Crédibiliser l`offre pour emporter l`adhésion : un point de passage

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Crédibiliser l`offre pour emporter l`adhésion : un point de passage
E-Virtuoses – 23 mai
Crédibiliser l’offre pour emporter l’adhésion : un point de
passage obligé
Olivier Rampnoux
CEPE – CEREGE (EA 1722) – Université de Poitiers
Email: [email protected]
Kompany est un jeu de découverte de l'entreprise, dans
lequel le joueur crée et développe sa propre société.
Apprendre, comprendre et retenir 200 mots utilisés
couramment dans le monde des affaires constitue
l’objectif pédagogique. Une fois ce vocabulaire assimilé,
les joueurs (jeunes) auront les clés pour faire leurs
premiers pas dans l’entreprise lors d’un stage par
exemple et ainsi mieux d’appréhender les mots de
l’entreprise et donc posséder quelques clés pour faciliter
leur insertion professionnelle. Ce Serious game à visé
pédagogique est accessible via Facebook. Grâce aux
fonctionnalités du réseau socionumérique (Stenger,
Coutant 2011), le joueur peut ainsi se comparer à ses
amis mais aussi coopérer avec eux. Le jeu est doté d'un
système de missions, qui guident le joueur tout au long de
l'expérience de jeu qui lui permettent d'apprendre le
fonctionnement d’une entreprise et du monde des
affaires.
Outre ce premier défi pédagogique, le modèle
économique tente d’en relever un autre. Kompany est
jouable gratuitement jusqu’à ce que les joueurs aient eu
l’occasion de mémoriser le vocabulaire essentiel de
l’entreprise. C’est pourquoi des contributeurs, privés
comme publics, ont été sollicité pour financer la
production et la mise en ligne du jeu. Cette démarche de
la part des Partenaires leur permet d’atteindre deux
objectifs majeurs en terme de communication : la
participation active à une initiative éducative utile, d’une
part, et d’autre part, la certitude que l’image de leur
entreprise sera durablement et positivement installée dans
l’univers de jeu et associée à l’univers de référence du jeu
et ce d’autant plus que chaque partenaire du projet
Kompany apparait sous son identité propre et spécifique.
Au travers de cette communication, notre propos est de
rendre compte de la créativité et de l’innovation
nécessaires qu’il a fallu aux acteurs. En choisisant une
démarche qui propose d’identifier et d’analyser
l’innovation au travers de différents critères (Gaglio,
2011), nous voulons rendre compte du processus de
conception d’un Serious game. De la première rencontre
entre les co-producteur aux réunions entre le producteur
délégué et les partenaires, il y a eu tout un ensemble de
transformation du projet initial qui a abouti à la mise en
ligne d’un Serious game qui aujourd’hui permet
d’emporter l’adhésion des acteurs, c’est-à-dire qu’il ne
« génère plus de revendications susceptibles de défaire le
réseau ainsi constitué et de remettre en cause le partage
stabilisé des compétences entre l’objet et son
environnement » (Akrich, 2006). En nous positionnant
très clairement dans une approche d’analyse de
l’innovation en tant que dispositif, notre objet de
recherche n’est pas Kompany en tant que tel mais bien le
processus par lequel il y a eu émergence du « machin »
(Baudrillard, 1968 ; Cochoy, 2011) et donc la constitution
d’un écosystème pérenne permettant la production de
l’objet. Comme le souligne Cochoy, notre exercice sera
d’examiner « les conditions qui permettent ou non la
transformation d’un « machin » en « machine » (Cochoy,
2011).
Dans un premier temps, nous restitueront le cadre
théorique au sein duquel nous allons conduire notre
analyse, pour dans un deuxième, proposer une mise en
perspective, c’est-à-dire proposer une histoire. Au travers
de cette monographie qui rend compte du point de vue
des acteurs, nous verrons qu’il y a eu une convergence.
C’est cette convergence que nous souhaitons analyser, en
tant que révélateur de l’innovation de produit mais aussi
en tant que signe d’une innovation de procédé. Plusieurs
travaux se sont attachés à montrer que les Serious game
étaient des innovations de produit et notamment les
travaux précurseurs en langue française d’Alvarez (2007)
ou Alvarez&Djaouti (2010). Par conséquent, la suite de
notre propos sera davantage de regarder l’innovation de
procédé qui a permis la production de Kompany, c’est-àdire l’effet ou l’influence que le Serious game a contribué
à susciter tout un écosystème, c’est-à-dire un ensemble
d’éléments composites qui s’imbriquent. Cette analyse à
un niveau d’échelle micro (c’est-à-dire un projet
spécifique) s’inscrit aussi dans une lecture macro, car
dans le cadre d’une action publique, puisque Kompany a
remporté l’appel à projet « Serious Game » du plan de
relance numérique national en 2009 lancé par le
Secrétaire d’Etat de la prospective et du développement
de l’économie numérique. Notre ambition au travers de
cette communication est donc de proposer un cadre
d’analyse de l’impact du Serious game et de le mettre en
œuvre autour d’un projet spécifique.
Etudier Kompany, conçu comme un Serious game, c’est
s’inscrire dans une analyse du jeu vidéo. Dans les
Sciences de Gestion, les jeux vidéo et notamment les
Serious game n’ont fait que très peu l’objet d’études et
d’analyses. En 2007, la question du marketing des jeux
vidéo est abordé sous l’angle de la dématérialisation des
jeux, Lemoine et Dumazert (2007) analyse les enjeux du
passage du produit au service en prenant appui sur l’essor
des jeux vidéo sur Internet, donc les questions de
fidélisation qui y sont associées. Ils concluent que les
mécaniques ludiques et sociales misent en scène dans les
jeux vidéo favorisent la fidélisation du consommateur,
conclusion logique car c’est la nature même du jeu vidéo,
Colloque Serious Games et Outils de simulation
puisque le game designer veut faire adopter une posture
ludique au joueur (Genvo, 2009) et rendre le jeu immersif
(Natkin, 2004). En 2009, trois chercheurs en marketing
proposent une première esquisse de méthodologie
d’évaluation de la performance des Serious game. Au
travers de l’analyse du comportement des joueurs de
Vacheland, Michel, Kreziak et Héraud (2009) mobilise la
notion de transfert, c’est-à-dire qu’ils veulent évaluer « la
modification déclarée d’attitude et de comportement des
joueurs conformément aux objectifs pédagogiques du jeu
». Au final, ce travail conclut sur un faible impact du
Serious game choisi, conclusion incitant à considérer le
Serious game comme n’atteignant pas ces objectifs
intrinsèques. Toutefois, cette conclusion doit être
relativisée car elle ne se focalise que sur l’utilisateur de
l’application sans prendre en compte le dispositif au sein
duquel elle s’inscrit. C’est en cela que Kompany doit être
analysé dans sa globalité et que son impact évalué,
puisque nous considérons l’écosystème au sein duquel il
s’inscrit et que sa performance doit être vue à l’aune de la
trajectoire au sens de la sociologie de la traduction de
Callon (1986).
La mobilisation de cette perspective de recherche permet
de rendre compte de la matérialité de l’action et de
proposer une mise à jour du processus de la construction
du modèle économique sous-jacent à la production de
l’objet. Loin d’être un processus linéaire qui commence
avec l’idée apportée par un Inspecteur Pédagogique
Régional à la mise en ligne du jeu en avril 2012, la
trajectoire de cette innovation ressemble davantage à un
processus tourbillonnaire, c’est à dire une adaptation
réciproque entre le projet de jeu et les choix faits par les
acteurs, par une suite de versions successives. Par
exemple, l’évolution du document clé que constitue le
document de game design est assez significative de la
difficulté de concevoir un Serious game parlant de
l’entreprise et qui satisfassent l’ensemble des partenaires.
Pour les games designers, il était plus simple de
modéliser une entreprise qui produit et développe des
jeux sur les réseaux socionumériques alors pour le
Rectorat de Poitiers, l’interlocuteur préférait une
entreprise produisant des scooters électriques. Cet
exemple qui relève davantage de l’anecdote montre aussi
toute la matérialité de l’action nécessaire à
l’aboutissement du projet en rendant compte des
difficultés techniques et humaine au sein desquelles
s’inscrit l’innovation. Analyser l’impact de Kompany
c’est donc aussi prendre en cette question de
l’accumulation de ressources (humaines et non
humaines).
References
Akrich, M. ; Callon, M. ; Latour, B. (2006) Sociologie de
la traduction - textes fondateurs. Sciences sociales.
Paris: Presses de l'Ecole des Mines, 303p
Alvarez, J. ; Djaouti, D. (2010) Introduction au Serious
Game. Paris: Questions théoriques.
Baudrillard, J. (1968) Le système des objets. Paris:
Gallimard.
Callon, M. (1986) Éléments pour une sociologie de la
traduction. La domestication des coquilles SaintJacques et des marins pêcheurs dans la baie de SaintBrieuc. L'année sociologique, 36: 169-208.
Cochoy, F. (2011) Sociologie d'un curiositif smartphone, code-barres 2d et self-marketing,
Lormont: Le Bord de l'eau, 176p
Gaglio, G. (2011) Sociologie de l'innovation, Paris: PUF,
128p
Genvo, S. (2009) Le jeu à son ère numérique comprendre et analyser les jeux vidéo, Paris:
L'Harmattan
Lemoine, L. ; Dumazert, J-P. (2007) Les jeux vidéo sur
internet : Marketing adapté ou persistant ? Market
Management 7(2): 161-178
Michel, H. ; Kreziak, D. ; Héraud, J-M. (2009)
Evaluation de la performance des Serious Games pour
l'apprentissage : Analyse du transfert de
comportement des élèveurs virtuels de vacheland,
Systèmes d'information et Managent 14(4): 71-86
________(2009) Serious games : du jeu de simulation à
la réalité ; enjeux et perspectives managériales,
Management : Enjeux de demain, ed. Pras, B, Paris:
Vuibert. 285-295
Natkin, S. (2004) Jeux vidéo et médias du XXième siècle
- quels modèles pour les nouveaux loisirs numériques
? Paris: Vuibert
Stenger, T. ;Coutant, A. (2011) Web 2.0 et médias
sociaux. In E-marketing & e-commerce, eds. Thomas
Stenger and Stéphane Bourliataux-Lajoinie:63-115.
Paris: Dunod

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