Sur la Presse féminine
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Sur la Presse féminine
FREN3027 – Decoding commercials in French – DC Meyer – HKU-SMLC Sur la Presse féminine En mars 2006, le numéro de Marie-Claire était composé de la manière suivante : Sur ses 342 pages, environ 150 sont consacrées à des publicités payantes, en double page ou sur la page de droite (chérie par les publicitaires), sans que la moindre mention « publicité » ne permette de les distinguer, sauf exception, des pages rédactionnelles. Tarif ? 33.000 euros la page […] A ces 150 pages, il faut ajouter 107 pages destinées à divers produits de consommation qui garantissent une publicité déguisée à des marques diverses (mode, beauté, envies de, loisirs). Hors publicité et consommation, il ne reste que 85 pages. Mais si l’on ôte les pages consacrées au sommaire, à l’ours(1), à l’horoscope et à diverses broutilles, les 11 pages de promotion de « la rose Marie Claire » et le dossier de 10 pages d’article consacré aux produits amincissants, il n’en reste plus que 48, dont 8 pour les articles « people » (Lio et Jean-Luc Delarue) et 7 pour un article complètement photo. En achetant Marie Claire, les lectrices disposent donc, en tout et pour tout, de 33 pages (sur 342) relevant, plus ou moins d’un travail de journalistes, et non de chargés de communication. […] Brigitte Denis et Yves Rebours, 2006 ACRIMED (Action-Critique-Medias), l'Observatoire des médias http://www.acrimed.org/article2278.html (1) Informations sur le magazine : adresse, administration, mentions légales etc. Enquête sur la presse féminine pour adolescentes au Québec Près des deux tiers des articles (64,8 %) traitent de l’apparence, des garçons et des relations hommes-femmes (thèmes regroupés dans la catégorie « conservateur »). Seulement 32,4% des articles touchent à des facettes du développement personnel. La quasi-absence d’articles sur les questions sociales et politiques (2,8 %) confirme que les adolescentes sont conviées, dans ces revues, à un univers narcissique coupé de la réalité extérieure […] La publicité amplifie le conservatisme du contenu éditorial de la presse étudiée : plus de la moitié des publicités (52 %) fait la promotion d’entreprises du domaine de « l’apparence » (produits de beauté, mode, coiffure, etc.) et plus du tiers (36 %) est relié à l’industrie du divertissement (surtout des vedettes du monde de la musique). La promotion de la santé, de la contraception, des sports, de la formation académique ou de la gestion financière est rare, sinon absente du corpus de publicités. Les photographies situent les femmes sept fois plus souvent que les hommes dans un environnement domestique, renforçant l’idée que la féminité se définit dans le privé. Les modèles féminins sont, de plus, photographiés de très près, dans des plans rapprochés qui suggèrent des préoccupations intimes et personnelles. Les hommes sont quant à eux FREN3027 – Decoding commercials in French – DC Meyer – HKU-SMLC représentés plus souvent que les femmes dans un environnement extérieur, appuyant l’idée que la masculinité se définit dans la sphère publique. Les photos représentent des personnes de race blanche dans 80 % des cas […] Caroline Caron, 2004 ACRIMED (Action-Critique-Medias), l'Observatoire des médias http://www.acrimed.org/article1677.html Le nouveau Biba : Sous les froufrous de la modernité, le conservatisme le plus archaïque « On ne pense pas dans la Presse féminine, dit Anne-Marie Dardigna, on constate, on raconte, on réaffirme la réalité éternelle des choses. » Plus loin elle ajoute : « Il y est feint de donner la parole aux femmes, de traduire leurs préoccupations. Le magazine féminin, au contraire, ne fait que la leur supprimer. Il est une parodie de parole, une aphasie du langage. Il en élimine tout élément dialectique et entraîne à leur tour les femmes dans l’aphasie, en les privant d’une formulation réelle. » Mais si la presse féminine se caractérise dans son refus de prendre en compte à la fois les femmes, les réalités sociales et l’intelligence qui risqueraient fort de produire désordre et déséquilibre, elle se manifeste aussi par sa force de proposition. Pour Anne Marie Dardigna, « Le magazine féminin obéit à un impératif catégorique : L’euphorie. Son devoir est de faire croire, par les vertus d’un optimisme toujours renouvelé, que tout va s’arranger grâce à quelques recettes et qu’un rien d’imagination et de volonté suffit pour être heureux. » Ce qui compte c’est la leçon de modélisation, pour plus de naturel et de spontanéité !!! Je soigne mes gestes/ Je dope mon style/ je me rends accessible. Dans quel but ? Mais toujours le même, celui qui s’impose à toutes les femmes : PLAIRE. Un destin immuable, éternel, naturel auquel, selon tous les féminins, les femmes ne peuvent, ne doivent pas échapper. « Au final, ce qu’il faut surtout retenir, conclut Biba dans son langage mythique et stéréotypé, c’est que la personne dont on cherche les vibrations positives, celle qui va recharger vos batteries, est toujours un modèle de naturel et de spontanéité. Comme tout ce qui est authentique et qui sonne juste ne dégage que du bon. » Anne-Marie Dardigna : « La parole stéréotypée de la presse féminine possède une force paradoxale. Pas besoin du moindre effort mental pour recevoir les données qui la constituent, assemblage de lieux communs immergés en nous dans une zone inconsciente, incessamment nourrie par le discours social, dans le flot des médias, et le pseudo bon sens. Notre intelligence n’y prête qu’une attention négligente, voire méprisante. Dés lors, cette parole stéréotypée ne peut que nous atteindre directement, au plus profond, puisque nous ne la lisons pas avec le concours actif de notre intelligence... Elle paralyse notre inconscient d’une manière d’autant plus irrésistible qu’elle ne se donne jamais pour ce qu’elle est réellement. Au contraire, c’est un discours qui se présente comme novateur, résolument moderniste dans le vent. » Véronique Maurin, juin 2004 ACRIMED (Action-Critique-Medias), l'Observatoire des médias http://www.acrimed.org/article1633.html