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Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Date : 15 MARS 16 Page de l'article : p.1,2,3,4,6,...,6 Journaliste : Sophie Bouhier de l'Ecluse Page 1/8 Tous droits réservés à l'éditeur BOYDEN2 7632927400507 Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Date : 15 MARS 16 Page de l'article : p.1,2,3,4,6,...,6 Journaliste : Sophie Bouhier de l'Ecluse Page 2/8 L'DEÉVÉNEMENT LA SEMAINE FASHION WEEKS La remise en cause du calendrier par New York et Londres Paris et Milan ne veulent pas changer les dates des défilés. Les acteurs français et italiens de la mode et du luxe plaident pour le maintien du : calendrier actuel. >„,,„„ > i" \ ' ' i ,' Tous droits réservés à l'éditeur BOYDEN2 7632927400507 Date : 15 MARS 16 Page de l'article : p.1,2,3,4,6,...,6 Journaliste : Sophie Bouhier de l'Ecluse Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Page 3/8 u cours de la récente Semaine de la mode parisienne, les acheteurs et journalistes ont semblé moins attentifs que de coutume. De fait, lors de cette session de clôture des fashion weeks beaucoup d'entre eux se sont moins concentrés sur les défilés et les nouvelles collections que sur «LE» grand débat du moment. A savoir, l'intérêt - ou non - de la nouvelle formule adoptée par quèlques griffes anglaises ou américaines, autrement dit le «see now-buy now». Formule décortiquée par une étude du Boston Consulting Group fraîchement publiée. Menée à l'instigation de l'association des stylistes américains, cette étude s'interroge sur la pertinence du calendrier actuel des défilés. Sans plus attendre, nombre d'acteurs américains ont tranche : ils estiment qu'il convient d'ores et déjà de remettre à plat ce calendrier. Un choix que récusent avec force Paris et Milan, par la voix de leurs représentants. Aux Américains, qui souhaitent voir la consommatrice déguster la mode comme un beaujolais nouveau, les deux métroples européennes opposent leur préférence pour un vin de garde, toujours meilleur quand on patiente. Qui a tort ? Qui a raison ? Tout le monde a probablement tort et raison à la fois. Force est de constater en effet que le débat a été réduit à la seule question «pour ou contre le see now-buy now». Or, l'étude du Bcg élargit le débat, en observant que toutes les griffes n'auront pas intérêt à adopter ce nouveau rythme. Et qu'on va sans doute se diriger vers une période où des systèmes différents pourraient être adoptés selon les griffes. Avec une ligne de partage qui ne placera pas forcément Américains d'un côté et Européens de l'autre. Dans tous les cas, et même si elle provoque une zizanie au sein de la planète mode, on doit reconnaître une vertu à l'étude du Bcg : elle soulève un certain nombre de questions pertinentes. Parfois sans y répondre. Par exemple, est-il possible de ne rien changer et de conserver le système actuel, alors que la montée en puissance exponentielle des réseaux sociaux permet la propagation tous azimuts instantanée des images et des informations ? A Tous droits réservés à l'éditeur ES Français n'entendent pas recevoir de leçons des Américains en matière de mode ! C'est, en résumé, le message qu'adresse Paris à la planète mode. En réaction au pavé dans la mare lancé par New York, qui a initié le débat sur la pertinence des Semaines de la mode (ou Fashion Weeks, pour reprendre le vocable désormais utilisé partout, y compris... dans l'Hexagone). Ou plus exactement sur le calendrier de ces événements. Petit rappel des faits : en janvier dernier, le Council of Fashion Designers of America (Cfda), l'association qui regroupe les stylistes américains, mandate les consultants du Boston Consulting Group (Bcg) pour vérifier (notamment...) la pertinence du calendrier actuel de leurs défilés de mode. Avec une interrogation mise au centre du débat : la diffusion immédiate des images des défilés, via les réseaux sociaux, ne remet-elle pas en cause le décalage actuel entre la présentation des collections et leur arrivée, six mois plus tard, en magasin ? Car entretemps, l'immédiateté de la disponibilité des images aura suscité l'intérêt et l'envie de la consommatrice pour les nouvelles tendances présentées. Et celle-ci pourrait donc être séduite par les copies ou, en tout cas, par des silhouettes s'inspirant de celles vues dans les défilés. Copies proposées par les enseignes et marques de fast fashion dans les semaines qui suivront. Résultat : lorsqu'ils sortent réellement dans leur circuit sélectif, les modèles originaux, déjà banalisés par la rue, risquent dè ne plus susciter l'intérêt de leur clientèle. L BOYDEN2 7632927400507 Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Date : 15 MARS 16 Page de l'article : p.1,2,3,4,6,...,6 Journaliste : Sophie Bouhier de l'Ecluse Page 4/8 C'est, brièvement, le raisonnement tenu par des acteurs de la mode américains (mais pas seulement), qui ont été interrogés par le Boston Consulting Group dans le cadre de son étude. Et qu'on retrouve dans son rapport publié début mars et qui conduit le cabinet à préconiser une réforme des calendriers des présentations des collections. Sans attendre la publication du rapport, un certain nombre de marques ont d'ores et déjà décidé de modifier leurs calendriers. C'est le cas de Diane von Furstenberg (qui préside le Cf dci) ou de Michael Kors, Tommy Hilfiger, Tom Ford, Proenca Schouler, Theory, Vêtements ou Rebecca Minkoff. Nombre de ceux-ci ont ainsi annonce qu'ils allaient désormais organiser leurs défilés pour les faire coïncider avec les saisons de commercialisation, selon le principe du «sec now-buy now». Après avoir - parfois - organisé des rendez-vous confidentiels avec la presse et les acheteurs, très en amont de ces présentations. Légitimer la démarche Toujours précurseur, Burberry a carrément annonce sa décision de fusionner ses quatre défilés femme et homme en deux rendez-vous annuels. Ceux-ci seront mixtes, déconnectés des saisons, collant désormais avec la commercialisation des modèles. Il y a fort à parier que, en commanditant l'étude du Boston Consulting Group, le Cfda cherchait à légitimer la nouvelle démarche annoncée par ces précurseurs. Outre Diane von Furstenberg, la très influente Anna Wintour, rédactrice en chef de l'édition américaine de Vogue, aurait milité pour une telle évolution de la Fashion Week de New York. Histoire de lui donner un nouvel élan ainsi qu'aux créateurs qui y défilent. A en juger par l'impact médiatique provoqué par la démarche new-yorkaise, le pari de ses initiateurs a été largement gagné. Qui n'a pas entendu parler, dans le petit monde de la mode, de la formule magique du «see now-buy now» ? Mais le rapport du Bos- Tous droits réservés à l'éditeur ton Consulting Group ne répond pas forcément à toutes les attentes des partisans d'une telle révolution. Le cabinet nuance en effet ses recommandations et ne préconise pas l'adoption d'un nouveau rythme par toutes les maisons. A tous ces changements en cours à New York, la mode et le luxe français opposent une fin de non-recevoir. La quasitotalité des grandes griffes hexagonales se sont rangées derrière la bannière de la Fédération française de la Couture. Dès la mi-janvier, Ralph Toledano, son président, déclarait au Journal du Textile que Paris n'avait nullement l'intention d'imiter New York. Et considérait même qu'il n'y avait pas matière à débat à l'égard d'une démarche «see now-buy now». Il affirmait, de la manière la plus formelle, que les règles du jeu des défilés parisiens - axés sur la création, la capacité France et l'Italie en tête) révèlent bel et bien deux conceptions différentes du secteur». Avec deux réponses différentes à la même question. Messages brouillés «Le système actuel est certainement amené à s'adapter aux évolutions du monde (immédiateté, obsolescence accrue), observe l'universitaire. Aujourd'hui, quand les collections arrivent en boutique, elles se croisent avec les images des défilés de la saison future, immédiatement et largement disponibles via les médias et les réseaux sociaux, semant ainsi une certaine confusion dans les messages exprimés par les marques. S'adapter à cette évolution est donc capital, mais la question est de savoir comment le faire, tout en permettant aux marques de continuer de se distinguer par leur originalité, leur innovation et leur créativité». Selon Serge Carreira, «les adeptes du "see nowbuy now" se positionnent dans l'immédiateté, pour répondre aux impulsions du consommateur, mais courent également le risque, à terme, de saturer cette envie. Les tenants d'un calendrier plus traditionnel continuent de considérer que e 'est d'abord l'apport créatif d'une maison qui la rend désirable». BOYDEN2 7632927400507 Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Date : 15 MARS 16 Page de l'article : p.1,2,3,4,6,...,6 Journaliste : Sophie Bouhier de l'Ecluse Page 5/8 Avec le "see now-buy now", le commercial se substitue au créateur pour déterminer les vêtements et les looks. de faire rêver, de faire désirer et attendre des collections exceptionnelles - ne changeraient pas. Personnalité forte du secteur, SidneyToledano,le Pdg de Christian Dior Couture, s'est ensuite lui-même exprimé avec véhémence en ce sens. Outre ce proche du groupe Lvmh - le numéro I du luxe (filiale, comme Christian Dior Couture, de Christian Dior SA) -, François-Henri Pinault, dirigeant de l'autre grand groupe de luxe français, Kering, est aussi monté au créneau. Et a plaidé pour le maintien du système actuel et le caractère constitutif dè l'attente dans «la création du désir». La Fédération italienne de la mode a rallié la même position. Paradoxe, et preuve de la complexité du sujet, parmi les rares francs-tireurs hexagonaux qui ont malgré tout annonce leur intérêt (même partiel) pour le système du «see now-buy now» figure une griffe comme Courrèges, mais aussi Paco Rabanne... Celle-ci appartient désormais au groupe catalan Puig, également propriétaire de Carolina Herrera, de Nina Ricci et de Jean-Paul Gaultier. Or, ces deux dernières griffes sont elles-mêmes regroupées au sein d'une division mode, présidée par... Ralph Toledano. Ce qui n'est pas le cas, cependant, de Paco Rabanne, lui-même sous la responsabilité de Marc Puig, le Pdg du groupe. Comment interpréter, dans les déclarations cependant généralement opposées entre les deux rives de l'Atlantique, ce choc des cultures et d'approche des marchés ? Derrière la problématique du «see now-buy now», Serge Carreira, maître de conférences mode et luxe à Sciences po, entrevoit «une question defond, qui porte sur l'ensemble du système de la mode actuel (création, production, communication, presse, consommation...)». Et estime «qu'on ne peut pas trop simplifier ce débat, dans un sens ou dans l'autre». Néanmoins, à ses yeux, «les divergences entre le monde anglo-saxon (Etats- Unis et Royaume-Uni) et le monde latin (avec la Tous droits réservés à l'éditeur «Le défilé a longtemps été un événement réserve aux professionnels, note encore Serge Carreira. Son enjeu était, en particulier, de capter l'intérêt des acheteurs des grands magasins. Mais la plupart des grandes maisons ont, aujourd'hui, leur propre réseau de distribution et la fonction du défilé a évolué, pour devenir un puissant outil de communication. Avec le «see now-buy now», le défilé prend encore une autre forme. Il ne s'agit plus d'un exercice de création, mais cela devient un simple catalogue, avec des silhouettes sélectionnées par les commerciaux pour être vendues immédiatement. Le commercial se substitue au créateur pour déterminer les vêtements et les looks.» Anne Raphaël, directrice associée du cabinet de recrutement Boyden, spécialiste du secteur mode et luxe, a elle aussi une grille de lecture «culturelle» du débat actuel. Elle voit cependant dans l'initiative du rapport du Boston Consulting Group et dans le «see now-buy now» une «opportunité fabuleuse» pour les maisons de mode. Cela va permettre un repositionnement général et devrait marquer ainsi le début d'un «nouveau cycle». Mais elle estime que «ce qui marche pour des marques comme Burberry, Ralph Lauren, voire Armani», qui fonctionnent selon un modèle «très anglo-saxon», n'est pas, à ses yeux, adapté aux grandes griffes de luxe françaises, belges ou italiennes. «Celles-ci reposent sur un rapport au temps complètement différent, avec des cycles longs, et dont l'univers est davantage centre sur la création», souligne-t-elle. Au-delà de la ligne de partage géographique et culturelle, les poids respectifs des accessoires et des vêtements dans le chiffre d'affaires des maisons concernées n'est-il pas également crucial dans ce débat ? Les grands du luxe, qui réalisent davantage de chiffre d'affaires avec les accessoires, n'ont-ils pas avantage à maintenir des défilés image, décalés dans le BOYDEN2 7632927400507 Date : 15 MARS 16 Page de l'article : p.1,2,3,4,6,...,6 Journaliste : Sophie Bouhier de l'Ecluse Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Page 6/8 temps ? Alors que les jeunes maisons, dont le chiffre d'affaires (et la survie) dépend plus de la vente de vêtements, souhaitent rapprocher présentation et vente. «Il est certain que la question des volumes réalisés avec le prêt-à-porter peut peser dans la réflexion des marques, admet Serge Carreira. Néanmoins, même quand le poids des ventes réalisées avec la mode est faible, le défilé est un vecteur de modernité et d'image pour la maison. C'est lui qui permet de mettre en exergue une attitude, un esprit et des valeurs, qui sont ensuite déclinés dans les différentes catégories de produits. Ce n'est donc pas tant Tous droits réservés à l'éditeur une question de répartition des ventes entre telle ou telle catégorie, mais plutôt une question d'approches différentes pour des réalités différentes. Les deux approches peuvent être correctes. Cela dépend des maisons. » Entretenir la désirabilité D'après le consultant, l'origine géographique des griffes n'est pas toujours déterminante. «Rien ne dit qu 'en Europe certaines marques ne pourront pas, elles aussi, adopter cette nouvelle approche (préconisée par le Boston Consulting Group, Ndlr), estime-t-il. Tandis que, du côté américain, certaines griffes voudront perpétuer le système existant. Tout dépend essentiellement des spécificités de la griffe BOYDEN2 7632927400507 Date : 15 MARS 16 Page de l'article : p.1,2,3,4,6,...,6 Journaliste : Sophie Bouhier de l'Ecluse Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Page 7/8 LE DÉFILÉ EST UN VECTEUR D'IMAGE POUR LES MARQUES. Il permet de mettre en avant une attitude, un esprit et des valeurs qui sont ensuite déclinés dans différentes catégories de produits. concernée. Certaines peuvent vouloir porter plus haut la création et continuer de s'appuyer sur le calendrier classique des défilés. Tandis que d'autres, davantage positionnées lifestyle et urbain casual, peu- Tous droits réservés à l'éditeur vent ne plus avoir besoin des défilés traditionnels pour promouvoir leurs collections. Elles pourront considérer le défilé comme un évênement de lancement d'une collection.» Serge Carreira juge d'ailleurs «intéressant que ces mêmes marques aient repm, Hy a quèlques années, les codes du système traditionnel pour valoriser leur BOYDEN2 7632927400507 Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Date : 15 MARS 16 Page de l'article : p.1,2,3,4,6,...,6 Journaliste : Sophie Bouhier de l'Ecluse Page 8/8 image : défilés, campagnes de publicité avec des célébrités». Or, aujourd'hui, «elles se rendent compte que ces outils ne correspondent pas forcément à leur réalité. On va, sans doute, assister à une plus grande différenciation des approches entre les griffes, celles centrées sur l'innovation et la création et celles axées sur le produit accessible», prévoit-il. «Le chemin ne peut pas être le même pour tout le monde, juge aussi Anne Raphaël (Boyden). Et c'est au contraire le moment où jamais de marquer ses différences après avoir bien défini son histoire. » D'une façon générale, les griffes françaises (et italiennes) peuvent-elles cependant éviter une réflexion de fond sur ces nouveaux phénomènes, auxquels les Etats-Unis tentent déjà de répondre à leur façon ? «Les griffes ne peuvent pas faire l'économie d'une réflexion globale sur la façon de continuer à entretenir la désirabilité de leurs produits auprès des consommateurs, répond Serge Carreira. Les aspirations et les usages des consommateurs évoluent. Mais considérer qu'un nouveau modèle peut supplanter l'autre et résoudre tous les problèmes est plus qu'hasardeux. Les deux approches pourraient, au contraire, cohabiter à l'avenir. Le "sec now-buy now" pour certaines maisons new-yorkaises ou londoniennes ne signifie pas que le calendrier milanais ou parisien est obsolète. Cela serait un raccourci dan- Le "see now-buy now semble Tous droits réservés à l'éditeur plus adapté aux marques urbaines et lifestyle. gereux. Au-delà des statistiques et des avis des uns ou des autres, il est essentiel que chaque réalité trouve son propre système. » Mais les bouleversements induits par la remise en cause du calendrier new-yorkais ne risquent-ils pas de déstabiliser toute l'organisation des défilés mondiaux, d'annihiler des années de coordination et d'organisation ? «C'est un risque, admet Anne Raphaël (Boyden). Mais Internet avait déjà largement initié le mouvement et bousculé cette unité de temps et de lieux (à savoir Paris, Milan, Londres, New York) des défilés de mode. On entre très certainement dans un nouveau cycle, un nouvel ordre à inventer. » Pour sa part, Laurent Raoul, professeur à l'Institut français de la mode, consultant associé au cabinet XL Conseil (lire ci-contre), incite vivement les acteurs européens à se poser la question pour le moyen terme de la pertinence du rythme précollections et collections. Et ainsi à éventuellement remettre en cause des dates de défilés (mars et octobre) qu'il juge obsolètes. «Le rapport du Bcg a eu le mérite de donner un coup de pied dans la fourmilière, mais il ne répond pas, loin de là, à toutes les questions posées. Toutefois, après toutes ces polémiques, on peut sans doute s'attendre à une paix des braves, avec une volonté conjointe de la France, de l'Italie, de la Grande-Bretagne et des Etats- Unis de coordonner leurs stratégies.» SOPHIE BoufflER DE L'ECLUSE • BOYDEN2 7632927400507