Corps et genre : l`ambiguïté sexuelle dans l`art (la photographie) au
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Corps et genre : l`ambiguïté sexuelle dans l`art (la photographie) au
Corps et genre : l’ambiguïté sexuelle dans l’art (la photographie) au XXème siècle. Introduction : Même si le sujet nous semble évident de nos jours, grâce aux travaux des artistes contemporains, il faut savoir que la question de l’ambiguïté sexuelle en art est tout à fait récente. Même si les origines de l'art montrent régulièrement le sexe de la femme... Personnage féminin, à la Préhistoire : totalement défini par ses attributs féminin, pas même par un visage ...il a par la suite occulté très longtemps l'intime de ses personnages (nous le verrons dans notre première partie). De ce point de vue, l'arrivée de la question du transgenre au XXe siècle a totalement bouleversé les codes artistiques, et les habitudes du public, qui ont été durant des siècles bercés par des images où l'homme et la femme étaient clairement définis, clairement représentés, avec leur symbolisme et leurs attributs propres. Elle a fait exploser des frontières et a offert un large domaine de recherche aux artistes, qui ont utilisé leur art pour approfondir la question de ce qu'est le corps, de ce qu'est l'identité sexuelle, de ce qu'ils disent des individus. Nous avons choisi d'étudier l'ambiguïté sexuelle à travers cette question de la sexualisation de l'art (sexualisation = représentation du sexe, mais également intégration de réflexions sur ce qu'est le genre), pour comprendre ce qu'elle tente de prouver ou de dénoncer sur le déterminisme de l'identité sexuelle. Les artistes semblent avoir choisi de jouer avec l’ambiguïté sexuelle pour forcer le public à s'émanciper des stéréotypes et le pousser à voir son corps comme le médiateur de son intériorité, et non pas comme une enveloppe sacrifiée par les influences sociétales. CHAPITRE I : INCARNER LE GENRE 1) Historique Les carrières artistiques étaient exclusivement réservées aux hommes. La femme était intégrée à l'art, mais en tant que modèle, que fantasme masculin, et elle n'avait rien de la femme « concrète », « réelle ». La fameuse figure de la muse du poète. Par exemple, Kiki de Montparnasse, muse et égérie de Man Ray. Nous sommes dans les années 1920 – 1930 en plein mouvement surréaliste et ce sont plutôt des valeurs machistes et misogynes qui sont prônées. Les femmes n’auront accès à une formation artistique dispensée à L’école des Beaux-Arts qu’au début du XXème siècle seulement. En 1970, Linda Nochlin écrira d’ailleurs, un des textes fondateurs de la pensée critique féministe en art intitulé « Pourquoi n’y a-t’il pas de grandes femmes artistes ? ». Aux alentours du milieu du siècle et plus particulièrement vers les années 1960, les choses évoluent quelque peu. A titre d’exemple, on peut citer Nikki de Saint Phalle, qui est en couple avec Jean Tinguely, tout deux œuvrant dans le mouvement intitulé « les Nouveaux Réalistes ». Mais là où Tinguely élaborera un art proche de la thématique du mouvement à savoir l’objet, Nikki de Saint Phalle, elle, interrogera sans cesse les notions de genre liées à sa condition féminine. Parrallélement à ces mouvements artistiques concrets (s’intéressant à l’objet, à la matière), d’autres courants artistiques émergent comme l’art corporel ou body art. Ce courant est issu de la libération sexuelle des années 1960, le corps devient alors le sujet principal des œuvres qui se traduisent bien souvent par des performances et autres happenings. Les artistes, à l’époque ne sont plus peintres, ni sculpteurs mais plasticiens, ou encore vidéastes. Le body Art va permettre aux femmes d’interroger les limites de leurs propres corps, mais aussi de remettre en cause les catégories et scénarios mis en place depuis des décennies. Les hommes faisant partie de ce mouvement se concentrant principalement sur l’aspect violent et transgressif du médium choisi : le corps (Michel Journiac crée des boudins avec son propre sang, Chris Burden se fait tirer dans le bras, Vito Acconci se filme en train de s’étouffer lui-même). A la fin de ces années 60, la femme s'implique donc plus dans l'art et devient maîtresse de son image, en apprenant à se réapproprier son propre corps. a. Un courant particulier en art, le « body art » • • • • Mona HATOUM (art vidéo) Endoscopie. Réappropriation du corps, rapport au sexe, au corps féminin et au regard masculin sur le corps féminin (évocation de l’angoisse de castration) – inventorier les éléments typiquement féminins. Gina PANE (transgression et violence très forte chez elle.) Rituels. Notion de cérémonie que l’on retrouvera dans l’actionnisme viennois (autre branche de l’art corporel plus subversif et plus religieux). « (…) Cela signifie prendre conscience de ses fantasmes qui ne sont rien d’autre que le reflet des mythes créés par la société… le corps (sa gestualité) est une écriture à part entière, un système de signes qui représentent, qui traduisent la recherche infinie de l’Autre.» Carolee SCHNEEMANN (elle travaille principalement sur les traditions archaïques visuelles, les tabous, et la relation que le corps de l'artiste entretient avec le corps social). Marina ABRAMOVIC (mise en danger réelle) dans le but de faire exploser les codes et contraintes que a société nous impose. Elle est en recherche de liberté et c’est le fondement de sa pratique artistique. Les artistes féminines du body art, nous venons de le voir, interrogent le corps et ses limites en lien avec leur appartenance à un sexe mais elles ne performent pas directement le genre. Elles effectuent des performances, bien entendu, mais qui tiennent plutôt de l’action sociale voir politique parfois. Les artistes que nous allons découvrir maintenant développent une action plus centrée sur les notions de genre et de sexe. Elles en font même le cœur de leurs pratiques artistiques, qui d’ailleurs ne se limitent pas de la performance mais touchent bien d’autres médiums et utilisent divers moyens d’expression. La plupart créeront des oeuvres de type performatif mais en rendront compte non pas par des vidéos mais plutôt par des séries de photos. b. La question de la performance. Performer le genre. • • • ORLAN (le baiser de l’artiste en lien avec l’autre projet le fait de se vendre) Notions bassement commerciales qui sont le miroir de l’image de la femme-objet qui n’est réduite qu’à une bouche et des seins (pour Valie Export – Boîte où on peut lui toucher les seins). Importance de la valeur marchande. Valie EXPORT (génital panic, 1969) Marie-Ange GUILLEMINOT (tissus mous et évocateurs de quelque chose d’organique, idées de prothèses, de greffes, rapport au corps très intime et dépendant) Performances du corps et du genre, permet • de changer de sexe, de jouer l’autre, cet étranger. Idées de la poupée quelque part, de l’enfance. Jeanne DUNNING (éplucher sa peau, idées de mues, de renouveau, de peau, d’enveloppe donc de paraître, rapport à la société). Toutes ses femmes s’interrogent sur les notions de genre et de sexe mais appartiennent-elles pour autant au mouvement féministe et qu’en –est-il de celui-ci dans cette fin des années 60, début des années 70 ? Le mouvement féministe va connaître un renouveau justement à la fin des années 60 avec la création du MLF (Mouvement de Libération des Femmes). Mais ce qui nous intéresse ici, c’est la notion d’organisation, de revendication et de communauté qui émerge avec le mouvement féministe. La création de ce mouvement va permettre non plus de parler de la femme mais des Femmes qui deviennent alors un groupe, une communauté, un rassemblement organisé et solidaire. Les artistes que nous avons mentionnées précédemment parlaient de leur féminité, de la manière dont elle la percevait en fonction de leur passé, de leurs origines, de leur milieu, une sorte d’état des lieux personnel et unique, reflet d’une société, à un instant T, peut-être mais le reflet surtout d’une individualité et d’un parcours. Avec l’explosion du mouvement féministe et sa « médiatisation », nous allons voir apparaître chez les artistes des démarches plus globalisantes et plus universelles. c. Brève intro sur le « féminisme », qui nous amène sur la question de la minorité, du communautarisme et de la marginalité • Vanessa BEECROFT (c’est le cas de Vanessa Beecroft qui va parler du féminin dans sa globalité et dans son universalité en rassemblant des femmes de différentes origines, de différentes couleurs de peaux, de cheveux, de yeux…) Elle établie des classifications, des agencements. Mais son travail interroge tout de même les codes du genre qu’il soit féminin ou masculin (car elle s’intéresse dans une moindre mesure aux hommes aussi). Les accessoires, les costumes, les mises en scène sont étudiés au millimètre prés. Notions d’archétypes et démarche anthropologique. Remarquons donc une certaine distanciation vis à vis du propos. Avant on était à l’échelle du corps (le sien) maintenant nous sommes à l’échelle des corps ceux de la communauté, du groupe auquel nous appartenons et auquel nous sommes censés nous identifier. Arrêtons-nous un instant sur la notion de genre, dont nous avons parlé jusqu'à présent mais que nous n’avons pas encore défini. Monique Wittig, une des fondatrices du MLF, nous dit que « le genre est employé au singulier car en effet il n’y a pas deux genres, il n’y a en a qu’un : le féminin, le « masculin » n’étant pas un genre. Car le masculin n’est pas le masculin mais le général. Ce qui fait qu’il y a le général et le féminin… » D’un côté, l’universel, et de l’autre, la marque du genre. » Cette phrase de Wittig va nous permettre de poser les notions corrélatives à la notion de genre à savoir les codes sociétales régissant notre perception du « féminin » et du « masculin ». 2) Construction du genre (les codes): Intéressons-nous, d’abord à la femme et à la notion de « féminin ». Lorsque nous nous penchons sur la recherche lexicographique nous nous apercevons que la liste des synonymes du mot « femme » est longue et pour le moins péjorative. Je vous en cite quelques-uns : « alter ego, amante, bobonne, bonne femme, bourgeoise, commère, compagne, concubine, conjointe, cotillon, créature, dame, demoiselle, donzelle, femelle, femmelette, fille d’Eve, frangine, légitime, matrone, maîtresse, moitié, mousmé, muse, ménesse, nana, nénette, personne, rombière, régulière, égérie, épouse. » Cette liste de noms a été établie par le Centre national de la recherche scientifique de l’Université de Caen). Beaucoup de ces synonymes démontrent un jugement de valeur manifeste ou latent. Intéressons-nous maintenant aux artistes ayant interrogé et posé les bases de la notion de féminin. a. Le féminin • • • • • • • • • • Les Guerrilla Girls Cindy SHERMAN (« Untitled Film Still ») Série d’environ 69 photos en noir et blanc qui reprend le genre des films de série B des années 1950. Chaque photo est l’image d’une femme stéréotypée, dans un décor réel. Pour les féministes, cette série reflète le sexe féminin privé de son individualité par les conventions sociales. Chaque « still » est l’image d’une femme stéréotypée, dans un décor réel. Travail sur l'image et le rôle assigné à la femme américaine moyenne des années 1960-1970. Sous forme de séries d’autoportraits. Images archétypales (la madone, la mariée, la mère..) Références bibliques et antiques. ORLAN (la madone) Rineke DIJKSTRA (série « maternités) images crues, vulnérabilité, prise à contrepied de l’idée d‘épanouissement lié à la naissance d’un enfant. Faiblesse, intrusion et voyeurisme, violation de l’intimité, de ce moment privilégié. Ghada AMER (couture d’images érotiques) image de la femme besogneuse et confrontation avec l’industrie pornographique. Plusieurs oppositions artisanat / industrie, femme / homme, valorisation / dévalorisation. Hannah WILKE (reprises d’images archétypales aussi et poses érotiques) On rejoue l’identité féminine en la jouant, en la performant. (sculptures de vulves en chewing-gum) – « S.O.S Starification Object Series » Martha ROSLER (slogans publicitaires – support différent : affiches, collages, photomontages) Images de femmes nues, pornos, femmes au foyer, opposées aux images de guerre pour les hommes. Opposition intérieur / Extérieur. Barbara KRUGER (idem Martha Rosler). Michel JOURNIAC (Intérêt pour les rituels ou objets qui contraignent le corps et la sexualité.) Importance du vêtement chez Journiac qui lui permet de se travestir et ainsi de rejouer les rituels sociaux liés à la féminité mais aussi à la figure du père et de la mère. « 24h dans la vie d'une femme ordinaire (1972) » Sarah LUCAS représentation stylisé de la femme et de l’homme, dénonciation du sexisme… b. Le masculin Barbara KRUGER (image du héros, de la puissance et de la force lié au masculin). Karen KNORR (Série des Gentlemen pour parler du patriarcat). Louise BOURGEOIS Masculinité se transformant dans ses œuvres en féminité. Le dur se changeant en mou. Glissement, subversion. • • • c. L’enfant (les jouets) • Les photocopies des catalogues de jouets. Jeux dits de rôle, de scénarios. Création et distribution d’une place. On se projette dans un rôle social. C’est la création d’une identité liée aux questions de genre. Attribution / assignation identitaire. Les couleurs employées le violet et le rose pour les filles, le bleu et le vert pour les garçons. Les pages des magazines eux-mêmes emploient ce code couleur. Les garçons jouent de préférence avec des voitures, des moyens de transport (véhiculant l’idée de vitesse mais aussi de technicité (électronique – manettes de jeux élaborées), et aussi d’extériorité). Ils pourront aussi jouer avec des jeux de construction et des outils pour bricoler. Les filles jouent elles avec des poupons, poupées, landaus et autres accessoires destinés à la maternité et à l’instinct maternel. Sinon, plus tard, se sera l’image qui primera, sets de maquillages et autres têtes à coiffer. A remarquer les commentaires des vendeurs et leur conception des jeux pour enfants. Les dessins aussi, « le garçon cuisine (valorisant) », « la petit fille encaisse (dévalorisant) ». Mais inversion la page suivante : « le garçon nettoie », « la petite fille bricole ». Il semblerait que les choses ne soient pas aussi simple que çà en à l’air. 3) Dé-construction du genre : a. La figure du flou ou l’objectivation du corps. Le corps-objet, le corps-signe. • Helmut NEWTON Chez Newton, la question de la fétichisation ou de la fragmentation des corps, celle de l’image et celle du cyborg. La femme d’Helmut Newton, c’est une femme que l’on dit objectivé mais qui prend le pouvoir, qui s’affirme. Interrogation et perturbation des codes communément admis. b. La figure de l’inversion • Le féminin se masculinise ou « Masculiniser le Féminin ». • Jan SAUDEK • Helmut NEWTON • Robert MAPPLETHORPE Chez Robert Mapplethorpe, chez Jan Saudek, chez Helmut Newton. • Le masculin se féminise ou « Féminiser le Masculin ». • Jan SAUDEK • Jurgen KLAUKE • Robert MAPPELTHORPE Chez Robert Mapplethorpe, chez Jurgen Klauke, chez Jan Saudek. CHAPITRE II : EXPLOSION DU MODELE BINAIRE : La question de la représentation du genre trouve un semblant de réconciliation avec l'image du transgenre. Les transgenres règlent en effet le conflit en en désamorçant les problématiques : leur apparence, saisie souvent sur le mode de l'intime en photographie, semble dire que la lutte des genres est inutile et infondée, puisqu'ils peuvent très bien se confondre dans un seul être, voire être totalement dépassés. 1) A la question du genre en art se greffe une notion de marginalité : Étymologiquement, le terme de monstre peut s'employer pour qualifier les sujets que les photographes choisissent de présenter, puisqu'il désigne ce qui surprend, ce qui est différent, ce qui est contraire aux lois communes. Il provient du latin monstrum, qui signifie « avertissement des dieux, présage » ou « chose bizarre ». Il est aussi intéressant de noter qu'il est très lié à monstrare, qui signifiait « montrer ». Le monstre, c'est cette énigme que l'on pointe du doigt. On peut donc tout à fait faire le lien avec les travaux des photographes du XXe qui se sont penchés sur les questions de genre, et sur les marginaux. La provocation survient lorsque les photos ne montrent plus seulement des androgynes dont on a du mal à définir le genre, mais des hommes et femmes qui s'affirment très clairement en tant que hommes et femmes empruntant des codes au genre opposé. Par exemple, pour A Selection of Black Carnival, Christine Webster demande aux hommes de poser en jupes, ou en robes de mariée. L'ambiguïté sexuelle est essentiellement dû au code vestimentaire : personne ne doute un seul instant qu'il s'agit d'hommes, et c'est là le point fort de la photographie ; ces hommes sont habillés avec des vêtements de femme, et leur réaction d'ailleurs dénonce le tabou que cela transgresse. Le terme du carnaval de la série de photo est révélateur : il s'agit ici de prendre la posture d'une bête de foire pour provoquer. Ana Mendieta, en se photographiant avec une barbe et une moustache, joue de cette même provocation : le monstre, la femme à barbe, transpose la pilosité masculine sur un visage de femme, et se moque des préjugés ; elle joue avec son corps de femme. Cindy Sherman expose quant à elle des travestis qui jouent de toute l'esthétique féminine : accessoires, vêtements, maquillage, perruque...On a là une critique des modes de représentations habituels de la femme, et une interrogation sur l'identité. Alice Spring photographie Helmut Newton en lui faisant reproduire les codes qu'il emploie lui-même avec les femmes de ses propres photographies, toujours en talons, avec chapeau...des codes glamour qui touchent assez au fétichisme. On a donc un inversement des codes, plutôt intéressant, qui prouve que les codes liés à l'identité sexuelle peuvent être dépassés. Nan Goldin quant à elle photographie sur le vif des drag queen, communauté qui nourrit sans cesse son travail, parce qu'elle réunit des sujets qui lui sont chers : le sexe, le genre, l'amour. Les photos se réalisent encore une fois sur le mode de l'intime. Les photographies fonctionnent par un jeu sur les apparences ; => Ici, on a un parallélisme entre Marilyn Monroe et un travesti. Et cette photo, qui laisse planer le doute sur le genre de la personne photographiée... Montre que les apparences peuvent être trompeuses, puisqu'il s'agit d'un homme. Les photographes saisissent, souvent sur le vif nous l'avons vu, des physiques qui remettent en question des habitudes, qui contiennent intrinsèquement plusieurs thématiques fortes : le détachement vis-à-vis des attentes, vis-à-vis des carcans, et l'expression d'une libération qui touche à la fois au déterminisme de l'identité et de l'orientation sexuelle. Mais les photographes approfondissent parfois le questionnement encore plus loin, avec notamment une figure qui dépasse tout à fait les questions de genre. 2) L'entre-genre : la figure de l'androgyne comme outil premier de l'exploration de la méconnaissance du sexe et de la difficile définition du genre. C'est l'androgyne. La figure de l'androgyne est la preuve vivante, palpable, que l'identité sexuelle n'est pas forcément tangible, et que l'orientation sexuelle ne va pas de soi. L'androgyne peut en effet être considéré de différentes façons (nous l'avons vu en cours : Barthes voit en elle une fusion de l'homme et de la femme, Blanchot lui considère qu'il n'est ni l'un ni l'autre). Les artistes opèrent la même distinction avec leurs photographies. Bettina Rheims, avec ses gender studies, choisit de montrer l'androgyne comme un mélange d'attributs féminins et masculins. Les cheveux longs ou courts et la présence ou non de maquillage ne signifient plus une appartenance à un genre défini, si bien qu'il est parfois difficile de deviner si les personnes photographiées sont nées homme ou femme. C'est la forme la plus évidente d'ambiguïté sexuelle, de flou du genre. Certains de ses portraits révèlent des cicatrices... ...laissant voir alors des corps marqués par l'ambiguïté. L'idée est d'exposer comment un genre peut se redéfinir, et donc à quel point il est mouvant, insaisissable. Les tatouages visibles sur les modèles ne sont pas anodins : il y a ici un travail sur le corps, sur ce qu'il peut exprimer. Une photo montre tout particulièrement la cohabitation des deux genres chez l'androgyne : Valérie Belin, avec ses portraits Transsexuels de 2001, photographie des transexuels au début de leur démarche de transformation. Les modèles sont encore empreints de deux genres ; c'est ce qui l'intéresse : « Il me fallait, pour explorer cette idée de métamorphose, de quête d'identité incertaine, des visages très particuliers. D'où mon intérêt pour les transsexuels, dans la phase initiale de leur transformation, alors qu'éléments masculins et féminins sont encore incertains, apparaissant à la surface du visage, comme un effet de morphing en cours. Comme les culturistes, les transsexuels cherchent à changer d'identité ; pour eux, cela va jusqu'à vouloir changer de sexe ». Le motif du transgenre devient dans ses travaux suivants, notamment avec ses « Mannequins en plastique » de 2003, l'expression d'une androgénie dépourvue de marques féminines ou masculines, qui crée des êtres inexpressifs, absents : Les êtres représentés dévoilent une esthétique neutre où les traits sont similaires, conformisés, d'une tête à l'autre. Aucun indice n'est donné sur les particularités du corps des poupées, on reste dans le flou, l’ambiguïté sexuelle est à son paroxysme en essayant de nous faire imaginer des êtres dépouillés de toutes particularisations sexuelles. Chez Saudek, l’androgénie joue avec les habitudes et les clichés. => Une femme rejoue le rôle du barbare, avec Aurélia The Winner. Avec Oh, those fabulous Sisters !, en 1983, a figuration d'un couple banal est contrebalancée par le bas de la photographie, qui dévoile qu'il s'agit en réalité de deux femmes. La révélation du contraste entre l'image sociale et le sexe réel des sujets est appuyée par un changement de teinte. => Même principe avec Ida as The Playcard (1983) : le sujet est figuré à la fois homme et femme. Le costume d'homme cache une femme et sa sensualité propre. Les artistes font donc exploser le modèle binaire : homme ou femme, ce qui importe est la marque du corps, ce qu'il peut montrer ou non de l'identité des sujets. Ce qui nous mène à nous interroger sur la façon dont les artistes dénoncent le poids du corps sur les êtres, sur leur identité : est-ce que le flou du genre en photographie ne permettrait-il pas finalement, d'extérioriser la vraie identité ? Conclusion : Ouverture sur la notion de neutralité comme modèle (avec à l’appui la démarche de Claude CAHUN).