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Introduction
Dans l’expérience, la justice est appréhendée comme une aspiration, une
réaction profonde contenant une dimension d’idéal. Ce sentiment peut
souvent être suscité à l’origine par une frustration, une attente non satisfaite.
Par exemple, Rousseau décrit avec émotion dans les Confessions la première
punition qu’il a injustement reçue. La réaction au sentiment d’injustice peut
être violente (on peut éprouver de la rage, de l’indignation). Mais même si,
révolté, on semble sûr de soi, ce sentiment ne peut constituer un critère suffisant pour reconnaître la justice. « Le moi est injuste », écrit Pascal. Une
conscience dominée par la passion risque de ne pas être lucide. Pour agir
selon la justice, il faut s’en référer à une instance extérieure aux protagonistes
du conflit : la loi. Celle-ci, par son caractère général, assure la neutralité du
jugement. Pourtant, il existe des régimes où règnent des lois injustes : pour
être juste, suffit-il alors d’obéir aux lois ? et comment se préserver de l’injustice des lois alors même qu’on est soumis à leur autorité ?
1. Le droit comme condition nécessaire au règne
de la justice
A. Interdépendance de la justice et du droit
Par définition, la justice semble indissociable du droit. La justice selon son
étymologie latine renvoie déjà au droit (jus). La justice désigne la vertu qui
exige le respect et la défense du droit. Être juste, c’est agir selon le droit.
Mais le droit peut être défini à plusieurs niveaux. Comme droit objectif, ou positif, il désigne les lois écrites, le code propre à une société donnée, variable
selon le temps et le lieu, c’est-à-dire l’ensemble des normes qui règlent la vie
sociale et sont exprimées dans des lois coutumières ou écrites. Ce droit est
appliqué par le pouvoir exécutif de l’État. Comme droit subjectif, il désigne le
pouvoir moral d’agir, de posséder ou d’exiger quelque chose. C’est une exigence de la conscience qui consiste à réclamer un bien, un « dû ».
Deux les deux cas (objectif ou subjectif) la finalité du droit est toujours de
faire régner ou de reconnaître une forme de justice. Celle-ci se définissant
par rapport au droit, on peut établir en au moins deux formes. La justice
objective ou légale renvoie à la stricte obéissance aux lois, au licite (= ce qui
n’est pas défendu par la loi). La justice morale désigne une attitude humaine
©HATIER
vis-à-vis d’autrui, le respect de sa personne dans toutes ses dimensions
(biens, dignité). Comment la loi peut-elle se mettre au service de la justice ?
La loi permet de faire régner l’égalité entre les hommes. En effet, elle a par
nature une double généralité : son origine (vote), et son application (mêmes
droits et devoirs pour tous). La loi permet ainsi de réguler les rapports
sociaux. En cas de litige, la loi, incarnée par le juge, s’impose par sa neutralité et son impartialité. Mais comment, dans une société civile, le fait de se
soumettre à un système étatique contraignant pour sa liberté permet-il de
faire régner la justice entre les hommes ? L’obéissance à la loi (le fait d’être
dans la légalité) permet-elle de réaliser la justice comme valeur morale ?
Autrement dit, est-elle toujours légitime, bien fondée ?
B. La nécessaire sortie de l’état de nature
L’organisation des sociétés semble reposer sur l’idée de contrat ou de
pacte. Le pacte social exprime l’idée que l’ordre social est voulu par la
raison de l’homme. On renonce à sa liberté naturelle de faire tout ce qu’on
veut, une liberté infinie, mais seulement virtuelle dans la mesure où l’on se
heurte toujours à la liberté de l’autre. En échange on gagne une liberté
civile, une liberté limitée par la loi, mais une liberté assurée : par exemple le
droit garantit la possibilité d’être propriétaire. En contractant, chacun renonce
à sa force individuelle et s’engage à reconnaître comme seule force légitime
la force publique. Pour Hobbes, le problème est de comprendre pourquoi
les hommes acceptent d’obéir au pouvoir d’un seul placé au-dessus d’eux
alors qu’ils sont naturellement égaux ?
Afin de résoudre ce problème, il va poser le passage de l’état de nature à
l’état civil non pas comme une réalité historique, mais comme une fiction
théorique, une hypothèse méthodologique. L’état de nature est l’état dans
lequel se trouvent les hommes, abstraction faite de tout pouvoir, de toute
loi : ils sont gouvernés par l’instinct de conservation. Mais étant égaux, ils
ont les mêmes désirs et les mêmes moyens d’y parvenir : l’égalité se transforme en rivalité. Très vite cet état de nature devient un « état de guerre de
tous contre tous », un monde où l’homme est « un loup pour l’homme ».
Mais comme il est intelligent, doté d’une raison, l’homme calcule ses possibilités de réaliser ses désirs, anticipe les dangers éventuels et, ainsi mû par
la peur de la mort violente, il entre en relation de guerre permanente avec les
autres. Pour ces mêmes raisons (peur, calcul) il va vouloir sortir de cet état.
En renonçant à son droit naturel, l’homme gagne la sécurité assurée par
l’État. Comment ? en confiant son pouvoir à un tiers : le souverain. Mais s’il
fait régner la loi, le souverain est lui-même un homme, il risque donc de faire
un usage abusif de son pouvoir. C’est pour cela que selon Rousseau, l’État
doit représenter le peuple, et la loi exprimer la volonté générale. Rousseau
©HATIER
veut garantir la sécurité tout en préservant les libertés individuelles. Il ne
s’agit pas d’abandonner sa liberté naturelle, mais de la rendre effective. La
liberté politique, ou autonomie, consiste alors à obéir à la loi que l’on se
prescrit à soi-même grâce au contrat social exprimé par la volonté générale.
Ainsi, en théorie, pour être juste il convient de se soumettre à la loi. Mais de
fait il existe tout un domaine où la loi ne statue pas et qui peut nous amener
à se conduire de manière injuste. Par ailleurs on s’aperçoit que la loi peut
être source d’injustice, comme dans certains régimes totalitaires.
2. Mais le droit peut être producteur d’injustice
A. Le domaine privé
Être juste, c’est aussi être capable de faire preuve d’un certain discernement, le fait de penser « juste ». Par exemple, on peut accuser à tort
quelqu’un d’avoir de mauvaises intentions, on peut harceler moralement
quelqu’un, on peut ne pas rendre un service, etc. Bref, on peut dans le
domaine strictement privé faire preuve d’injustice et n’avoir pour seule règle
que sa propre loi morale. Faut-il alors imaginer un système politique où les
lois pourraient statuer sur tout et ainsi donner un critère objectif de justice ?
Il faudrait être sûr que la loi est toujours juste. Mais est-ce le cas ?
Antigone de Sophocle retrace le combat mené par le personnage éponyme
contre son oncle Créon, chef d’État, qui refuse de donner une sépulture à
son frère Polynice parce qu’il aurait trahi. Or Antigone, malgré les mises en
garde de son oncle, finira enterrée vivante pour avoir voulu elle-même
enterrer son frère. L’opposition entre la légitimité et la légalité est ici
incarnée par l’opposition entre la justice d’Antigone (justice morale) et la
justice de Créon (justice légale). Le domaine strictement moral peut-il être
qualifié de vide juridique qu’il faudrait combler, ou au contraire existe-t-il un
domaine de la justice irréductible à la loi ? mais dans ce cas comment l’évaluer objectivement ? La loi a-t-elle en elle toutes les garanties d’être juste ?
B. Les limites du légalisme
La loi ne porte pas en elle la garantie d’un État juste mais d’un État fort.
Pour Max Weber, il a le monopole de la violence légitime. En effet, seul
l’État peut au nom du bien commun utiliser la force. Or n’existe-t-il pas des
cas de lois injustes ? Le nazisme, par exemple, montre les insuffisances du
légalisme (théorie qui prétend que la justice se confond avec la loi qu’il faut
appliquer à la lettre). Or la loi, par son caractère général, peut être injuste
parce qu’en décalage avec le particulier. Il faut donc faire preuve d’équité
(vertu qui consiste à corriger les effets trop abstraits et généraux de la loi
sur le particulier) et de jurisprudence (capacité à créer de nouvelles lois ou
décrets en fonction des nouveaux cas qui se présentent et qui ne rentre©HATIER
raient pas sous la loi). La notion même de loi porte en elle la nécessité de
recourir à la justice morale. Comment permettre à la justice légale de rester
légitime, c’est-à-dire d’être moralement acceptable ?
3. À quelles conditions le droit peut-il être juste ?
A. Garanties internes
Que faire alors pour se prémunir des excès d’une loi injuste ? Montesquieu
propose une garantie interne à l’État pour se préserver des injustices liées à
un excès de pouvoir grâce au principe de la séparation des pouvoirs. Il
s’agit à l’intérieur d’un État de diviser le pouvoir pour créer un jeu de
contrôle réciproque des différentes instances. Selon Esprit des lois, XI, 4,
lorsque les trois instances (législatrice, exécutrice et judiciaire) sont séparées, l’équilibre des puissances y est garanti.
La capacité à élire des représentants dignes de produire des lois justes
dépend également de l’éducation du citoyen. Mais si la justice est respectée au sein d’un État, qu’est-ce qui empêche cet État de se comporter
de manière injuste envers d’autres États ?
B. Garanties externes
La volonté d’harmoniser le droit de tous les pays pour s’approcher d’une
justice valable pour tous se traduit par la création d’un droit international.
À l’extérieur d’un État, il s’agit de créer une instance de contrôle qui permette de juger au nom de principes qui dépassent les préoccupations d’un
pays. Par exemple, après 1945 est né la notion de crime contre l’humanité
et, avec elle, l’idée d’un tribunal international qui juge au nom des droits de
l’homme, droits qui prétendent retrouver une nature humaine commune à
tout homme et qu’il faut respecter.
Conclusion
Ainsi l’obéissance aux lois est bien la condition nécessaire pour être juste
car le simple sentiment de justice ne saurait servir de critère. Par contre,
cette condition n’est pas suffisante dans la mesure où la loi elle-même peut
être instrumentalisée et déviée de sa finalité première (faire régner la justice).
Il convient alors d’être vigilant sur la manière dont les lois sont instaurées
afin qu’elles soient représentatives de l’ensemble de la population et non au
service de quelques privilégiés. Ensuite, dans l’exercice même de la loi, il
convient de séparer les pouvoirs et de toujours la soumettre à une éthique
au service de l’homme, au-delà de ses particularités nationales.
©HATIER

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