ADOLESCENTS, MODE D`EMPLOI

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ADOLESCENTS, MODE D`EMPLOI
ADOLESCENTS, MODE D’EMPLOI
Période charnière de la vie, l’adolescence est une époque de découvertes, de crises et de
conflits. Grand enfant qui joue à être adulte ou petit adulte qui regrette l’enfance, ces jeunes
gens marchent souvent au bord d’un gouffre.
Voici tout ce qu’il faut savoir pour les comprendre… et les aider à ne pas déraper.
Il y a seulement cent ans, l’adolescence n’existait pas. Tout du moins, telle qu’on la définit aujourd’hui
: une période de découvertes, de crises et de conflits, touchant des jeunes gens qui flirtent avec l’âge
adulte sans avoir tout à fait quitté l’enfance. Autrefois, on passait sans transition de l’âge des rêves à
celui du travail.
De là à en déduire que l’adolescence est une invention des temps modernes, il y a un gouffre… que
nous nous garderons de franchir. Car en dehors de toute considération d’ordre moral, il reste une
évidence biologique : cette période correspond d’abord à la mutation physiologique qui va aboutir à
transformer un enfant en adulte.
Ce processus est communément divisé en trois phases. On distingue la prépuberté, caractérisée par
une croissance corporelle rapide et l’apparition de caractères sexuels secondaires ; la puberté, qui
correspond aux premières règles chez les filles, à la première éjaculation chez les garçons ; et enfin
la postpuberté, période relativement trouble au cours de laquelle est parachevée la maturation des
divers organes.
« Ce bouleversement physique entraîne une rapide évolution psychique, précise le Dr. Cadenel,
généraliste à Marseille. La crise d’adolescence naît d’abord parce que, dans ce nouveau corps qu’il
ne reconnaît pas, l’adolescent se sent mal à l’aise. Avec ses membres trop longs, il se trouve une
allure d’échassier. La mue, l’acné, la pilosité naissante : autant de détails qui, paradoxalement,
inquiètent le jeune teen-ager ! »
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Refus de l’autorité
C’est également la période, vers 12 ou 13 ans, où l’on commence à s’estimer à travers le regard des
autres. Les moqueries auxquelles les jeunes gens sont souvent en butte, tant de la part de leurs
proches que de leurs camarades, ont un fort impact… qui peut aller jusqu’à des réactions névrotiques
et agressives. Ce temps des copains, tellement idéalisé, est aussi celui des régimes outranciers et
des anorexies !
Les psychologues distinguent trois époques dans l’évolution psychique des « ados », qui recouvrent
à peu près les trois périodes citées plus haut. D’abord une phase d’opposition, de 12 à 15 ans chez
les garçons, de 11 à 13 ans chez les filles, au cours de laquelle l’adolescent refuse systématiquement
–et parfois grossièrement- tout ce qu’on lui demande : l’ordre, la propreté, les marques de tendresse,
etc.
Puis une phase d’affirmation de soi, qui va de 15 à 17 ans chez les garçons, de 13 à 16 ans pour les
filles : l’adolescent revendique fermement son indépendance. Il change de coiffure, adopte un
nouveau look, choisit ses fréquentations et ses distractions. Il se sent souvent persécuté par ses
parents dont il rejette l’autorité (voir encadré).
Enfin, de 17 à 18 ans pour les garçons, de 16 à 17 ans pour les filles, vient une phase dite
« d’insertion sociale » : c’est le moment où l’adolescent entre dans le monde du travail ou entreprend
les études de son choix. Il prend alors sa destinée en main et accepte mieux les adultes… dans la
mesure où il se perçoit lui-même comme tel.
Les effets de l’évolution des mœurs
« Les paliers de transformation physique ont toujours existé, même s’ils n’étaient pas vraiment pris en
considération autrefois, remarque le Dr. Cadenel. En revanche, même si elles semblent liées, les
phases d’évolution psychique paraissent plus marquées de nos jours. Pourquoi ? Sans doute parce
que l’évolution des mœurs et de la société touche plus particulièrement cette tranche d’âge… ».
L’effacement progressif des tabous et des interdits, l’apparition de maux relativement récents comme
le chômage, ont contribué à brouiller un certain nombre de repères. Confronté à un univers adulte qui
n’est plus celui de l’ordre mais d’une autre forme de chaos, nourri par l’incertitude des lendemains,
les jeunes gens ont ainsi tendance à se replier sur une « jeunesse » que d’aucuns trouvent
finalement confortable.
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Jusqu’au XIXe siècle, l’adolescent - comprenez : le jeune âgé de 12 à 17 ans - était proche de son
père, pouvait apprécier son travail en sachant qu’un jour, sans doute, il transmettrait ce savoir-faire à
ses propres descendants. Dans cette période critique, il se savait intégré dans une famille, dans des
traditions séculaires. Il était pris dans un enchaînement qui lui laissait peu de loisir pour les
considérations métaphysiques.
Etait-ce un bien ou un mal ? Peu importe : cette situation n’est plus d’actualité. A la fois nourris
d’informations contradictoires débitées à flot continu par les médias, et privés de références fortes, la
plupart des adolescents ne se retrouvent que dans la fréquentation de leurs semblables : les
« jeunes », quasiment considérés aujourd’hui comme une catégorie sociale à part, sans rapport avec
leurs aînés.
« Chaque fois que j’entends un adulte apostropher son enfant en disant : « vous les jeunes… », je
monte sur mes grands chevaux, reconnaît le Dr. Cadenel. Cette façon de désolidariser les
adolescents du reste de la population est dangereuse : elle entraîne un isolement qui, précisément,
rend la crise d’adolescence vertigineuse : livré à lui-même, comment savoir ce que fera un jeune
sans expérience, sans recul ?.. »
La normalisation de ces nouvelles formes d’adolescence est l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle.
Elle suppose de la patience, de l’implication et des trésors d’attention de la part des adultes. En
sachant, toutefois, que chaque cas est un cas particulier. Et que les solutions globales ne sont jamais
des panacées…
Cédric Portal
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L’âge de tous les dangers
Délinquance, drogue, suicide… Des maux qui peuvent concerner la plupart des adolescents.
Dans ce domaine encore, mieux vaut prévenir que guérir.
Parce qu’elle constitue une période de fragilité biologique et psychique, où les repères et l’autorité
sont remis en cause, l’adolescence est un âge propre à tous les excès. De la simple bravade au
comportement dangereux ou délinquant, il y a toutefois un pas… que certains jeunes franchissent parfois sans même s’en rendre compte -.
« Entre 13 et 17 ans, les adolescents doivent faire face à des sollicitations nombreuses et
contradictoires, alors même qu’ils rejettent l’autorité parentale, analyse Jean-Pierre Maturelli,
psychologue à Aix-en-Provence. L’honnêteté, la morale acquise cèdent parfois sous le coup d’une
impulsion, de l’effet de groupe ou de la volonté de réaliser immédiatement certains désirs. Il en faut
peu, alors, pour basculer… »
Commettre un délit peut être une marque d’opposition à des valeurs jugées caduques, ou au
contraire constituer un moyen d’attirer l’attention sur soi. Certains adolescents prépubères font ainsi
des « bêtises » pour obliger leurs parents à s’occuper d’eux. Rien de bien grave… a priori. Car si
aucune sanction n’intervient, les comportements délinquants peuvent peu à peu faire chavirer les
jeunes en équilibre instable.
Prévenir les dérives
La tragique tentation de la drogue procède de la même logique : braver les interdits, expérimenter de
nouvelles sensations et se faire remarquer. Avec une dimension supplémentaire, l’attrait pour le vide
et la désespérance. La plupart des adolescents ressentent, de façon superficielle, cette fascination
pour ce qui est glauque et morbide. Chez certains, cette attirance prend parfois une tournure
pathologique.
« Quand les pulsions agressives des adolescents ne trouvent pas d’objet, notamment lorsque les
parents - pour une raison ou une autre - ne réagissent pas, certains jeunes en viennent à se
tourmenter eux-mêmes, remarque M. Maturelli. Cela les conduit à des isolements dépressifs et à des
pulsions suicidaires. Le suicide est la deuxième cause de mortalité des 13-25 ans, après les
accidents de la circulation ! »
S’il est toujours difficile de traiter ces problèmes une fois qu’ils sont avérés, il paraît en revanche plus
facile de les prévenir. Pour cela, il est important d’instaurer très tôt des rapports de confiance avec
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ses enfants : parler de tout avec eux… et les encourager à faire de même. Il faut savoir être présent
sans être étouffant, ce qui est une gageure, et toujours rester à l’écoute alors même que l’adolescent
semble se détacher.
« La pratique régulière d’une activité physique est, de loin, la meilleure des mesures préventives,
estime pour sa part le docteur Paul Vanuxem, professeur de médecine du sport à la Faculté de
Médecine de la Timone (Aix-Marseille II). Non content d’assurer un développement harmonieux du
corps, le sport - notamment collectif - a des vertus socialisantes indiscutables. L’expérience prouve
que les adolescents qui pratiquent du football ou du basket traversent « l’âge bête » avec moins de
heurts. »
Dans tous les cas, le pire des maux est… le silence. Dialoguer permet de relativiser beaucoup de
difficultés et de maintenir un lien filial solide. Car c’est notamment à ce lien que votre enfant, s’il se
trouve un jour en péril, aura besoin de se raccrocher…
C.P.
La santé en héritage
Même si les premiers rudiments de l’hygiène et de l’éducation à la santé doivent être enseignés dès
la plus tendre enfance, c’est généralement pendant l’adolescence que se prennent - ou ne se
prennent pas - les habitudes qui conditionneront la qualité de vie des futurs adultes. Or, trop souvent,
l’hygiène de nombreux adolescents paraît approximative… quand elle n’est pas totalement
anarchique !
« La période la plus délicate, de ce point de vue, est sans doute la prépuberté, note le docteur
Cadenel, généraliste à Marseille. C’est l’âge, entre 11 et 14 ans, où garçons et filles rejettent en bloc
les principes parentaux. Maman veut que je prenne une douche ? Excellente raison pour ne pas la
prendre ! Le problème décroît entre 15 et 17 ans, car les « ados » trouvent d’autres justifications personnelles celles-là - pour se laver : séduire les représentant(e)s du sexe opposé notamment … ».
Quelle attitude adopter pendant la phase la plus délicate ? Il convient tout d’abord de ne pas faire de
la santé un enjeu de conflit. Si votre chérubin néglige la salle de bain pendant quelques jours, ce
n’est pas une raison pour piquer des crises : essayez plutôt de faire en sorte que la décision vienne
de lui.
« Etre tolérant ne signifie pas être négligeant, précise le Dr. Cadenel. Il est notamment impératif
d’enseigner aux filles à traiter en adulte leurs problèmes de règles. Trop de mères, à ce propos,
n’osent pas aborder le sujet. C’est une erreur. Aussi étrange que cela puisse paraître, je reçois
encore des adolescentes paniquées et honteuses, qui ne savaient pas que cela allait se produire et
qui se sentent souillées ! ».
Entretenir les bons réflexes
Le rôle des parents, plus généralement, est aussi de s’assurer que les « bons réflexes » continuent
d’être entretenus : visites chez le médecin généraliste au moins une fois par an, chez le dentiste une
fois tous les six mois. Il est bon, par ailleurs, d’encourager un adolescent à pratiquer un ou plusieurs
sports de façon régulière : c’est excellent pour la croissance musculaire… comme pour la santé
morale.
L’éducation sexuelle, enfin, fait partie intégrante de l’éducation à la santé. Depuis quelques années,
le sujet est abordé dans les collèges publics dès la classe de 4e, puis dans les lycées en classe de
seconde. Depuis l’apparition du Sida, cet enseignement a pris une dimension essentielle : il permet
d’apprendre aux élèves à se conduire en individus responsables, soucieux d’eux-mêmes et des
autres.
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« La maturité que manifestent les adolescents, pendant ces cours, est surprenante, observe JeanYves Tranchand, professeur agrégé de biologie dans un lycée de la Côte d’Azur. Même les éléments
les plus perturbateurs manifestent de l’attention. Tous connaissent le sujet pour en avoir entendu
parler à la télévision, mais c’est l’occasion pour eux de préciser des notions encore très floues ! ».
Si l’adolescence est d’abord une transition entre deux âges, il importe que celle-ci se déroule du
mieux possible. Et dans le domaine de la santé notamment, certains retards, méconnaissances ou
négligences peuvent, plus tard, se payer très cher…
C.P.
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« Mes parents, ces inconnus… »
« Mais enfin, qu’est-ce qui te prend ? Qu’est-ce que nous t’avons fait ? Je ne te reconnais plus, tu as
changé… » Mâchoire crispée, Monique regarde sa fille de quinze ans se lever de table sans un mot,
courir dans sa chambre et claquer la porte derrière elle. Elle n’en ressortira plus avant le soir, murée
dans un silence glacial.
Cette scène, presque tous les parents l’ont vécue. Se réveiller un matin et découvrir un adolescent à
la place de son « tout-petit » est une épreuve difficile : pendant des mois, parfois des années, on voit
grandir un individu qui n’est plus le chérubin que l’on a élevé. Il se détache peu à peu, parfois sans
ménagement. Dur, dur…
Si l’on en croit les psychanalystes, l’opposition aux parents est pourtant une réaction normale et
fondamentale. Ces « vieux » représentent à la fois l’autorité - que le jeune se croit obligé de défier
pour s’affirmer - et le confort de l’enfance, qui attire encore l’adolescent mais dont il doit se sevrer.
« Le défi aux parents est une chose plutôt saine… tant que certaines bornes ne sont pas franchies,
estime le Dr. Cadenel. Si les adultes jouent leur rôle, à la fois solides dans leurs certitudes et attentif
à l’évolution de leur enfant, tout se passe généralement sans gros problème. Le fait que le jeune se
sente vaguement persécuté et incompris n’a rien de surprenant. Les difficultés surviennent quand les
« grands » se croient obligés de singer les plus jeunes, ce qui est malheureusement de plus en plus
fréquent… »
Brouiller les pistes
En effet, dans une société où la jeunesse a été érigée au rang de valeur, certains adultes ont
tendance à chercher à gommer les différences avec leurs cadets. Loin de servir de référent, ils
concourent alors à brouiller les pistes. Le problème est différent, mais tout aussi préoccupant, dans
les familles « éclatées ».
« Je rencontre des parents qui se sentent perpétuellement mal à l’aise, vaguement coupables,
inquiets de ne pas assumer leur rôle d’éducateur, de ne pas être assez dans le coup, explique JeanPierre Maturelli, psychologue à Aix-en-Provence. Par une sorte de phénomène de reflet, cette
situation déstabilise l’adolescent ! »
Les parents doivent accepter, parfois, d’avoir le mauvais rôle - entendez : celui qui est le moins
valorisant pour des adultes encore jeunes -. Sans être ringards, ils doivent assumer ce qu’ils croient
être juste, et offrir ainsi une image de stabilité et de crédibilité dans un monde, celui des adolescents,
en perpétuel mouvement. Car c’est bien cette sorte d’attitude, sans oser le dire, que les jeunes
attendent de leurs aînés…
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