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Diarrhée aiguë au retour de voyage :
aspects diagnostiques et thérapeutiques
Traveler’s diarrhea: clinical and therapeutic aspects
쐌쎲 Jean-Ariel Bronstein*,***, Martial Richecoeur*, Xavier Nicolas**
왘 POINTS FORTS
왘 La diarrhée du voyageur (DV) débute en général de
façon abrupte pendant le voyage ou peu de temps après
le retour.
왘 L’évolution est le plus souvent favorable spontanément.
왘 L’étiologie infectieuse est habituelle et le germe le plus
souvent rencontré est Escherichia coli entérotoxinogène
(ETEC).
왘 Les stratégies de prévention englobent l’éducation concernant le lavage des mains ; l’ingestion d’aliments et de boissons
sûrs ; la purification de l’eau ; la chimioprophylaxie à base
d’antibiotiques ; les vaccins.
왘 Le traitement est d’abord symptomatique, puis antibiotique, après un bilan étiologique lorsqu’il existe des signes
de gravité ou une suspicion de diarrhée invasive.
Mots clés : Diarrhée du voyageur – E. coli entérotoxinogène – Traitement symptomatique – Fluoroquinolones.
Keywords: Travelers’ diarrhea – Enterotoxinogen E. coli –
Symptomatic treament – Fluoroquinolones.
U
ne diarrhée aiguë est définie par l’émission d’au moins
trois selles liquides et/ou molles par jour depuis moins
de 14 jours. La diarrhée aiguë est un des problèmes
de santé les plus souvent observés chez les voyageurs qui se
rendent dans les pays en voie de développement (PVD). En
général, les épisodes de diarrhée du voyageur (DV) débutent
de façon abrupte, pendant le voyage ou peu de temps après le
retour. L’évolution est le plus souvent favorable spontanément.
L’étiologie infectieuse est habituelle. Le germe le plus souvent
rencontré est Escherichia coli entérotoxinogène (ETEC).
* Service de pathologie digestive, HIA Brest.
** Service de médecine interne, HIA Brest.
*** Institut de médecine navale du service de santé des armées, Toulon.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 7 - juillet-août 2007
ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES
Dossier thématique
D ossier thématique
Les principaux déterminants du risque de diarrhée sont le lieu
habituel de résidence, la destination, et, sur place, le climat,
les modes de vie et de voyage. Jusqu’à 50 % des voyageurs en
provenance de pays industrialisés peuvent s’attendre à avoir
au moins un épisode de diarrhée aiguë pendant un séjour de
2 semaines dans un PVD, et 20 % seront confinés au lit pendant
une journée. Ces taux restent étonnamment constants depuis
un demi-siècle.
Le risque de souffrir de DV est variable en fonction de la destination. On décrit trois types de destinations : régions à risque faible
(< 10 %) comprenant l’Europe du Nord, l’Australie, la NouvelleZélande, les États-Unis, le Canada, Singapour ; régions à risque
intermédiaire (10 à 20 %) : Caraïbes, Afrique du Sud, pays du
pourtour méditerranéen, y compris Israël ; régions à haut risque
(> 30 %) : Asie (sauf Singapour), Afrique (sauf l’Afrique du Sud),
Amérique centrale et du Sud, Mexique.
Le type d’exposition, dépendant des modes de vie et de voyage,
doit être identifié. Les aliments et l’eau contaminés sont les
causes de la DV. Les taux d’attaque les plus élevés sont retrouvés
parmi les campeurs, les trekkeurs, les amateurs de safari. Mais,
paradoxalement, les hôtels chers ne sont pas plus sûrs que des
établissements plus économiques (1).
FACTEURS DE RISQUE
Parmi les autres facteurs de risque associés à une probabilité
accrue de contracter une DV figurent des facteurs génétiquement déterminés, l’hypochlorhydrie, les déficits immunitaires
et la moindre immunité intestinale observée chez les enfants
et les adolescents.
Les personnes du groupe sanguin O sont plus à risque de
développer une shigellose, une infection à norovirus ou un
choléra. L’hypochlorhydrie gastrique, par levée de la barrière
acide gastrique, accroît le risque de DV, notamment à Salmonella, et à Campylobacter. Les états d’immunodépression (sida,
corticothérapie, traitement immunosuppresseur, déficit en
IgA) sont propices à l’apparition d’une diarrhée. Un taux de
CD4 bas favorise les infections à cryptosporidies, à microsporidies, à Isospora belli et à salmonelles (2). Les résections
intestinales, l’existence d’anses borgnes ou la présence de troubles moteurs sont autant de facteurs facilitant la colonisation
bactérienne.
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Dossier thématique
D ossier thématique
ASPECTS ÉTIOLOGIQUES
La recherche d’une cause bactérienne ou parasitaire est positive dans 60 à 85 % des cas. Les organismes les plus souvent
isolés incluent Escherichia coli, surtout la souche ETEC,
C. jejuni, diverses espèces de Salmonella et de Shigella. Parmi les
bactéries plus rarement isolées figurent les espèces Aeromonas,
Pleisiomonas, et Yersinia, ainsi que les vibrions non cholériques
et, exceptionnellement, Vibrio cholerae. Clostridium difficile
est une cause peu courante de DV qui doit néanmoins être
envisagée chez les personnes qui prennent de la doxycycline à
titre de prophylaxie antipaludéenne ou des antibiotiques pour
d’autres raisons (3). Bien qu’ils soient rarement isolés, certains
parasites peuvent causer une DV après une période d’incubation
de 1 à 2 semaines. Il s’agit essentiellement de Giardia lamblia,
Cryptosporidium parvum, Cyclospora cayetanensis, Entamoeba
histolitica et, rarement, certaines espèces de Microspora, en
particulier Enterocytozoon bieneusi. Des virus, notamment le
virus de Norwalk et des rotavirus, peuvent aussi causer une DV
quelques heures après l’exposition.
Du point de vue épidémiologique, on assiste à une augmentation
de l’incidence des DV à certains E. coli. C’est le cas d’E. coli
entéro-aggrégant (EAEC) [4], associé à la DV dans les pays à
hygiène faible (5). Certains agents pathogènes sont étroitement
liés à des régions particulières, comme ETEC en Amérique latine,
C. jejuni en Asie du Sud-Est et en Afrique du Nord, V. cholerae
en Inde, au Bengladesh, en Équateur, au Pérou, à Bali, G. lamblia dans les régions montagneuses de l’Amérique du Nord,
de la Russie (Saint-Pétersbourg) et du Népal, C. parvum en
Russie et C. cayetanensis au Népal. Les fluctuations saisonnières
sont également un facteur important ; par exemple, la campylobactériose est observée plus souvent en Afrique du Nord
et au Mexique au cours des mois d’hiver, et la toxi-infection
due à ETEC est une maladie d’été dans ces pays. La résistance
aux antibactériens des isolats de bactéries entériques est un
problème croissant dans les pays en voie de développement.
La résistance aux tétracyclines et aux sulfamides est presque
universelle. Quant à la résistance aux fluoroquinolones (FQ),
elle augmente rapidement en Asie du Sud-Est.
CIRCONSTANCES DIAGNOSTIQUES
Le patient consulte pour diarrhée
Le lien avec le voyage est alors envisagé dès l’interrogatoire.
왘 Il s’agit d’une diarrhée hydrique, isolée, évoquant un mécanisme sécrétoire. Le malade présente des vomissements suivis,
quelques heures plus tard, d’une diarrhée aqueuse d’intensité
variable selon les cas. L’apyrexie est habituelle. L’évolution est
habituellement favorable en 3 jours. Néanmoins, des formes
graves peuvent survenir aux âges extrêmes de la vie.
왘 Il s’agit d’une diarrhée aiguë avec émissions anormales (sang,
glaires). Ce type de diarrhée évoque un mécanisme invasif bactérien ou parasitaire. Dans la forme classique, le malade présente
de violentes douleurs abdominales, des vomissements et une
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diarrhée faite de selles muco-sanglantes ou purulentes, réalisant un authentique syndrome dysentérique avec épreintes et
ténesme. Une fièvre peut être présente. La prise en charge justifie
la réalisation d’explorations complémentaires.
왘 En pratique, la frontière entre mécanisme invasif et mécanisme toxinique est souvent difficile à établir cliniquement,
certains agents infectieux pouvant réaliser les deux tableaux
et des aspects intermédiaires. C’est le cas, par exemple, des
formes précoces d’infection à Shigella sp. ou à Campylobacter.
Une antibiothérapie préalable prescrite sur place ou par automédication peut également aboutir à une forme trompeuse.
L’interrogatoire, l’examen clinique, les examens biologiques
doivent rechercher des arguments en faveur d’un mécanisme
invasif. Une diarrhée d’une durée supérieure à 3 jours ou l’apparition de douleurs abdominales évoquent un germe invasif.
Des manifestations extradigestives (articulaires, oculaires, cutanées) contemporaines orientent vers une infection à Salmonella,
Shigella, Yersinia, ou Campylobacter. La fièvre oriente vers
un mécanisme invasif, mais n’est pas spécifique. De véritables
diarrhées invasives peuvent ne pas être fébriles, notamment
l’amibiase intestinale. Rappelons qu’une fièvre au retour d’une
zone d’endémie palustre doit toujours faire éliminer une primoinvasion palustre. L’apparition d’un syndrome biologique et/ou
d’une anomalie de l’hémogramme sont des éléments orientant
vers un mécanisme invasif. La présence de leucocytes et/ou
d’hématies dans les selles évoquent une infection par un germe
entéro-invasif (salmonelles, shigelles, Campylobacter, E. histolitica) ou à germe non invasif mais dont les toxines sont susceptibles de générer des lésions muqueuses coliques (C. difficile
toxinogène). Néanmoins, l’absence de leucocytes ne permet
pas d’éliminer une diarrhée à germes invasifs, car sa sensibilité
est de 50 %.
Le gastroentérologue est sollicité
pour une endoscopie basse
L’endoscopie basse (rectosigmoïdoscopie le plus souvent)
permettra :
왘 de rechercher des lésions muqueuses ;
왘 d’évaluer la topographie, la gravité des lésions ;
왘 d’envisager un diagnostic étiologique en cas de lésions typiques : présence de fausses membranes évocatrices d’infections
à Clostridium, abcès en bouton de chemise évocateurs d’une
amibiase ;
왘 de réaliser des biopsies à visée histologique, bactériologique,
parasitaire (recherche d’amibe hématophage au microscope).
Le prélèvement de liquide d’aspiration est utile pour rechercher
une toxine de Clostridium et faire un examen parasitologique
des selles.
RECHERCHE DES SIGNES DE GRAVITÉ
Tous les degrés de gravité peuvent être rencontrés, au niveau
tant local que général. Certaines situations nécessitent une prise
en charge médicochirurgicale urgente. En l’absence même de
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signes de gravité clinique, le terrain doit être pris en compte (âges
extrêmes de la vie, femme enceinte, immunodéprimés, etc.).
En cas de diarrhée glairo-sanglante, une altération de l’état
général, l’arrêt des matières et des gaz, l’apparition d’un tympanisme, d’une défense abdominale, l’absence de bruits hydroaériques sont des signes d’alerte. Ils doivent faire rechercher une
perforation, une colite hémorragique, une colectasie (dilatation
du côlon transverse de plus de 6 cm) éventuellement associées à
des signes cliniques (tachycardie > 120 bpm ; hyperleucocytose ;
hypoalbuminémie < 30 g/l) signant alors un mégacôlon toxique.
Ces tableaux s’aggravent avec le temps et sont favorisés par une
automédication par lopéramide.
Une déshydratation sévère, surtout observée en cas de diarrhée
hydrique abondante, doit être reconnue et traitée.
Le passage de germes entéro-invasifs dans la circulation générale
peut être responsable d’une bactériémie, voire d’un choc septique
qui imposent un traitement antibiotique à large spectre après
la réalisation de prélèvements bactériologiques. Le syndrome
hémolytique et urémique est une complication inhabituelle
des shigelloses ou d’E. coli entéro-hémorragique (ECEH). Il se
définit par l’association d’une anémie hémolytique avec présence
de schizocytes, d’une thrombopénie (< 150 000/mm3) et d’une
insuffisance rénale. La prise en charge est habituellement symptomatique (transfusions de culots globulaires dans 90 % des cas,
transfusions plaquettaires, hémodialyse dans 50 % des cas).
RECHERCHE DE LA CAUSE
La recherche d’une cause est orientée par l’interrogatoire,
l’examen clinique, les examens endoscopiques. Elle est confirmée
par les examens microbiologiques.
L’analyse bactériologique des selles (sur prélèvements frais ou
conservés moins de 12 heures à 4 °C) comporte un examen direct,
une recherche de leucocytes fécaux (qui n’a de valeur que positive), une coloration de Gram, une coproculture sur milieux
permettant la croissance de Salmonella, Shigella, Yersinia,
Campylobacter spp. Des milieux de culture spéciaux sont utilisés
en cas d’orientation clinique vers une cause particulière. En cas
de diarrhée hémorragique, il est utile de demander un ensemencement (selles, biopsies) en milieu sélectif de Mac Conkey-agar
permettant d’isoler les ECEH, dont le sérotype O157:H7, et
sur milieu sélectif à l’ampicilline pour isoler Klebsiella oxytoca
(selles, biopsies), notamment lorsqu’il existe une notion d’antibiothérapie. La recherche de toxine A et/ou B dans les selles sera
demandée en cas de suspicion de diarrhée à Clostridium.
La sensibilité de la coproculture est de l’ordre de 50 %. Une
coproculture négative n’élimine pas une diarrhée d’origine infectieuse. Une fausse négativité peut être due à une antibiothérapie
préalable, à la disparition du germe responsable de la diarrhée au
moment du prélèvement microbiologique, à son caractère sousdominant, qu’aucune méthode d’enrichissement ne permettra
d’isoler. La coproculture est négative en cas de diarrhée virale.
L’amélioration des techniques d’isolement permettra à l’avenir
de diminuer le pourcentage des diarrhées dites idiopathiques
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par la découverte de nouveaux germes jusque-là inconnus (6).
Il n’est pas indiqué de réaliser systématiquement une coproculture, dans la mesure où la plupart des diarrhées ont une
évolution favorable en 24-48 heures, temps nécessaire pour
remettre le résultat.
Les sérologies sont inutiles en cas de diarrhée aiguë.
L’examen parasitologique des selles permet la mise en évidence
des parasites sous leurs différentes formes : œufs, larves, kystes,
formes végétatives, oocystes, spores, vers, anneaux. Il comprend
un examen macroscopique et microscopique, direct et après
concentration (ou enrichissement) du prélèvement. L’examen
microscopique est le temps essentiel de l’analyse. Il permet de
dépister les œufs et larves d’helminthes, les kystes et formes
végétatives d’amibes et de flagellés, les coccidies et les spores de
microsporidies. Lorsque l’on suspecte une parasitose particulière,
la recherche doit être orientée par le contexte clinique, ce qui
peut nécessiter des conditions particulières ou des techniques
spéciales : recherche de formes végétatives mobiles d’E. histolitica sur selles fraîchement émises (moins de 2 heures) par
exemple.
Compte tenu des éléments cités précédemment, nous préconisons de réaliser une coproculture en cas de diarrhée invasive,
ou de diarrhée cholériforme abondante (> 3 selles par jour)
et/ou mal tolérée et/ou supérieure à 3 jours et/ou fébrile et/ou
survenant sur un terrain particulier et/ou en cas de toxi-infection alimentaire collective. L’examen parasitologique des selles
sera indiqué pour une diarrhée invasive au retour d’une zone
d’endémie amibienne ou en l’absence d’une amélioration après
un traitement antibiotique.
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D ossier thématique
PRÉVENTION
Les stratégies de prévention englobent : l’éducation concernant
le lavage des mains, l’ingestion d’aliments et de boissons sûrs ;
la purification de l’eau ; la chimioprophylaxie à base d’antibiotiques ; les vaccins.
La prophylaxie antibiotique (tableau) est habituellement efficace
dans la prévention des DV, mais elle ne peut pas être recommandée de manière systématique en raison de son prix, de ses
effets secondaires et de l’apparition de germes résistants aux
antibiotiques. Elle ne doit être envisagée qu’au cas par cas chez
des voyageurs à risque élevé et pour des séjours de courte durée
(7). Les indications retenues sont : les voyageurs chez qui une
Tableau. Chimioprophylaxie de la diarrhée du voyageur.
Produit
Fluoroquinolones
Norfloxacine
Ciprofloxacine
Ofloxacine
Lévofloxacine
Rifaximine (8)
Efficacité
Posologie
80-100 %
400 mg/j
500 mg/j
300 mg/j
500 mg/j
En cours d’évaluation
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D ossier thématique
indisposition même passagère n’est pas acceptable, pour des
raisons professionnelles, par exemple ; les personnes atteintes
d’une maladie chronique chez qui les conséquences d’une DV
pourraient être graves (insuffisants rénaux ou cardiaques,
MICI…) ; les personnes infectées par le VIH avec un taux de
CD4 bas, ou avec un autre déficit immunitaire. Pour le moment,
il n’existe aucun vaccin efficace contre la DV.
TRAITEMENT
Il a pour but de soulager le patient, de traiter l’infection. Il sera
symptomatique et étiologique.
왘 La réhydratation : les solutions de réhydratation orale sont le
plus souvent suffisantes (et de réalisation simple, par exemple :
eau purifiée 1 l, sel 5 ml ([1 cuillère à thé], sucre 40 ml [8 cuillères
à thé]). Chez la plupart des adultes atteints de DV non compliquée, l’hydratation peut être réalisée avec des jus en conserve,
des boissons gazeuses, de l’eau et des bouillons salés. À l’inverse,
des boissons contenant de la caféine, les produits laitiers, le
jus de pomme, le jus de prune, le jus d’orange sont susceptibles d’aggraver la diarrhée. Il faut consommer une quantité de
liquide qui permet d’étancher la soif et de maintenir des urines
jaune clair.
왘 Les ralentisseurs du transit sont le plus souvent à la fois sûrs et
efficaces. Ils réduisent le nombre des selles, mais ils ne guérissent
pas de la diarrhée. Le lopéramide permet de réduire la durée
de 65 % et la sévérité de la DV chez les adultes et les enfants de
plus de 2 ans. Il faut toutefois être prudent en cas de diarrhée
invasive. D’autres molécules, comme le racécadotril, ont un
effet antisécrétoire sur la muqueuse de l’intestin grêle. Elles
agissent en inhibant l’hypersécrétion muqueuse sans ralentir
le temps de transit orocæcal ni colique. Elles n’induisent ni
constipation ni mégacôlon toxique. Leur tolérance est jugée
bonne chez l’enfant et l’adulte.
왘 Les antibiotiques (tableau II) [9] ont prouvé leur efficacité
dans la DV. Ils minimisent la sévérité et la durée des symptômes (10). Le cotrimoxazole fut l’antibiotique de choix pendant
plusieurs années, mais, en raison de la progression de résistances,
son utilisation est plus limitée. Cet antibiotique est maintenant
recommandé en cas d’échec du traitement par FQ, ou en cas
d’échec du traitement par métronidazole dans les régions où
les cyclosporidiases sont fréquentes (par exemple : Népal entre
avril et juillet, Mexique en été). Les FQ ont fait la preuve de leur
efficacité dans le traitement de la DV. Ces molécules ingérées
par voie orale sont bien absorbées, leurs concentrations fécales
sont importantes. Les FQ ont une longue demi-vie, permettant
une prise unique ou deux prises journalières. Elles sont devenues le traitement de choix dans la DV de l’adulte modérée à
sévère. Elles soulagent les symptômes et en réduisent la durée
de 3-4 jours à moins de 2 jours (11). Une simple dose de FQ
est aussi efficace qu’un traitement de trois jours, sauf en cas
de diarrhée invasive (12), où un traitement de trois jours est
recommandé (13). L’azithromycine (AZH) a une bonne activité
in vitro contre les entérobactéries. Son activité antibactérienne
est jugée 8 fois plus importante que celle de l’érythromycine.
L’AZH s’est montrée aussi efficace que la ciprofloxacine en cas de
diarrhée aiguë à Campylobacter chez des militaires américains
en Thaïlande (14). Une autre étude plus récente a confirmé une
efficacité comparable de l’AZH et de la lévofloxacine chez des
voyageurs au Mexique (15). L’AZH est une alternative aux FQ
dans les zones d’endémie forte à Campylobacter résistant aux FQ
et doit être prescrite chez l’enfant. L’AZH est habituellement bien
tolérée et peut être utilisée chez l’enfant, mais n’a pas d’AMM
pour la femme enceinte.
En pratique, on proposera une antibiothérapie probabiliste
centrée sur les FQ dans les situations suivantes (figure) : en
Éliminer une primoinvasion palustre
Réhydratation
Évaluation de la sévérité
Diarrhée hydrique
1 à 2 selles par jour
Symptômes modérés
Diarrhée hydrique
modérée / sévère / > 3 jours / terrain fragile / fébrile / TIAC
Traitement symptomatique
ÉVITER LE LOPÉRAMIDE
Diarrhée invasive
Coproculture : standard / orientée
Ex. parasitologique des selles : après échec du
traitement ATB / d’emblée si retour de zone d’endémie
amibienne
Antibiothérapie probabiliste : FQ
±
Métronidazole : zone
endémie amibienne
Figure. Conduite à tenir en cas de diarrhée aiguë au retour d’un
voyage.
Tableau II. Traitement médical de la diarrhée du voyageur (d’après Al-Abri et al. [9]).
Produit
Commentaire
Lopéramide
4 mg initialement, puis 2 mg à chaque selle liquide, 16 mg/j maximum
Fluoroquinolones
Ciprofloxacine
Norfloxacine
Lévofloxacine
Ofloxacine
750 mg en dose unique – 500 mg x 2/j pendant 3 jours
800 mg en dose unique – 400 mg x 2/j pendant 3 jours
500 mg en dose unique – 500 mg x 2/j pendant 3 jours
400 mg en dose unique – 200 mg x 2/j pendant 3 jours
Azithromycine
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Posologie
1 000 mg en dose unique ou 500 mg/j pendant 3 jours
10 mg/kg pendant 3 jours chez les enfants
À partir de 2 ans
Non contre-indiqué chez l’enfant – Efficace contre Campylobacter
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cas de diarrhée hydrique modérée à sévère ; en cas de diarrhée
> 3 jours ; en cas de diarrhée survenant sur un terrain fragile ;
en cas de diarrhée fébrile ou invasive.
■
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>>>
왘
Point de vue
Quand les médecins deviennent malades…
I
ls sont tellement surpris qu’ils écrivent un livre ! C’est ce que viennent
de faire deux médecins qui ont vécu
des expériences très différentes.
Dans le cas de Rémy Salmon (1), chef
du département de chirurgie à l’Institut
Curie, à Paris, il s’agit d’un accident de
métro avec paralysie temporaire des
membres inférieurs. Avec beaucoup
d’humour, Rémy Salmon décrit le
parcours du combattant qu’il a dû livrer
avant de pouvoir reprendre son activité professionnelle. Il met en lumière,
vus par l’œil du “médecin-malade”, les
dysfonctionnements des services hospitaliers et plaide pour la nécessité du
deuxième avis médical, chance souvent
interdite au vulgum pecus.
Dans le cas de Jean-Marc Majeau (2),
il s’agit de la découverte d’un cancer
du côlon chez un gastroentérologue
de 46 ans. Le choc de passer d’un coup
du statut d’athlète bien portant et bon
vivant à celui de malade cancéreux
est remarquablement décrit. Après sa
convalescence, Jean-Marc Majeau va
se lancer dans un tour de France à vélo
(sans dopage !) appelé Cyclogalloscopie.
Cette action de communication avait
pour but d’attirer l’attention sur l’intérêt
du dépistage du cancer colorectal et sur
la nécessité de transformer l’image du
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cancéreux dans notre pays. Jean-Marc
Majeau rejoint par ailleurs un point de
l’éditorial de ce numéro en faisant remarquer que les cuvettes des toilettes “à la
française” ne facilitent pas l’observation
de ses selles, surtout quand un liquide
désinfectant coloré vient les noyer !
Au total, deux livres démontrant qu’il est
toujours difficile d’être malade, et peut-être
encore plus quand on est médecin. ■
1. Rémy Salmon. Tout ce que les chirurgiens
ne peuvent pas vous dire. Paris : Éditions Anne
Carrière, 2007.
2. Jean-Marc Majeau. À demain matin. Paris :
Jean-Claude Gawsewitch Éditeur, 2007.
Marc-André Bigard (Nancy)
139