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Spécial Israël - Iran
Recherches et mise en page par
Je ne juge pas… je livre, sommairement triés, les media tels qu’ils sont… à chacun de faire son opinion.
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Iran: ce que pensent vraiment les généraux
américains d'une attaque israélienne
Slate - Publié le 12/10/2012, Mis à jour le 15/10/2012 à 12h49
Les militaires américains envisagent plusieurs scénarios d'attaque israélienne pour empêcher
l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Une chose est sûre: les Etats-Unis n'«aideraient pas ni
n’entraveraient» une opération de leur allié.
- Barack Obama, Leon Panetta et Martin Dempsey lors d'une
cérémonie de commémoration des attentats du 11-Septembre au
Pentagone le 11 septembre 2012, REUTERS/Jason Reed -
Au sein de l’administration Obama, nul ne peut
dire avec certitude qu’Israël finira par attaquer
l’Iran pour contrecarrer son programme
nucléaire. Mais l’état-major américain envisage
une multitude d’hypothèses quant à une action
militaire israélienne, tout en cherchant à éviter que les Etats-Unis ne se retrouvent impliqués dans
un conflit sanglant qui embraserait le Golfe persique.
«Jamais les échanges entre services secrets américains et israéliens sur l’Iran n’ont été aussi
poussés», m’a avoué un war planner [planificateur de guerre] du Pentagone. «Mais, dès que la
question d’une attaque contre l’Iran arrive sur le tapis, Israël devient mutique et ne laisse rien
filtrer de ses projets. C’est le plus grand secret israélien à l’heure actuelle.»
Selon ce haut gradé américain, les Israéliens persistent à ne rien vouloir dire de leurs plans, et ce
malgré plusieurs demandes émanant du secrétaire à la Défense, Leon Panetta.
Alors que le débat public fait rage, aux Etats-Unis comme en Israël, autour de la possibilité d’une
attaque militaire contre l’Iran, les huiles du Pentagone ont dû naviguer «à l’aveugle» et conjecturer
sur les décisions de l’Etat hébreu et sur l’impact pour l’armée américaine. «C’est en quelque sorte
de l’ingénierie inverse, a commenté mon contact. Nous examinons leurs moyens matériels et leurs
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capacités, nous essayons de nous mettre à leur place, d’imaginer ce que nous ferions en pareille
situation. Du coup, même si cela reste de l’ordre des hypothèses, nous avons une assez bonne
idée de ce qu’ils pourraient ou ne pourraient pas faire.»
Trois hypothèses
D’après plusieurs hauts responsables du renseignement américain, militaires ou civils, les
stratèges du commandement central américain et du Pentagone ont retenu au moins trois
hypothèses, dont l’une porte sur une série de raids particulièrement risqués visant le site nucléaire
iranien de Fordow. Cette attaque est surnommée l’«Entebbe iranien», en référence à l’opération
commando menée par Israël en 1976 en Ouganda pour libérer des ressortissants retenus en
otage. Si ce scénario venait à se concrétiser, des commandos israéliens donneraient l’assaut au
complexe qui renferme la plupart des centrifugeuses nucléaires du pays, et emporteraient autant
d’uranium enrichi que possible, avant de truffer les lieux d’explosifs pour détruire le site après leur
départ.
Le Centcom, qui supervise les moyens militaires américains au Moyen-Orient, s’est vu confier la
mission d’étudier l’éventualité d’une frappe israélienne. D’après différentes sources, au cours de
l’année écoulée, ses officiers se sont réunis plusieurs fois au siège de Tampa, en Floride, mais
aussi à Doha, au Qatar, où ils ont rencontré des officiers de la cinquième flotte pour discuter de
leurs conclusions.
L’analyse militaire des plans israéliens est intervenue en même temps que la controverse autour
de l’insistance du Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui souhaite que les Etats-Unis
imposent à l’Iran une «ligne rouge» en matière de nucléaire, dont le non-respect entraînerait une
intervention militaire américaine. Cette polémique n’a toutefois eu aucune répercussion sur le
processus. «C’est un problème politique, pas militaire, m’a expliqué mon contact au Pentagone.
Ce n’est pas du tout notre champ d’action. Nous partons du principe qu’Israël peut attaquer à tout
moment.»
Israël en a-t-il les moyens?
Pourtant, malgré sa solide réputation militaire, difficile de savoir si Tel-Aviv a les moyens de
réussir une telle offensive: il est possible que Netannyahou ne cherche pas seulement l’appui
politique des Etats-Unis, mais qu’il ait en réalité besoin qu’ils s’impliquent militairement.
Comme me l’a confié Bobby Ray Inman, amiral à la retraite:
«Toutes ces histoires de ligne rouge et d’ultimatum ne sont qu’un moyen pour les Israéliens de
nous faire dire que nous attaquerons avec eux».
Et Sam Gardiner, ancien Colonel de l’Air Force, de renchérir:
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«Au bout du compte, nous pouvons mener des actions que les Israéliens ne pourraient pas
envisager, car nous disposons de moyens qu’ils n’ont pas».
«Pas question de se lancer dans un conflit pour faire plaisir aux Israéliens.»
Une chose est sûre: selon mes sources, l’état-major américain n’a pour l’heure aucun intérêt à
mener une attaque préventive. «Le scénario d’une offensive conjointe avec Israël est très peu
probable, vous pouvez oublier cette hypothèse dès à présent», m’a averti Joe Hoar, ancien
commandant au Centcom. Nous ne combattrons pas non plus aux côtés des Israéliens si le conflit
éclate, ajoute-t-il.
«On sait que certains dignitaires iraniens, notamment dans la Marine, rêvent d’en découdre avec
les Etats-Unis, a déclaré un ancien officier du Centcom. Et, s’ils nous cherchent vraiment, ils
finiront par nous trouver, mais il n’est pas question de se lancer dans un conflit simplement pour
faire plaisir aux Israéliens.»
Résultat des courses, les militaires et le président Obama parlent, pour une fois, d’une seule voix.
D’autres problématiques, notamment la situation en Afghanistan, auraient pu les opposer, mais
s’agissant de l’Iran, c’est l’unanimité: il faut empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire; il faut éviter
que les Israéliens saisissent ce prétexte pour déclarer la guerre; enfin, il est clair qu’une attaque
israélienne ne déclencherait pas automatiquement une intervention américaine. Toutefois, pour
éviter d’être utilisés par les Israéliens, mieux vaudrait savoir ce qu’ils ont au juste derrière la tête.
Selon trois sources sérieuses issues de l’état-major et du renseignement américain, le Centcom
aurait identifié trois grands scénarios si Israël décidait de se lancer dans une action militaire
préventive contre l’Iran:
Des bombardements intensifs
La première, et la plus évidente, serait celle d’une campagne de bombardements intensive menée
par l’aviation israélienne et ciblant les sites nucléaires stratégiques de l’Iran. Selon un haut gradé
américain, cette offensive serait appuyée par des missiles de croisière lancés depuis des sousmarins et par des missiles israéliens de type Jericho II (moyenne portée) et Jericho III (longue
portée). Elle pourrait également être précédée ou accompagnée d’une guerre électronique
coordonnée.
Cependant, les têtes pensantes du comité des chefs d’états-majors interarmées et du Centcom
ont conclu que, du fait des moyens militaires limités d’Israël, une campagne aérienne de cette
envergure ne pourrait pas durer très longtemps. «Ce serait une attaque ponctuelle, ils n’auraient
pas les moyens de mener des frappes répétées», a affirmé mon contact au sein de l’armée
américaine.
Si Israël possède 125 chasseurs bombardiers F-15I et F-16I très sophistiqués, seuls environ 25 F15I peuvent transporter le missile anti-bunker à guidage précis GBU-28. Celui qui a le plus de
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chances de détruire les installations nucléaires de l’Iran – qui se trouvent sur des sites fortifiés. Et
encore, chaque F-15I ne peut transporter qu’une munition à la fois.
La force aérienne d’Israël, bien que meurtrière, demeure limitée. Il faudrait certainement que
l’aviation israélienne fasse une soigneuse sélection de ses cibles. Elle en choisirait très
probablement quatre: l’usine de production d’eau lourde d’Arak, les centres d’enrichissement
d’uranium de Fordow et Natanz et le site de conversion d’uranium d’Ispahan. Seraient exclus le
site militaire de Parchin et le réacteur nucléaire de Bushehr, qui abritent des ingénieurs russes.
L’attaque israélienne impliquerait également des frappes de F-16I contre le réseau de défense
aérienne de l’Iran. Ces appareils pourraient en outre larguer des munitions anti-bunker pour
renforcer la sortie des F-15I. Quelques-uns de ces F-16I, mais pas tous, pourraient se réalimenter
en kérosène auprès des avions ravitailleurs KC-707 (Israël en compte entre sept et dix).
Retarder l'échéance
Même ainsi, et dans des conditions optimales (temps clair sans vent, ciblage précis, ravitaillement
bien huilé, surprise quasi totale, tirs d’interdiction [tirs sur une zone pour empêcher l’ennemi de
l’exploiter] de missiles air-air, nombre minime d’accidents et destruction effective des moyens de
défense contre avions de l’Iran), les haut gradés américains estiment qu’Israël ne ferait que
retarder d’un ou deux ans maximum la capacité nucléaire de l’Iran. L’aviation israélienne ne serait
pas en mesure de l’anéantir.
C’est peut-être ce qui explique l’impatience de Benyamin Netanyahou vis-à-vis de l’administration
Obama. Il attend de la Maison Blanche qu’elle lui fasse savoir si elle compte participer à des
frappes et, si oui, à quel moment. Comme l’explique l’ancien commandant de Centcom, Joe Hoar,
sans mâcher ses mots:
«Comparé aux Etats-Unis, Israël N’A PAS d’armée.»
La bombe Massive ordnance penetrator (GBU-57) a récemment fait son entrée dans l’arsenal
américain. Elle peut s’enfoncer à 61 mètres dans du béton armé, avant que sa charge de 2.400 kg
n’explose. Le bruit court que l’armée des Etats-Unis n’en détiendraient qu’une vingtaine.
Pas de B-2, pas de GBU-57
Quant aux Israéliens, ils n’en possèdent pas. Sam Gardiner explique:
«Il y a une bonne raison à cela: seul un bombardier B-2 peut transporter la GBU-57.»
Et de poursuivre, après une pause en guise d’effet de style:
«Or – vous le savez peut-être, mais ça vaut le coup de le rappeler –, Israël ne possède pas de B2».
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Un Entebbe iranien
La vraisemblable inaptitude d’Israël à détruire d’un coup d’un seul la capacité nucléaire de l’Iran,
même en imaginant le plus favorable des scénarios, a conduit les stratèges militaires américains à
élaborer une deuxième option militaire «clé en main», mais extrêmement dangereuse: c’est ce
qu’ils appellent un «Entebbe iranien».
Dans ce scénario, les Israéliens renonceraient à une attaque aérienne de grande envergure. Ils
orchestreraient plutôt un raid commando à haut risque, mais extrêmement payant. Objectif:
parachuter une unité d’élite de Sayeret Matkal à proximité du site d’enrichissement d’uranium de
Fordow, près de Qom. Cette unité (ou d’autres unités spéciales du même type), forte de
400 hommes, s’emparerait de l’uranium enrichi et le transporterait jusqu’en Israël.
Le succès d’une telle opération dépendrait d’une série de paramètres, notamment la vitesse
d’exécution, la discrétion, la simplicité, et la crédibilité du renseignement israélien.
Selon le war planner du Pentagone, l’accès d’Israël aux renseignements sur l’armée iranienne et
ses politiques est sans précédent. De même que sa volonté de les partager avec les responsables
du renseignement américain.
Le déroulement de l'opération éclair
Voici comment les officiers américains voient la chose. Les membres de l’unité d’élite israélienne
seraient transportés dans trois ou, au maximum, six avions C-130 (d’une capacité de
70 hommes), protégés par un «essaim» de F16I lourdement armés.
Les C-130 atterriraient dans le désert proche de Fordow. Le commando israélien neutraliserait les
gardes lourdement armés au niveau du complexe. Ensuite, il pénètrerait dans le site et effectuerait
des tirs d’interdiction sur toutes les unités ennemies se trouvant à proximité, avant de prendre
possession de l’uranium et de retourner en Israël avec. Avant son départ, le commando détruirait
le complexe.
Ainsi, plus besoin de bombardements massifs. Des hauts gradés américains affirment avoir
connaissance de rapports selon lesquels une partie de l’uranium de Fordow est stocké sous forme
d’hexafluorure d’uranium, un composé chimique utilisé durant le processus d’enrichissement.
Dans ce cas, le commando n’aurait pas besoin de s’en saisir avant de détruire le complexe.
«C’est faisable et ils doivent réfléchir dans ces termes», a souligné l’officier américain haut placé.
Les forces spéciales de Tsahal sont le meilleur atout d’Israël.». Le stratège américain qui m’a
indiqué l’éventualité de cette opération a tout de même ajouté:
«Selon les scénarios, les pertes israéliennes pourraient être très nombreuses en raison de la
proximité des divisions des Gardiens de la révolution islamique. Cette opération risquerait d’être
assez sanglante».
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Sanglante ou pas, les dirigeants israéliens ne devraient pas écarter d’office la possibilité d’une
telle opération car, lors d’opérations antérieures, Israël a déjà eu recours à ces unités. Benyamin
Netanyahou et son ministre de la Défense, Ehoud Barak, sont d’anciens officiers de Sayeret
Matkal.
Le risque d'escalade
En outre, le chef d’état-major de l’armée israélienne, Benny Gantz (lui-même un ancien de l’unité
Sayeret Matkal) a annoncé la formation d’un corps d’élite dédié aux opérations spéciales, qui sera
chargé de pénétrer en plein cœur des terrains hostiles pour y mener des attaques. Reste ce
douloureux souvenir: celui du colonel Jonathan, le frère de Netanyahou, le seul à être décédé au
cours de l’opération Entebbe menée par Israël.
La difficulté d’une opération comme Entebbe, c’est qu’Israël serait contraint de préparer «une
unité de soutien CSAR [recherche et sauvetage au combat] efficace», m’a expliqué un haut
responsable des états-majors interarmées. Cela impliquerait de faire atterrir d’autres C-130
transportant des hélicoptères qui pourraient récupérer les commandos en danger ou extraire des
équipes dont l’avion a été abattu.
Il faudrait que ces unités CSAR soient déployées dans des pays voisins «ou qu’elles atterrissent
dans le désert irakien», explique ce gradé. La composante CSAR vient compliquer ce qui pourrait
être une opération simple, parce qu’elle implique d’autres vulnérabilités: une «échelle» qu’Israël
ne souhaite peut-être pas «escalader».
Le pour et le contre
Ce scénario laisse certains militaires sceptiques, à l’image de l’amiral Inman:
«Les Israéliens ont réussi à Entebbe, mais ils ne peuvent pas en faire autant en Iran. J’ai le
sentiment que si les Israéliens se mettent à envisager – même théoriquement – cette opération,
c’est qu’ils ont conscience que leur première option, les bombardements, échouera. Ils essaient
désespérément de se raccrocher à une solution militaire tout en sachant qu’ils n’en ont pas.»
Le colonel Gardiner, lui, est persuadé que cette opération Entebbe bis est tout à fait possible:
«C’est une option qui n’implique aucune escalade; elle est parfaitement viable et pas aussi
dangereuse qu’elle en a l’air. Il faut comprendre le but recherché par Israël dans une attaque
contre l’Iran. Tout l’objectif consiste à démontrer que Tel-Aviv peut exercer sa puissance n’importe
où dans la région. Analysons les choses de ce point de vue. A côté de Fordow, il n’y a pas trois
divisions, il n’y en a qu’une, et elle est retranchée. Les Iraniens ne mettraient pas trois heures à
riposter, ils mettraient trois jours. Cela me rappelle Osirak [le réacteur nucléaire irakien qu’Israël a
détruit par un raid aérien en 1981]. Les Irakiens étaient les derniers à bien vouloir reconnaître que
cette attaque avait été menée par Israël. C’est ce qui se passera pour l’Iran. Les Iraniens seront
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embarrassés. Cette opération est intéressante et elle a du sens. Si elle est simple et si elle est
menée avec efficacité et diligence, ça pourrait marcher.»
Un renversement du régime
Moins «exotique», la troisième option est peut-être la plus dangereuse de toute: la «décapitation»
du régime. «Les Israéliens pourraient se contenter de déboulonner les dirigeants iraniens», a
expliqué le war planner du Pentagone. Mais ils ne pourraient le faire que dans le cadre d’une
attaque aérienne ou d’un raid de commando.»
L’inconvénient d’une frappe visant à anéantir le régime, c’est qu’elle ne mettrait pas fin au
programme nucléaire de l’Iran. L’avantage, c’est qu’elle déclencherait probablement une réponse
iranienne qui viserait des cibles militaires américaines de la région, puisque ce sont les Gardiens
de la révolution iranienne qui hériteraient du pouvoir politique. Les officiers américains avec qui je
me suis entretenu pensent que ce serait l’un des meilleurs moyens pour Israël de mêler les EtatsUnis à son offensive contre l’Iran – l’Amérique se retrouverait à intervenir dans un conflit qu’elle
n’a pas provoqué.
Comment l’armée américaine riposterait-elle à une attaque de l’Iran? «Tout dépend, répond le war
planner du Pentagone. Si les Iraniens nous harcèlent, on saura gérer. Mais s’ils s’en prennent à
l’un de nos navires les plus stratégiques, impossible de dire comment tourneront les choses».
Dans tous les cas, les Etats-Unis ne livreraient pas une guerre terrestre de grande envergure et
coûteuse contre le régime de Téhéran, mais plutôt une campagne aérienne à base de tirs
d’interdiction visant à épuiser les capacités militaires de l’Iran, y compris son programme
nucléaire, poursuit le war planner.
En tout état de cause, une campagne de décapitation du régime creuserait le fossé entre
l’administration Obama et le gouvernement de Netanyahou. Le discours belliqueux tenu à Tel-Aviv
épuise déjà de nombreux hauts gradés aux Etats-Unis. Auparavant fortement solidaires d’Israël,
ils en veulent aujourd’hui à Netanyahou, car celui-ci tente de faire pression sur les Etats-Unis pour
les pousser vers une guerre dont ils ne veulent pas.
«Notre engagement vis-à-vis d’Israël est très fort. Il l’est d’ailleurs vis-à-vis de tous nos alliés.
Beaucoup d’officiers sont fiers de ça, a affirmé le lieutenant-général retraité Robert Gard. Mais cet
engagement est là pour lui permettre de se défendre. Pas pour qu’il déclenche la troisième Guerre
mondiale!»
Les implications d’une intervention américaine forcée
Cela fait quelque temps que les Etats-Unis répugnent à l’idée d’être mêlés à une attaque
israélienne contre l’Iran. En mars, le New York Times a publié un long article consacré à une
simulation stratégique du Centcom, baptisée Internal Look, selon laquelle les Etats-Unis seraient
«entraînés» dans un conflit au Moyen-Orient à la suite d’une offensive menée par Israël.
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Ce qui en ressort est jugé «particulièrement inquiétant» par le général James Mattis, commandant
du Centcom. Selon Internal Look, les représailles de l’Iran contre des cibles militaires
étasuniennes pourraient provoquer des «centaines de victimes côté américain», notamment si des
missiles iraniens touchaient un navire de la marine américaine. Cette simulation, ajoutée aux
menaces de Téhéran de fermer le détroit d’Hormuz, a motivé la demande du général Mattis
auprès de la Maison Blanche concernant le déploiement d’un troisième porte-avions dans le
Golfe.
De l’avis de ses plus proches collaborateurs, le général Mattis, en plus d’être inquiet à propos des
Iraniens, s’inquiète aussi de l’attitude d’Israël, dont les tentatives d’intimidation le mettent
fortement mal à l’aise. L’analyse d’Internal Look indique non seulement que les conséquences
d’une attaque israélienne seraient imprévisibles, mais elle implique aussi que moins les Etats-Unis
en savent à propos d’une attaque israélienne, plus le nombre de victimes américaines serait
important. C’est ce que m’a confié une source civile proche du Pentagone: «Moins nous sommes
avertis, plus il y aura de morts!»
Obama s’est sérieusement penché sur la question
D’après un autre responsable haut placé au Pentagone, le président Obama et le général Martin
Dempsey «ont discuté en détail» de la possibilité d’une attaque israélienne. Dès l’automne 2011,
lorsque Martin Dempsey est passé chef d’état-major des armées, Barack Obama lui a fait savoir
que les Etats-Unis n’«aideraient pas ni n’entraveraient» une action militaire israélienne contre
l’Iran.
Si cette formule du président, soigneusement protégée, n’a pas filtré dans la presse américaine,
les responsables politiques israéliens en ont eu connaissance. De fait, les propos d’Obama
avaient été repris en juillet 2009, à peine six mois après son investiture, dans un éditorial très lu
du quotidien pro-Netanyahou Israel Hayom.
L’auteur fait savoir qu’«Obama tentera de dialoguer avec l’Iran» tout en sachant que c’est
probablement peine perdue. Le président américain «préférerait que les Israéliens n’attaquent pas
[l’Iran] et il n’est pas prêt à assurer la sécurité d’Israël s’il échoue [par la voie diplomatique] et si
les Etats-Unis empêchent Israël d’attaquer», ajoute l’article. «Dès lors, bien qu’Israël n’ait pas de
feu vert pour attaquer l’Iran, il n’en a pas non plus l’interdiction. La décision revient à Israël. Les
Etats-Unis n’aideront pas ni n’entraveront [une attaque israélienne].»
Seulement voilà, l’armée américaine craint que l’Iran ne pense que les Etats-Unis ont cautionné
l’attaque de l’Etat hébreu, même si tel n’est pas le cas. C’est pourquoi Téhéran n’hésiterait pas à
s’en prendre aux militaires américains présents dans le Golfe. C’est sans doute la raison pour
laquelle le patron de l’état-major des armées a déclaré au mois d’août devant un parterre de
journalistes londoniens qu’il ne souhaitait pas passer pour le «complice» d’Israël en cas d’attaque
contre l’Iran.
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Cette remarque a alimenté les spéculations sur un assouplissement de la position de Washington
vis-à-vis de Téhéran. Ou sur la pression désormais exercée sur Israël pour qu’il s’abstienne de
recourir à la force militaire. En réalité, rien n’avait changé. Le message explicite du général Martin
Dempsey adressé à l’Iran était que les Etats-Unis ne cautionneraient pas ni ne contribueraient à
une offensive israélienne.
Tel-Aviv et Washington ne sont pas sur la même longueur d’onde
A la suite de la déclaration du général Dempsey, aucune précision ou mise au point d’Obama
espérée par Israël n’est arrivée. «Dempsey était parfaitement conscient de ce qu’il disait, m’a
expliqué l’un des hauts gradés du Pentagone, et il n’aurait pas dit ça sans l’approbation de la
Maison Blanche.» Il a ajouté, après une pause:
«Tout ce que l’armée déclare doit faire l’objet d’une autorisation. Absolument tout.»
Même en dehors du gouvernement américain, les experts géopolitiques vont dans le même sens.
«Le message de l’administration Obama est remarquablement cohérent», affirme le spécialiste
des relations Etats-Unis-Iran et auteur Trita Parsi.
«On nous dit toujours que l’Amérique considère la guerre comme le “dernier des recours”, mais en
l’occurrence, le président Obama le pense vraiment.»
Robert Gard, le lieutenant-général à la retraite, est du même avis:
«Pour moi, c’est clair que le président Obama fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher
l’Iran d’obtenir une bombe. Mais aucun président ne laissera un autre pays décider à la place de
l’Amérique quand elle doit verser son sang. Pas même Israël.»
Israël pourrait être surpris par la réaction américaine
Avec sa réputation de militaire intellectuel, Robert Gard a dirigé plusieurs projets d’officiers à la
retraite sur des questions de défense. Il semble qu’il soit un bon baromètre de l’opinion des
militaires en service sur un certain nombre de controverses politiques.
«La plupart des militaires de notre armée n’aiment pas l’idée d’une guerre préventive. Or, c’est ce
que voudraient faire les Israéliens en attaquant l’Iran.»
George Little, le porte-parole du Pentagone, précise pour sa part:
«Les Etats-Unis sont prêts à toute éventualité relative à des menaces de sécurité au MoyenOrient. En revanche, il est parfaitement faux de dire que nous avons définitivement entériné ou
écarté telle ou telle décision sur des scénarios qui ne se sont pas produits. Par ailleurs, les EtatsUnis et Israël sont totalement d’accord quant à la nécessité d’empêcher l’Iran de se doter d’une
arme nucléaire.»
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Selon un officier à la retraite très respecté, qui travaille comme consultant pour le Pentagone (et
qui s’entretient régulièrement avec des hauts gradés israéliens), si elle ordonnait une attaque
préventive contre les sites nucléaires de l’Iran, l’élite politique israélienne risquerait d’être surprise
par la réaction du président Obama et de l’armée américaine. Selon lui:
«Si Israël déclenche une guerre, la première réaction de l’Amérique sera d’y mettre fin. D’appeler
à un cessez-le-feu. Du reste, ce sera aussi la deuxième et la troisième réaction. Nous ferons tout
pour empêcher l’escalade. Nous aurons 72 heures pour le faire. Passé ce délai, impossible de
dire ce qui se passera.»
Mark Perry
Traduit par Micha Cziffra
Israël – Iran : jusqu’où ira le poker menteur ?
Sur JEUNE AFRIQUE - 16/10/2012 à 08h:00 Par Maxime Perez, à Jérusalem
Benyamin Netanyahou à la tribune de l'ONU, le 27
septembre. © Sipa
À l'ONU, Benyamin Netanyahou semble avoir
déclenché le compte à rebours d'une frappe
contre les installations nucléaires de Téhéran. À
moins que, d'ici là, un effondrement de
l'économie iranienne, fragilisée par les
sanctions, ne provoque la chute du régime.
Du discours tant attendu de Benyamin Netanyahou à la tribune de l'ONU, le 27 septembre,
beaucoup ne retiennent que le grotesque dessin d'une bombe brandi par le Premier ministre
israélien pour expliquer que l'Iran se rapproche dangereusement de son but ultime : l'arme
atomique. Son explication, certes simpliste, a suscité l'amusement et inspiré sur la Toile de
nombreuses répliques de la « Bibi Bomb ». Ses détracteurs l'ont analysée comme un nouvel
exercice de communication politique aussi méprisant que ridicule, et sans réel fondement.
Pourtant, derrière ces appréciations mitigées, l'allocution de Netanyahou avait des allures
d'ultimatum, comme si l'avertissement qu'il lançait à la communauté internationale était le dernier
avant un passage à l'acte contre Téhéran. Il faut dire qu'après avoir maintes fois tiré la sonnette
d'alarme, c'est bien la première fois qu'un leader israélien se risque à définir publiquement une
« ligne rouge » sur le dossier du nucléaire iranien ; la première fois aussi qu'une échéance claire
semble se profiler à l'horizon.
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L'équation israélienne est la suivante : d'ici au printemps prochain, si la République islamique ne
renonce pas à ses activités d'enrichissement d'uranium, elle aura acquis suffisamment de
combustible - soit 240 kg - pour fabriquer une bombe ou, plus exactement, faire un usage militaire
de l'énergie nucléaire. C'est ce cap fatidique que Benyamin Netanyahou veut empêcher à tout prix
l'Iran de franchir, quitte à précipiter l'État hébreu et son allié américain dans un conflit régional
dévastateur.
Alarmisme
« Je n'ai jamais renoncé au droit d'Israël d'agir à tout instant,
et ce droit est clair aux yeux de tous, confiera-t-il à la télévision
israélienne au lendemain de son intervention remarquée à
New York. L'Iran se trouve à un certain stade de ses activités
d'enrichissement d'uranium, et j'ai transmis le message qu'il
était hors de question que l'Iran puisse les mener à leur terme.
Nous devons donc arrêter son programme nucléaire avant
cela, ce qui, au rythme où vont les choses, ne nous laisse pas
beaucoup de temps. »
Tout en maintenant un alarmisme de circonstance, le chef du
gouvernement israélien estime avoir rempli ses objectifs en
replaçant le dossier du nucléaire iranien au coeur des
préoccupations internationales. Netanyahou est-il pour autant crédible et, surtout, a-t-il réellement
l'intention de lancer son armée à l'assaut des centrales iraniennes ? Le ton employé le suggère,
d'autant que, en fixant une période butoir au-delà de laquelle il sera trop tard pour neutraliser les
ambitions nucléaires de Téhéran, le Premier ministre israélien engage plus que jamais sa
crédibilité et, au passage, celle de son pays. Par conséquent, à moins d'un étonnant coup de bluff,
le voici condamné à joindre in fine les actes à la parole.
Secret bien gardé
Mais il existe une autre grille de lecture de la position israélienne. D'abord, les observateurs
noteront que, en repoussant l'heure de vérité au printemps prochain, l'État hébreu éloigne le
spectre de frappes préventives avant l'élection présidentielle américaine de novembre, longtemps
redoutées par la Maison Blanche. « Des lignes rouges ne mènent pas à la guerre, elles servent à
l'empêcher », a martelé Netanyahou à l'Assemblée générale de l'ONU. Dans le cas présent, elles
lui seraient utiles pour rallier à sa cause l'administration américaine, en premier lieu le président
Barack Obama, pour qui la voie diplomatique n'a pas encore été épuisée.
Jusqu'ici, seul le candidat républicain Mitt Romney a ouvertement défendu l'idée d'une action
militaire israélienne contre le régime iranien. Mais, dans son ensemble, l'appareil sécuritaire
américain y reste fermement opposé. En témoigne la dernière étude du très sérieux magazine
Foreign Policy, qui, à l'aide des têtes pensantes du Pentagone, démonte un à un les scénarios
d'attaque d'une aviation israélienne dépourvue d'appui logistique ou de base arrière proche. De
l'avis de très nombreux généraux américains, toute tentative serait vouée à l'échec où, du moins,
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ne causerait que des dommages limités aux installations nucléaires iraniennes pour une prise de
risque maximale.
Le président Ahmadinejad dénonce une "guerre
cachée" de l'Occident contre Téhéran.- © AFP
Parallèlement, tout semble indiquer qu'Israéliens
et Américains sont engagés dans une partie de
poker menteur. « Le partage de renseignements
sur l'Iran est extraordinaire et sans précédent »,
affirme une source proche du dossier à
Washington, tout en admettant une faille, et non
des moindres : « Dès qu'il s'agit de plans d'attaque, les Israéliens ne nous communiquent rien.
C'est leur secret le mieux gardé. » Du coup, bien que peu disposés à se retrouver engagés dans
une nouvelle guerre après leurs délicates campagnes irakienne et afghane, les États-Unis n'ont
d'autre choix que de se préparer au pire. En cas d'escalade, leurs troupes stationnées dans les
régions du Golfe et du Caucase sont promises à une violente riposte iranienne. Le maintien de
trois porte-avions près du détroit d'Ormuz ne paraît pas étranger à cette perspective.
Mais tandis que les spéculations vont bon train, une autre éventualité est évoquée avec insistance
: un effondrement brutal de l'économie iranienne. Fortement dépendante du pétrole, celle-ci
affiche pour la première fois des signes de fléchissement sous la pression des sanctions
occidentales. Ainsi, à en croire un rapport interne du ministère israélien des Affaires étrangères,
les exportations d'or noir auraient lourdement chuté au cours du premier semestre 2012,
entraînant des pertes colossales évaluées à près de 50 milliards de dollars (environ 40 milliards
d'euros). Ce manque à gagner pénalise directement les ressources budgétaires du gouvernement
iranien.
Étranglement
Conjuguée à la hausse vertigineuse du chômage, à l'inflation
galopante et à la dégringolade du rial à son plus bas niveau
historique, cette nouvelle donne écorne sérieusement l'image
d'une « économie de résistance » bâtie par les dignitaires du
régime pour contourner les sanctions. Le président Mahmoud
Ahmadinejad a, dans un premier temps, imputé la crise à une
mauvaise gestion des autorités, suscitant des tensions
internes qui se seraient cristallisées autour du soutien à la
Syrie. Depuis le début de la révolte, pas moins de 10 milliards
de dollars ont été accordés à Bachar al-Assad. Mais
Ahmadinejad a fini par reconnaître, le 2 octobre, que son pays rencontrait des « difficultés » pour
vendre son pétrole en raison de « la guerre cachée » menée par l'Occident contre Téhéran.
À l'évidence, la stratégie d'« étranglement » économique voulue par les Occidentaux semble enfin
porter ses fruits. « Nous allons maintenant intensifier les sanctions », a promis un diplomate
européen impliqué dans les négociations avec l'Iran, comme pour asséner le coup de grâce à son
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programme nucléaire. Désormais, Israël nourrit secrètement l'espoir de voir les Iraniens se
retourner contre leur régime et, pourquoi pas, provoquer son renversement. « Les manifestations
de l'opposition qui ont eu lieu en juin 2009 vont revenir avec plus de force, a prédit le chef de la
diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman. Il va y avoir une révolution de la place Al-Tahrir à la
mode iranienne. »
La crainte d'un Tchernobyl iranien
Quels dégâts humains provoqueraient des frappes contre les centrales nucléaires
iraniennes ? À cette question largement occultée par le débat public, un rapport
scientifique américain donne pour la première fois des réponses alarmantes. D'après le
Hinckley Institute of Politics, dans l'Utah, plus de 80 000 Iraniens pourraient être tués,
blessés ou contaminés des suites d'un bombardement israélien. Pour le professeur Khosrow
Semnani, qui a enquêté durant deux ans, le danger le plus grave proviendrait de la libération dans
l'atmosphère de matières hautement toxiques qu'abritent les sites iraniens. Un risque démultiplié
par le fait que la République islamique a dispersé ses installations nucléaires à proximité de
grands centres urbains. Ainsi, à Bouchehr, considéré comme l'une des cibles prioritaires de
Tsahal, les nuages radioactifs pourraient facilement atteindre les pays du Golfe, voisins de l'Iran.
Les populations se retrouveraient alors exposées à des problèmes de santé similaires à ceux
rencontrés après la catastrophe de Tchernobyl. M.P.
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