Casablanca, capitale de mode ou le rêve inoxydable de

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Casablanca, capitale de mode ou le rêve inoxydable de
Casablanca, capitale de mode ou le rêve
inoxydable de Jamal Abdennassar
Le maintien d'une édition régulière de la Fashion Week soulève des difficultés
majeures, économiques, logistiques et culturelles. L'engagement des partenaires
aux côtés de l'organisation a tout simplement faibli, crise économique oblige.
013 fut une année triste pour la mode marocaine, la Fashion Week casablancaise n'a
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pas eu lieu. Prévu pour l'automne, le défilé a été reporté à novembre 2014.
e beau projet, unique en son genre, souvent copié sans jamais être égalé, risque de
C
disparaître faute de soutien - privé et surtout public. La reconnaissance des créateurs
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de mode marocains sur le plan national est capitale. Il s'agit là d'une carte de visite
sans pareil, d'une occasion exceptionnelle pour parler du Maroc créatif, de la diaspora
qui a trouvé à New York, Amsterdam ou Paris, le support qui reste absent dans leur pays
natal. ans créativité, le Maroc restera un pays de sous-traitance et n'exportera que des
S
heures de travail bon marché.
De l'avis des relais de communication, photographes, journalistes, bloggers, la mutation
du FestiMode des années 2006 en une semaine de l'innovation dédiée aux designers est
une réussite, l'événement s'est hissé au niveau des standards d'organisation et de
programmation.
Les reporters spécialisés - certains avec plus de 200 défilés par an au compteur - ont
salué l'expertise organisationnelle autant que l'effort consenti sur la productivité des
créateurs.
En 7 éditions, les compétences sont devenues lisibles, les jeunes talents, à l'instar de
Siham Sara Chraibi, Ahmed Taoufiki, Ghitta Laskrouif, sont entrés dans la lumière
pour faire rougir de fierté le public.
Du défilé tremplin réservé aux jeunes stylistes, l'événement s'est développé sans jamais
se compromettre pour livrer une programmation journalière de qualité, injecter une dose
concentrée de glamour dans la ville blanche, produire un écho digne de ces défilés qui
occupent l'espace médiatique mondial. Le rendez-vous a même accompli l'impensable, nous offrir des têtes d'affiche: Said
Mahrouf, Noureddine Amir, Hisham Oumlil, pour ne citer qu'eux. Ces profils,
aujourd'hui salués par leurs pairs, ne livrent plus que des collections, soit une trentaine
de pièces, au lieu de la poignée de tenues conçues bon an, mal an.
aid a même effectué le voyage inverse, fort de son succès en occident, il retourne en
S
2010 au pays pour ouvrir son showroom, un tour de magie pour le prodige qui est devenu
prophète dans un autre pays.
Jamal Abdennassar,l'organisateur, l'initiateur, est un profil particulier : il est une armée
à lui seul. Depuis 2006, il arbore simultanément les casquettes du directeur de projet
événementiel, mais également du directeur artistique et de l'activiste culturel. Sa vision est simple, tout mettre en oeuvre pour que la culture casablancaise
contemporaine s'affirme et révèle au monde entier le potentiel - révoltant car
sous-exploité - des créateurs de mode marocains.
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Il assure que l'exemple italien est riche d'enseignements : «Face à la crise, le secteur
de la création s'est mobilisé pour remplacer les anciens designers par une promotion de
jeunes talents locaux plutôt que d'accorder le podium à des stylistes étranger, ce
qui permet à Milan de garder une suprématie sur la mode globale, de donner le la des
tendances européennes et de solidifier sa position de leader. » L'objectif sur le long-terme relève tout autant de la gageure, faire de Casablanca une
destination majeure de la mode internationale, au même titre que Istanbul, Milan,
Bangkok, Tokyo, Paris, New York. Jamal rêve d'un Maroc créatif et pas d'une nation d'imitateurs. Il rejette en bloc la
stratégie selon laquelle le salut du textile marocain ne passe que par la sous-traitance, le
négoce et le recrutement de stylistes espagnols. « Concernant le prêt-à-porter, pour que le produit arrive en septembre sur les étagères
des magasins franchisés, il faut que le créateur puisse accéder aux coupons de tissus
une saison à l'avance. Le rythme de défilés par saisons est indispensable pour permettre
aux tendances de naître, pour stimuler la demande et inspirer le public, mais surtout faire
en sorte qu'une économie nationale majeure présente le fleuron de l'innovation dans un
événement conçu pour l'occasion. Cette vision de la mode, qui débute à la création, sans
se limiter à la distribution, est minoritaire. » Ce qui pose la question, quel projet « mode » aura l'honneur de représenter de la ville
blanche? Casablanca gagne à être connue pour sa contribution culturelle. Et Jamal Abdennassar d'ajouter : « Les Marocains ne sont pas condamnés à rester des
sous-traitants, car l'espace de dialogue social entretenu par la création et l'innovation
soutient la croissance économique du secteur. Nous nous devons de continuer à
dialoguer, créer, innover. Le courage étant contagieux, nos représentants politiques
finiront bien par en faire autant. » Dernière opération en date : CasaProjecta, l'unique rendez-vous de projection
cinématographique qui sort de la programmation usuelle des salles de cinéma classique,
avec une carte blanche offerte à Nouredinne Lakhmari. L'occasion de découvrir les
projets visuels d'auteurs qui ne peuvent pas accéder aux grandes toiles des salles
obscures. Page 3/3

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