État symptomatique acceptable ou Patient Acceptable

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État symptomatique acceptable ou Patient Acceptable
Revue du Rhumatisme 76 (2009) 602–604
Éditorial
État symptomatique acceptable ou Patient Acceptable
Symptomatic State (PASS)夽
Patient Acceptable Symptomatic State (PASS). Editorial
Mot clé : État symptomatique acceptable
Keywords: Patient Acceptable Symptomatic State; PASS
La vie quotidienne du rhumatologue a radicalement changé
en l’espace de quelques années : apparition de nouvelles techniques diagnostiques et d’iconographie, avènement de nouvelles
thérapeutiques, développement de recommandations et de stratégies thérapeutiques, et aussi standardisation de l’évaluation
de l’efficacité des traitements. Les échelles d’évaluation, auparavant réservées aux essais cliniques, ont peu à peu envahi
notre pratique clinique quotidienne, avec pour objectif annoncé
l’amélioration des pratiques professionnelles, sachant qu’elle
passe par l’harmonisation des pratiques.
Parce que le rhumatologue prend en charge principalement
des patients atteints de pathologies chroniques symptomatiques,
l’évaluation de l’efficacité ou de la non-efficacité d’un traitement va en grande partie prendre en compte le point de vue du
patient. De ce fait, la majorité des critères de jugement utilisés
sont rapportés par les patients : des Patient-Reported Outcomes
(PRO). Ce terme anglais générique rassemble les mesures de
tout aspect de la santé d’un patient ou de son traitement, rapporté
directement par le patient lui-même [1].
Ces critères, inévitablement subjectifs, sont souvent considérés à tort par les cliniciens comme moins fiables que des critères
objectifs. En fait, ils résultent d’un développement rigoureux.
Ce sont des mesures précises, valides, reproductibles, sensibles
au changement, satisfaisant au filtre qualité de l’Outcome Measures in Rheumatology (OMERACT) : truth, discrimination and
feasibility [2]. Il s’agit le plus souvent d’échelles numériques,
analogiques ou multidimensionnelles comme le Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index (BASDAI) ou le Western
Ontario and McMaster Universities Index of Osteoarthritis
夽
Ne pas utiliser, pour citation, la référence française de cet article, mais sa
référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine
(doi: 10.1016/j.jbspin.2009.03.008).
(WOMAC) [3,4]. Ces échelles ne sont pas l’apanage de la rhumatologie, mais existent dans toutes les spécialités prenant en
charge des pathologies chroniques.
L’intérêt croissant pour les PRO est lié à plusieurs facteurs, comme l’augmentation de la prévalence des maladies
chroniques aux traitements symptomatiques, ou l’absence de
marqueurs biologiques pour le suivi de certaines pathologies
dont l’arthrose. Et même quand ces marqueurs biologiques
existent, comme dans la polyarthrite rhumatoïde, il est difficile
d’appréhender l’impact d’une variation de la mesure biologique
pour le patient. Par exemple, une augmentation des marqueurs
biologiques de l’inflammation n’a pas nécessairement de répercussion ressentie par le patient. Cet exemple reflète le besoin
ressenti par le praticien et le patient d’avoir en leur possession
des éléments de suivi cliniquement pertinents du point de vue
du patient.
La lecture des résultats d’un essai thérapeutique est une autre
situation dans laquelle le besoin d’éléments cliniquement pertinents est flagrant. En effet, la démonstration d’une différence
statistiquement significative entre deux groupes de traitements
dans un essai thérapeutique n’est pas synonyme d’une différence
cliniquement pertinente. Or, c’est cette dernière qui importe au
clinicien pour lui permettre, à terme, de modifier ses pratiques.
Par exemple, à la fin de l’essai, la douleur évaluée sur une échelle
visuelle analogique (EVA) allant de 0 à 100 mm a diminué de
12 mm de plus dans un des groupes de traitement et cette différence est statistiquement significative. Mais, qu’est-ce-que cette
différence représente en réalité ?
Pour déterminer la pertinence clinique d’un résultat, il est
nécessaire de passer du niveau du groupe à celui de l’individu
et ainsi de définir un score cliniquement pertinent qui permettra
de transformer la variable quantitative continue (par exemple,
variation de l’EVA) en une variable dichotomique plus facile
à appréhender (par exemple, succès/échec thérapeutique, ou
1169-8330/$ – see front matter © 2009 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2009.03.011
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répondeur/non répondeur). En d’autres termes, la présentation
des résultats d’un essai clinique ne serait plus la différence de
variation d’un indicateur entre deux groupes, mais la comparaison du nombre de patients répondeurs entre les deux bras de
traitement. Évidemment, le seuil choisi pour la dichotomisation
devra être cliniquement pertinent.
Deux critères de réponse au traitement ont ainsi été développés, basés sur la perception du patient de son état de santé.
L’Amélioration (ou la différence) minimale cliniquement importante ou Minimal Clinically Important Improvement/Difference
(MCII/D) correspond au concept d’amélioration. L’état symptomatique acceptable ou Patient Acceptable Symptomatic State
(PASS) correspond, lui, aux concepts de niveau faible d’activité
d’une maladie chronique, de rémission partielle et de bien-être
[5,6]. Les termes englobant ces concepts n’ont pas trouvé de
véritable équivalent français et leurs acronymes anglais sont
finalement les plus couramment utilisés.
Le PASS a été défini comme le niveau de symptômes, en
deçà duquel les patients se considèrent comme allant bien [7].
Il permet, à la fin d’un essai thérapeutique, de classer chaque
patient comme allant bien ou pas. Un patient répondeur, avec
réussite thérapeutique, sera celui qui aura atteint le PASS, c’està-dire celui dont le niveau de symptômes sera en-dessous du
seuil du PASS.
La référence externe la plus couramment utilisée pour déterminer le seuil du PASS est : « En prenant en compte toutes
les activités que vous avez dans votre vie quotidienne, votre
niveau de douleur et aussi votre handicap fonctionnel, si vous
deviez rester dans votre état pendant les prochains mois à venir,
considériez-vous votre état actuel comme étant satisfaisant ? ».
La meilleure formulation de la question et des réponses possibles
(oui/non, échelle de Likert à plusieurs niveaux) est en cours de
finalisation par les groupes de travail de l’OMERACT.
Ainsi définis, les seuils de PASS pour la douleur évaluée
sur une EVA, qui ont été identifiés dans différentes pathologies rhumatologiques, sont remarquablement similaires. Ils sont
autour de 30–40 mm dans les pathologies chroniques et légèrement inférieurs dans les maladies aiguës [5,8–11]. Ils ne sont pas
dépendant du niveau de douleur initial, au moment de l’inclusion
dans l’essai thérapeutique, contrairement aux seuils de MCII.
D’autres études ont aussi démontré la robustesse des seuils
de PASS. Ces seuils sont peu influencés par l’âge, la durée
d’évolution de la maladie ou par le sexe [8,10]. De même, ces
seuils sont stables dans le temps [8,10]. Ce point est particulièrement important, un niveau considéré acceptable au début de
l’essai doit l’être aussi en fin d’essai. De plus, il semble logique
qu’un critère de rémission comprenne un composant temporel
et que la définition d’un état acceptable intègre le temps que l’on
est prêt à passer dans cet état [12,13]. Or, si on prend l’exemple
de la polyarthrite rhumatoïde où de nombreuses définitions de la
rémission ont été proposées (critères de l’American College of
Rheumatology [ACR] ou de Pinals, DAS44, DAS28) [14–20],
seuls les critères de Pinals avaient pris en compte la notion de
temps fixée de façon arbitraire à deux mois minimum. La prise en
compte de la notion de temps est une qualité importante du PASS.
Enfin, et ce point est majeur, aller bien importe plus qu’aller
mieux aux patients. Les patients considèrent qu’ils ont bénéficié
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d’une amélioration importante seulement si cette amélioration
leur a permis d’atteindre un état qu’ils considèrent comme étant
satisfaisant, donc qu’ils ont passé le seuil du PASS [5,21].
L’amélioration ne devient pertinente qu’à ce prix.
Ainsi, les seuils de PASS une fois définis, pourront être
intégrés comme éléments d’analyse dans les essais cliniques,
permettant de connaître la proportion de patients qui ont atteint
un état de santé satisfaisant et de pouvoir lire les résultats avec
une pertinence clinique. Par exemple, on peut lire les résultats
d’une étude évaluant l’efficacité de l’acide hyaluronique dans la
coxarthrose de deux manières :
• l’EVA douleur s’est améliorée de façon statistiquement significative : 51,2 ± 24,9 mm à l’inclusion, 27,8 ± 20,2 mm à trois
mois et 37,0 ± 27,6 mm à six mois ;
• la proportion de patients ayant atteint la valeur du PASS était
respectivement 67,7 % et 60 % à trois et six mois [22].
De même, le PASS peut être utilisé dans d’autres pathologies ;
il a récemment démontré sa capacité de discrimination entre le
traitement actif et le placebo dans un essai dans la spondylarthrite
ankylosante [23].
Les nouveaux traitements nous ont permis d’avoir des objectifs thérapeutiques bien plus ambitieux qu’avant et nous pouvons
maintenant espérer la rémission pour nos patients chroniques. Le
PASS est l’un des outils de cette nouvelle ambition, qui nous permettra d’évaluer, de façon cliniquement pertinente, la capacité
d’un traitement à mettre les patients dans un état symptomatique acceptable et stable. Les critères de rémission, de faible
niveau d’activité, d’activité minimale et de PASS définissent
différents niveaux d’activité de rémission partielle ou complète,
qui sont complémentaires. Par exemple, le niveau de PASS est
plus facilement atteint que la rémission complète, donc beaucoup moins rare. Les rhumatologues ont ainsi à leur disposition
des outils permettant de définir plusieurs états symptomatiques
qui constituent des objectifs thérapeutiques et permettent de bien
appréhender la pertinence des résultats d’essais.
Conflits d’intérêts
Les auteurs ne déclarent aucun conflits d’intérêts.
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Thao Pham a,∗
Florence Tubach b
a Service de rhumatologie, CHU Conception, 147,
boulevard Baille, 13005 Marseille, France
b Département d’épidémiologie, de biostatistique et de
recherche clinique, hôpital Bichat, AP–HP,
Inserm U738, UFR de médecine, université Paris-7
Denis-Diderot, Paris, France
∗ Auteur
correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (T. Pham).
18 mars 2009
Disponible sur Internet le 9 juin 2009