COURS 4 : L`adolescence : développement physique

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COURS 4 : L`adolescence : développement physique
COURS 4 : L'adolescence : développement physique, cognitif et social
PLAN :
1) La puberté
a) Le rôle des hormones
b) La nature des changements
2) Les effets psychologiques du développement pubertaire
a) La question du modèle interne : le poids de la subjectivité et de l'égocentrisme
b) Précocité et retard pubertaire
3) La sexualité des adolescents
a) la précocité des rapports sexuels
b) L’orientation sexuelle
4) L’adolescence comme construction sociale
a) L’adolescence
b) L’adolescence, une invention issue du social
- Quelques repères historiques :
- Les rites de passage vers la vie adulte
- L'adolescence selon Wallon : l'achèvement de la personne
- L'adolescence selon Erikson : un stade psychosocial
- L'évolution des relations interpersonnelles
5) le développement cognitif de l'adolescence
a) Le développement de la pensée formelle entre 11 et 15 ans (Piaget)
b) Les cognitions sociales à l'adolescence
- La discussion et la négociation : traduction d'un certain mode de pensée
- L'égocentrisme (à différencier de l' « égoisme »)
- L' « audience imaginaire »
- Une « fable personnelle »
Si l'on admet communément que la période de latence est une phase pendant laquelle le
caractère se déploie et se précise, le processus de l'adolescence est une phase qui prolonge, affine
et achève cette construction. Elle se caractérise par des changements aussi visibles que décisifs.
Dans le prolongement de la constitution de la personnalité, ce processus concerne la construction
et l'achèvement de l'identité, avec des répercutions à la fois sur les plans corporel, cognitif,
affectif et psychosocial.
Au regard du référentiel de la normalité développementale, l'adolescence passe
nécessairement par une quête identitaire, quête qui s'accompagne, comme nous allons le voir, de
différentes formes de confrontation avec le monde environnant.
Cette confrontation est la condition essentielle des mouvements de différenciation et
d'individuation qui caractérisent l'adolescence.
1) La puberté
Le terme « puberté » désigne les mécanismes et les processus de transformation qui sont
sous jacents aux changements physiques. Ceux-ci permettent à un enfant de devenir un adulte.
L'enfant devient alors capable de se reproduire en ayant atteint un degré de maturité
physiologique adulte.
La puberté, tout comme l'adolescence, ne correspond pas véritablement à un période de la
vie ou à un âge précis, mais bien davantage à un processus qui s'inscrit normalement dans la
dynamique (mouvement : succession de phase) du développement de l'individu. On se doit donc
de considérer les processus qui précèdent l’adolescence (période de latence en articulation) - et
non pas de façon isolée- pour apprécier finement l’équilibre psychique d’un sujet entrant dans
cette phase.
Cette inscription de nature physiologique s'effectue sur la durée, comme une transition
entre la période de latence et la maturité adulte. Elle se planifie sur plusieurs années, dans une
période de la vie située, de façon très large, entre 10 ans et 18 ans.
Mais on observe une variabilité importante concernant l'âge d'émergence et le déploiement
du processus pubertaire.
Ainsi, il faut dès maintenant noter que les mécanismes (leur succession, leurs enjeux, etc.)
pubertaires sont beaucoup plus constants entre les individus que la période à laquelle ils
apparaissent et se déploient pour chacun d'entre eux.
Nous étudierons ainsi le rythme développemental qui caractérise l’entrée dans la puberté,
l'évolution qu'elle vient signer et enfin les enjeux qui se trouvent associés.
a) Le rôle des hormones
Le processus pubertaire se déclenche avec la sécrétion de l'hormone de libération (« RH »)
qui est assurée par l'hypothalamus. La RH est envoyée au lobe antérieur de l'hypophyse qui
commence alors à sécréter, en quantité importante, les hormones gonadotrophines (« FSH » et
« LH »). Celles-ci vont agir en venant stimuler les glandes situées dans les testicules (chez le
garçon) et les ovaires (chez la fille).
En conséquence, ces glandes vont synthétiser davantage de testostérone (chez le garçon) et
d'oestradiol (chez la fille). Ces hormones sexuelles, à leur tour, vont permettre la maturation des
organes reproducteurs et le développement des caractères sexuels secondaires.
Ce développement est lui même soutenu par l'action de l'hormone appelée « androgènes»
sécrétée par les glandes corticosurrénales, elles même stimulées par l'hypophyse par la biais de
l'hormone adénohypophysaire (« ACTH »). (cf. schéma)
L'hypophyse, dans le même temps, sécrète aussi d'autres hormones qui agissent sur le
développement et la croissance : la somatotrophines aussi appelée l'hormone de croissance
(« GH ») et la thyréostimuline (« STH »).
Le schéma suivant reprend chaque point venant d'être exposé :
Stimulations hormonales au moment du déclenchement pubertaire
Hypothalamus
↓
RH
↓
Hypophyse
↓
↓
ACTH
↓
& FSH-LH
↓
Corticosurrénales
↓
&
GH & STH
↓
Testicules & Ovaires
↓
.
Développement global - croissance
↓
↓
(DCSS)
↓
(DCSP et DCSS)
{ = Développement des caractères sexuels primaires (DCSP) et secondaires (DCSS) }
b) La nature des changements
Les changements chez les filles et les garçons sont appréciés au travers de l'échelle de
Tanner. La croissance s'accélère dans la première partie de la puberté et l'adolescent(e) atteint sa
taille définitive à la fin de celle-ci.
Si le processus pubertaire est relativement complexe, on peut relever des changements
particulièrement visibles. Ces modifications concernent essentiellement les caractéristiques
sexuelles primaires : première règles chez les filles, accompagnées de la croissance des ovaires,
du vagin et de l'utérus, et premières éjaculations chez les garçons, accompagnés de la croissance
des testicules, du scrotum et du pénis.
Chez les filles des pays industrialisés, les premières règles surviennent en moyenne entre
12 ans 6 mois et 13 ans 6 mois. Le pic de croissance de la poussée de croissance est atteint vers
12 ans.
Les caractéristiques sexuelles secondaires sont également observables :
−
Chez les filles : augmentation du volume des seins et de la masse adipeuse, changement
et élargissement des hanches.
−
Chez les garçons : augmentation de la masse musculaire et de la pilosité faciale,
élargissement des épaules.
−
Chez les filles et les garçon : développement de la pilosité axillaire et pubienne, mue de
la voix (davantage marquée chez les garçons), poussée de croissance, changements
morphologiques du corps et du visage (plus marqués chez les garçons), augmentation du
volume des poumons et baisse de la fréquence cardiaque.
Le processus pubertaire chez les garçons est plus tardif : de 24 à 36 mois chez les garçons.
A la fin du processus pubertaire, les différences corporelles entre les filles et les garçons sont
beaucoup plus marquées que pendant l'enfance.
2) Les effets psychologiques du développement pubertaire
a) La question du modèle interne : le poids de la subjectivité et de l'égocentrisme à
l’adolescence
Des adolescents de même âge peuvent se situer à des niveaux différents de maturation
sexuelle lors de la puberté.
Les effets de la puberté sont aussi très variables en fonction du modèle interne de chacun :
en effet l’idée de l’âge normal et de l’âge souhaitable des changements pubertaire peut varier de
façon importante.
Chaque garçon a par exemple en tête l’idée de l’âge idéal (pour lui) de l’apparition des
caractères sexuels secondaires : mue de la voix, apparition de la pilosité faciales en constituent
les signes principaux.
Si l’on compare l’âge moyen d’apparition de la puberté chez le garçon et la fille à l’âge
pour lequel cette apparition va être ressentie comme très positive, on s’aperçoit que la meilleure
situation chez le garçon correspond à une apparition précoce, alors que chez la fille elle renvoie
plutôt à une apparition à un âge proche de la moyenne de la population.
Dans l’optique du modèle interne, on s’aperçoit, dans les études qui sont menées, que c’est
l’écart entre les objectifs visés (désirs) et ce qui arrive effectivement (réalité) qui va avoir une
forte influence sur la qualité de l’estime de soi.
Ainsi, les adolescents dont la puberté débute à un moment qui ne satisfait pas le modèle
qu’ils se sont forgés auront plus fortement tendance à avoir une image de leur corps et du
processus de transformation pubertaire plus dévalorisés. Ils seront généralement moins entourés
d’amis, et ils pourront même développer certains troubles symptomatiques d’un état d’angoisse
excessif.
b) Précocité et retard pubertaire
L'âge d'apparition des premières règles (la « ménarche ») a diminué de façon très
importante dans les pays industrialisés au cours du dernier siècle. Il semble aujourd'hui se
stabiliser depuis quelques années.
Pour donner un exemple : en 1840, l'âge moyen de la ménarche était de 17 ans, contre
l'intervalle de 12,6 à 13,6 ans actuellement. Les raisons de cette évolution rendant l'événement
plus précoce nous renvoient principalement aux progrès de la médecine et à l'amélioration de la
nutrition, plus équilibrée et plus diversifiée.
Lorsque le corps, en effet, est privé de ses apports essentiels, et lorsque les constantes
corporelles sont en dysrégulation (déséquilibre, déficit, excès, etc.), le retard d'apparition des
règles ou l'arrêt des règles (aménorrhée dite « secondaire ») est souvent associé.
Par exemple : l'anorexie mentale associée à l'aménorrhée primaire ou secondaire.
Pour certains jeunes, la puberté est plus précoce encore.
Dans la perspective médicale, le développement précoce se définit chez l'enfant comme
l'apparition des caractères sexuels secondaires avant l'âge de huit ans chez la fille, de dix ans
chez le garçon. Les causes peuvent être normales (activation hormonale selon un processus
accéléré mais normal, au sens de « naturel »), et, dans ce cas, influencées par divers facteurs dont
la maturation psychoaffective, ou au contraire pathologiques, comme par exemple dans des cas
de tumeurs des glandes surrénales ou des gonades.
Les plus désavantagés sur le plan du vécu affectif sont donc les filles « précoces » (et
tardives mais dans une moindre mesure) et les garçons « tardifs ».
Les filles qui se perçoivent trop précoces ont ainsi davantage d'expériences vécues
négativement. Elles sont nettement différentes des autres jeunes filles de même âge dans leur
classe. Elles se trouvent trop « enveloppées » et elles sont plus susceptibles de s'attirer des ennuis
ou de fréquenter des groupes qui s'éloignent des normes établies, originaux ou marginaux.
Les plus avantagés sont les garçons précoces, qui présentent une morphologie
correspondant au stéréotype de virilité. Ils sont « bien vus » dans le groupe des pairs, plus
souvent suivis par les garçons et les filles qui ont un développement normal.
Les conséquences d'une puberté tardive sont difficiles à apprécier et, à fortiori, à
généraliser. Néanmoins, on peut noter que les conflits peuvent être attisés de ce fait entre les
parents et la jeune fille, lorsqu'ils ont davantage de difficultés à admettre que leur fille est en
train de devenir adulte et qu'elle doit passer, pour y parvenir, par l'opposition vis à vis de leur
propre modèle.
Cette acceptation de la part des parents est ainsi facilitée quand le corps lui même exprime
et symbolise le changement pubertaire ainsi que le processus adolescent, processus qui se voit à
la fois sur le plan somatique, psychique et social.
En fonction de l'âge auquel se déclenche la puberté, et du modèle interne de l'adolescent(e),
les effets de la puberté peuvent être plus ou mois bien appréciées par eux-mêmes. Ainsi, la façon
dont les adolescents vont percevoir les modifications de leur corps et y réagir constitue le facteur
le plus important, au delà des changements corporels eux-mêmes.
On voit bien que c'est le vécu subjectif du changement qui prime, et que la réalité objective
de ce changement n'est pas une donnée des plus décisives.
Entre le sentiment de honte et celui de la fierté (estime de soi augmentée), toute une série
de sentiments peuvent intervenir en fonction de ce qui se dégage de la subjectivité.
Des sentiments contradictoires (exemple : autonomie/ dépendance ; volonté de
grandir/volonté de « régresser » dans des périodes de vie précédentes, etc.) sont très souvent à
l'oeuvre dans le processus adolescent, ce qui donne la plupart du temps des tendances, des
conduites et des discours porteurs d'une forte ambivalence.
Celle ci est avant tout liée à la recherche d’une identité propre, ce qui implique un certain
« tâtonnement » de l'adolescent dans ses explorations et ses représentations, à l'origine de
sentiments et de discours particulièrement changeants, et parfois même d'apparence paradoxale.
3) La sexualité des adolescents
a) la précocité des rapports sexuels
Le premier rapport sexuel est un passage symbolique à la sexualité d’adulte. Depuis la
passage d’une société traditionnelle à un modèle de société moderne, une séparation nette a été
rendue possible entre la sexualité et la procréation (de multiples méthodes contraceptives sont
aujourd’hui proposées).
En corrélation avec cette évolution, il existe désormais une déconnection forte entre le
premier rapport sexuel et l’événement du mariage ou le passage à une vie commune.
Ces données témoignent d’une activité sexuelle préconjugale plus importante ainsi que
d’un nombre plus élevé de partenaires que dans les décennies précédentes. L’âge médian des
premières relations sexuelles pour les français nés en 1970 est de 17.6 ans chez les femmes et de
17.4 chez les hommes.
Différentes études montrent qu’après une chute importante au cours du siècle dernier, en
particulier chez les femmes, l’âge du premier rapport sexuel s’est progressivement stabilisé. Il
existe néanmoins une forte variabilité chez les adolescents ; certains d’entre eux, certes peu
nombreux, ont déjà eu des rapports sexuels dès l’âge de 12 ou 13 ans.
b) L’orientation sexuelle
La logique majoritairement suivie par les adolescents consiste à fréquenter un groupe
unisexué puis un groupe hétérosexué et enfin à former un couple hétérosexuel.
Néanmoins, les jeunes homosexuels, lesbiennes ou bisexuels suivent d’autres trajectoires.
Ils représenteraient 3 à 6 % des adolescents aujourd’hui. Les jeunes adultes et adolescents
homosexuels traversent pour la plupart une séquence en trois étapes à l’adolescence :
- La première étape concerne le sentiment perçu dès l’enfance d’être différent. Vers l’âge
de 10 ans, ils tentent de faire sens à leurs sensations et se sentent profondément en détresse,
redoutant de ne pas être normaux.
- Avec l’entrée dans la puberté, seconde étape, les jeunes se sentent désormais clairement
différents du point de vue de la sexualité, vers 12 ans pour les garçons et 14 ans pour les filles.
Beaucoup d’entre eux se sentent seuls et isolés, et certains tentent de lutter (ou compenser)
contre leur orientation sexuelle en rencontrant des jeunes du sexe opposé ou en s’investissant
dans des activités fortement stéréotypées de leur genre.
L’absence de modèle positif et les caricatures négatives sont des éléments contribuant à
leur détresse et à une faible estime d’eux-mêmes.
- La dernière étape les amène à accepter pleinement leur orientation sexuelle, le plus
souvent à la fin de l’adolescence. Une fois ce seuil franchi, les adolescents ou les jeunes adultes
peuvent envisager d’évoquer leur orientation sexuelle à leurs proches (leurs amis, puis leurs
parents). Ils peuvent alors plus sereinement s’engager dans une relation amoureuse envers une
personne de même sexe.
Même si les représentations sociales ont nettement évolué depuis ces dernières années
(l’époque où l’on considérait l’homosexualité comme une pathologie n’est pas si éloignée...), il
reste un constat des plus frappants : 75 % des jeunes adolescents bisexuels ou homosexuels
rapportent avoir été agressés verbalement, et 15 % physiquement, en rapport direct avec leur
orientation sexuelle.
Ces agressions contribuent naturellement à fragiliser ces jeunes du point de vue de leur
santé mentale et à augmenter le risque de passage à l’acte suicidaire.
4) L’adolescence, une construction sociale
a) L’adolescence
Le mot « adolescence » vient du latin « adulescens » qui signifie « grandir » ou « arriver à
maturité ». Ce terme ne se référait pas auparavant à une classe d’âge donnée.
La définition traditionnelle de l’adolescence était ainsi fondée sur le développement et la
maturité physique. Désormais, l’adolescence fait référence à une période de transition entre
l’enfance et l’âge adulte. Elle nous renvoie certes à un âge, mais aussi et surtout, comme nous
l’avons déjà évoqué, à un processus de maturation qui trouve son articulation dans une
succession de phases développementales.
Le début de l’adolescence reste étroitement associé aux premières manifestations de la
puberté. Quant à la fin de l’adolescence, les points de vue convergent pour s’accorder à dire que
la fin du processus pubertaire ne correspond pas à la fin de l’adolescence.
La focalisation sur le développement psychosocial ne suffit pas non plus pour définir une
limite supérieure claire. En effet, les critères potentiels comme les privilèges légaux (voter,
conduire, dévenir représentant, etc.), le niveau optimum de socialisation, la maturité
émotionnelle ou l’autonomie financière sont atteints à des âges variables entre les individus
(pour le même critère) mais aussi chez une même personne (pour les différents critères).
Par exemple, le droit de vote est acquis en France à l’âge de 18 ans alors que les étudiants
sont rarement autonomes avant 23 ans, âge moyen de la fin des études. La fin de l’adolescence
est en revanche plus précoce pour les adolescents qui accèdent, parfois très jeunes, au statut de
parents.On peut donc néanmoins affirmer que le changement de rang générationnel, même s'il
s'effectue précocément, constitue un repère assez solide venant signer la fin de la période
adolescente.
b) L’adolescence, une invention du socius
- Quelques repères historiques :
L’adolescence est une construction sociale qui a émergé des sociétés industrialisées, en
lien avec l’histoire et la culture de ces pays.
En France, comme beaucoup de pays européens et d’Amérique du Nord, des dispositions
législatives ont participé de l’émergence et de la reconnaissance de la période adolescente,
notamment aux XIXème et XXème siècles. De façon synthètique, on peut dire que ces
modifications des textes de la Loi ont porté sur trois domaine : l’école, le travail et la justice.
L’école :
Les lois Ferry en 1881 et 1882 rendent l’instruction primaire obligatoire pour les enfants de
6 à 13 ans. L’école publique est gratuite et laïque. L’intention dominante est de former des
citoyens plus cultivés et donc plus « éclairés ».
Le travail :
La première loi en date du 22 mars 1841 a consisté à limiter le temps de travail avec par
exemple une limitation à 6h par jour pour les enfants de moins de 12 ans. Cette loi interdisait les
travaux souterrains (mines) pour les enfants de moins de 12 ans et pour les femmes. Elle fixait
aussi l’obligation pour les enfants de moins de 12 ans de suivre des cours à l’école en dehors des
heures de travail.
A partir des années 1870, l’interdiction du travail pour les enfants de moins de 12 ans est
progressivement appliquée.
La justice :
Juste aprés la seconde guerre mondiale, le texte du 2 février 1945 relatif à l'enfance
délinquante a été élaboré par le gouvernement provisoire de la République française, issu de la
resitance. Une juridiction est ainsi créée spécifiquement pour les mineurs.
Cette juridiction peut désormais condamner un mineur en fonction de son âge et de ses
actes répréhensibles mais elle prend toutes les mesures necessaires pour favoriser la protéction,
l'assistance et l'éducation du jeune concerné.
Ainsi, en rendant l'école obligatoire, en excluant l'enfant de certaines formes de travail, en
lui reconnaissant un statut juridique spécifique, la société a fait émergé une nouvelle période
transitoire qui est l'adolescence. Pendant cette phase intermédiaire, l'adolescent peut exercer des
responsabilité d'adulte tout en étant protégé, en le maintenant relativement séparé de la
population adulte tout en le préparant et sa futur insertion. Cette reconnaissance est donc
caractérisée par deux trajectoires enveloppant l'individu : enveloppe de croissance socialisante et
enveloppe de protection. Cette complémentarité forme la condition de cette fonction
trabsitionnelle permettant à l'adolescent d'entrer progressivement dans la « sphère adulte ».
– Les rites de passage vers la vie adulte
Les sociétés dites « traditionnelles » :
Si les limites supérieures de l'adolescence sont aujourd'hui difficilement repérables dans
les cultures européennes et nord-américaines, les rites de passage dans d'autres cultures marquent
très précisément le passage de l'enfance à l'âge adulte. Il faut noter que les rituels, d'une façon
générale, sont d'autant plus présents et opérants dans les cas où l'esprit de communauté est
fortement marqué. On retrouve ainsi de nombreuses cérémonies ritualisées à caractère sacré
venant marquer les « passages » importants de la vie, le plus souvent accompagnés de
questionnements existentiels.
Les cérémonies d'initiation, par exemple, annoncent à la communauté qu'un individu est
prêt à passer à l'âge adulte. Cette expression sociale est récurrente dans toutes les sociétés dites
« villageoises » ou « traditionnelles ».
Ajouté à l'idée de célébration, d'autres éléments sont retrouvés dans ces types de culture et
de sociétés, sur l'ensemble de la planète. Par exemple, la séparation et la réussite d'une tâche sont
des symboles au service de la ritualisation de ce passage.
Ainsi, les jeunes peuvent être séparés de leurs parents et des membres de l'autre sexe, ce
temps de distanciation pouvant être l'occasion de l'instruire dans le domaine des pratiques
sexuelles ou sur le rôle adulte à tenir dans le communauté.
Pour les garçons, un défi est souvent à relever pour lui donner l'occasion de démontrer sa
bravoure ou sa puissance, sa capacité à protéger ou nourrir son futur foyer (combat, chasse, lutte
contre le feu). Contrairement aux garçons, qui sont le plus souvent initiés dans le cadre d'un
groupe, les filles sont en revanche initiées seules la plupart du temps, ou dans un cercle social
très restreint.
On relève souvent également des pratiques rituelles laissant des marques sur le corps,
inscrivant l'individu matériellement et symboliquement dans une dynamique de passage rituel.
Ainsi, l'excision (reconnue aujourd'hui comme pratique à bannir pour la santé de la jeune femme,
et a fortiori chez la fillette), la circoncision, les scarifications ou encore l'épilation des cheveux
constituent des épreuves marquant le passage à la vie adulte de façon effective et symbolique.
Ainsi, dans cette perspective, c'est la communauté qui marque le changement de statut du
jeune, et c'est certainerment là sa caractéristique principale. La limite supérieure de l'âge
adolescent est donc précisément fixée par des êvenements reconnus par le groupe social.
Le rituel a donc une grande force symbolique (ce qui est « symbolique » crée du lien, relie
l'individu aux autres) et s'effectue à chaque fois de la même façon. La constance et la répétition
des contenus rituels forme ainsi une deuxième caractéristique qui lui est propre (une fonction
rituelle).
Les sociétés dites « modernes » :
Dans les sociétés dites moderne, ces repères sont aujourd'hui beaucoup moins présents
qu'auparavant, ce qui laisse une certaine confusion à propos de la limite supérieure de l'âge
adolescent. Si la religion a longtemps pris cette fonction de ritualisation, par exemple à travers la
confirmation dans la religion catholique, elle a aujourd'hui beaucoup moins d'influence, et les
repères se déplacent vers d'autres secteur communautaires, pouvant aussi être inscrits dans la
logique de la laïcité, le passage au lycée par exemple.
Les rituels sont donc plus diffus et diversifiés étant donnée la diversité des appartenances
groupales. L'individualisme se déploie aussi naturellement au détriment des rites de passage. Ils
sont ainsi sans cesse réinventés, recomposés par la multitude de références groupales qui
apparaissent et disparaissent.
Pour chaque groupe, il existe des codes, des rites, des valeurs, mais ces références sont
aujourd'hui plus fragiles et labiles, particulièrement changeantes. Par exemple, Internet permet
aujourd'hui de produire une forme de compensation (une reponse à l'isolement et à la dissolution
des groupes ?) en donnant la possiblité d'établir un nouveau rapport au groupe (blogs,
communauté, chat, etc.), un rapport en réalité très paradoxal puisqu'il peut créer de la relation
partielle et de l'illusion.
Ces nouveaux systèmes créent ainsi du lien social mais tout en assurant à l'individu la
possibilité de rester masqué. Ils instaurent une nouvelle temporalité de la relation (immédiateté)
ainsi qu'un nouveau rapport à sa propre solitude. La problémtique est dans ce cas de rendre
possible des passage entre le virtuel et le réel des relations, que la technologie reste un outil, un
moyen au service du liens social plutot qu'une fin en soi restant profondément égocentrique. Si
l'outil de médiation devient ue fin en soi, il peut enfermer l'individu dans le virtuel au détriment
de son ouverture er de son adaptation au monde extérieur.
Il faut proposer aux adolescents des repères fiables et de forte charge symbolique. Ces
indices de vie sont aujourd'hui neccessaires, mais les nombreux changements qui ont opéré dans
nos sociétés (multiplicité des structures familiales par exemple) pose le problème de
l'apauvrissement des rituels, autrement dit de constance symbolique.
On voit bien combien cet effacement provoque des compensations parfois dangereuses, par
exemple à travers l'explosion des conduites à risque, qui prennent souvent cette valeur de
confrontation à des limites, pourvoyeuse de sens, et réunissant des communauté de jeune fragiles
et en recherche d'équilibre. On parle là d'« actes de passage ». Ces conduites sont bien sûr à
prévenir, et il faut proposer d'autres formes de passage pour cela.
Aprés l'âge de 20-25 ans, il est interessant de remarquer que les jeunes qui manifestent des
conduites à risques changent la plupart du temps d'attitudes face à la vie et perdent cette tendance
à se confronter au danger, parfois vital, comme si le passage avait enfin été reconnu,
suffisamment imprimés en eux même pour faire face à la vie sans « jouer » avec elle.
Le tatouage et le piercing, qui sont des conduites dont le développement est exponentiel,
peuvent aussi évoquer cette recherche d'inscription et d'évolution dans la vie, en venant marquer
la peau pour en introduire une nouvelle symboliquement, réactualisé d'un nouveau sens, le plus
souvent à valeur existentielle.
– L'adolescence selon Wallon : l'achèvement de la personne
Dans la perspective de Wallon, la fin de la construction identitaire doit passer par une
affirmation marquée de soi qui implique nécessairement l'opposition vis à vis de l'entourage.
Les exigence de la formation de la personnalité deviennent prioritaires dans les enjeux du
développement. Ainsi, nous passons, comme au stade du personnalisme, à une phase centipète,
essentiellement centrée sur l'interêt de l'adolescent, même si les attitudes du l'individu restent
assez ambivalentes à cette phase, parfois même contradictoires, ce qui traduit une forme de
recherche flottante, par tatonnement, de ses propres repères personnels.
L'adolescent sort de plus en plus de la cellule familiale et il participe à des groupes sociaux
au sein desquels il pourra constuire ses choix, ses interêts, ses préférences, ses passions. De
groupe en groupe, l'adolescent vit aussi l'acceptation ou le refus de son appartenance au groupe,
ce qui participe aussi de façon centrale au processus et aux questionnements identitaires.
Wallon postule qu'au moment de l'adolescence, la personnalité devient autonome et
polyvalente. Avec l'instauration de la pensée catégorielle, avec les possibilités d'intégration et de
différenciation qu'elle implique, l'enfant parvient alors à se percevoir dans son unité psychique.
La pensée se tourne ainsi vers soi et l'adolescent peut alors s'interroger sur les raisons
d'être des personnes qu'il cotoie, de lui même, mais aussi sur la destinée de son existence :
l'élargissement des perspectives temporelles lui assure pleinement la continuité et la projection
de sa personne dans le temps. L'adolescence est en ce sens une période de questionnement
existentiels marqués, car il possède aussi les compétences cognitives pour supporter ces
mouvements interne.
La fin de la période de l'adolescence est marquée par des conflits et des antagonismes dont
la virulence et l'expression apparaissent décroissantes. Elle correspond aussi à l'achêvement de
l'intégration de toutes les composantes de la personnalité : cognitives, affectives, sociales.
– L'adolescence selon Erikson : un stade psychosocial
Selon Erikson, le sujet traverse des stades psychosociaux qui contribuent directement au
developpement du moi. Ainsi, à chaque stade correspond une tâche psychosociale particulière
qui est déterminée et assignée par la société à laquelle il appartient. Si l'enfant en développement
est en quête progressive de son identité, l'adolescence apparaît comme une étape crutiale pour
l'intégration des étapes précédentes, une condition pour devenir plus tard un adulte en
épanouissement.
Ainsi, pendant cette période, l'adolescent doit choisir sa trajectoire propre et établir un
compromis subtile, entre la determination de son identité (l'essence de son être, son authenticité)
et la diffusion de rôle sociaux.
En effet, il doit se construire une identité renouvellée, réactualisée, sur la base de sa
croissance acquise lors des stades précédents, une identité qui lui permette aussi d'assumer les
différents rôles qu'il aura à tenir dans le société : rôle professionnel, rôle sexuels, rôle pré
parental, rôle religieux, etc.
– L'évolution des relations interpersonnelles
Les relations interpersonnelles vont se modifier au cours de cette période par un double
mouvement de prise de distance par rapport à la famille et d'un rapprochement envers le groupe
des pairs. Ce double aspect est très important car il traduit un mouvement de compensation et
donc d'équilibration psycho-sociale. Ainsi, l'adolescent qui cherche à s'écarter des références
parentales mais qui reste isolé dans une forme de solitude (choisie par défaut) constitue un signe
inquiétant pour l'entourage car cette attitude forme une stase dans le développement (arrêt,
noeud).
Passer du cadre et du référentiel familial à celui du groupe amical est une démarche qui
aide l'adolescent à s'émanciper de la sphère familiale et à acquiérir une autonomie. Les
mouvements d'attachement vont ainsi pouvoir déplacer leurs charges sur des cibles
extrafamiliales.
Grâce à des progrés cognitifs notables et à des degrés croissants d'autonomisation,
l'adolescent va devenir capable de mieux se situer par rapport à autrui et d'avoir une perception
plus objective mais aussi plus distancée de ses relations avec ses parents. Il est désormais capable
d'intégrer des modèles d'attachements différents (et surtout extrafamiliaux) et de comparer ses
relations à des modes des figures d'attachement anciens voire précoces, de les comparer enfin
avec des modèles et des idéaux vécus précédemment comme des repères uniques, exclusifs et
préférentiels, représentations qui vont progressivement subir des modifications profondes.
Il y a donc à cette phase une forme de « désillusion » et de remise en question
particulièrement constructives dans le développement à l'adolescence. L'individu devient alors
capable de concevoir que les parents ne puissent pas nécessairement répondre à des bésoins
d'attachement qui pourraient être satisfaits par d'autres, hypothèse pouvant être effectivement
expérimentée.
Le transfert des besoins d'attachement des figures parentales vers le groupe des pairs va
aussi offrir la possiblité de vivre des relations distanciées d'une autorité directe et permanente
(qui instaure une forme de hiérarchie), symétriques, de réciprocité.
Ce mode de relation pose d'emblée des questions de façon nouvelles et elles doivent être
assumées auprés de ses pairs. En première ligne, on retouve des questions et des préoccupations
autour de la responsabilité, de la loyauté, de la complicité, de la confiance, etc. Les besoins de
fiabilité et de sécurité des relations familiales se tranfèrent alors sur le groupe des pairs et
interroge l'adolescent en réactualisant ces questions fondamentales.
La question de la confiance entre l'adolescent et ses parents reste néanmoins aussi une
conditon essentielle pour assouplir, apaiser et rendre possible la prise de distance et d'autonomie
du futur adulte.
5) le développement cognitif de l'adolescence
a) Le développement de la pensée formelle entre 11 et 15 ans (Piaget)
Au stade opératoire concret, le raisonnement de l'enfant dépend étroitement du contenu
matériel, concret, pratique auquel il s'applique.
Au stade formel, le préadolescent ou l'adolescent s'attache désormais de plus en plus à la
forme de son raisonnement, quel que soit le contenu auquel il s'applique. L'application devient
intériorisable, mentalisable, l'adolescent se la représente de plus en plus facilement. Il n'y a plus
besoin de support concret pour exercer son raisonnement. Il peut donc raisonner sur l’univers des
possibles tout en établissant des relations avec le réel.
Ainsi, pour résoudre des problèmes, l’adolescent en passant par l’élaboration d’hypothèses
en testant mentalement leur adéquation avec leur application sur le plan de la réalité. Le stade
des opérations formelles repose donc essentiellement sur la démarche hypothético-déductive :
capacité de poser des hypothèse et de mentaliser leurs implications, capacité de déduire des lois à
partir de ses expériences propres.
De façon générale, la réversibilité mentale des opérations est une capacité cognitive
essentielle, qui permet d’introduire la question de l’inversion et de la réciprocité pour
appréhender ou « renverser » une situation, anticiper et compenser un effet, etc.
Par exemple : Comment annuler le mouvement d’un piéton qui marche sur un tapis
roulant : la solution passe par l’inversion du mouvement du tapis roulant (réversibilité par
réciprocité) ou par l'invitation du piéton à prendre le chemin en sens inverse (réversibilité par
inversion). Ainsi le mouvement de déplacement observé se trouve annulé ou compensé par la
modification d’un paramètre de la situation.
Autre exemple : Rétablir mentalement (sans recours à l’expérimentation) l’équilibre d’un
balance en jouant sur l’augmentation du poids sur le côté plus léger mais aussi sur la diminution
du poids de côté opposé plus lourd.
Plus précisémenst, de nouveaux schèmes opératoires (schèmes opératoires formels) vont
devenir effectifs. Plusieurs types d’évolutions cognitives sont ainsi observés à ce stade :
- Le schème de la proportionnalité : comprendre la relation proportionnelle entre deux
paramètres influençant l’effet observé dans une situation.
Par exemple : la distance entre les poids situés sur les côtés d’un balance et le centre d’une
balance et la masse donnée des poids posés sur les deux côtés de celle ci constituent deux
facteurs dont l’influence agit directement sur le résultat observé (situation d’équilibre ou de
déséquilibre). Il est possible de penser la conservation d’un l’équilibre si l’un des poids
augmente à condition d’éloigner ce poids du centre de la balance. Il y a donc acquisition de
l’équivalence entre l’opération de diminuer le poids ou l’opération d’augmentation entre le poids
et le centre de la balance.
Ce schème est acquis grâce à l’intégration des questions de réversibilités des opérations et
à la structure de logique mentale qui y correspond.
- Le schème du référentiel multiple en cinétique : c’est ici la relation entre distance, temps,
et vitesse qui est en jeu. Ce schème est acquis lorsque le sujet comprend que le déplacement d’un
objet dépend directement du référentiel sur lequel il se déplace.
Ainsi, pour annuler le déplacement d’un objet, il suffit par exemple d’imposer une vitesse
inverse au support sur lequel cet objet se déplace pour rendre l’objet relativement immobile par
rapport au sol.
La réussite au problème repose encore une fois sur la réversibilité des opérations et sur la
coordination mentale des différents référentiels liés à une situation.
- La notion de probabilité : le sujet doit pouvoir raisonner par exemple sur la probabilité de
tirer au hasard un élément parmi un ensemble d’éléments, et calculer le nombre de combinaisons
possibles en le mettant en rapport avec le nombre de combinaisons correspondant à la réussite du
tirage.
Exemple précis : trouver une boule rouge parmi un ensemble de trois boules rouges et de
cinq boules noires : quelle probabilité d'y parvenir ?
La réussite au problème dépend du fait que le sujet dispose d’une logique combinatoire
permettant de tenir compte de tous les éléments en jeu, des caractéristiques propres à une partie
de ces éléments (nombre, couleurs), mais aussi qu’il soit capable d’effectuer de façon complète
un calcul prévisionnel en formant mentalement des propositions.
- Le schème de dissociation entre facteurs : c’est le plus complexe des schèmes
correspondant au stade des opérations formelles. Il s’agit d’analyser une situation et de
déterminer de façon distincte les différents facteurs (dans leur intégralité) qui influence le
résultat lié à une situation donnée.
Exemple : Quel (s) facteur (s) va influencer la vitesse d’oscillation d’un pendule : hauteur
de chute, poids du pendule, longueur du fil auquel est suspendu le pendule ?
(réponse : la
longueur du fil uniquement)
Autre exemple : Quel (s) facteur (s) ou propriété physique va directement influencer la
variation du niveau de l’eau d’un bassin dans lequel est plongé une barque de laquelle on retire
des poids métalliques que l’on va plonger dans l’eau du bassin ? (réponse la densité est le seul
facteur nous permettant d'anticiper le changement de niveau de l’eau.
On considère qu’à partir de 15 ans, un sujet peut être capable de faire varier sur le plan
expérimental un seul facteur tout en maintenant les autres constants et de se représenter les
opérations de façon mentale.
Dans la perspective de Piaget, les opérations formelles ne sont accessibles par tout le
monde. Ce type de raisonnement est en grande partie stimulé par l’environnement social et la
construction cognitive qui l’accompagne.
Ainsi, la plupart de nos tâches et expériences quotidiennes en nécessitent pas de recours
aux opérations formelles.
b) Les cognitions sociales à l'adolescence
La pensée formelle affecte aussi la vie sociale et personnelle de l'adolescent. Les
cognitions sociales de l'adolescent sont ainsi bien spécifiques : il s'agit de la pensée des
adolescents les concernant, mais aussi concernant le monde environnant, leurs relations avec les
autres, et leur participation à des groupes et à la société en général.
–
La discussion et la négociation : traduction d'un certain mode de pensée portant sur soi et sur
le monde
Pendant l'adolescence, l'individu est en pleine recherche identitaire. L'opposition et la
confrontation aux limites fixées par la “loi parentale” sont des aspects habituels et structurants
pour la construction psychique de l'adolescent.
Les aspects conflictuels qui apparaissent à cet âge sont donc attendus et prennent une
fonction constructive, dans la mesure où les disputes ou les débats ne sont pas permanents,
explosifs, envahissants. Ils doivent aussi mobiliser et mener à des possiblités l'élaboration et non
à du passage à l'acte répété, à des formes de violence non élaborées et non associées à de la mise
en sens des situations porteuses de conflictualité.
L'opposition doit donc passer par l'usage de la sphère cognitive, par le monde des idées.
Les réactions typiques des adolescents, comme leur capacité à discuter les consignes des parents
ou des enseignants peuvent exaspérer l'entourage, mais son rôle est d'y “survivre”, de supporter
la conflictualité et de la dépasser en passant par l'échange d'idées, ce qui ne veut pas dire que tout
devient négociable.
En effet, il est particulièrement important, à cet âge, que la loi soit explicitée, reconnue
légitimement, qu'il s'agisse d'une loi symbolique autant qu'effective, garantissant l'égalité, la
sécurité ou la liberté et non la loi du plus fort (aboutissant le plus souvent à l'échec de la relation
et du respect de la loi).
Ces réactions d'opposition croissantes et cette tendance à négocier ou à démontrer les
contradictions éventuelles de la loi sont donc une des caractéristiques spécifiques du
développement des adolescents. Elles provoquent des tensions et impliquent de nombreux
rééquilibrages dans la sphère familiale.
Mais si ces discussions, com:me l'avons déjà évoqué, ne sont pas trop fréquentes ou
envahissantes et ne dégénèrent pas systématiquement, elles participent directement du
développement des adolescents. Par ces discussions, portant souvent sur les règles et les
pratiques intrafamiliales, les adolescents apprennent les valeurs de leurs parents ainsi que les
raisons qui les sous-tendent, tout en forgeant leur identité et leur esprit critique.
A la fin de la période adolescente, les jeunes adultes adopteront beaucoup de ces croyances
sans pour autant calquer ce modèle sans distance ou sans critique (situation pathogène) ; ils
viennent finalement les considérant comme valides, compréhensibles et donc légitimes.
La capacité à argumenter se traduit aussi naturellement par les multiples joutes verbales
auxquelles participent les adolescents, portant le plus souvent sur les faits politiques et les
valeurs morales.
–
L'égocentrisme (à différencier de l' « égoïsme »)
La référence égocentrique est prédominante à l'adolescence, ce qui entraîne un
fonctionnement mental particulier. En effet, l'adolescent a le sentiment que “le monde tourne
autour de lui”, ce qui provoque une confusion des limites, des frontières entre lui et le monde
extérieur (ses différentes échelles : parents, familles, école, etc.), ce qui augmente parfois aussi
sa susceptibilité dans le cadre de conflits qui ne le concernent pas directement.
L'adolescence est donc une phase d'individuation essentielle pendant laquelle il existe une
différenciation inadéquate entre sa propre pensée et celle des autres. Temporairement submergés
par la conscience de soi et la pensée abstraite, et sujets à des changements physique rapides et
importants, les adolescents deviennent ainsi plus centrés sur eux-mêmes.
Les effets de l'égocentrisme adolescent sont compris au travers de concepts reliés :
l”audience imaginaire et la fable personnelle.
Ils rendent compte d'une grande variété de comportements typiques des adolescents.
–
L' « audience imaginaire »
L'audience imaginaire résulte de l'échec de l'adolescent à différencier ses propres pensées
de celles des autres, en lien direct avec des états de centration sur soi, observés trés couramment
à l'adolescence.
Ces paramètres peuvent conduire l'adolescent à croire que les autres sont préoccupés par
ses pensées ou ses comportements. Dans cette optique, il reste ainsi persuadé qu'il doit sans cesse
anticiper les réactions d'une audience imaginaire. Le terme “audience” vient du fait que les
adolescents ont la sensation tenace qu'ils sont au centre de l'attention ; cette audience est
imaginaire dans le sens où les autres ne sont bien souvent pas réellement concernés par
l'adolescent ou par ses préocupations.
L'anticipation des réactions de cette audience imaginaire leur permet de construire et
d'affiner leur conscience d'eux-mêmes tout en rendant compte, le plus souvent, de leurs
inquiètudes excessives concernant leur apparence.
La garçon ou la fille qui reste devant son miroir pendant prés d'une heure est probablement
en train de penser à la façon dont il sera perçu par son entourage.
La préoccupation adolescente vis à vis de la réaction des autres aide aussi à comprendre
certains sentiments excessifs, par exemple, ceux de honte. Par ailleurs, la conscience intense du
regard des autres est à l'origine de la réaction excessive des adolescents face aux critiques ou aux
remarques, réactions des plus courantes que peuvent observer bon nombre de parents.
Une autre manifestation fréquente de l'audience imaginaire est l'anticipation des
adolescents sur ce que les autres diront ou comment ils réagiront à leur propre mort
hypothètique. Autant de façon de se représenter leur indépendance et leur propre autonomie
(autonomie = « se nommer soi-même ») tout en réfléchissant à la place er à la valeur que le
monde leur attribue.
Ils espèrent ainsi qu'ils seront reconnus pour leur qualité.
–
Une « fable personnelle »
L'autre versant de l'egocentrisme porte sur la surdifférenciation des sentiments des
adolescents par rapport à ceux des autres, les poussant à l'exagération de leur valeur unique.
Desormais plus conscient d'eux-même, focalisé sur leur propre image et celle renvoyée par autrui
en miroir, les adolescents se sentent au moins aussi importants que le reste du monde.
Ils tendraient alors à se considérer comme plus spéciaux et uniques qu'ils ne le sont en
réalité (recherche excessive de différence et de valeurs propre). Ces aspects sont reconnus sous le
nom de fable personnelle, histoires subjectives qu'ils se racontent et qui débordent du champ de
la réalité (sollicitation de ressources créatives pour inventer et confirmer cette « fable »). Le
concept de fable personnelle aide à comprendre ce qui sous tend par exemple les réactions
verbales de type « vous ne me comprendrez jamais ! ».
Des signes de la fable personnelle peuvent être retrouvés dans les journaux intimes. Les
adolescents y expriment en effet ces sentiments d'incompréhension ou leur désir de vivre une vie
différente de celle de leurs parents. Le premier chagrin d'amour est aussi l'occasion de voir ces
signes renvoyant à l'unicité de chaque adolescent et au caractère exeptionnel de ce qu'il vit : à
l'entendre, personne n'a jamais souffert comme il (ou elle) souffre.
La conjonction de la fable personnelle et de la recherche de sensations caractéristiques de
l'adolescence (exister c'est sentir son corps présent, vivant, voire criant) peuvent conduire
certains adolescents à présenter des conduites à risques en ayant la sensation qu'ils ne sont pas
sujets aux dangers ou au destin habituellement vécus par les autres.
L'audience imaginaire et la fable personnelle atteignent un paroxysme pendant la transition
entre le stade des opérations concrêtes et le stade des opérations formelles (vers 12 ans).
Ensuite, ces deux tendances s'atténuent progressivement.
Entre confusion et exagération des frontières le séparant du monde externe, on voit bien
que l'adolescence se caractérise en première ligne par la recherche dynamique d'équilibre, duquel
résultent, en fin de processus, un nombre important de compromis structurant.
En effet, pour finalement établir et conserver cet équilibre psychique, il est ainsi souvent
nécessaire pour l'adolescent d'explorer dans un premier temps des pôles excessifs, le plaçant bien
souvent dans des problématiques paradoxales : « j'ai besoin de l'autre mais je n'ai pas besoin de
l'autre », « je n'ai que faire de vos limites mais dites moi à quel « justice » elles correspondent »,
etc.). Suite à cette adolescence de l'instabilité et du paradoxe, l'adolescence pourra ensuite se
contruire sur de nombreux compromis, vers davantage de « stabilité identitaire », pour enfin
stabiliser son positionnement et parvenir à un degré élevé de maturité, cognitive, affective,
physiologique et sociale.

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