Entrevues pour adolescents
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Entrevues pour adolescents
Entrevues CMPP ST MALO 48 ave du 47 ème RI 35400 ST MALO CMPP ST MALO 48 ave du 47 ème RI 35 400 ST MALO Association Départementale des PEP 35 4 Bd Volclair - CS 70345 - 35203 Rennes Cedex T : 02.99.86.13.30 Fax : 02.99.50.10.66 www;pep35.org 0 Dossier AFPSSU 2011-09-14 Titre : ENTREVUES pour adolescents 6 séances pour « « voir » … Auteurs : Equipe pluridisciplinaire du CMPP de Saint Malo - établissement géré par l’association P.E.P. 35- comprenant : - Un médecin psychiatre, directeur du CMPP : Docteur Jacques Delarue [email protected] - Une directrice administrative et pédagogique : Marylène Simon [email protected] - Un médecin psychiatre consultant : Martine Lesage [email protected] - Une assistante sociale : Isabelle Pottier [email protected] - Deux psychologues : Jean-Noël Donnart [email protected] Marie-Christine Ségalen [email protected] Référent à contacter : Madame Marylène Simon Tel : 02 99 56 53 51 Résumé : Le dispositif ENTREVUES vise à accueillir sans délai l’urgence subjective d’adolescents en détresse ou en difficultés. Il s’agit de prendre en compte, au cas par cas, une demande qui peut provenir du jeune lui-même, mais aussi des parents, du milieu scolaire ou de l’environnement social. Nous proposons de recevoir ces adolescents sur un nombre limité de séances, à savoir 6 maximum, au départ, pour qu’ils puissent faire l’expérience d’une rencontre inédite avec un psychologue qui prendra en compte leur singularité et élaborera, avec eux, des réponses particularisées. Mots clés : adolescents en souffrance – urgence subjective – mal être – problématique de refus – désorientation – 1 Introduction : Appuyé sur le C.M.P.P. de Saint-Malo, le dispositif ENTREVUES a été conçu pour répondre à l’urgence subjective d’adolescents qui rencontrent, à cette époque délicate de la vie, des difficultés dans différents registres : angoisses face à l’orientation, décrochage scolaire, refus de l’autorité, conflits avec les parents, les professeurs, relations difficiles avec les autres dans la famille et le milieu scolaire, énigme de l’Autre sexe, détresse face aux enjeux de la vie moderne, prises de risques, addictions diverses (alcool, cannabis, jeux vidéos, Face Book…), conduites agressives et suicidaires, etc… L’accueil que nous proposons se fait sans délai (sous 15 jours) et sur un nombre limité de séances (6 maximum, au départ) pour que l’adolescent fasse l’épreuve d’une rencontre qui compte pour lui, car s’inscrivant dans un registre différent de celui expérimenté à l’école ou avec ses parents. En effet, il s’agit de prendre en compte la parole de l’adolescent à part entière, dégagée du contexte éducatif et des idéaux véhiculés spontanément par l’école ou par les parents, de considérer la problématique de cet adolescent dans son extrême singularité et de l’accompagner pour qu’il dégage, (avec les outils dont il dispose et que nous essayons de faire apparaître) des directions, des solutions, des projets sur lesquels il puisse prendre appui pour son existence. Le fait que le nombre de séances soit limité au départ nous a semblé convenir à une logique spécifique de l’adolescence. En effet, c’est un moment où les imagos parentales et les figures de l’autorité se fracturent, où l’idéal du côté des adultes se délite, où les identifications d’une manière générale vacillent. Dans ce moment de grande fragilité et de précarité, il est important que l’adulte qu’il rencontre n’incarne pas pour lui une figure du Maître, de celui qui sait, (particulièrement ce qui est bien ou mieux pour lui), il ne s’agit pas d’un savoir d’expert ; il nous semble plus adéquat d’être plutôt du côté d’une figure d’un Autre limité, (dans le temps déjà), décomplété (sans préjugés, sans a priori sur son compte), du côté d’un savoir à élaborer, à construire avec lui, dans la rencontre. Tout l’enjeu est donc qu’elle prenne une autre place que celle de la série de rencontres avec « des adultes qui donnent des conseils » que l’adolescent connait déjà bien souvent, afin de permettre l’émergence d’une subjectivité, de faire apparaître ce qu’il en est d’un désir à l’œuvre, mais aussi des impasses dans lesquelles celui-ci a pu se fourvoyer. C’est cette spécificité qui permet qu’un jeune 2 s’engage dans sa parole de manière moins défensive, plus libre, et ouvre ainsi le champ des possibles. Cette limite des 6 rendez-vous est conçue comme une ponctuation. Cependant il est possible pour le jeune de poursuivre ces rencontres au-delà, avec le même praticien. Description du projet : Premier contact : les demandes sont reçues par téléphone au 02 99 56 53 51 (tel du CMPP de Saint Malo) et recueillies par Isabelle Pottier, assistante sociale. Lors de ce premier contact, Madame Pottier accueille la demande, en précise l’origine (adolescent lui-même, parents, école, services sociaux…), recueille les premiers éléments pour discerner si cet appel relève du dispositif Entrevues ou pas (s’il s’agit en effet d’une urgence psychiatrique, la demande est renvoyée sur un médecin ou vers l’hôpital). Lorsque le dispositif peut être proposé, elle en assure la présentation, à savoir : rencontre avec un psychologue sur un nombre limité de séances dans un premier temps (6 maximum), puis, si une poursuite est envisagée, rencontre avec un médecin, inscription au CMPP, puis prolongation du travail engagé avec le même psychologue. Il nous est apparu très important, en particulier dans cette période de l'adolescence, de pouvoir accueillir ce que nous nommons « l'urgence subjective » - à distinguer en effet de l'urgence psychiatrique. Nous considérons le moment de l'appel comme un moment crucial, où il est possible d’obtenir un consentement du sujet, ou en tout cas une ouverture qu'il convient de saisir sans délai. Par ailleurs, nous étions sollicités par des parents, mais aussi par des professeurs, des services sociaux, à propos d’adolescents en grandes difficultés, mais qui n’étaient pas demandeurs, voire qui étaient en position de refus de toute aide. L’offre d’une rencontre sur un nombre limité de séances permet qu’ils acceptent malgré tout de tenter cette expérience. Il s'est en effet avéré que cette limitation dans la durée ouvrait une perspective pour un certain nombre d'adolescents qui pouvaient, à cette condition, consentir à rencontrer un psy. Le rôle de l’assistante sociale s’avère donc crucial car à l’interface d’Entrevues avec les différents partenaires : réseau réussite éducative, assistantes sociales et infirmières des collèges et lycées etc... Rencontre : Dans les 15 jours qui suivent ce premier contact, l’adolescent est reçu, seul de préférence (s’il en est d’accord), ou avec ses parents (s’il le souhaite). 3 Cette première rencontre est cruciale. Il s’agit de mettre en place avec l’adolescent et sa famille des modalités de dialogue qui vont au-delà d’une rencontre ordinaire : il faut que cela compte pour lui et pour ses parents. Et cela opère si l’adolescent repère assez rapidement que sa parole n’a pas le même statut qu’à l’ordinaire dans cette rencontre : il s’agit d’un lieu d’accueil de son vécu et de ses symptômes sans jugement (mais sans complaisance non plus), dans ce moment délicat où il cherche à la fois une place, une identification qui vaille, une orientation dans l’existence… Il peut ainsi percevoir aussi que cela concerne l’écoute de ce qui, à lui-même, échappe, de ce qui, à son insu, et parfois même à sa perte, travaille en lui… et de mettre à jour la fonction que cela occupe pour lui dans son existence. Les psychologues ayant mis en place ce dispositif (Jean-Noël Donnart et MarieChristine Ségalen) sont orientés par la psychanalyse lacanienne, ce qui signifie qu’ils sont formés à une écoute au-delà des préjugés concernant le bien des adolescents, au-delà des idéaux que chacun véhicule. Ils opèrent à partir d’une écoute particularisée où ils tentent de repérer, dès les premiers entretiens, les signifiants majeurs d’un sujet (c’est-à-dire les mots-clés de son histoire) ainsi que l’apparition de formations de l’inconscient à l’œuvre signant ce que la psychanalyse appelle «la division du sujet» (soit un conflit psychique latent, ou un symptôme à déchiffrer) ou au contraire l’absence de cette division, ce qui peut signer, à l’occasion, une symptomatologie sous-jacente plus grave. Il est, pour cela, nécessaire d’être particulièrement attentif au langage des adolescents et de l’usage qu’ils en font. Les difficultés langagières sont parfois le signe d’un malaise plus profond, ils peuvent être les prémisses d’un déclenchement psychotique à venir. Pour pouvoir effectuer une telle approche, cela suppose une formation qui permet d’appliquer la psychanalyse à la thérapeutique, c’est-à-dire faisant la part belle à l’élaboration langagière, à la formulation de ce qui est parfois du côté d’un impossible à dire, à travers l’échange, le dialogue et non dans un cadre strict, sans céder pour autant à l’éthique de cette discipline, et aux points de repères structuraux qu’elle exige. La demande : Les premières rencontres consistent à faire émerger et advenir une demande qui appartienne au sujet, à distinguer de la demande sociale ou familiale. Il est en effet fréquent que l’école ou la famille ne supporte plus le comportement d’un adolescent : agressivité, refus de travailler allant parfois jusqu’au refus scolaire, conduites addictives, provocations, mensonges, mauvaises fréquentations etc… 4 Amené en consultation sur ces critères, l’adolescent, même s’il a donné un pseudo accord pour une rencontre avec un ‘psy’, se montre très défensif, voire réfute son accord : « Mes parents veulent que je vois un ‘psy’, mais je ne suis pas fou ». Le premier temps d’échange doit permettre de se dégager de cette injonction de soin parentale ou sociale, pour arriver à amener l’adolescent à s’intéresser à ce qui lui arrive, à lui donner l’occasion de construire sa propre version de ce qui se passe pour lui et de l’amener à en dire un peu plus que ce que les autres disent de lui. Le symptôme : De la même façon, le symptôme signalé par la famille ou l’entourage, n’est pas obligatoirement «subjectivé» par l’adolescent. Quelquefois, celui-ci ne l’aborde aucunement, n’étant pas problématisé pour lui. Notre position est de ne pas prendre le symptôme de front, mais d’essayer d’en découvrir le rôle et la fonction pour chaque sujet, avant de pouvoir l’aborder. C’est pourquoi, nous nous penchons longuement sur les coordonnées d’apparition d’un symptôme, si le sujet accepte d’en parler. Quand il n’est pas possible d’en parler directement, il faut tout d’abord faire des détours, prendre « langue » avec l’adolescent, faire connaissance plus avant, selon ce que lui, souhaite amener dans ses séances. Nous avons souvent la surprise de découvrir que ce qui fait symptôme pour un sujet n’a pas forcément à voir avec ce pour quoi il est amené par ses parents à consulter. « Le symptôme est ce qu’un sujet a de plus réel ». Nous appuyant sur ce dire de Lacan, notre travail ne s’oriente donc pas vers une éradication du symptôme, mais au contraire, notre intérêt se porte vers ses manifestations et sur leur apparition dans une certaine contingence de l’histoire du sujet. Ainsi, par exemple, un blocage scolaire peut avoir de multiples facettes et n’avoir pas du tout la même fonction selon les individus concernés. Suivant les cas examinés, il s’agira soit, par exemple, de lever une inhibition due à l’apparition du sexuel dans la sphère scolaire (une jeune fille ayant une attirance sexuelle pour une autre ne pouvait plus assister aux cours, parasitée par ce désir coupable), soit, autre exemple, de faire entendre à l’entourage que l’obligation scolaire doit être levée pour ce sujet, car ayant provoqué des modalités de déclenchement (hallucinations, délire etc…), ce qui pourrait occasionner des crises plus graves encore, si une insistance arbitraire se poursuivait. Il est donc très important de prendre le temps d’analyser les coordonnées de mise en place des symptômes au cas par cas, de trouver avec chacun, des solutions adaptées à la problématique sous-jacente. 5 Ainsi, telle adolescente, amenée par sa mère pour des conflits permanents et pour un blocage scolaire, ne parlera pas de ses conflits avec sa mère, ni de l’école, mais s’étendra longuement sur ses inquiétudes concernant son père, séparé de sa mère, qu’elle sent désemparé depuis le divorce (dont elle fait porter la responsabilité à sa mère), et sur ses relations de jalousie avec son frère plus jeune. Ce n’est que dans un second temps qu’elle mettra en lien son agressivité envers sa mère et ses inquiétudes. Le refus de travailler à l’école servait seulement à angoisser sa mère et à attirer son attention vers elle. Les entretiens permettront à cette jeune fille de sortir de sa position de victime identifiée en cela au père et d’émettre des choix professionnels, en conformité avec son désir, ce qui débloquera la situation scolaire... Ou encore, les centres d'intérêt manifestés par ce jeune homme de 17 ans, pour la musique rock métal, parallèlement à sa désinsertion du lycée, apparaitront, lors des rencontres, comme une construction fort complexe concernant son rapport à la langue. Accueillie comme telle, cette construction lui permettra d'éviter un démantèlement plus radical de sa personnalité et fera point d'appui crucial pour lui. Soutenir cette solution aura des effets thérapeutiques notoires et ouvrira des possibilités sur un plan professionnel. Le transfert Les 6 séances doivent servir à nouer une relation entre le jeune et le praticien, mais, il ne s’agit pas de mettre l’adolescent dans une situation de dépendance vis à vis d’un adulte qui viendrait combler ses manques ou lui prodiguer des conseils. Il s’agit plutôt que l’adolescent trouve un interlocuteur, c’est-à-dire quelqu’un qui lui permette de s’entendre lui-même dans ce qu’il dit, au-delà parfois de ce qu’il pense énoncer, de donner un statut à sa parole qui va jouer un rôle de tiers entre lui et l’autre, de lui permettre ainsi d’y reconnaître des traces de son désir. C’est sur cette base même que le praticien va prendre appui pour s’autoriser à intervenir : ponctuer, relever certaines phrases-clés du sujet, certaines équivoques dans la langue ou, a contrario, permettre à un sujet totalement inhibé de prendre la parole, en l’accompagnant dans l’expression de ses désirs, via une attention soutenue portée à ses centres d’intérêt. Une ponctuation et une rencontre avec le médecin Au bout des 6 séances, un point est fait pour connaître la décision de l’adolescent, (c’est le moment de conclure), concernant la poursuite ou non du travail thérapeutique. Lorsque le sujet fait le choix d’arrêter les séances, un regard porté sur 6 les séances qui viennent d’avoir lieu permet de tirer à conséquence sur les questions qui ont été abordées et de conclure. Souvent, des effets thérapeutiques rapides amènent un arrêt des séances ; parfois le sujet ne souhaite pas poursuivre, car « c’est suffisant » pour lui, mais il sait qu’il pourra, dans tous les cas, revenir, s’il le juge nécessaire. Pour ceux qui choisissent de poursuivre au-delà, c’est l’occasion d’introduire une rencontre avec un médecin qui viendra officialiser l’inscription au CMPP et prendre acte de la poursuite des séances. Le médecin est un partenaire important car il va jouer un rôle de tiers en recevant les parents qui parfois n’ont pas encore été reçus, en leur ouvrant un espace de parole, tout en préservant celui de leur fils ou de leur fille. Parfois, des solutions proprement médicales peuvent être proposées lors de cette rencontre : mise en place, par exemple, d’un traitement médicamenteux si nécessaire (troubles graves du sommeil, angoisses, passages à l’acte etc…) voire proposition d’hospitalisation (dans les cas de dépression grave avec risque de passage à l’acte suicidaire, par exemple) Le travail en équipe Une réunion consacrée à la présentation des cas d’Entrevues a lieu tous les 15 jours. Y participent : les médecins, la directrice administrative et pédagogique, l’assistante sociale, les psychologues et les stagiaires qui en font la demande. Cette présentation des cas est un temps d’échange, de concertation, pour dégager les points vifs apparus dans la rencontre avec le jeune et décider de la marche à suivre et des propositions à envisager. C’est l’occasion aussi pour le praticien qui a rencontré le jeune de faire part des difficultés qu’il a peut-être éprouvées, dans la conduite des séances. Les échanges permettent souvent de mettre en évidence l’importance de ces rencontres pour un jeune et de les soutenir (dans les cas, par exemple, où parfois, ils s’expriment peu), de mettre en valeur et d’appuyer une solution en partenariat avec des travailleurs sociaux ou avec l’appui d’un médecin ou de la directrice. C’est un travail à plusieurs où chacun se positionne dans le but d’accompagner au mieux le jeune dans ses solutions. Des interventions extérieures sont parfois nécessaires : prises de contact avec les collèges ou lycées par la directrice administrative ou l’assistante sociale, mise en jeu des réseaux de partenaires (réseau réussite éducative …) Par exemple, suite à des Entrevues, des solutions d’accompagnement d’une jeune fille mélancolique ont été mises en place avec des travailleurs sociaux, par 7 l’intermédiaire de l’assistante sociale et un suivi de la famille d’accueil par le médecin directeur a été proposé. Des réunions, par la suite, seront nécessaires pour coordonner ce travail en réseau. Ou encore, ce jeune lycéen déscolarisé, en très grande difficulté subjective, a été orienté, parallèlement au suivi Entrevues, vers un dispositif «soin/étude», contact ayant été pris par le médecin directeur du CMPP. Le travail avec les parents Aucun protocole concernant le travail avec les parents n’a été mis en place. Il s’agit toujours d’un travail au un par un. L’équipe est à l’écoute de toute demande émanant de leur part. Parfois ils souhaitent rencontrer le thérapeute de leur enfant (mais pas toujours), parfois, celui-ci ne le souhaitant pas, ils respectent ce choix et peuvent cependant être reçus par un médecin ou un autre intervenant, à leur convenance. De notre côté, il peut parfois s’avérer nécessaire de rencontrer les parents. Cela se fait avec l’accord du jeune concerné, en sa présence s’il le souhaite, ou en son absence, s’il en est d’accord. Il est en effet parfois nécessaire de se faire partenaire des parents dans des situations où les conflits doivent être désamorcés, dans les cas où le dialogue est totalement rompu par exemple. Souvent d’ailleurs, l’adolescent le souhaite et le réclame : « Vous pourriez voir mes parents et leur expliquer ? » Le maniement de la rencontre avec les parents est parfois délicat : il ne s’agit pas de dévoiler le contenu des séances qui se fait sous le sceau du secret et dont il est important de préserver la confidentialité, mais il est quelquefois nécessaire qu’une relation s’instaure avec les parents pour que ceux-ci accordent une confiance suffisante au praticien et assurent la poursuite des séances. Nous sommes donc toujours à leur disposition pour les recevoir, notamment dans les moments de crise, tout en préservant l’éthique d’une absolue confidentialité des séances avec leur enfant. L’équipe pluridisciplinaire joue là un rôle essentiel dans l’accueil des parents permettant d’offrir, si nécessaire, un lieu adapté à leurs questionnements. L’élaboration de solutions Si le but n’est pas la suppression des symptômes ou leur éradication, il s’agit pourtant d’obtenir une certaine élaboration qui vaille pour un sujet et puisse constituer une solution pour faire barrage à ce qui pourrait parfois être périlleux pour lui. Pour la psychanalyse, nommer le point qui fait souffrance ou impasse pour le sujet, soit le symptôme, est le premier temps d’une élaboration ou d’un traitement. 8 L’offre d’Entrevues peut-être l’occasion, tantôt d’un premier aperçu des questions à traiter avec parfois une issue thérapeutique rapide, tantôt d’une ouverture sur un remaniement subjectif plus conséquent et une mutation de la position du sujet dans l’existence. Par exemple, cette jeune fille de 14 ans qui refusait radicalement de retourner au collège et ce, depuis 4 mois, malgré menaces et punitions, ce qui l’amenait à une désinsertion sociale et angoissait ses parents. Lors des Entrevues où elle est venue « à reculons », sous contrainte de ses parents qui ne savaient plus comment s’y prendre avec elle, elle énonce clairement son souhait de faire une école d’esthétique, ce dont elle avait déjà parlé à ses parents mais dont ils n’avaient guère accusé réception, considérant cette idée comme une lubie d’adolescente. Dans les séances, elle exprimera et développera le sérieux de son projet, articulé à une rencontre qui avait compté pour elle lors d’une journée Portes Ouvertes. Nous soutiendrons alors ce projet auprès de ses parents, ce qui permettra à cette jeune fille de sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouvait. Quelques séances auront donc suffit, dans ce cas, pour qu’elle puisse se faire entendre. Jusque là, des adultes cherchaient une solution pour elle, sans prendre tout d’abord en compte son désir dont il s’agissait d’accuser réception. Par la suite, une reprise de contact est toujours possible, ce qui arrive à l’occasion. Entrevues constitue et demeure par la suite un lieu d’adresse. Ce jeune, dont nous parlions précédemment, passant par le dispositif Entrevues, et par «soin/étude», trouvera, via une orientation professionnelle de «compagnon», à traiter la persécution latente par les autres jeunes, dont il était objet au lycée... Les Journées d’études L’expérience d’Entrevues a eu aussi des incidences sur la cité. Elle a en effet donné lieu à des Journées d’Etudes sur Saint Malo, ouverte aux professionnels mais aussi au grand public, sur différents thèmes. Une première journée a eu lieu en novembre 2008, intitulée : « Les souffrances modernes de l’adolescent » en présence d’un psychiatre-psychanalyste, Philippe Lacadée, travaillant avec des adolescents en institution ; puis en 2010 : « Un ‘psy’ est-il un objet comme un autre pour un adolescent ? » en présence de Laure Naveau, psychanalyste à Paris. Une conversation inter-institutionnelle a eu lieu l’après-midi avec la participation de collègues d’autres CMPP de la région (Fougères, Laval). 9 Une autre journée est en préparation : « Orientation-désorientation à l’adolescence » prévue en 2012 avec la participation de Daniel Roy, psychanalyste à Bordeaux. Ces journées sont l’occasion d’échanges avec des professionnels travaillant dans le champ de l’adolescence, d’une ouverture sur la cité, qui permet de faire connaître l’approche spécifique et l’originalité du dispositif Entrevues. Bilan et perspectives : Voici les constatations qu’il a été possible d’établir sur ce fonctionnement : 1- D'abord, il est sensible qu'un nombre important d'adolescents qui viennent dans ce dispositif ne seraient très probablement pas venus dans le dispositif « classique » de consultation au CMPP. Ils se montraient, au départ, très réticents et n'acceptaient de venir que du fait de l'assurance d'un temps limité d'accueil. 2- L'accueil sans délai nous conduit à rencontrer des adolescents dans une phase aiguë de leur questionnement qui n'aurait pas souffert l'attente d'un rendez vous de plusieurs mois. 3- Dans la majorité des cas, ces rencontres permettent un certain nouage qui fait que l'adolescent consent à revenir, au moins le temps des 6 rendez-vous d'Entrevues. Nous avons reçu, en 2007, 22 adolescents, dans le cadre de ce dispositif. 51 en 2008, 50 en 2009, 51 en 2010. Environ 50% poursuivent au-delà des 6 rendez-vous. 4- Nous rencontrons beaucoup de jeunes qui n'ont pas de demande au départ, voire qui se situent dans une position de refus. Cette position nous semble avoir une consistance logique à l’adolescence, ce qui nous oriente pour recevoir ces sujets : être un autre limité laisse une chance possible à la rencontre. 5- Les séances d'Entrevues permettent dans certains cas d'articuler une solution que le sujet avait déjà à son actif, dont il peut alors faire part et que nous pouvons à l'occasion soutenir ou, au contraire, que nous nous efforçons d'interroger quand elle s'avère trop couteuse ou trop destructrice pour le sujet. 6- Pour d'autres, 50% environ, les 6 séances d'Entrevues débouchent sur un souhait de poursuite sur un plus long terme, avec le même psy. 10 7- D'autres adolescents ne poursuivent pas. L'expérience nous conduit à penser cependant que leur passage par Entrevues, dans ce lieu où ils peuvent énoncer leur refus, où l'Autre ne se fait pas le relai surmoïque des instances parentales, compte. Les rencontres permettent de soutenir certaines solutions que le sujet avait déjà à son actif, de les valider ou d’ouvrir quelques perspectives… 8- Notons enfin qu'un nombre non négligeable d'adolescents qui sont venus à Entrevues avaient déjà une expérience de rencontre avec un psy. L'abord que permet l'orientation psychanalytique lacanienne, en particulier, en ce qui concerne «la psychose ordinaire», donne chance alors d'une nouvelle accroche possible et permet de reconsidérer à nouveau frais les questions des adolescents reçus : certains jeunes présentent, en effet, des symptomatologies fort discrètes qui tiennent parfois du détail ou du banal, pour lesquelles les travaux psychanalytiques nous sont d'un précieux appui. (Question des psychoses dites « ordinaires », nouvelles modalités symptomatiques contemporaines...) 9 - Ce travail implique une mobilisation enrichissante au sein du CMPP : - Synthèse en équipe restreinte tous les 15 jours, pour une élaboration pluridisciplinaire des situations rencontrées. - Présentation de cette expérience à des journées d’études à Paris en 2008, à Barcelone en 2009, dans le cadre du Programme International de Psychanalyse Appliquée d’Orientation Lacanienne. - Organisation de Journées d'études sur Saint Malo en 2008 et 2010. - Présentation de cas dans un groupe de recherche de psychanalyse d’enfants et d’adolescents du Champ Freudien à Rennes. - Organisation d'une réunion de supervision et engagement dans le cadre d’un réseau national de travail en institution, afin de poursuivre cette expérience et de la soumettre au débat auprès d'autres… 10- Nous sommes souvent en difficultés devant l’affluence des demandes : il serait nécessaire de développer les possibilités d’accueil pour que le délai reste court, en créant un poste de psychologue qui pourrait prendre en charge de nouvelles situations. Nous sommes aussi sollicités lors de « moments de crise » pour des accompagnements de groupes d’adolescents, que nous pourrions prendre en compte, toujours dans une logique du particulier de chaque situation. 11 Bibliographie : Marie-Christine Ségalen et Jean-Noël Donnart, «Entrevues, un accueil sans délai», in Revue de psychanalyse avec les enfants La Petite Girafe, Institut du Champ Freudien, n°26 : Psychanalystes en prise directe sur le social, septembre 2008 Marie-Christine Ségalen, «Une emo-girl», La Petite Girafe n°30, Pas sans réponse, octobre 2009. Marie-Christine Ségalen : «Un prince désargenté», La Petite Girafe n°33, Les choix de l’être parlant, juin 2011. Philippe Lacadée : L’éveil et l’exil : enseignements psychanalytiques de la plus délicate des transitions : l’adolescence. Editions Cécile Defaut 2007 Philippe Lacadée (auteur), Hervé Castanet (postface), Christiane Alberti (préface) : Le malentendu de l’enfant. Que nous disent les enfants et les adolescents d’aujourd’hui ? Nouvelle édition revue et augmentée. Collection Je est un autre. Editions Michèle 2010. Hélène Deltombe : Les enjeux de l’adolescence. Collection Je est un autre. Editions Michèle 2010. Revue Cause Feudienne n° 64 : Freud et la jeunesse. Paris, Octobre 2006. Revue Mental n°23 : Quel avenir pour l’adolescence ? Editions Fédération Européenne des Ecoles de Psychanalyse. Décembre 2009 Qui sont vos psychanalystes ? ouvrage collectif sous la direction de J-A Miller. Comprenant un article de Laure Naveau : « Un adolescent de ma famille ». Le Seuil 2002. La psychose ordinaire, la convention d’Antibes, Le Paon, collection publiée par Jacques-Alain Miller, Agalma/Le seuil, 1999. 12 13