Quelles stratégies thérapeutiques dans la rhinite allergique ?
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Quelles stratégies thérapeutiques dans la rhinite allergique ?
Revue française d’allergologie 49 (2009) S74-S76 Quelles stratégies thérapeutiques dans la rhinite allergique ? Which therapeutic strategies are best in allergic rhinitis? D’après la communication de P. Devillier Unité de Recherche clinique, UPRES EA 220, Hôpital Foch, 40 Rue Worth, 92150 Suresnes Résumé Pour traiter la rhinite allergique nous disposons de nombreux traitements appartenant pour la plupart à 4 grandes familles thérapeutiques : glucocorticoïdes, antihistaminiques, anti-leucotriènes et vasoconstricteurs. Les recommandations ARIA proposent, en fonction du caractère intermittent ou persistant et du degré de sévérité de la maladie, une prise en charge thérapeutique qui fait appel à ces médicaments sans nécessairement indiquer un ordre hiérarchique entre eux. L’objectif de ce travail est de voir, grâce à une revue des études les plus significatives de la littérature, si certaines classes ont pu démontrer une supériorité sur les autres et si la légitimité des associations de médicaments proposées fréquemment en pratique repose sur les données issues de la médecine fondée sur les preuves. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Rhinite allergique ; Traitements ; ARIA (Allergic Rhinitis an its Impact on Asthma) Abstracts For the treatment of allergic rhinitis, for the most part four treatment families are available: glucocorticoids, antihistamines, leukotriene receptor antagonists, and vasoconstrictors. Depending on whether the rhinitis is intermittent or persistent and how severe the disease is, the ARIA guidelines propose therapeutic management using these medications without necessarily ranking them. This study has two objectives: review the most important studies in the literature to determine whether certain classes have demonstrated superiority over the others and whether the combinations of medications frequently associated in practice stem from evidence-based medicine. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Allergic rhinitis; Treatments; ARIA (Allergic Rhinitis an its Impact on Asthma) 1. Introduction Cette revue a pour but de considérer les stratégies thérapeutiques médicamenteuses sans aborder l’immunothérapie spécifique dont l’intérêt n’est plus à rappeler. Le schéma ARIA (Fig. 1) montre comment on peut hiérarchiser les choix thérapeutiques et se déterminer sur les associations médicamenteuses qui apparaissent en filigrane dans ces recommandations. Il est essentiel de noter que la grande majorité des études cliniques ont été conduites chez des patients souffrants de rhinites allergiques modérées à sévères. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 2. Antihistaminiques versus corticostéroïdes dans la rhinite saisonnière La méta-analyse de Weiner [1] montre que les corticostéroïdes locaux sont clairement plus efficaces que les antihistaminiques sur les scores symptomatiques de rhinite. Il apparaît que les deux approches thérapeutiques sont aussi efficaces l’une que l’autre sur les symptômes oculaires. Nous savions donc dès les années 1998 que les corticoïdes locaux étaient aussi efficaces sur les symptômes oculaires que les antihistaminiques. 2.1. Anti-leucotriènes versus corticoïdes locaux Dans la méta-analyse de Wilson [2] portant sur quatre études, les corticoïdes locaux s’avèrent plus efficaces que les anti-leucotriènes dans les rhinites allergiques et saisonnières. P. Devillier / Revue française d’allergologie 49 (2009) S74-S76 Vérifier l’asthme surtout chez les patients ayant une rhinite sévère ou persistante Diagnostique de rhinite allergique Symptômes persistants Symptômes intermittents modérée à bénigne peu sévère bénigne Non dans l’ordre de préférence ; antihistaminique H1 oral ; ou antihistaminique H1 intra-nasal ; et/ou décongestif ; ou anti-leucotriènes*, Non dans l’ordre de préférence ; antihistaminique H1 oral ; ou antihistaminique H1 intra-nasal ; et/ou décongestif ; ou corticostéroïde intranasal ; ou anti-leucotriènes*, (ou chromone) Rhinite moyennement sévère Dans l’ordre de préférence ; corticostéroïde intra-nasal ; Antihistaminique H1 ou anti-leucotriènes* revoir le patient après 2-4 semaines Amélioration dans les rhinites persistantes revoir le patient après 2-4 semaines Si échec, intensifier ; si amélioration, continuer 1 mois Diminuer et continuer traitement pendant > 1 mois Échec Revoir diagnostique ; Revoir l’obvservance ; Rechercher infections ou d’autres causes Ajouter ou augmenter la dose de corticostérioïdes Rhinorrhée : ajouter ipratropium blocage : ajouter décongestif ou corticostéroïde oral (court terme) Échec : orienter vers spécialiste Éviter les allergènes et les irritants si nécessaire S75 Une étude a été effectuée sur 702 patients en double insu, avec un groupe loratadine, un groupe mométasone, un groupe loratadine plus mométasone, et un groupe placebo [4]. Que ce soit sur le score nasal, le score total ou le score des symptômes de conjonctivite, il n’y a pas de différence significative entre le corticoïde seul et l’association. Sur ce simple résultat, on pourrait donc dire qu’il n’y a pas d’intérêt à associer un antihistaminique et un corticoïde. Mais il est toujours réducteur de ne considérer que les données moyennes sur l’ensemble des patients. De plus, la question reste posée sur l’intérêt d’ajouter un corticoïde à des patients incomplètement soulagés sous antihistaminique. Il suffirait pour cela de randomiser les patients sous placebo ou corticoïdes, et de regarder si il y a une différence statistiquement significative. 2.3. Antihistaminique + anti-leucotriène Si conjonctivite ; Ajouter : antihistaminique H1 oral ; ou antihistaminique H1 intra-oculaire ; ou chromone intra-oculaire ; (ou solution saline) ; immunothérapie spécifique à considérer * en particulier les patients souffrant d’asthme Fig. 1. Diagnostic de la rhinite allergique. ARIA 2008 2.2. Anti-leucotriènes versus antihistaminiques Ici la conclusion est un peu plus discutable car il y a une tendance en faveur des antihistaminiques sans significativité statistique [2]. Si on regarde un peu plus dans le détail, en particulier au travers des résultats de l’étude de van Adelsberg et al. [3] datant de 2003 et portant sur 1029 patients, on constate que l’efficacité globale est la même, mais que les antihistaminiques obtiennent leur efficacité dès la première semaine, plus rapidement que les anti-leucotriènes. Rappelons qu’en France il n’y a pas d’indication pour les anti-leucotriènes dans la rhinite isolée. L’indication n’est valide que chez des patients qui nécessitent un anti-leucotriènes pour leur asthme et qui bénéficieront alors de ce traitement pour obtenir une diminution des symptômes de rhinite. Quels seraient les arguments qui autoriseraient aujourd’hui à associer antihistaminiques et corticoïdes, antihistaminiques et anti-leucotriènes, corticoïdes et anti-leucotriènes, antihistaminiques et vasoconstricteurs, corticoïdes et vasoconstricteurs ? Nous disposons d’essais relativement anciens, datant de 2002, mais sur de grands effectifs de patients : sur 907 patients, pendant deux semaines de traitement il n’y avait aucune différence significative entre les différents groupes (antihistaminiques seuls, anti-leucotriènes seuls, association des deux) [5]. Le résultat est le même sur la qualité de vie. Il n’y a pas d’avantage de l’association comparée à l’un des deux traitements utilisé seul [5,6]. La revue de la littérature de Wilson en 2004 [1] a confirmé que, quelles que soient les comparaisons effectuées, lorsqu’on associe anti-leucotriène et antihistaminique il n’y a pas de différence significative entre ces différents traitements, ce qui confirme les résultats précédents. Est-ce que lorsqu’on associe un antihistaminique et un anti-leucotriène on obtient l’efficacité d’un corticoïde, voire plus ? La réponse est non. Il n’y a pas de supériorité dans l’association antihistaminiques et anti-leucotriènes par rapport au corticoïde seul (Tableau 1) [1]. La durée de traitement est-elle un élément important ? Si l’on maintient un traitement pendant toute la saison pollinique, avant, pendant et après le pic pollinique et la phase des symptômes, la question se pose de savoir s’il existe une classe ou une association qui serait plus efficace avec cette modalité d’administration ? Là encore, il n’y a pas de différence significative entre anti-leucotriènes et association Tableau 1 Comparaison de l’association anti-leucotriène plus antihistaminique versus anti-leucotriène, antihistaminique ou corticoïde intranasal, seuls. Comparé à N° d’études Mesure Différence moyenne pondérée Intervalle de confiance 95 % Anti-leucotriènes 3 Symptômes - 3% (-6% à -1%) Qualité de vie Anti-leucotriènes 2 - 0,17 unités (-0,26 à 0,22 unités) Symptômes Antihistamiques 3 - 4% (-6% à -3%) Qualité de vie Antihistamiques 2 - 0,06 unités (- 0,27 à 0,15 unités) Symptômes Corticoïdes intranasaux 3 3% (-6% à 11%) S76 P. Devillier / Revue française d’allergologie 49 (2009) S74-S76 anti-leucotriènes + antihistaminiques. Par contre, il y a une différence en faveur du corticoïde, notamment sur les symptômes nocturnes [7]. Une autre étude publiée en 2001 [8] montre exactement la même chose avec d’autres molécules. 2.4. Antihistaminique + vasoconstricteur Les vasoconstricteurs sont des produits qui ne sont pas remboursés en France, notamment l’association loratadine + pseudo éphédrine. Les trois groupes actifs antihistaminique, vasocontricteur et association des deux sont plus efficaces que le placebo au moins sur les symptômes nasaux pour la pseudo éphédrine. Il n’y a pas de différence significative entre les trois groupes, excepté sur les symptômes oculaires où l’association et l’antihistaminique seul sont plus efficaces que la pseudoéphédrine seule [9]. Une autre étude réalisée en 1998 va dans le même sens en ce qui concerne les scores totaux. Cependant elle met en évidence un avantage du vasoconstricteur sur l’obstruction nasale. 3. Conclusion Les anti-H1 sont aussi efficaces en moyenne que les antileucotriènes dans les rhinites allergiques saisonnières, mais les anti-H1 ont une action plus rapide. Les anti-leucotriènes et anti-H1 sont moins efficaces que les corticoïdes dans les rhinites allergiques. Il n’y a pas d’effet additif cliniquement pertinent de l’association anti-leucotriène + antihistaminique et l’efficacité est inférieure à celle des corticoïdes locaux. L’effet additif supposé de l’association corticothérapie locale et anti-leucotriène n’est pas démontré. Il n’y a pas d’effet additif entre corticothérapie locale et antihistaminique oral. Un intérêt à associer corticothérapie nasale et antihistaminique nasal reste à démontrer. L’association fixe antihistaminique + vasoconstricteur en traitement de fond ne présente pas d’intérêt. Conflits d’intérêts : P. Devillier a participé à des essais cliniques en qualité d’investigateur principal, coordonnateur ou expérimentateur principal (Schering-Plough) ; en qualité de co-investigateur, expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude (Stallergenes). Il a effectué des interventions ponctuelles : rapports d’expertise (MSD-chibret), activités de conseil (GlaxoSmithKline, Bioprojet, Schering-Plough, AstraZeneca, Almirall, Nycomed, Pierre Fabre, Top Pharm, MSD, Chiesi, Boehringer-Ingelheim, Sanofi-Aventis). Il a été invité à des conférences en qualité d’intervenant (Chiesi, AstraZeneca, Schering-Plough, MSD, Boehringer-Ingelheim, Stallergenes), et en qualité d’auditeur (frais de déplacement et d’hébergement pris en charge par une entreprise) (Chiesi, Astra-Zeneca, Schering-Plough, MSD, Boehringer-Ingelheim, GlaxoSmithKline, Satellergenes). Références [1] Weiner JM, Abramson MJ, Puy RM. Intranasal corticosteroids versus oral H1 receptor antagonists in allergic rhinitis: systematic review of randomised controlled trials. BMJ 1998;317:1624-9. [2] Wilson AM, O’Byrne PM, Parameswaran K. Leukotriene receptor antagonists for allergic rhinitis: a systematic review and meta-analysis. Am J Med 2004 1;116:338-44. [3] van Adelsberg J, Philip G, Pedinoff AJ, Meltzer EO, Ratner PH, Menten J, et al; Montelukast Fall Rhinitis Study Group. Montelukast improves symptoms of seasonal allergic rhinitis over a 4-week treatment period. Allergy 2003;58:1268-76. [4] Anolik R;Mometasone Furoate Nasal Spray With Loratadine Study Group. Clinical benefits of combination treatment with mometasone furoate nasal spray and loratadine vs monotherapy with mometasone furoate in the treatment of seasonal allergic rhinitis. Ann Allergy Asthma Immunol 2008;100:264-71. [5] Nayak AS, Philip G, Lu S, Malice MP, Reiss TF; Montelukast Fall Rhinitis Investigator Group. Efficacy and tolerability of montelukast alone or in combination with loratadine in seasonal allergic rhinitis: a multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled trial performed in the fall. Ann Allergy Asthma Immunol 2002;88:592-600. [6] Philip G, Malmstrom K, Hampel FC, Weinstein SF, LaForce CF, Ratner PH, et al; Montelukast Spring Rhinitis Study Group. Montelukast for treating seasonal allergic rhinitis: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial performed in the spring. Clin Exp Allergy 2002;32:1020-8. [7] Pullerits T, Praks L, Ristioja V, Lötvall J. Comparison of a nasal glucocorticoid, antileukotriene, and a combination of antileukotriene and antihistamine in the treatment of seasonal allergic rhinitis. J Allergy Clin Immunol 2002;109:949-55. [8] Di Lorenzo G, Pacor ml, Mansueto P, Esposito Pellitteri M, Lo Bianco C, Ditta V, et al. Randomized placebo-controlled trial comparing desloratadine and montelukast in monotherapy and desloratadine plus montelukast in combined therapy for chronic idiopathic urticaria. J Allergy Clin Immunol 2004;114:619-25. [9] Bronsky E, Boggs P, Findlay S, Gawchik S, Georgitis J, Mansmann H, et al. Comparative efficacy and safety of a once-daily loratadinepseudoephedrine combination versus its components alone and placebo in the management of seasonal allergic rhinitis. J Allergy Clin Immunol 1995;96:139-47.