Tunisie : « Aveux » sous la torture – Internautes de Zarzis

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Tunisie : « Aveux » sous la torture – Internautes de Zarzis
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Fiche pédagogique
La torture pour faire peur
TUNISIE : « AVEUX »
SOUS LA TORTURE
Internautes de Zarzis
sortis des geôles
Document pour débattre
A C T IO N D E S C HR E T I E N S PO UR L ' A BO L I TIO N D E L A T OR T UR E
Document pour débattre
Nous intervenons, ils sont libérés
Paris, juin 2006 : libres, Omar et Ayman
ont voulu remercier l’ACAT
Omar C. et Ayman M. avaient tout
juste vingt et un ans lorsque la répression du
régime de M. Ben Ali, le Président tunisien,
s’est abattue sur eux. Ils ont appris qu’en Tunisie on ne surfe pas impunément sur Internet.
Cyberpolice omniprésente dans les Publinets
(cafés Internet publics), serveurs en panne
quand il s’agit de droits de l’homme ou
d’opposition, piratages de haut vol opérés
par une police de plus en plus savante… Le
régime tunisien qui se vante de promouvoir
les nouvelles technologies n’en reste pas
moins fidèle à sa ligne de conduite en matière de liberté d’expression : le tout répressif !
Février 2003 : Omar, Ayman et quatre autres
jeunes originaires de Zarzis (à l’est de la Tunisie) sont arrêtés. Incapables de comprendre
pourquoi ils sont accusés de « constitution de
bande ayant pour objet de préparer des attentats »,
ils avouent n’importe quoi sous la torture *.
Un an après, au terme d’un procès bâclé, ils
sont condamnés à treize ans de prison. Les
preuves : leurs aveux et quelques documents
« islamistes » prétendument
* Ils ont
été suspendus par les poignets pendant des heures,
battus, et certains ont subi la falaqa, un supplice consistant à
frapper la plante des pieds.
téléchargés sur le web. En Tunisie, cela suffit pour être envoyé dans une cellule minuscule et surpeuplée où ils sont soumis à
l’arbitraire et à la brutalité quotidienne des
gardiens. Ils y resteront trois longues années.
L’ACAT AGIT
130 groupes ACAT ont parrainé les « internautes de Zarzis ». Retour sur deux années
d’action :
 Envoi mensuel de plusieurs centaines de
lettres au gouvernement tunisien exigeant
leur libération et l’amélioration de leurs
conditions de détention.
 Interpellation des autorités françaises
(députés, ministre des Affaires étrangères)
pour qu’elles fassent pression sur leurs
homologues tunisiens.
 Envoi régulier de lettres aux détenus et à
leurs familles pour les assurer de notre soutien.
Des lettres qu’ils n’ont pas reçues, mais
dont Omar nous a confirmé l’utilité : « Les
gardiens osaient moins nous frapper, ils savaient qu’un
peu partout des hommes se mobilisaient pour nous. »
27 février 2006 : Omar, Ayman et leurs
compagnons sont libérés. La mobilisation a
été déterminante.
A C T IO N D E S C HR E T I E N S PO UR L ' A BO L I TIO N D E L A T OR T UR E
Action suivie Tunisie
J’Y CROIS FORT…
Le groupe ACAT de Gap a écrit
régulièrement à Daniel Zarrouk,
en prison depuis 1992. Ce dernier
vient d’être libéré en juillet 2007.
L’action suivie Tunisie existe depuis de
longues années. La Tunisie a fait longtemps
figure de stabilité en Afrique du Nord. Pourtant, cette image de stabilité et d’eldorado balnéaire est à nuancer. L’obsession sécuritaire
entretenue par le gouvernement tunisien sert
d’alibi à de nombreuses violations des droits
de l’homme au nom de la lutte contre
l’intégrisme ou le terrorisme. Le début des
années 90 a été marqué par des arrestations
massives et la condamnation à de lourdes
peines… Plus récemment, une loi relative à la
lutte contre le terrorisme, promulguée en
2003, a servi de cadre à une répression accrue.
Une des actions proposées par l’ACAT est le
parrainage d’un prisonnier tunisien car, souvent, l’envoi de lettres protège les prisonniers
de toutes sortes de persécutions, les gardiens
et les autorités pénitentiaires étant conscients
que le détenu est suivi à l’extérieur.
Le groupe ACAT de Gap a écrit régulièrement
à un prisonnier, Daniel Zarrouk, en prison
depuis 1992. Ce dernier a été libéré le 25 juillet
2007. Quelle joie pour les membres du groupe
Daniel Zarrouk et ses enfants
à sa sortie de prison
de le savoir libre enfin. Ci-joint, en copie, la
lettre écrite par M. Zarrouk au groupe de Gap
pour les remercier :
« C’est avec un grand plaisir et beaucoup de gaieté que
j’ai, avec ma famille, reçu votre dernière lettre qui nous
a profondément touchés… Il est agréable que son
arrivée coïncide avec le mois arabe de Ramadhan auquel nous, musulmans, accordons beaucoup de respect
et considération, mois de la révélation coranique. Nous
le jeûnons et le prenons pour saison d’amour, solidarité
et surtout d’unité de tous les hommes en Dieu qui ne
connaît pas de différence en nous tous, créatures de
l’unique éternel.
Je tiens à vous remercier pour votre soutien, pensée et
sincérité. Je suis pour le moment soucieux et préoccupé
par la recherche d’un travail, mon ancienne fonction de
professeur n’étant plus accessible.
Dieu est toujours auprès de celui qui agit. J’y crois fort
en tant que monothéiste. Vos écrits et cartes postales,
comme des roses poussant dans l’obscurité, m’encouragent beaucoup et bravo. En avant dans votre vraie
action militante… » Daniel Zarrouk et sa famille.
Questions pour lancer le débat
Est-ce qu’aller sur Internet est un crime ?
Quelles menaces cela peut-il représenter pour le Gouvernement ?
Proposer un débat sur la censure sur Internet en Tunisie, en Chine…
Que pensez-vous des méthodes utilisées par l’ACAT pour faire libérer les
« internautes de Zarzis » ?
Avez-vous d’autres idées ?
À votre avis pourquoi torture-t-on ?
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Pour aller plus loin
L’Europe les renvoie,
la Tunisie les torture
Depuis le 11 septembre 2001 1) , les renvois de Tunisiens craignant,
avec raison, d’être torturés ou soumis à des mauvais traitements
dans leur pays se sont multipliés, voire accélérés, au mépris de
toutes les conventions ratifiées par les États démocratiques.
Les points communs de tous ces
hommes ? Être Tunisiens, avoir résidé dans
des pays ayant ratifié la Convention contre la
Torture 2) avoir souvent fait valoir leurs
craintes en cas de renvoi vers la Tunisie et
avoir été expulsés vers leur pays d’origine où
ils ont été, pour la majorité d’entre eux, torturés
et
condamnés
à
une
peine
d’emprisonnement de longue durée, et/ou
relégué à la non-existence ?
Qu’ils aient fait état de leurs craintes de
persécutions et n’aient pas été crus, ou que
leur situation ait été traitée à la légère, la suite
est connue, dramatique : le couperet des tribunaux d’exception ou de la nouvelle législation tunisienne antiterroriste est tombé, les
plongeant pour de longues années dans les
mouroirs que sont les prisons tunisiennes, au
terme de procès inéquitables.
Au-delà des mauvais traitements et des
tortures subies, leur vie de famille a été superbement ignorée.
La Tunisie, dont la pratique de la torture a
été pointée par les organisations nationales et
internationales de défense des droits de
l’homme depuis des décennies, a été blâmée
par le Comité contre la torture de l’ONU lors
de sa vingt et unième session en 1998 et tenue
d’apporter des améliorations, injonctions auxquelles elle s’est conformée, notamment par
des amendements au Code pénal, mais qui
sont restées lettre morte : les cas de tortures et
de décès sous la torture continuent de
s’accumuler en toute impunité.
Toutefois, la Cour européenne des droits
de l'Homme (CEDH), dans un arrêt rendu le
28 février 2008, s'est opposée à l'expulsion
d'Italie vers la Tunisie d'un ressortissant tunisien au motif qu'il y risquerait de subir la torture et des traitements inhumains. Cet arrêt de
la Cour européenne était très attendu dans la
mesure où il réaffirme l'interdiction absolue
d'expulser des immigrés vers un pays où ils
risquent la torture.
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1) Date des attentats terroristes d’Al-Qaida aux États-Unis.
2) Article 3 « Aucun État partie n’expulsera, ne refoulera ni
n’extradera une personne vers un autre État où il y a des
motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la
torture. »
http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/h_cat39_
fr.htm
Lien pour aller plus loin
Reporters sans frontières - Rapport d'enquête - Octobre 2007 Chine. Voyage au coeur de la censure d'Internet
http://www.rsf.org/IMG/pdf/Voyage_au_coeur_de_la_censure_FR.pdf
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