Evolution ou révolution dans les métiers des Achats et de

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Evolution ou révolution dans les métiers des Achats et de
Evolution ou révolution dans les métiers des Achats et de la Supply Chain?
La 11ème conférence annuelle de l'ACA a été un succès grâce à l'implication de tous les intervenants:
merci à tous !
Cette année, les soft skills ont été à l'honneur: la majorité des participants, des managers
d'entreprises du secteur privé à rayonnement international, ont largement mis l'accent sur les
compétences communicationnelles et la capacité à développer une vision stratégique des Achats et
de la Supply Chain.
Restitution du Questionnaire
réalisée auprès d’un échantillon de managers Achats et Supply Chain
Le "savoir-être", plébiscité à 93% par les personnes interrogées, semble être crucial en regard d’un
recrutement interne. Les enjeux majeurs futurs du secteur reposent sur le développement des « soft
skills », notamment la collaboration (interne et externe), l'anticipation et la capacité à traiter
l'information de manière adéquate. Néanmoins, l’évaluation de ces « soft skills » n’a pas encore été
intégrée dans le calcul des bonus par plus de la moitié des managers Achat (pour 90% dans la Supply
Chain), ce qui parait en effet logique étant donné le risque de subjectivité que ce calcul renferme.
Enfin, la définition même des « Soft Skills » renferme un socle commun de compréhension : il s’agit
avant tout de communiquer, à l’interne comme à l’externe.
Intervention de J-L Viargues
Il faut en revenir au « bon sens », souvent oublié dans de nombreuses formations ! Les « soft skills »,
s’ils sont un moyen largement sous-estimé de l’amélioration de la performance, sont aussi
extrêmement difficiles à évaluer (qualité de travail par exemple). Comme vu précédemment, les « soft
skills » sont largement axés sur le fait de communiquer : il faut donc revenir à la base étymologique du
mot : « être avec », c’est-à-dire parler la même langue et donc collaborer, être proche.
Mr Viargues partage donc l’analyse faite du questionnaire : l’enjeu majeur est d’améliorer la
collaboration, que ce soit avec les clients internes comme avec les clients externes. Des compétences
techniques, il faut désormais passer à un état de compétences relationnelles dans lequel les gens
passent avant la technologie et les process. Les clients internes et externes doivent donc prendre une
importance accrue dès à présent : par exemple, combien de temps passe-t-on avec eux afin de
comprendre leur point de vue ? Leur organisation ? Leurs problèmes ?
La solution est donc de construire une situation de création de valeur en mobilisant chacun d’entre
eux de manière personnalisée : il faut donc coordonner sans pour autant centraliser, animer sans pour
autant hiérarchiser, dire ce que l’on a à dire sans rompre la relation avec autrui. Ce sont donc les
capacités transversales sur lesquelles il faut mettre l’accent : s’il existe bien des intérêts divergents, le
but doit être défini en commun, dans le respect mutuel et au plus haut niveau hiérarchique possible
afin de bénéficier d’une marge de manœuvre de plus en plus forte.
Il existe bien sûr des freins à la collaboration, tels que les process rigides, les luttes d’influence et de
territoires de personnes de niveau hiérarchique différent, un manque de confiance ou même une
certaine appréhension à exprimer ses propres besoins et à écouter ceux des autres. Mais le fait est
que ces freins sont surmontables en commun, justement par une meilleure communication avec
toutes les parties prenantes.
Il faut donc, afin de créer une situation de réel équilibre avec ses clients internes et externes, avant
tout savoir écouter (et donc se taire !), comprendre et accompagner le changement s’il est nécessaire.
Le tout est de développer les conditions de la collaboration.
Intervention d’Anthony Poncier
Monsieur Poncier a ensuite exposé son point de vue sur les réseaux sociaux et leur impact sur les
modes d'organisation actuels: le temps, facteur clé de nos jours, doit être géré convenablement au vu
du monde digital. Si les changements externes se font à rythme plus soutenu que les changements
internes, alors l’entreprise peut être considérée comme morte !
De plus, la quantité d’informations non-structurées est de loin supérieure à celle de l’information
structurée. Néanmoins, ce sont les informations non-structurées qui sont le plus
souvent le plus utiles aux entreprises : le challenge est alors de savoir utiliser ces
informations (à savoir par exemple que 90% de la veille actuellement se fait sur
Twitter). Les réseaux sociaux sont donc un réel challenge pour l’entreprise du futur.
Les réseaux sociaux ont aussi pour finalité d’aplanir les cloisonnements
hiérarchiques : des dynamiques communautaires, collaboratives, transversales
permettent cette remise en question. Donc, si l’entreprise veut réellement
surfer sur la vague de la collaboration en tant que moyen de l’amélioration des
résultats, s’adapter à ces évolutions digitales est primordial.
Le partage de bonnes pratiques est particulièrement important au travers des
réseaux sociaux : notons l’exemple de ce vendeur qui avant de participer à
une communauté d’enregistrement des bonnes pratiques au sein de son
entreprise, faisait une performance de 9/10 et dont les collègues atteignaient le 2/10 et qui, suite au
partage sur les réseaux sociaux de ses bonnes pratiques, est personnellement descendu à 7/10 mais
a aussi permis à chacun de ses collègues de monter à 6/10. La performance générale s’en est
trouvée accrue, même si son efficacité personnelle a diminué.
En outre, les gains réalisés grâce à l’avènement des réseaux sociaux sont également supérieurs à
bien des égards : le ROI a augmenté, les coûts de communication, de déplacements et opérationnels
ont diminué, et les gains de productivité en terme de process ont aussi été poussé vers le haut.
Prenons l’exemple du télétravail : il est prouvé que les employés sont plus efficaces lorsqu’ils
travaillent de leur domicile. Et bien c’est grâce aux réseaux sociaux que plusieurs entreprises à travers
le monde ont pu créer un système de télétravail qui leur confère une réelle valeur ajoutée.
Néanmoins, les réseaux sociaux ne véhiculent pas nécessairement de gains de productivité : ils sont
un défi et doivent donc être gérés de manière adéquate pour libérer leur potentiel. Si l’intelligence
collective existe bel et bien, elle n’est pas pour autant présente dans tous les domaines. A été
soulevée la question de la limite à poser (ou non ?) sur l’utilisation des réseaux sociaux sur le lieu de
travail. La réponse de Mr Poncier est la suivante : les réseaux sociaux, comme tout autre moyen de
communication, sont un outil qui doit donc être maîtrisé et utilisé de manière adéquate. Le risque
existe : combien d’exemples de personnes qui ont posté sur Facebook des informations
compromettantes ? Là encore, c’est l’utilisation faite de ces réseaux qui prime (ou devrait primer).
En somme, une réelle "co-construction" est tributaire d'un usage adéquat des réseaux sociaux et de
leurs conséquences : il y a de multiples exemples d’amélioration de l’efficacité atteinte par le
resserrement des relations entre employés grâce au monde digital. Et si certaines entreprises auraient
tendance à sous-estimer ce phénomène pourtant désormais élevé au rang de fait, elles risquent de ne
pas pouvoir le contrôler correctement et perdre une partie non-négligeable de leur savoir-faire.
1ère Table ronde de l’après-midi
La première table ronde a montré que la personnalisation des formations universitaires vers les « soft
skills », bien qu'efficace, reste insuffisante pour des entreprises comme Safran ou Areva pour qui les
Achats exigent un fort « savoir-être ». Les fournisseurs eux-mêmes apprécient fortement une
formation de « savoir-être » de la part des acheteurs : notons par exemple le partenariat de Safran
avec la DESMA de Grenoble, à la sortie de laquelle l’entreprise n’hésite pas à recruter (8 candidats en
2012, sur les 17 personnes à avoir suivi la formation), qui elle aussi possède un module de formation
« soft skills ». Etant donné la proportion des Achats dans le Chiffre d’Affaires de l’entreprise (environ
35%), les Achats sont donc un vrai enjeu qui nécessite la maîtrise de compétences à haut niveau,
compétences largement axées sur les « soft skills » avant les « hard skills », qui peuvent s’acquérir
sur le terrain. Safran bénéficie en effet d’un module spécifique de formation aux Achats qu’elle fait
suivre par ses nouveaux employés.
Pour Areva, il reste extrêmement difficile de trouver de très bons managers Achats : d’abord issus de
milieux techniques, ceux-ci ont grandi en professionnalisation et évolué vers des profils commerciaux
formés aux Achats. Ce problème pourrait s’expliquer par un manque de communication externe :
Areva a donc décidé de mettre en place un parcours « jeunes talents » afin d’identifier des profils à
fort potentiel susceptibles de sortir ensuite des Achats vers d’autres départements (dès leurs débuts
dans l’entreprise, souvent sous forme d’un stage). Comme Safran, Areva a également créé un module
de formation dont elle fait bénéficier ses collaborateurs.
La volonté commune des deux entreprises a été celle du développement d’un réseau équilibré de
partenariat avec clients internes et externes, l’importance des Achats au sein de la Supply Chain
n’étant plus à démontrer.
Mais comment expliquer que pour tous, sortir des Achats reste un phénomène rare ?
La vision des Achats semble ici jouer un rôle majeur dans la chose : la reconnaissance au
niveau des directions générales de la fonction Achats reste trop faible par rapport à l’apport de cette
dernière. La crise a également eu un fort impact sur le phénomène : la nécessaire diminution générale
des coûts a accentué l’image des Achats en tant qu’ « uniquement capable de diminuer les coûts ».
En d’autres termes, les Achats se doivent de créer une vision stratégique de la fonction, qui reste pour
le moment très floue dès lors que l’interlocuteur n’en a jamais fait partie.
Un défi qui, s’il est maîtrisé, n’entrainera pas seulement une plus-value par baisse des dépenses mais
aussi par l’amélioration de la relation avec clients internes et externes et bien d’autres éléments
encore. Enfin, ceci entraine donc un manque d’implication managériale qui ajoute une pierre
supplémentaire à leur image négative.
Les Achats se doivent à eux-mêmes d’impulser une nouvelle vision de leur essence : une vision
stratégique qui leur permettrait de se développer au maximum de leur potentiel.
2ème Table ronde de l’après-midi
Enfin, la seconde table ronde a débuté par la présentation du parcours de chaque participant qui,
après un passage aux Achats, a changé de chemin de carrière pour se diriger vers d’autres prises de
fonction.
Puis, la question de l’intérêt de leur passage aux Achats a été évoquée.
Les trois participants ont mis l'emphase sur les Achats comme activité transverse au sein de
l'entreprise: les trois intervenants de cette table ronde nous ont exposé le management interculturel
comme un facteur clé de leur évolution, étant donné le caractère fortement international de la filière. Si
tous ont quitté la fonction Achats pour partir vers d’autres horizons (RH pour Mr Gendre, Direction
Générale pour Mr De Jongh et la Direction industrielle de la branche conditionnement 7 usines pour
Mme Laroche), tous sont également prêts à y retourner pour cette essence hautement crossfonctionnelle au sein de l’entreprise. Ils ont également insisté sur le caractère commercial que requiert
le domaine qui permet de développer des compétences fortement diversifiées (juridique, benchmark à
travers les différents clubs de Directeurs Achats, management par influence,…).
Néanmoins, la difficulté éprouvée pour sortir des métiers de la fonction Achats est réelle selon eux (C.
Ghosn et P. Varin sont les deux seules personnes auxquelles nous avons pensé à être devenus
Directeurs généraux après être passés par la Direction des Achats) : ils préconiseraient donc une
spécialisation dans la fonction Achats plus tardive qu’elle ne l’est actuellement (seulement en seconde
année de Master par exemple).
Les intervenants ont même évoqué l’éventualité de se spécialiser dans les Achats après avoir acquis
une certaine expérience métier afin de ne pas risquer de refermer certaines opportunités. D’autant
plus que le risque de non-absorption de tous les nouveaux diplômés par le marché reste entier.
Enfin, tous les participants comme les invités ont montré l'importance pour la fonction Achat de
changer son image afin de convaincre de sa valeur ajoutée. C’est pourquoi, après être sorti des
Achats, les participants ont tous insisté sur l’importance de la fonction au sein de l’entreprise : notons
que le premier acte de Mr De Jongh a par exemple été d’inviter la fonction Achats au COMEX.
Si de nombreux intervenants et invités se sont accordés sur une forme de hiérarchie implicite dans
l’entreprise plaçant la vente au dessus des Achats, la dynamique de changement doit venir d’une
modification profonde de l’image de ces derniers, encore aujourd’hui considérés comme
excessivement techniques.