Votre avocat aux frais de l`assureur
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Votre avocat aux frais de l`assureur
Assurance protection juridique Votre avocat aux frais de l’assureur Indispensable ? Non. Obligatoire ? Encore moins. Mais l’assurance "protection juridique" peut vous épargner bien des frais en cas d’aventure devant un tribunal. A voir affaire à la justice, cela peut arriver à tout le monde, que ce soit pour se défendre ou pour obtenir gain de cause dans un litige. Or, les implications fi nancières d’un procès ne sont pas minces : frais de justice, honoraires d’avocat, paiement des experts, etc. Sans parler des frais supplémentaires si l’affaire va en appel, voire en cassation. A vous de voir ! L’intérêt d’une assurance protection juridique sera surtout fonction de votre situation particulière. Si vous avez une formation juridique ou un juriste 32 BUDGET&DROITS juillet /août 2010 – n° 211 dans votre famille proche, par exemple, une telle police vous sera déjà moins utile que si vous êtes totalement étranger à la chose judiciaire. A vous de savoir, aussi, si vous pourrez supporter vous-même les frais d’un procès, le cas échéant. Vous devrez, ensuite faire votre propre analyse coût-bénéfice, en mettant en balance la prime d’assurance et la probabilité de vous trouver impliqué dans une affaire judiciaire. Si, par exemple, vous êtes propriétaire d’un logement mis en location, si votre situation fiscale est particulièrement compliquée, si vous craignez d’entrer un jour en confl it avec votre employeur, une telle assurance pourra se révéler bien utile le jour où l’affaire aboutira devant le tribunal. Pour autant, comme on le verra, que ce type de litiges soit couvert d’office, sans restriction, par la police choisie. Avocat parfois remboursé Il est vrai que les juges accordent désormais à la partie gagnante d’un procès une indemnité de procédure censée couvrir les frais de justice. Si vous gagnez votre procès, vous serez donc théoriquement remboursé. Mais attention ! La somme allouée sera le plus souvent insuffisante pour couvrir les honoraires de votre avocat. Et, surtout, l’issue du procès est toujours incertaine. Si vous perdiez votre affaire, c’est vous qui devriez payer les frais judiciaires de la partie adverse. Sans parler du coût d’une procédure en appel, toujours sans certitude de l’emporter… Les règles du jeu Tout bien considéré, vous avez donc choisi de prendre une assurance protection juridique. Ce n’est pas pour autant que vous pourrez, au moindre problème, vous précipiter chez votre avocat, et transmettre ensuite la note d’honoraires à votre compagnie. Dans un premier temps, votre assureur va d’abord tout mettre en œuvre pour régler l’affaire sans passer par le tribunal. Donc, en cas de litige avec une tierce personne, vous devez d’abord contacter votre compagnie pour lui demander un conseil juridique ou une médiation. L’assureur tentera toujours d’aboutir à une solution amiable. Ce n’est que si un telle solution se révèle impossible que l’assurance protection juridique prendra à sa charge votre défense, que ce soit devant un tribunal pénal ou civil ou une instance administrative, comme le contrôle technique par exemple. Et cela que vous agissiez dans cette affaire en tant que défendeur ou en tant que demandeur. A ce moment, la compagnie assumera aussi bien les honoraires de l’avocat que les frais d’expert et les frais de justice qui vous seront réclamés si vous perdez l’affaire. D’abord à l’amiable Mais il peut arriver que vous et votre compagnie ne soyez pas d’accord sur l’opportunité d’engager un procès. Les polices protection juridique doivent obligatoirement prévoir deux clauses favorables au consommateur : le libre choix de l’avocat et la clause d’objectivité. Ces deux dispositions font que l’assuré n’est pas nécessairement obligé de se plier au point de vue de son assureur. Il dispose ainsi d’une assez grande marge de manœuvre par rapport à sa compagnie. On l’a dit : l’assureur protection juridique s’efforcera d’abord de régler le litige à l’amiable. Pendant cette phase, vous avez le loisir de consulter un avocat, mais à vos propres DÉJÀ COUVERT PAR UNE AUTRE POLICE ? Parfois, vos frais d’avocat sont pris en charge par une assurance que vous avez déjà souscrite pour d’autres raisons. Pour un problème lié à la voiture (accident, infraction au code de la route), vous pourrez invoquer l’assurance protection juridique très souvent liée à la police RC auto que vous avez obligatoirement souscrite, et que nous avons abordée dans un précédent article (B&D 210, mai/juin 2010). Dans d’autres cas, vous pourrez faire appel au volet "protection juridique" de votre assurance RC familiale. Mais celle-ci ne couvrira que votre responsabilité civile pour des dommages causés à des tiers de votre faute ou par votre négligence, dans le cadre de votre vie privée. Ou encore, la RC familiale interviendra dans des litiges où vous avez vous-même subi un dommage pour lequel vous pouvez mettre en cause la responsabilité civile d’un tiers. Mais il existe toute une série d’affaires qui échappent au champ, finalement assez restreint, de ces deux assurances : un litige avec l’entrepreneur qui construit votre maison, avec un marchand de salons en cuir, avec votre locataire ou votre propriétaire, avec votre employeur, avec le fisc… Vous avez déjà une autre assurance protection juridique ? Son champ d’application est sans doute limité à certaines matières spécifiques. frais, sauf dans quatre hypothèses qu’il considère que l’affaire est perdue où l’assureur devra supporter les hod’avance. Ou bien qu’il juge équitanoraires : quand une procédure est ble la proposition faite par la partie nécessaire; quand un confl it d’intéadverse et qu’il ne pense pas pouvoir rêts existe avec l’ assureur; quand obtenir plus devant le tribunal. des mesures urgentes doivent être Ou encore, supposons que les négoprises; quand l’assureur ne prend pas ciations entre l’assureur et votre adles mesures que la situation impose. versaire traînent en longueur et que Si la conciliation échoue et si votre vous souhaitiez faire enfi n avancer assureur estime une procédure judiles choses. Ou que, contre l’avis de ciaire ou adminisvotre assureur, trative nécessaire vous vouliez enpour obtenir gain tamer une proSi la conciliation échoue, vous de cause, vous cédure en référé pourrez choisir vous-même votre pourrez alors choi(procédure d’uravocat aux frais de la compagnie. sir vous-même vogence) pour obtetre avocat. nir la désignation d’un expert et le versement d’une provision (montant Clause d’objectivité provisoire) pour couvrir une partie Tant que vous êtes d’accord avec la made vos dommages. nière dont votre compagnie envisage Eh bien, dans tous ces cas, vous le litige, pas de problème. Mais ce n’est avez légalement le droit, sur base de pas nécessairement le cas. Imaginons la clause d’objectivité, de contester par exemple que votre assureur esla position de votre assureur. Vous time qu’un procès serait inutile parce BUDGET&DROITS juillet /août 2010 – n° 211 33 Assurance protection juridique ASSURANCE PROTECTION JURIDIQUE VIE PRIVÉE A C/B B AFB 250 A A C/B B C/B 260 BFA D EFD A A E A A A B B D 254 ETHIAS Accès au Droit B D E E C/B C C C/D A A C D 152 LAR Pastel 99 B D EFD A D B C A A C/B BFA EFD 238 KBC Defendo Particulier B A A A C/D B E E A A BFC EFD 175 AVERO Formule Tous Risques B D EFD A A E C A A C/B BFC EFD 213 P&V Ideal Home B D E E BFA C/D A C/D A A EFD D 91 AUDI Priva Plus C D E E D A E E E A A D 79 EUROMEX Emex droit social Prime (€) A A autres garanties A E montant de base E A Choix de l’expert A A droit fi scal A EFD succession B A droit des personnes et de la famille A A construction A ARAG Package Excellence droit des obligations DAS Police Conflits COMPAGNIE et contrat droit du travail Type de contrat Montant assuré APPRECIATION GLOBALE Domaines couverts A très bon pour ce critère,B bon, C moyen,D médiocre, E mauvais pouvez demander conseil auprès de l’avocat de votre choix. Celui-ci pourra vous dire s’il n’est pas plus intéressant pour vous de porter l’affaire devant un tribunal, avec de bonnes chances de succès. Si l’avocat donne raison à l’assureur, vous êtes quand même remboursé de la moitié du coût de la consultation. Si, au contraire, il confi rme votre thèse, la compagnie prend en charge la totalité de ses honoraires et vous avez le droit d’entamer une procédure judiciaire aux frais de l’assurance protection juridique. Ces principes, consacrés par l’article 93 de la loi sur l’assurance, figurent dans toutes les polices. Les moins bons dressent une liste limitative des domaines couverts; ce qui n’est pas repris dans cette liste est automatiquement exclu de la couverture. Ni l’héritage, ni le divorce L’assurance protection juridique intervient généralement pour des affaires: – de consommation : litiges vous opposant à un vendeur (livraison non conforme ou tardive, vices cachés,…). Pour d’autres domaines du droit contractuel (investissements immobi- liers, caution, etc.), la couverture varie sensiblement selon les compagnies. Le plus souvent, les contrats prévoient un délai d’attente de 3 mois; – de droit pénal : les affaires de roulage sont toujours exclues, mais pas toujours les affaires où vous intervenez comme propriétaire ou conducteur du véhicule, comme un litige avec le contrôle technique par exemple; – de droit fiscal (sauf chez Audi), parfois sans délai d’attente, parfois avec un délai d’attente de 6 à 12 mois. Sont parfois également couvertes, mais souvent de manière limitée, les Deux types de couverture Nous avons retenu les 9 principaux contrats protection juridique en Belgique, en choisissant chaque fois la couverture de base la plus large possible. Notre comparaison porte sur 37 critères. La couverture varie considérablement d’une compagnie à l’autre. Cette différence se marque également dans la prime payée. Les meilleurs couvrent tous les litiges, sauf ceux qui sont expressément exclus. Seules trois compagnies adoptent ce principe du "Tout, sauf ". 34 BUDGET&DROITS juillet /août 2010 – n° 211 Les polices couvrent les litiges de droit familial mais les affaires de divorce sont souvent exclues, ou couvertes pour des montants limités. 50 AVOCATS À VOTRE ÉCOUTE Vous avez un problème d’ordre juridique ? Les 50 avocats de notre Centre de Contact sont à votre disposition. Attention : c’est une aide de première ligne, pour vous aider à y voir plus clair. Si votre affaire aboutit en justice, vous devrez vous-même prendre un avocat, éventuellement aux frais de la compagnie auprès de laquelle vous aurez souscrit une assurance protection juridique. Maître-Achat Avant tout, demandez-vous si la prime de l’assurance protection juridique est un bon investissement en fonction de vos caractéristiques propres. Sachez en tout cas que, si elle peut avoir son utilité, elle est soumise à de nombreuses limitations. Le contenu des polices s’est amélioré depuis notre dernière étude, en 2006. Les nouvelles dispositions légales n’y sont pas étrangères. En effet, si l’assurance protection juridique répond à certaines conditions, l’assuré peut bénéficier d’un avantage fiscal sous forme d’exemption de taxe. Mais celui-ci est de Le moment du dommage affaires : – de droit du travail : préavis, modification unilatérale des conditions de travail, etc. Les problèmes de droit social (pensions, accidents du travail, etc.) sont plus souvent exclus; – de droit familial (héritage, donation, pension alimentaire, droit de garde); – relatives à la succession; – relatives à la construction et la rénovation (litiges avec l’entrepreneur, l’architecte, etc.); – relatives à la propriété (conflits locatifs, expropriation, etc.). A l’inverse, sont souvent exclus les procès devant un tribunal international ou supranational (Cour européenne de justice par exemple). Quant aux affaires de divorce, quand elles ne sont pas exclues, elles sont couvertes pour des montants très limités: 750 à 1 875 €. La plupart des compagnies interprètent la notion de sinistre de manière assez restrictive : non seulement le litige doit être survenu après la signature du contrat, mais encore les faits qui sont à son origine doivent se produire après la souscription de l’assurance. Cette clause prive l’assuré de toute couverture chaque fois qu’il s’écoule un certain temps entre le fait à l’origine du dommage et la réclamation. Un exemple vécu : des troubles stomacaux provenant d’un tampon médical oublié par le chirurgien lors d’une intervention. Une seule compagnie accorde sa couverture s’il apparaît que, au moment de la signature du contrat, l’assuré ne connaissait pas les faits qui ont mené au litige. Montant assuré Au moment de souscrire sa police, l’assuré se voit souvent proposer deux formules : un montant de base qui couvre sa défense devant les tribunaux civil et pénal, et un montant complémentaire pour les autres garanties (litiges fiscaux, droit du travail, etc.). Selon nous, un montant de 100 000 € est un minimum pour la garantie de base (à partir de + dans notre tableau). Faute lourde ou intentionnelle La loi interdit de couvrir les fautes intentionnelles. Mais les tribunaux interprètent cette notion de manière très stricte : pour eux, dans le cadre de l’assurance protection juridique, il n’y maximum 13,32 € , ce qui, reconnaissons-le, est très limité. Dès lors, nous pouvons cette fois désigner 3 Maîtres-Achats. Le meilleur contrat du test est le DAS Police Conflits, suivi de Arag Package Excellence et Euromex Emex; tous trois ont une prime assez voisine. A noter qu’il est parfois possible d’obtenir une réduction de la prime en acceptant une franchise ou si l’on a d’autres contrats dans la même compagnie. A savoir aussi : le contrat Ideal Home de P&V est réservé aux personnes déjà assurées auprès de la compagnie. a faute intentionnelle que si l’assuré a délibérément cherché à ce qu’il y ait litige. Ce n’est évidemment quasi jamais le cas. En pratique, les compagnies sont donc presque toujours contraintes d’intervenir. Cela n’empêche pas certains assureurs d’exclure dans leur contrat les fautes intentionnelles, parfois en les limitant aux cas qui débouchent devant un tribunal pénal. Certaines compagnies n’excluent pas systématiquement toutes les fautes lourdes mais refusent leur couverture dans certains cas particuliers, par exemple l’intoxication alcoolique ou l’ivresse, ou encore une participation active à une bagarre ou des provocations. Choisir son propre expert L’assuré a le droit de choisir librement son avocat. Mais certains contrats limitent ce choix, par exemple en vous imposant de choisir un avocat du pays où le procès aura lieu. Et rappelons que, si vous vous adressez à un avocat avant que la compagnie ait épuisé ses efforts pour parvenir à un règlement à l’amiable, vous devrez assumer ses honoraires. Les frais d’expertise sont toujours couverts mais certaines compagnies ne vous laissent pas le libre choix total de l’expert : parfois, celui-ci doit être belge, etc. ▲ Paul Louyet, Jean-Paul Coteur et Anne Moriau avec le service enquêtes BUDGET&DROITS juillet /août 2010 – n° 211 35