peu, il ne suffira plus de pouvoir citer des cépages comme
le pinot noir, le merlot, le chardonnay ou le grenache pour faire figure
de connaisseur en matière de vin. Un peu
partout en France, un nombre croissant de
vignerons remet en effet à l’honneur des
cépages qui étaient tombés dans l’oubli et
qui pour certains ont failli disparaître.
Un intérêt qui remonte au début des années
80 avec des pionniers comme Michel Grisard, en Savoie, à l’origine de la réhabilitation de la mondeuse. Dans les années
90, les vignerons d’Ardèche se sont, eux,
intéressés au chatus dont ils ont obtenu
le reclassement en cépage recommandé.
Poulsard, dans le Jura, et Pineau d’Aunis,
dans la vallée du Loir, ont également fait
l’objet de plus de considération et retrouvé
les faveurs des viticulteurs.
Un mouvement qui a pris de l’ampleur ces
dernières années. Des centres d’ampélographie régionaux ont vu le jour à l’initiative de vignerons passionnés, soucieux
de préserver le patrimoine végétal et de
renouer des racines locales qui retrouvent
des variétés oubliées en parcourant les
vignes familiales et celles en friche. Depuis
trois ans se tient aussi chaque automne
une Rencontre des Cépages Modestes.
« En 1982, j’étais seul à prêcher pour ces
cépages, mais aujourd’hui il y a des milliers de vignerons de toute la France qui
s’y intéressent et cela commence même
à bouger un petit peu au sein des coopératives », affirme Robert Plageoles, un
autre pionnier. Avec son fils Bernard, ils
ne cultivent pratiquement plus que d’anciens cépages (mauzac noir, verdanel, prunelard, ondenc, …) sur leur domaine du
gaillacois.
« Nous sommes en train de nous réveiller,
mais restons encore très en retard sur ce
Christian Roche
sujet comparé à la Suisse ou au Val d’Aoste.
De plus, nous devons faire vite afin de
bien rappeler que ce sont nos cépages
car ils intéressent les producteurs du Nouveau Monde et ils ont l’esprit ouvert »,
estime Nicolas Gonin, vigneron en Isère
et vice-président du Centre d’Ampélographie Alpine, qui cultive persan, mècle et
verdesse. « Cela permet de faire des vins
avec un goût différent et d’avoir moins à se
battre sur le prix. Ils sont en outre faciles
à vendre chez nous comme à l’export car
les gens qui ont tout dégusté veulent de
nouvelles choses à des prix abordables »,
ajoute-t-il. « C’est un atout commercial
indéniable. Les gens en sont friands car ils
en ont marre des cépages courants et cela
marche partout, peut-être encore mieux
à l’export », confirme Bernard Plageoles.
« Mais attention, produire du bon vin avec
20 | L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013
ces cépages demande du temps, il nous a
fallu 20 ans pour les retrouver, les étudier,
identifier leurs qualités gustatives et en
tirer le meilleur parti », ajoute Robert Plageoles. « Le chatus est un cépage unique,
qui est propre à notre département et qui
nous permet de nous distinguer, mais il
faut expliquer aux clients ce qu’il est. Un
marché ne se fait ni vite ni tout seul », tempère André Mercier, président du groupe
coopératif UVICA – Vignerons Ardéchois.
Cet engouement pour les anciens cépages
est particulièrement sensible dans le sudouest où grenache gris, carignan blanc,
rybeyrenc, fer servadou, abouriou, jurançon noir et bien d’autres ont ainsi fait leur
réapparition ici et là. Benoît Braujou, du
domaine Font-Sanatis, dans l’Hérault, a lui
choisi de réhabiliter l’aramon assimilé à la
production de masse de vin table. « On a
forcé les languedociens à le planter pour
abreuver les troupes, puis à l’arracher pour
sa piètre qualité. J’ai voulu montrer qu’on
pouvait en tirer un bon vin en réduisant
le rendement ». Mais on le retrouve dans
toute la France, même dans l’appellation
champagne. Des vignerons y ont replanté
pinot blanc et gris, arbanne, petit meslier et
la maison Duval-Leroy fait une cuvée spéciale avec ce dernier cépage. Seuls le Bordelais et la Bourgogne font exception car
la liste des cépages autorisés y est réduite
et produire en dehors de l’AOC serait trop
dommageable en terme de prix. « Mais
beaucoup de grands chefs et sommeliers
ne se préoccupent pas de l’appellation, ils
regardent la typicité et la qualité », précise
Robert Plageoles. Reste que ces cépages
sont plus coûteux à planter car pas éligibles aux primes, ce qui est un frein.
Cependant, ils ne permettent pas uniquement de se distinguer commercialement.
Ils peuvent en outre avoir des avantages
qualitatifs et techniques. « Utiliser des
cépages locaux plus tardifs m’a clairement
permis d’améliorer la qualité de mes vins
car ils mûrissent plus lentement et donnent
ainsi des vins ayant plus de complexité,
plus d’acidité, plus de tannins », assure
Nicolas Gonin. « Avec le réchauffement climatique, nous aurons besoin de cépages
qui apportent fraîcheur et acidité. Mieux
vaut des variétés anciennes que des créations de laboratoire sur lesquelles nous
devrons payer des royalties », déclare Frédéric Dorthe, vigneron de l’appellation
Côtes du Rhône en Ardèche méridionale.
Dans la même région, Raphaël Pommier,
du domaine Notre-Dame-de-Coussignac, a
d’ores et déjà incorporé 10 % de counoise
Thierry Joly
Quand le vin innove | Dossier
Raphaël Pommier incorpore de la counoise dans une de ses cuvées
dans l’une de ses cuvées. « J’ai pu en planter grâce à quelques pieds retrouvés dans
les vignes de mes grands-parents ».
Ceci étant, pour Lilian Berillon, pépiniériste
du Vaucluse proposant des cépages peu
courants, il ne faut pas perdre de vue que
« certains ont été abandonnés à juste titre ».
Il estime par ailleurs qu’il faudrait aussi
s’intéresser aux variétés pré-clonales des
cépages dits internationaux. « Cela pourrait
par exemple être une voie à explorer pour
lutter contre le dépérissement de la syrah
car quelques-unes n’ont pas ce problème
génétique ». Q
LES DERNIERS-NÉS
Quelques cépages modernes ont eux aussi fait leur apparition dans les vignobles. C’est le cas de deux variétés que l’on rencontre désormais
dans les vignes du sud-est, le caladoc, né en 1958 d’un croisement de grenache et de malbec, et le marsellan obtenu en 1961 par croisement
du grenache et du cabernet sauvignon. « Le premier a de belles qualités aromatiques et gustatives. Le second donne des rouges très typés »,
affirme Patrick Michel, président du syndicat des Vignerons d’Arles chez qui ces cépages représentent chacun ¼ de l’encépagement. Créé
en 1970 en Suisse par croisement du gamay et du Reichenstein, le gamaret commence à intéresser les vignerons du Beaujolais car il donne
des vins colorés même à fort rendement et résiste bien au botrytis. Il n’est pour l’heure pas autorisé pour l’AOC, mais une réflexion est en cours
sur le sujet. Quant à Christian Roch, installé près de Gourdon, il a choisi d’élaborer son vin passerillé blanc à partir de liliorila, obtenu en 1956
par croisement entre le baroque blanc et le chardonnay. « Pour ses qualités organoleptiques et pour marquer ma différence ».
L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013 | 21
Dossier | Quand le vin innove
Q Vins effervescents
Des petites bulles qui montent
Les ventes de vins effervescents sont en hausse. Cependant, la crise pèse sur les ventes de champagne en Europe et en
France. Moins onéreux, les crémants tirent leur épingle du jeu.
mauvais champagne ». De fait beaucoup de
consommateurs n’hésitent plus à les servir à
la place du champagne et le crémant représente désormais 24 % de la production de
vin alsacienne.
Heureusement pour le champagne, ses
ventes continuent à croître hors de l’UE,
tant sur des marchés traditionnels comme
le Japon et les Etats-Unis que sur des nouveaux acheteurs comme l’Australie, qui jouit
d’une bonne santé économique, la Russie
et la Chine. Des pays qui sont en outre
un débouché pour les bouteilles haut de
gamme. Conséquence, en valeur les ventes
de champagne se maintiennent autour de
4,4 milliards d’euros.
Mais, 90 % des exportations sont faites
par les grandes maisons. Plus exposés à la
morosité européenne, les vignerons indé-
22 | L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013
pendants regardent vers l’œnotourisme car
ils sont nombreux à affirmer : « Quand les
touristes français viennent dans la région,
ils sont surpris de voir qu’ils peuvent trouver de bons champagnes à un prix très raisonnable ». Cette année le VITEFF comprenait ainsi pour la première fois un espace
conseil pour ceux désireux de s’engager
sur cette voie. Comme dans les deux précédentes éditions, il proposait aussi des
ateliers apprenant à marier les champagnes
avec des cuisines étrangères ou avec des
mets inhabituels afin de donner aux vignerons plus d’arguments de vente.
Le packaging est un autre axe à explorer
pour séduire le consommateur. Le succès
du champagne Tsarine, du groupe Lanson, doit ainsi beaucoup à sa bouteille aux
lignes torsadées. Q
Thierry Joly
A
lors que la production mondiale
de vin baisse depuis plusieurs
années, celle de vin effervescent
ne cesse de croître et représente désormais
7,7 % du total. Elle s’internationalise également et le dernier VITEFF (Vini-viticulture,
Techniques et Effervescents) a accueilli
10 % de visiteurs étrangers venant d’environ 25 pays du monde entier. Des producteurs traditionnels de vins comme le Chili,
les USA ou l’Italie, mais aussi des nouveaux
venus sur ce créneau comme le Brésil ou
l’Ouzbékistan. Organisé tous les deux ans
à Epernay, ce salon regroupait 440 exposants dont 60 % originaires de la région.
« Le champagne c’est 4,4 milliards d’euros
de ventes par an mais aussi un millier
d’entreprises annexes en amont et en aval
qui réalisent un CA d’un milliard d’euros »,
souligne Aymeric Tansini, directeur du
Développement Economique au sein de la
Communauté de Communes Epernay Pays
de Champagne.
Premier producteur mondial avec 640 millions de cols, dont la moitié de champagne,
la France est également le premier exportateur en valeur, mais,en volume, elle doit
se contenter de la troisième place derrière
l’Italie et l’Espagne. Notre part de marché
qui était de 33 % en 2001 s’est ainsi réduite
à 19 %.
Malgré sa notoriété mondiale, le champagne a vu ses ventes s’effriter de 4,4 %
en 2012 et cette tendance s’est confirmée
sur les huit premiers mois de 2013. Vu
comme une boisson destinée aux grandes
occasions, il subit les effets de la crise en
Europe et en France. Moins chers, désormais d’une excellente qualité, les crémants
d’Alsace, de Bourgogne et de Loire en profitent et l’on entend de plus en plus souvent : « Mieux vaut un bon crémant qu’un
Quand le vin innove | Dossier
Le vin dans tous ses états
La carte de France des cépages et des grands crus
Merlot, cabernet-sauvignon, cabernet franc, pinot, syrah (en noirs) et chardonnay, sauvignon
(en blancs)… On trouve plus de 6 000 variétés ou cépages de «vitis vinifera»
(l'espèce de vigne cultivée pour le vin et les raisins de table).
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Pinot Noir, Blanc et Gris,
Muscat, Riesling, Sylvaner,
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Sémillon, Grenache,
Syrah, Cinsault,
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Sauvignon, Sémillon,
Merlot, Cabernet Franc
et Sauvigon, Malbec…
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Pinot Noir, Blanc et Gris,
Gamay, Chardonnay,
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LANGUEDOC ROUSSILLON
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CORSE
Muscat,
Vermentino,
Sciaccarellu…
Ugni blanc, Carignan, Grenache,
Syrah, Merlot, Clairette, Muscat
Cabernet, Cinsault...
Business (2012)
La France est le
mondial de vin
1 er producteur
Production total, en millions d'hectolitres
France
Italie
Espagne
États-Unis
41,4
40
30,3
20,5
17 %
du vin produit
dans le monde
est français
1
er
La France est le
consommateur mondial
de vin : 50 L/ an / habitant
30 %
des vins français
sont exportés,
ce qui représente
7,83 milliards d'€
en 2012
(commerce mondial :
25,29 milliards d'€)
Source: OIV
L’Information Agricole - N° 872 Novembre 2013 | 23