1. Groupement de textes : L`amour la poésie 2. Œuvre intégrale

Transcription

1. Groupement de textes : L`amour la poésie 2. Œuvre intégrale
 SEQUENCE 1 L'AMOUR LA POESIE Objet d’étude : Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours Problématique retenue : Le thème de l'amour et la problématique de la création poétique dans la poésie : comment le poète s’inscrit-­‐il dans le monde et dans la création poétique ? 1. Groupement de textes : L’amour la poésie Lectures analytiques : q Pierre de RONSARD, « Quand vous serez bien vieille » q Charles BAUDELAIRE, « L’Invitation au voyage », Les Fleurs du Mal, 1857 q Paul VALERY, « Les Pas », Charmes, 1922 q Paul ELUARD, « La terre est bleue comme une orange», L’Amour la poésie, 1929 Étude d’ensemble : La poésie : histoire et problématiques Textes complémentaires : La singularité du poète : BAUDELAIRE, « L’albatros », Les Fleurs du Mal, 1857, GAUTIER, « Le pin des Landes », Espana, 1845 CORBIERE, « Le crapaud », Les Amours jaunes, 1873 ROUBAUD, « Le lombric », Les Animaux de tout le monde, 1990 APOLLINAIRE, « La colombe poignardée », Calligrammes, 1918 Questions sur le corpus : Sur quel procédé stylistique reposent les poèmes ? Quels sont les registres exploités ? 2. Œuvre intégrale : Paul VERLAINE, Fêtes galantes, 1869 Lectures analytiques : q « Clair de lune » q « Colloque sentimental » Texte complémentaire : VERLAINE, Jadis et Naguère, 1884, « Art poétique » Histoire de l’art : WATTEAU, Pèlerinage à l’île de Cythère, 1717 Séquence 1
texte 1
Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, Direz chantant mes vers, en vous émerveillant : « Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. » Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle, Déjà sous le labeur à demi sommeillant, Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle. Je serai sous la terre, et fantôme sans os Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ; Vous serez au foyer une vieille accroupie, Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain : Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. RONSARD, Sonnets pour Hélène, 1578 Séquence 1
texte 2
L'invitation au voyage
Mon enfant, ma soeur, Songe à la douceur D'aller là-­‐bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre ; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l'ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait À l'âme en secret Sa douce langue natale. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l'humeur est vagabonde ; C'est pour assouvir Ton moindre désir Qu'ils viennent du bout du monde. -­‐ Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D'hyacinthe et d'or ; Le monde s'endort Dans une chaude lumière. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857 Séquence 1 LES PAS
Tes pas, enfants de mon silence, Saintement, lentement placés, Vers le lit de ma vigilance Procèdent muets et glacés. Personne pure, ombre divine, Qu’ils sont doux, tes pas retenus ! Dieux !… tous les dons que je devine Viennent à moi sur ces pieds nus ! Si, de tes lèvres avancées, Tu prépares pour l’apaiser, A l’habitant de mes pensées La nourriture d’un baiser, Ne hâte pas cet acte tendre, Douceur d’être et de n’être pas, Car j’ai vécu de vous attendre, Et mon cœur n’était que vos pas. Paul Valéry, Charmes, 1922 texte 3 Séquence 1 texte 4 −−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−− La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter Au tour des baisers de s’entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d’alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d’indulgence À la croire toute nue. Les guêpes fleurissent vert L’aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté. Paul ELUARD, L'Amour la poésie (1929) Séquence 1 Clair de lune texte 5 Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques Jouant du luth et dansant et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques. Tout en chantant sur le mode mineur L’amour vainqueur et la vie opportune Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur Et leur chanson se mêle au clair de lune, Au calme clair de lune triste et beau, Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres Et sangloter d’extase les jets d’eau, Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres. Paul Verlaine, Fêtes galantes, 1869 Séquence 1 texte 6 Colloque sentimental Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux formes ont tout à l'heure passé. Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l'on entend à peine leurs paroles. Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux spectres ont évoqué le passé. -­‐Te souvient-­‐il de notre extase ancienne? -­‐Pourquoi voulez-­‐vous donc qu'il m'en souvienne? -­‐Ton coeur bat-­‐il toujours à mon seul nom? Toujours vois tu mon âme en rêve? -­‐Non. -­‐Ah! les beaux jours de bonheur indicible Où nous joignions nos bouches! -­‐C'est possible. Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir! -­‐L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir. Tels ils marchaient dans les avoines folles, Et la nuit seule entendit leurs paroles. Verlaine, Fêtes galantes, 1869 Séquence 1 La singularité du poète L' Albatros Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. A peine les ont-­‐ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid! L'un agace son bec avec un brûle-­‐gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1869 Le Pin des landes On ne voit en passant par les Landes désertes, Vrai Sahara français, poudré de sable blanc, Surgir de l'herbe sèche et des flaques d'eaux vertes D'autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc ; Car, pour lui dérober ses larmes de résine, L'homme, avare bourreau de la création, Qui ne vit qu'aux dépens de ce qu'il assassine, Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon ! Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte, Le pin verse son baume et sa sève qui bout, Et se tient toujours droit sur le bord de la route, Comme un soldat blessé qui veut mourir debout. Le poète est ainsi dans les Landes du monde ; Lorsqu'il est sans blessure, il garde son trésor. Il faut qu'il ait au cœur une entaille profonde Pour épancher ses vers, divines larmes d'or ! Théophile Gautier, Espana, 1845 textes complémentaires LE CRAPAUD Un chant dans une nuit sans air... La lune plaque en métal clair Les découpures du vert sombre. ... Un chant ; comme un écho, tout vif, Enterré, là, sous le massif... -­‐ Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre... -­‐ Un crapaud ! -­‐ Pourquoi cette peur, Près de moi, ton soldat fidèle ! Vois-­‐le, poète tondu, sans aile, Rossignol de la boue... -­‐ Horreur ! -­‐ ... Il chante. -­‐ Horreur !! -­‐ Horreur pourquoi ? Vois-­‐tu pas son oeil de lumière... Non : il s’en va, froid, sous sa pierre. ..................................................................... Bonsoir -­‐ ce crapaud-­‐là c’est moi. (Ce soir, 20 juillet) Tristan Corbiere -­‐ Les Amours jaunes, 1873 La Colombe poignardée
Guillaume Apollinaire, Calligrammes, 1918 Conseils à un jeune poète de douze ans Dans la nuit parfumée aux herbes de Provence, le lombric se réveille et bâille sous le sol, étirant ses anneaux au sein des mottes molles il les mâche, digère et fore avec conscience. Il travaille, il laboure en vrai lombric de France comme, avant lui, ses père et grand-­‐père ; son rôle, il le connaît. Il meurt. La terre prend l’obole de son corps. Aérée, elle reprend confiance. Le poète, vois-­‐tu, est comme un ver de terre il laboure les mots, qui sont comme un grand champ où les hommes récoltent les denrées langagières ; mais la terre s’épuise à l’effort incessant ! sans le poète lombric et l’air qu’il lui apporte le monde étoufferait sous les paroles mortes. Jacques ROUBAUD ,Les animaux de tout le monde, 1990 Questions sur le corpus : Sur quel procédé stylistique reposent les poèmes ? Quels sont les registres exploités ? Séquence 1 Art poétique De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'Impair Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. Il faut aussi que tu n'ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise : Rien de plus cher que la chanson grise Où l'Indécis au Précis se joint. C'est des beaux yeux derrière des voiles, C'est le grand jour tremblant de midi, C'est, par un ciel d'automne attiédi, Le bleu fouillis des claires étoiles ! Car nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance ! Oh ! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor ! Fuis du plus loin la Pointe assassine, L'Esprit cruel et le Rire impur, Qui font pleurer les yeux de l'Azur, Et tout cet ail de basse cuisine ! Prends l'éloquence et tords-­‐lui son cou ! Tu feras bien, en train d'énergie, De rendre un peu la Rime assagie. Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ? O qui dira les torts de la Rime ? Quel enfant sourd ou quel nègre fou Nous a forgé ce bijou d'un sou Qui sonne creux et faux sous la lime ? De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée Vers d'autres cieux à d'autres amours. Que ton vers soit la bonne aventure Eparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym... Et tout le reste est littérature. Paul Verlaine, Jadis et naguère, 1884 texte complémentaire Séquence 1 document Watteau, Pèlerinage à l'île de Cythère, 1717 

Documents pareils