Images ennemies - E
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Images ennemies - E
! ! Images ennemies! ! ! ! ! Un documentaire de Mark Daniels (2005), coproduit par MFP et France 2, diffusé dans le cadre de Contre-courant. 1 h 30 min D.R. dans la nuit du vendredi 6 au samedi 7 mai, 0 h 30 Rediffusion : dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 mai, 4 h 05 L’émission La problématique de ce documentaire est donnée par son titre. Images ennemies est composé d’extraits de reportages diffusés aux États-Unis durant la guerre du Viêtnam (1961-1973), l’invasion de Grenade (1983), la première guerre du Golfe et la guerre en Irak. Le film ne traite ni d’images tournées par les adversaires des États-Unis, ni même de « l’image des ennemis » dans les médias américains, bien que cette question soit abordée pour la population vietnamienne. Ici, les ennemis sont les images elles-mêmes. Ennemies de la vérité, ennemies car contrôlées. Le documentaire dénonce l’instrumentalisation des reportages de guerre dans les médias télévisés par l’état-major américain depuis le début des années 1980. La première partie du film est consacrée à la question suivante : « Comment les journaux télévisés ont-ils rendu compte du conflit vietnamien ? » Avec les reporters de guerre qui, sur le terrain, suivent les troupes américaines, le quotidien des soldats est diffusé chaque soir à la télévision. Ces jeunes hommes meurent à la fois en martyrs et héros. Les relations entre l’opinion publique et ce conflit sont complexes, mais dans le documentaire, un rôle crucial est accordé au reportage de Morley Safer dans le village de Cam Ney brûlé par les Marines. Lorsque la souffrance des Vietnamiens envahit l’écran, la couverture médiatique de la guerre Le réalisateur, Mark Daniels, tente de montrer que par la suite, l’état-major américain ne permet plus une telle intrusion des médias dans les conflits. À la stratégie de censure développée sous Reagan lors de l’invasion de Grenade succède un encadrement vigilant des journalistes et de l’image de guerre. La profusion d’images masque mal l’absence d’images de guerre. Il n’y a plus ni sang, ni corps, ni mort sur les écrans. Le lieu de l’événement devient le studio de plateau télé. En citant l’exemple d’un reportage réalisé par Jon Alpert lors de la première guerre du Golfe, images jamais diffusées à la télévision américaine, Mark Daniels développe un dernier argument. Ces reportages non autorisés deviennent des reportages ennemis et ces images ennemies n’ont plus leur place dans les journaux télévisés. La démarche Le rôle de la télévision durant la guerre du Viêtnam, la naissance d’un quatrième pouvoir ? [Histoire, Tle : « Les grands modèles idéologiques et la confrontation Est-Ouest jusqu’aux années 1970 »] Images et mémoire. Avant de visionner le documentaire, demander aux élèves de décrire les images qu’ils associent à la guerre du Viêtnam. L’arrivée d’hélicoptères vus du sol et de soldats américains luttant contre une végétation luxuriante devraient être les références les plus souvent citées. Chercher ensuite l’origine et la nature de ces images « mentales ». On s’attend à trouver des films de fiction, le cinéma américain étant particulièrement prolixe sur le sujet. Deux images extraites des manuels scolaires de terminale seront aussi familières aux élèves. La première est celle de la petite fille (Kim Phuc) qui, brûlée par le napalm, s’élance sur la route, hurlant de peur et de douleur. Toute l’horreur de la guerre va jaillir de cette photo cueillie par le photographe Nick Ut de l’agence AP. Une photo publiée partout dans le monde en juin 1972 quand le village de Trang Bang, au sud du Viêtnam, est bombardé. La deuxième image, souvent présentée comme une photographie, est extraite d’un reportage montrant l’exécution d’un Viêt Cong, d’une balle dans la tête. Ces deux images sont significatives de l’importance prise par les reporters de guerre. Leurs images ont construit la mémoire visuelle du conflit. Comment filmer la guerre ? Les trente-huit premières minutes du documentaire, constituées d’extraits de reportages de guerre tournés au Viêtnam, sont ainsi étrangement familières au spectateur. La voix off explique nettement les transformations visibles dans ces reportages. Vérifier si ces analyses sont comprises par les élèves. En premier lieu, l’analyse d’image portera sur la façon dont le soldat américain est filmé : quel est l’effet rendu lorsqu’il est filmé en gros plan, en plan d’ensemble ? de face ou de dos ? Comment les morts sont-ils montrés ? (Et à quel moment : au moment de l’impact, juste après le décès, dans un cercueil...) Quelle autocensure est pratiquée par journalistes et cameramen, quelles règles ont-ils établies ? (Le visage du mort ne doit pas être identifiable par sa famille, les corps mutilés ne doivent pas être montrés...) Discuter l’origine de ces règles. Dans un second temps, on s’intéressera au choix des sujets de reportage. La place accordée aux Vietnamiens et à leur souffrance permettra de constituer une chronologie, exercice préliminaire à l’étude de ce conflit. Cette première partie s’achève alors que les médias américains ont gagné leur titre de « quatrième pouvoir ». Si on ajoute au pouvoir des images l’action fondamentale de la presse écrite dans le scandale du Watergate, les ingrédients étaient réunis pour que le prestige l’indépendance des médias soient consacrées Télévision et désinformation [ECJS, 1re, notions de démocratie et défense] La suite d’ Images ennemies est consacrée à la maîtrise de l’information en temps de guerre par le Pentagone. Rappeler aux élèves que la question de la liberté de la presse accompagne la naissance de la démocratie et que, dès 1791, le premier amendement de la Constitution américaine stipule que « le Congrès ne fera aucune loi portant atteinte à la liberté d’expression ». À partir des exemples cités dans ce film (journalistes « embarqués », affaire Jessica Lynch...), établir une grille d’analyse du traitement de l’information : rôle du direct (absence de vérification des sources...), vocabulaire utilisé, occultation de certains faits, manipulation (à partir du cadrage des images et des bandes-son notamment), désinformation, censure militaire, autocensure, non suivi de l’information... Définir la notion de propagande en s’appuyant sur cette grille d’analyse. La télé dénonce la télé Discuter ensuite la composition même du documentaire. Il n’échappe pas à certains travers qu’il dénonce lui-même, une théâtralisation du propos et surtout un « cadrage » contestable. Par les dates retenues en premier lieu. Rappeler aux élèves que la guerre du Viêtnam est une exception, une quasi « anomalie » dans la couverture d’un conflit car, en temps de guerre, les démocraties, et notamment les États-Unis, n’ont cessé de recourir à la propagande. Le document fourni permettra un recentrage sur ce sujet. La deuxième remarque porte sur le choix des images incriminées. Les journaux télévisés cités appartiennent aux quatre grandes chaînes nationales, ABC, CBS, Fox et NBC. L’influence de ce medium sur le spectateur-citoyen est immense. Mais dans le cas de la guerre en Irak, on ne peut occulter le rôle d’Internet qui a diffusé les images prises par les soldats eux-mêmes, images ensuite reprises à la télévision et dans la presse écrite. L’intrusion de ces images nuance la thèse soutenue. Le document Et la seconde guerre mondiale... Voici un point de vue, complémentaire de celui du film, sur l’image de la guerre véhiculée par les photographes de la seconde guerre mondiale. Durant les deux guerres mondiales, la presse allemande, aussi bien que la presse alliée était remplie de photographies truquées. De préférence, on ne publiait que des photographies encourageantes et soigneusement choisies. Les censeurs respectifs ne supprimaient pas seulement celles qui auraient pu nuire à la défense : usines camouflées, fortifications, emplacement de batteries, mais aussi les images qui montraient les destructions et les souffrances causées par leurs propres armées dans les pays ennemis. John Morris, qui était pendant la dernière guerre l’éditeur des photos de Life à Londres, écrit dans un article, publié dans Harper’s magazine en septembre, 1972 : « les visages de ceux qui étaient sérieusement blessés et les morts étaient tabous pour que les « proches » ne soient pas choqués. Finalement, et ceci est capital pour comprendre comment l’opinion publique fut façonnée, les photographes ne fixaient pas sur la pellicule les aspects affreux de la guerre, causés par nos armes chez l’adversaire. [...] Il ne fallait pas montrer des images qui auraient pu nuire à l’effort de guerre. L’endoctrinement des photographes euxmêmes était si fort qu’ils étaient persuadés de lutter pour une cause juste en se paraissaient pas défavorables aux pays qu’ils représentaient. Le procédé standard durant la seconde guerre mondiale était de montrer que notre manière de nous battre était propre : les bombes qui s’en allaient en plein soleil durant des raids de jour. Nous avions le droit de montrer un peu de souffrance causée par leurs attaques mais jamais trop, pour ne pas éveiller la pitié. L’autre côté était guidé par des lois similaires [...] Les Japonais ne voyaient pas d’image des hommes qui furent écrasés à Pearl Harbour : ils voyaient des images de leur victoire par des photographies aériennes. De la même façon nous avons photographié le champignon photogénique de la bombe à Hiroshima. » Gisèle Freund, Photographie et société, Seuil, 1974, p. 162-163. Pour en savoir plus BORJESSON Kristina, Black List, 10/18, 2004. Quinze journalistes américains expliquent pourquoi leurs enquêtes n’ont jamais pu être publiées. GERVEREAU Laurent, Inventer l’actualité, La Découverte, 2004. LACROIX Jean Michel, Jean CAZEMAJOU (dir.), La Guerre du Viêtnam et l’Opinion publique américaine (1961-1973), Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1991. Le site du CLEMI, Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information. www.clemi.org/ L’observatoire européen des médias, sur le site Imageduc, met en ligne des propositions d’analyses d’images publicitaires, d’affiches ou de film, mais aussi d’images d’actualités. www.imageduc.net/ Un entretien avec Peter Watkins paru dans le n° 47 la revue Cassandre. Réalisateur de Punishment Park, La Bombe et La Commune, Peter Watkins est à la fois auteur et dénonciateur du pouvoir des mass media audiovisuels. www.co-errances.org/ ! Anouck Durand, professeur d’histoire et de géographie ! © SCÉRÉN - CNDP Créé en mai 2005 - Tous droits réservés. Limitation à l'usage non commercial, privé ou scolaire.! !