Des démonstrations en analyse

Transcription

Des démonstrations en analyse
Préparation au CAPES (IUFM/ULP)
Nicole Bopp
Strasbourg, novembre 2007
Des démonstrations en analyse
1. Caractérisations équivalentes du fait que R est complet
L’une des trois propriétés ci-dessous est admise dans la plupart des cours d’analyse pour les
étudiants de première année. Nous allons démontrer que ces trois propriétés sont équivalentes
puis qu’elles caractérisent le fait que R est complet.
Pour démontrer que R est complet, il est nécessaire de le construire ce que nous ne ferons pas
ici (voir par exemple [T] p. 65).
Théorème 1.1 (des suites adjacentes). Si deux suites (an ) et (bn ) sont adjacentes alors elles
sont toutes deux convergentes et admettent la même limite.
Théorème 1.2 (de la borne supérieure). Toute partie non vide majorée de R admet une
borne supérieure.
Théorème 1.3 (des suites monotones). Toute suite croissante majorée converge.
Démonstration de l’équivalence de ces propriétés. —
1.3 =⇒ 1.1 Soient (an )n∈N et (bn )n∈N deux suites adjacentes. c’est-à-dire vérifiant les
propriétés (i) et (ii) suivantes :
(i) la suite (an ) est croissante et la suite (bn ) est décroissante ;
(ii) la suite (bn − an ) converge vers 0.
Par (i) la suite (bn − an ) est décroissante. Comme elle converge vers 0 par (ii), tous ses
termes sont donc positifs. On en déduit (en utilisant à nouveau (i)) que pour tout n ∈ N
on a
a0 6 an 6 bn 6 b0 .
Les suites (an ) et (−bn ) sont donc croissantes et majorées. Elles convergent par 1.3.
Notons ℓ et −ℓ′ leurs limites. On déduit de (ii) que ℓ − ℓ′ = 0 et donc que les suites (an )
et (bn ) convergent vers la même limite.
1.1 =⇒ 1.2 Soit U une partie non vide de R qui est majorée par A. Il s’agit de montrer
que U admet une borne supérieure.
Pour cela on définit par récurrence deux suites (an ) et (bn ) en choisissant un élément
de U (supposé non vide) que l’on note a0 , en posant b0 = A, puis en définissant an+1 et
bn+1 à partir de an et bn ainsi
an + bn
an + bn
, bn ∩ U = ∅ on pose an+1 = an et bn+1 =
;
• si
2
2
an + bn
et bn+1 = bn .
• sinon on pose an+1 =
2
Il est facile de vérifier que les suites ainsi définies sont adjacentes1 : (an ) est croissante,
(bn ) est décroissante et bn − an qui est égal à b−a
2n tend vers 0. Par 1.1 elles convergent
toutes deux vers une même limite que l’on note ℓ.
On vérifie (par récurrence) que, pour tout n ∈ N,
bn est un majorant de U et que [an , bn ] contient
au moins un élément de U .
1Ce type de construction de suites est appelé dichotomie.
an
an +bn
2
bn
A
?
?
au moins un élément de U
2
Comme (bn ) est un majorant de U pour tout n, sa limite ℓ est aussi un majorant de U .
De plus, pour un ε > 0 fixé, il existe n0 ∈ N tel que 0 6 bn0 − an0 6 ε. Or il existe (au
moins) un élément u ∈ U contenu dans l’intervalle [an0 , bn0 ]. On en déduit que
an0 6 u 6 ℓ 6 bn0 =⇒ ℓ − u 6 ε d’où ℓ − ε 6 u 6 ℓ .
Ceci montre que ℓ est bien la borne supérieur de U .
1.2 =⇒ 1.3 Soit (un ) une suite croissante majorée par un réel A. Considérons
U = {un | n ∈ N} .
Cet ensemble est évidemment non vide et il est majoré par A (c’est l’hypothèse). Par
1.2 il admet une borne supérieure ℓ. Montrons que la suite (un ) converge vers ℓ.
Soit ε > 0. Par définition de la borne supérieure, il existe un élément de l’ensemble U
c’est-à-dire un élément de la forme uN où N est un entier tel que
ℓ − ε < uN 6 ℓ .
Or la suite est supposée croissante, d’où
n > N =⇒ ℓ − ε < uN 6 un 6 ℓ .
uN
ℓ−ε
ℓ
A
{un | n > N }
Comme ceci est vrai pour tout ε > 0, on conclut que la suite (un ) converge vers ℓ.
Il me semble préférable dans des leçons de CAPES d’admettre le théorème des suites adjacentes ou celui des suites monotones, car ce sont les propriétés de R qui sont mises en avant
dans les programmes de terminale S.
Pour démontrer l’équivalence de ces propriétés avec la convergence des suites de Cauchy
nous allons utiliser le théorème ci-dessous. En voici une démonstration par dichotomie.
Théorème(Bolzano-Weierstrass). De toute suite bornée, on peut extraire une sous-suite
convergente.
Démonstration. (1.1 =⇒Bolzano-Weierstrass)
Soit (un ) une suite bornée. Il est équivalent de supposer qu’il existe deux réels a et b
tels que pour tout n ∈ N on ait
a 6 un 6 b .
On définit par récurrence deux suites (ap ) et (bp ) en posant tout d’abord
a0 = a et b0 = b ,
puis en définissant ap+1 et bp+1 à partir de ap et bp ainsi
ap + bp
• si [ap ,
] contient une infinité de termes de la
ap +bp
2
ap
bp
2
ap + bp
suite (un ), on pose ap+1 = ap et bp+1 =
;
2
ap + bp
infinité de termes ?
et bp+1 = bp .
• sinon on pose ap+1 =
2
Les suites (ap ) et (bp ) sont adjacentes et convergent donc par 1.1 toutes deux vers la
même limite que l’on note ℓ.
On remarque tout d’abord que les suites (ap ) et (bp ) ont été définies de sorte que pour
tout p ∈ N l’intervalle [ap , bp ] contienne une infinité de termes de la suite (un ). En effet
a +b
si l’intervalle [ap , p 2 p ] ne contient qu’un nombre fini de termes de la suite (un ) alors
3
Des démonstrations en analyse
l’intervalle [
signifie que
ap +bp
2 , bp ]
en contient une infinité. Précisons pour plus de clarté que cela
{n ∈ N | un ∈ [ap , bp ] est infini} .
L’ensemble des un tels que un appartient à [ap , bp ] pourrait, lui, être fini (par exemple
dans le cas d’une suite constante).
On définit alors une suite extraite (unp )p∈N par récurrence sur p. On pose tout d’abord
un0 = u0 . Supposons avoir défini p entiers n1 , n2 , . . . , np tels que
n0 < n1 < n2 < · · · < np et unq ∈ [aq , bq ] pour q = 0, 1, . . . , p .
Comme l’intervalle [ap+1 , bp+1 ] contient une infinité de termes de la suite (un ), on peut
choisir np+1 > np tel que unp+1 appartienne cet intervalle. Finalement on définit ainsi
une suite (unp ), qui est bien une suite extraite de la suite (un ), car la suite des (np )p∈N
est strictement croissante, et qui vérifie
ap 6 unp 6 bp
(p ∈ N) .
Par le théorème d’encadrement des suites, on conclut que la suite (unp ) converge aussi
vers ℓ.
Pour conclure ce paragraphe nous allons démontrer que les propriétés énoncées aux théorèmes
1.1, 1.2 et 1.3 sont équivalentes au fait que R est complet c’est-à-dire au résultat ci-dessous.
Théorème 1.4 (des suites de Cauchy). Toute suite de Cauchy de réels est convergente.
Démonstration. (1.4 ⇐⇒ 1.1, 1.2, 1.3)
1.1 =⇒ 1.4 Soit (un ) une suite de Cauchy. Pour tout ε > 0, il existe par définition un
entier Nε tel que
(C)
n > Nε et m > Nε =⇒ |un − um | < ε .
Choisissons par exemple ε = 1. On déduit de (C) que |un | est majoré par
(
max |u0 |, |u1 |, . . . , |uN1 | si n 6 N1 ;
|uN1 | + 1 si n > N1 .
La suite (un ) est donc bornée.
Nous avons vu ci-dessus que 1.1 implique le théorème de Bolazano-Weierstrass
c’est-à-dire l’existence d’une suite convergente extraite de la suite (un ). Notons (unp )
cette suite extraite, ℓ sa limite et montrons que la suite (un ) elle-même converge vers ℓ.
Soit ε > 0. Comme la suite (unp ) converge vers ℓ, il existe P ∈ N tel que
ε
p > P =⇒ |unp − ℓ| 6 .
2
On a donc
ε
p > P =⇒ |un − ℓ| 6 |un − unp | + |unp − ℓ| 6 |un − unp | +
2
Utilisons à nouveau la propriété (C) mais cette fois pour 2ε . Comme la suite d’entiers
(np )p∈N est strictement croissante, p > N 2ε implique np > N 2ε . Par conséquent, en
choisissant un entier p strictement supérieur à max (P, N 2ε ), on obtient
ε ε
ε
n > N 2ε =⇒ |un − ℓ| 6 |un − unp | + 6 + = ε .
2
2 2
4
La suite (un ) converge donc vers ℓ.
1.4 =⇒ 1.3 Soient (un ) une suite croissante, majorée par A. Nous allons définir (par
récurrence) une suite de segments [ap , bp ] de longueur tendant vers 0 et une suite croissante d’entiers Np tels que tous les termes de la suite à partir du rang Np appartiennent
à [ap , bp ]. Ceci impliquera que (un ) est une suite de Cauchy.
On pose tout d’abord
a0 = u0 et b0 = A .
Comme la suite est croissante et majorée par A on a
n > 0 =⇒ un ∈ [a0 , b0 ] et on pose N0 = 0 .
Supposons que le segment [ap , bp ] contient tous les termes de la suite à partir du rang
Np . Puisque (un ) est croissante cela implique que bp est un majorant de la suite. On
définit alors ap+1 et bp+1 ainsi
ap + bp
ap + bp
est un majorant de la suite (un ), on pose ap+1 = ap et bp+1 =
;
• si
2
2
Dans ce cas tous les termes de la suite de rang supérieur à Np appartiennent à
ap + bp
] = [ap+1 , bp+1 ]. On pose alors Np+1 = Np .
l’intervalle [ap ,
2
ap + bp
• sinon on pose ap+1 =
et bp+1 = bp . Dans ce cas, il existe un terme de
2
ap + bp
la suite d’indice m > Np qui appartient à l’intervalle [
, bp ] = [ap+1 , bp+1 ].
2
Comme la suite est croissante et majorée par bp , tous les termes d’indice supérieur
à m appartiennent au segment [ap+1 , bp+1 ]. On pose Np+1 = m.
Les deux suites (ap ) et (bp ) sont adjacentes (mais nous n’avons pas supposé ici que le
théorème 1.1 est démontré) et en particulier
lim (bp − ap ) = 0 .
p→0
Pour ε donné, il existe donc pε tel que |bpε − apε | 6 ε. On en déduit que la suite (un ) est
de Cauchy car
n1 > Npε et n2 > Npε =⇒ un1 ∈ [apε , bpε ] et un2 ∈ [apε , bpε ]
=⇒ |un1 − un2 | 6 bpε − apε 6 ε .
La suite (un ) est donc convergente par 1.4.
2. Image d’un intervalle par une fonction continue
On trouve souvent le théorème des valeurs intermédiaires démontré en utilisant les bornes
sup et inf. En voici une démonstration par dichotomie.
Théorème 2.1 (des valeurs intermédiaires). Soit f une fonction continue sur un intervalle
[a, b]. Pour tout réel y compris entre f (a) et f (b) il existe c ∈ [a, b] tel que f (c) = y.
Démonstration.
Supposons (par exemple) que f (a) < f (b). L’hypothèse sur y s’écrit alors
f (a) 6 y 6 f (b) .
On définit par récurrence deux suites (an ) et (bn ) en posant tout d’abord
a0 = a et b0 = b ,
5
Des démonstrations en analyse
puis en définissant an+1 et bn+1 à partir de an et bn ainsi
f (b)
an + bn
an + bn
• si f
et bn+1 = bn ;
6 y on pose an+1 =
2
2 an + bn
an + bn
;
> y on pose an+1 = an et bn+1 =
• si f
2
2
y
a
b
a+b
2
c
f (a)
Les suites ainsi définies sont adjacentes et on vérifie par récurrence que pour tout entier
n ∈ N on a
f (an ) 6 y 6 f (bn ) .
On déduit du théorème des suites adjacentes que les deux suites (an ) et (bn ) convergent
vers un même réel c. Comme la fonction f est continue, ceci implique que les suites
(f (an )) et (f (bn )) convergent vers f (c) et le théorème d’encadrement des limites permet
de conclure que f (c) = y.
Cette démonstration est intéressante car elle donne en plus un moyen (efficace) pour déterminer
successivement les valeurs an et bn et donc pour calculer des valeurs approchées de y.
À condition d’avoir défini correctement2 un intervalle I ⊂ R par la propriété
∀a ∈ I; ∀b ∈ I, [a, b] ⊂ I ,
il est facile de déduire du théorème des valeurs intermédiaires le corollaire
Corollaire 2.2. L’image par une fonction continue d’un intervalle est un intervalle.
Pour démontrer que l’image d’un intervalle compact est compact on utilise généralement le
théorème de Bolzano-Weierstrass.
Corollaire 2.3. L’image par une fonction continue d’un segment est un segment.
Démonstration.
Soit f une fonction continue sur l’intervalle compact [a, b]. Nous avons vu ci-dessus que
l’image de l’intervalle I par f est un intervalle, que l’on note J = f (I). Considérons
B = sup J
(B ∈ R ∪ {+∞}) .
Il s’agit de démontrer que B est fini et appartient à J.
Par définition du sup d’une partie de R, il existe une suite yn ∈ J qui converge vers B.
L’appartenance de yn à J implique l’existence de xn ∈ [a, b] tel que f (xn ) = yn .
La suite (xn ) est bornée par hypothèse (contenue dans [a, b]). Par le théorème de
Bolzano-Weierstrass on peut en extraire une sous-suite xnp ) qui converge. Si ℓ
désigne sa limite, on a
a 6 xnp 6 b (pour tout p ∈ N) =⇒ ℓ ∈ [a, b] ,
f continue sur [a, b] =⇒ f (xnp ) converge vers f (ℓ) .
2et non pas décrit la liste des différents types d’intervalles.
6
Or f (xnp ) est égal à ynp suite extraite de (yn ). Elle converge donc vers B et on conclut
que
B = f (ℓ) d’où B ∈ f (I) .
On démontre de façon analogue que J admet une borne inférieure finie et atteinte, et
ceci permet de conclure.
3. Continuité de la réciproque
Nous souhaitons nous placer dans une situation où une fonction f admet une fonction
réciproque et étudier la continuité de cette réciproque.
3.1. Critère de bijectivité. Soit f une fonction définie sur une partie I de R.
Une évidence : La fonction f est surjective de I sur J = f (I).
Un critère facile à démontrer : Si la fonction f est strictement monotone sur I alors elle est
injective.
N’est-ce-pas une condition trop restrictive d’injectivité ? Non, si on s’intéresse aux fonctions
continues sur des intervalles d’après le lemme ci-dessous.
Lemme 3.1. Si f est une fonction continue sur un intervalle I alors
f injective sur I ⇐⇒ f strictement monotone sur I .
Démonstration.
• (Strictement monotone =⇒ injective). Supposons par exemple f strictement croissante.
Alors
(
x < x′ =⇒ f (x) < f (x′ ) ,
x > x′ =⇒ f (x) > f (x′ ) .
On en déduit que x 6= x′ implique f (x) 6= f (x′ ) c’est-à-dire que f est injective.
• (Injective =⇒ strictement monotone.) Fixons deux points distincts a et b dans l’intervalle
I tels que a < b et supposons (par exemple) que f (a) < f (b). Il s’agit de démontrer que
pour tous les couples (x, y) d’éléments de I on a
x < y =⇒ f (x) < f (y) .
Fixons x < y et et introduisons pour t ∈ [0, 1] les points xt et yt définis par
xt = ta + (1 − t)b et yt = tb + (1 − t)y .
On remarque que les inégalités a < b et x < y impliquent que
t ∈ [0, 1] =⇒ xt < yt .
De plus, comme I est un intervalle, le point xt , qui appartient à l’intervalle d’extrémités
a et x, appartient aussi à I et, de même, yt appartient à I. Nous pouvons alors considérer
la fonction ϕ définie sur [0, 1] par
f (xt ) − f (yt )
(t ∈ [0, 1]) .
xt − yt
Nous venons de vérifier que cette fonction est bien définie car I est un intervalle. Elle est
continue car on a supposé f continue et elle ne s’annule pas car on a supposé f injective.
Par conséquent l’image de l’intervalle [0, 1] par ϕ est un intervalle (par le théorème des
valeurs intermédiaires) de R qui ne contient pas 0.
ϕ(t) =
7
Des démonstrations en analyse
f (a) − f (b)
est strictement positif par les hypothèses faites sur a et b,
a−b
f (x) − f (y)
et aussi strictement positif.
ϕ(0) qui est égal à
x−y
On en déduit que f (x) < f (y) d’où l’on conclut que f est strictement croissante. On aurait démontré de même que f est strictement décroissante si on était parti de l’hypothèse
f (a) > f (b).
Comme ϕ(1) =
En conclusion si f est une fonction strictement monotone définie sur I alors sa réciproque
f −1 est bien définie sur f (I). Il est facile de vérifier qu’elle est strictement monotone : elle a
en fait le même sens de variation que f .
Si de plus I est un intervalle et si f est continue sur I alors f (I) est un intervalle (théorème
des valeurs intermédiaires). La réciproque f −1 est alors définie sur un intervalle et a pour
image un intervalle (I). Est-elle continue ?
Nous allons voir que la continuité de f n’intervient dans la démonstration de la continuité de
f −1 qu’à travers le théorème des valeurs intermédiaires pour assurer que f (I) est un intervalle.
3.2. Un critère de continuité.
Lemme 3.2. Soit g une fonction strictement monotone sur un intervalle J. Si g(J) est aussi
un intervalle, alors la fonction g est continue sur J.
Démonstration. —
Nous allons supposer que la fonction g est strictement croissante (la démonstration serait
analogue pour g strictement décroissante ; on peut dans ce cas considérer la fonction −g
qui serait strictement croissante.)
Soit x0 un point de l’intervalle J et supposons de plus que x0 est à l’intérieur de J.
Comme la fonction g est croissante (strictement ne sert à rien ici) la limite de g(x) pour
x tendant vers x0 par valeurs strictement inférieures (resp. supérieures) existe.
En effet la restriction de g à J∩] − ∞, x0 [ est une fonction croissante majorée par g(x0 ).
Rappelons que la limite est donnée par la borne supérieure de {g(x) | x < x0 ; x ∈ J}.
De même la restriction de g à J∩]x0 , +∞[ est une fonction croissante minorée par g(x0 )
et la limite par valeurs supérieures en x0 est donnée par la borne inférieure de {g(x) |
x > x0 ; x ∈ J}.
On peut donc définir
ℓ=
L=
lim
x→x0 ;x<x0
lim
x→x0 ;x>x0
g(x) = sup{g(x) | x < x0 ; x ∈ J}
L
g(x) = inf{g(x) | x > x0 ; x ∈ J}
ℓ
g(x0 )
Et on a
ℓ 6 g(x0 ) 6 L .
x0
J
Si ℓ était distinct de g(x0 ) les points de l’intervalle ]ℓ, g(x0 )[ n’appartiendrait pas à
l’image de g, car
x < x0 =⇒ g(x) 6 ℓ et x > x0 =⇒ g(x) > g(x0 ) .
8
Or il existe x ∈ J avec x < x0 (on a supposé x0 intérieur à J). L’intervalle [g(x), g(x0 )]
contient l’intervalle ]ℓ, g(x0 )[ car x < x0 . D’autre part, comme g(J) est un intervalle,
[g(x), g(x0 ] est contenu dans g(J). D’où une contradiction qui permet de conclure que
ℓ = g(x0 ). On démontre de même que L = g(x0 ) ce qui permet de conclure que g est
continue en x0 .
Dans le cas où x0 est une extrémité de l’intervalle J, on peut faire une démonstration
analogue en remplaçant ℓ (resp. L) par g(x0 ) dans le cas où x0 = inf J (resp. x0 =
sup J).
On remarquera qu’aucune hypothèse de continuité n’est faite dans ce lemme.
3.3. Le résultat classique. Il se déduit aisément de ce qui précède.
Théorème 3.3. Soit f une fonction continue sur un intervalle I.
La fonction f est injective si et seulement si elle est strictement monotone.
Dans ce cas la fonction réciproque de f vérifie les mêmes propriétés que f :
(i) f −1 est définie sur un intervalle ;
(ii) f −1 est strictement monotone ;
(iii) f −1 est continue sur l’intervalle f (I).
4. Dérivabilité de la réciproque
Nous allons maintenant supposer que les fonctions considérées sont dérivables et pour éviter les
subtiles distinctions entre dérivabilité en a et dérivabilité de la restriction de f à Df ∩ [a, +∞[
nous nous placerons sur des intervalles ouverts.
4.1. Un critère de bijectivité.
Lemme 4.1. Soit f une fonction dérivable sur un intervalle ouvert I. Si f ′ est strictement
positive (resp. strictement négative) alors f est strictement croissante (resp. décroissante).
Bien sûr on peut déduire ce résultat du théorème des accroissements finis. En voici une
démonstration plus directe qui vous convaincra (j’espère) que ce résultat, admis depuis la
classe de première, n’est pas si évident que cela.
Démonstration. (voir [L] page 234)
Supposons (par exemple) que f ′ est strictement positive sur l’intervalle I. Nous allons
démontrer par l’absurde que si a et b sont deux éléments de I tels que a < b alors
f (a) < f (b).
Supposons qu’il existe a < b dans I tels que f (a) > f (b). On définit par récurrence deux
suites (an ) et (bn ) en posant tout d’abord
a0 = a et b0 = b ,
puis en définissant an+1 et bn+1 à partir de an et bn ainsi
9
Des démonstrations en analyse
an + bn
an + bn
• si f
et bn+1 = bn ;
> f (an ) on pose an+1 =
2
2 an + bn
an + bn
• si f
;
< f (an ) on pose an+1 = an et bn+1 =
2
2
a
a+b
2
Les deux suites sont adjacentes. Elles convergent donc vers la même limite c ∈]an , bn [,
et on vérifie par récurrence que
(∗)
f (an ) > f (bn ) pour tout n ∈ N .
Or par hypothèse f ′ (c) est strictement positif. Comme d’une part (f (x) − f (c)/(x −
c) converge vers f ′ (c) pour x tendant vers c et que, d’autre part, les suites an et bn
convergent vers c il existe un entier N tel que
f (bn ) − f (c)
f (an ) − f (c)
> 0 et
>0.
an − c
bn − c
Comme an est strictement inférieur à c et bn strictement supérieur à c on en déduit que
n > N =⇒
f (an ) < f (c) < f (bn ) ,
ce qui contredit la propriété (∗).
Remarque 1. —La réciproque de ce lemme est fausse. Si une fonction est strictement croissante sa dérivée est positive ou nulle (c’est très facile à démontrer) mais pas nécessairement
strictement positive comme le montre l’exemple de la fonction x 7−→ x3 .
Remarque 2. —On peut adapter cette démonstration pour obtenir le théorème d’inversion
locale sur R. Si f est de classe C 1 et que sa dérivée est non nulle en un point x0 , il existe
un voisinage (notons le I) de x0 où elle ne s’annule pas. Le lemme ci-dessus implique alors
f admet une réciproque continue sur f (I) et on montrera au paragraphe suivant que cette
réciproque est dérivable. Il est aussi facile de voir (en utilisant la formule) que cette dérivée
est continue. La fonction f −1 est donc localement de classe C 1 .
Une fonction f vérifiant les hypothèses du lemme est (évidemment) bijective de I sur f (I), et
comme elle est continue f (I) est un intervalle et f −1 est continue sur cet intervalle (d’après
le paragraphe 3). Il reste à étudier la dérivabilité de f −1 (ce qui est facile).
4.2. Dérivabilité de la réciproque.
Théorème 4.2. Soit f une fonction dérivable sur un intervalle I ouvert. Si f ′ est strictement
positive (resp. négative) sur I alors f est une bijection strictement monotone de I sur f (I)
qui est un intervalle ouvert. La réciproque f −1 de f est dérivable sur l’intervalle f (I).
Démonstration
1) Comme f ′ est strictement positive (resp. négative) la fonction f est strictement monotone d’après le lemme 4.1 et c’est donc une bijection de I sur f (I).
2) Comme f est continue, f (I) est un intervalle (par le théorème des valeurs intermédiaires).
b
10
3) La fonction f −1 est continue sur l’intervalle f (I) d’après le théorème 3.3.
4) Comme f est strictement monotone, l’intervalle f (I) est ouvert. En effet supposons par
exemple que f est strictement croissante et que la borne supérieure de l’intervalle f (I)
soit finie et appartienne à f (I). En d’autres termes, il existe c ∈ I tel que x ∈ I =⇒
f (x) 6 f (c). Comme f est strictement croissante, ceci implique que tout élément de I
est inférieur ou égal à c et donc que c ∈ I est la borne supérieure de I. C’est impossible
car nous avons supposé I ouvert.
5) Reste à démontrer que f −1 est dérivable en tout point b de f (I). Pour cela on étudie
la limite pour y tendant vers b de
A(y) =
f −1 (y) − f −1 (b)
.
y−b
Soit a ∈ I tel que f (a) = b.
Comme f est continue en a, f (x) tend vers b lorsque x tend vers a,
et comme f −1 est continue en b, f −1 (f (x)) tend vers f −1 (b) = a lorsque x tend vers a.
Grâce au théorème de composition des limites, la limite lorsque y tend vers b de A(y)
est égale à la limite pour x tendant vers a de A(f (x)), si elle existe. Or on a
x−a
.
A(f (x)) =
f (x) − f (a)
Comme f ′ (a) est non nul, cette quantité converge vers 1/f ′ (a) . On en conclut que f −1
est dérivable en b.
Remarque 1. —On notera l’utilisation de la continuité de f −1 dans la démonstration de 5).
C’est cette continuité qui est le résultat le plus difficile à établir.
Remarque 2. —On peut bien entendu conclure la démonstration de 5) en donnant la valeur
de la dérivée de f −1 . Mais il est plus judicieux de retrouver cette valeur, après avoir démontré
que f −1 est dérivable, en utilisant simplement la dérivation des fonctions composées.
5. Bibliographie
Évidemment, votre ouvrage favori d’analyse de 1ère année (université ou prepa)
[A-D] M. Audin & O. Debarre (1997), Module Math. A, analyse, Polycopié ULP.
[L-M] F. Liret & D. Martinais (1997), Analyse 1re année , Dunod.
[L] T. Lambre (1998), L’épreuve sur dossier à l’oral du CAPES, II Analyse, Ellipses.
[T] P. Tauvel (1992), Mathématiques générales pour l’agrégation, Masson.