Et si Israël n`était pas « réellement » menacé par l`Iran

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Et si Israël n`était pas « réellement » menacé par l`Iran
 Et si Israël n’était pas « réellement » menacé par l’Iran ? En plus d'un renforcement militaire fourni par les USA, l'État hébreu cherchera plus que jamais à miner l'influence de la République islamique dans la région, selon Barah Mikaïl, spécialiste du Moyen-­‐Orient, interrogé par « L'Orient-­‐Le Jour ». 15.07.2015/ Samia Medawar/ L’Orient le Jour/ Lebanon http://www.lorientlejour.com/article/934613/et-­‐si-­‐israel-­‐netait-­‐pas-­‐reellement-­‐menace-­‐par-­‐
liran-­‐.html C'était prévisible : l'accord sur le nucléaire signé hier à Vienne n'aura pas fait que des heureux. En première ligne contre le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) scellé entre l'Iran et le groupe P5+1 (États-­‐Unis, France, Grande-­‐Bretagne, Chine, Russie et Allemagne), Israël, qui a qualifié l'accord d'erreur « historique », avant même d'avoir reçu une copie du document de plus de 100 pages. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a d'ailleurs déclaré devant la presse : « Israël n'est pas lié par cet accord avec l'Iran, car l'Iran continue à vouloir notre destruction. Nous saurons toujours nous défendre (...). L'Iran va recevoir des centaines de milliards de dollars qui vont lui permettre de faire fonctionner sa machine de terreur, son agression et son expansion au Moyen-­‐Orient et dans le monde entier. » Plus tôt en journée, il a même créé un compte Twitter en persan pour s'adresser au peuple iranien et dénoncer l'accord, qui ne servira selon lui qu'à financer le terrorisme dans la région, et non pas soulager une économie défaillante. Retombées en Irak L'État hébreu a donc alterné protestations intempestives et menaces à peine voilées hier, même si le président américain Barack Obama a tenu à le rassurer autant que ses autres alliés, comme l'Arabie saoudite, affolés par les retombées de l'accord signé à Vienne. D'ailleurs, le secrétaire d'État US à la Défense sera en Israël la semaine prochaine. Mais mises à part ces gesticulations prévisibles et plutôt lassantes, il n'y a pas grand-­‐chose qu'Israël puisse faire. Pour Barah Mikaïl, directeur de recherche à la FRIDE, spécialiste du Moyen-­‐Orient, et professeur associé à l'université Saint-­‐Louis de Madrid, « ce qui risque de prévaloir, ce sont les efforts israéliens de mettre des bâtons dans les roues de l'Iran sur ses stratégies régionales, notamment dans certains pays du Moyen-­‐Orient. Cela touche aussi bien le Liban que la Syrie et l'Irak ». De fait, l'engagement de certains pays du Golfe, notamment l'Arabie saoudite, en faveur de certaines tribus sunnites en Irak, et celui d'Israël avec les Kurdes en Irak (qui leur vendent du pétrole) pourraient mener prochainement à une conjonction : les Kurdes et les tribus sunnites pourraient se voir beaucoup plus renforcés. À partir de là, les alliés de l'Iran que sont les forces de mobilisation populaires (milices chiites irakiennes) pourraient être concurrencés au lieu d'être aidés (dans leur combat contre l'État islamique). Barah Mikaïl affirme en outre qu'Israël recherche une sorte de renforcement de ses perspectives militaires et défensives à travers les États-­‐Unis, « qui pourrait améliorer les missiles de défense dans le désert du Néguev ». Cela n'est pas sans rappeler les demandes israéliennes au mois de mai d'une augmentation de 50 % des aides militaires américaines annuelles entre 2018 et 2028 et qui sont le sujet d'âpres négociations. Si Israël affirme à tout bout de champ être menacé dans son existence même par le programme nucléaire iranien, on ne risque toutefois pas de voir de sitôt une réédition par l'État hébreu de son opération Opéra en Irak, en juin 1981, qui eut pour résultat la destruction d'Osirak, un réacteur nucléaire de classe Osiris acheté à la France en 1976. À part le fait évident que des frappes chirurgicales sur les sites nucléaires iraniens sont quasi impossibles, de par leur emplacement ultrasecret, l'État hébreu devra aussi faire face à la communauté internationale, au P5+1 et à l'Onu. « Israël n'est pas réellement menacé par l'Iran. Il est important de souligner les différences de traduction entre ce qui se dit en persan et en hébreu, sans compter les différences culturelles. Donc la destruction de l'entité sioniste, comme on le dit, ne veut absolument pas dire bombarder Israël et le détruire ; je pense plutôt mettre fin à l'exclusivité juive et sioniste en Israël », nuance M. Mikaïl. Bibi renforcé sur le plan interne Sur le plan interne, une nouvelle droitisation du gouvernement israélien, tendance engagée depuis un certain temps, a vu le jour après les dernières législatives. Qui dit droitisation dit critiques acerbes et craintes constantes envers l'Iran, ce dont beaucoup de partis israéliens jouent d'ailleurs. « Netanyahu n'est pas vulnérable dans cette optique, personne ne va venir lui reprocher de ne pas en avoir fait assez, de ne pas avoir été assez intransigeant vis-­‐à-­‐vis des Iraniens. Sa position, en plus de son discours non conventionnel au Congrès pour dénoncer tout accord avec l'Iran, va dans le sens d'un renforcement militaire israélien, ce qui convient à presque tous les partis politiques. À court terme du moins, cela n'aura aucun impact sur la stabilité du gouvernement israélien, et Netanyahu pourrait sortir renforcé de ses prises de position. » En attendant, c'est un article signé Anshel Pfeffer dans le Haaretz d'hier qui résume plutôt bien le contexte actuel. « Malgré tous les superlatifs, le JCPOA n'est ni historique ni catastrophique. Son succès ou son échec dépend entièrement de l'Iran (...). Si Netanyahu a raison, et que Téhéran joue un double jeu (...), l'accord s'écroulera et une administration américaine post-­‐
Obama sera bien moins charitable. (...) Si le président Obama a raison et que l'accord aboutit, une nouvelle génération, moins révolutionnaire et plus pragmatique émergera en Iran, et l'accord y contribuera. Dans les deux cas, il est encore trop tôt pour juger. »