Intégrer le concept de fragilité dans la pratique clinique
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Intégrer le concept de fragilité dans la pratique clinique
Cah. Année Gérontol. DOI 10.1007/s12612-012-0303-9 ARTICLE / ARTICLE Intégrer le concept de fragilité dans la pratique clinique : l’expérience du Gérontopôle à travers la plateforme d’évaluation des fragilités et de prévention de la dépendance The integration of frailty into the clinical practice: preliminary results from the Gérontopôle of Toulouse, France J. Subra · S. Gillette-Guyonnet · M. Cesari · S. Oustric · B. Vellas · Équipe de la plateforme © Springer-Verlag France 2012 Résumé Nous présentons dans cet article « la plateforme d’évaluation des fragilités et de prévention de la dépendance » récemment mise en place au sein du Gérontopôle de Toulouse en collaboration avec le département universitaire de médecine générale. La description des 160 premiers patients évalués montre que l’âge moyen de la population est de 82,7 ans. Il s’agit principalement de femmes (61,9 %). Un peu plus de 66 % des sujets perçoivent une aide ; dans la majorité des cas, il s’agit d’une aide ménagère (51,9 %). Seuls 14 % des sujets perçoivent l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA). En ce qui concerne le niveau de fragilité, 65 patients (41,4 %) sont préfragiles et 83 (52,9 %) sont fragiles. Le fait que 93,3 % des sujets adressés à la plateforme soient fragiles ou préfragiles souligne la pertinence de la grille utilisée dans le repérage des patients. En termes de capacités fonctionnelles, 83,9 % des sujets ont une vitesse de marche < 1 m/s 53,8 % des sujets sont sédentaires et 57,7 % présentent une diminution de la force musculaire. Sur le plan des fonctions cognitives, une démence légère a été observée chez 11,6 % des sujets et un déclin cognitif léger mais réel de type MCI chez 65,8 % des patients. L’auJ. Subra (*) · S. Oustric Département de médecine générale, faculté de médecine de Toulouse Rangueil, 133, route de Narbonne, F-31062 Toulouse cedex, France e-mail : [email protected] J. Subra · S. Gillette-Guyonnet · M. Cesari · B. Vellas Gérontopôle, service de médecine interne gériatrique, CHU Toulouse, hôpital Casselardit, 170, avenue de Casselardit, F31300 Toulouse, France S. Gillette-Guyonnet · M. Cesari · S. Oustric · B. Vellas Inserm 1027, F-31073 Toulouse, France Équipe de la plateforme Balardy L, Ghisolfi A, Bismuth S, Houlès M, Hermabessière S, Cavaillon C, Jezequel F, Pedra M, Soto ME, Rolland Y, Nourhashemi F tonomie pour les activités de base (ADL) est préservée (score ADL = 5,6 ± 0,8) comme attendue, nous ne sommes pas en effet au stade de la dépendance. Par contre les activités instrumentales de la vie quotidienne (IADL) sont déjà perturbées, IADL = 6,0 ± 2,3 pour un score usuel de 8/8. Les patients sont nombreux à présenter des troubles visuels (76,4 % pour la vision de loin et 10,4 % avec une grille d’Amsler perturbée). Une baisse auditive est aussi observée mais moins souvent. La visite à la plateforme a pu ainsi permettre d’objectiver un état de dénutrition protéino-énergétique chez 9 % de patient, un début d’altération du statut nutritionnel chez 34 % et une carence en vitamine D pour la majorité de l’échantillon (94,9 %). Mots clés Fragilité · Sujet âgés · Prévention · Dépendance · Évaluation Abstract We present here the Platform for Evaluation of Frailty and Prevention of Dependence recently established within the Gerontopole of Toulouse in collaboration with the Department of General Medicine. The description of the first 160 patients show that the mean age of our population is 82.7 years, with a large majority aged ≥75 years. Most are women (61.9%). Slightly over 66% receive assistance, generally domestic (51.9%). Only 14.1% receive old age allowance. Regarding level of frailty, 65 patients (41.4%) are pre-frail and 83 (52.9%) are frail. The fact that 93.3% of the subjects addressed in the platform are frail or pre frail, underlines the relevance of the grid used in the identification of patients. Regarding functional capacity, 83.9% have a gait speed of <1 meter/sec, 53.8% are sedentary and 57.7% have decreased muscle strength. Only 27.2% have good SPPB performances. Regarding cognitive function, 33.1% (n=41) of individuals have an MMSE score ≤24. Mild dementia was observed in 11, 6% of subjects and a mild cognitive decline but real type MCI in 65.8% . Autonomy for the core 2 activities (ADL) is preserved (ADL score = 5.6 ± 0.8) as expected, we are not in effect at the stage of dependence. Against, instrumental activities of daily living (IADL) are already disturbed, IADL = 6.0 ± 2.3 for a normal score of 8/8. Numerous patients have visual problems (76.4% for distance vision and 10.4% with an Amsler grid disturbed) and only 13% have a hearing disability. The visit to the platform could well afford to objectify a state of protein-energy malnutrition in 9% of patients, an early alteration of nutritional status in 34% and a deficiency of vitamin D for most of the sample (94.9%). Keywords Frailty · Elderly · Prevention · Disability · Evaluation Introduction Dans les années 1970, l’hospitalisation dans les départements des urgences de nombreux sujets âgés polypathologiques, avec un déclin cognitif et des incapacités sévères, a rendu nécessaire l’émergence d’une nouvelle spécialité dans de nombreux pays : la gériatrie. En réalité, à cette époque, personne ne souhaitait ou n’était capable de prendre en charge des sujets âgés très dépendants, nécessitant des soins au long cours. Pour cette raison, de nombreux départements de médecine gériatrique, essentiellement des services de soins subaigus, et de long séjour, ont été créés. Depuis, la médecine gériatrique s’est développée dans de nombreux pays et existe de nos jours sous la forme d’unités de soins aigus, d’hôpitaux de jour, d’équipes mobiles et de centres mémoire à travers le monde entier. Cependant, dans la plupart des centres, les médecins gériatres accueillent des patients avec des incapacités déjà sévères à un stade souvent irréversible. Près de 95 % des forces de la médecine gériatrique s’orientent ainsi sur des sujets âgés qui sont déjà dépendants. Il est évidemment indispensable de continuer à prendre en charge ces patients, néanmoins, un nouvel axe de la médecine gériatrique doit se développer visant à prendre en charge les patients qui ne sont pas encore dépendants mais à risque de le devenir : les sujets fragiles et préfragiles. Il s’agit d’une absolue nécessité si nous voulons prévenir et anticiper l’accroissement rapide de la dépendance dans notre population vieillissante et promouvoir des soins plus efficients. Le concept de fragilité existe depuis des années en tant que syndrome gériatrique [1,2]. Son émergence résulte de la grande hétérogénéité de la population âgée qui conduit à distinguer trois sous populations dont les besoins en matière de santé sont différents : les sujets âgés « robustes » qui sont en bonne et totale autonomie, les sujets âgés « fragiles » présentant des limitations fonctionnelles et une baisse des capa- Cah. Année Gérontol. cités d’adaptation au stress mais qui n’entrent pas dans la définition de la dépendance, et enfin les sujets âgés dépendants pour les activités de base de la vie quotidienne. Le syndrome de fragilité résulte d’une réduction multisystémique des aptitudes physiologiques limitant les capacités d’adaptation au stress. C’est un état dynamique qui peut évoluer vers une rupture d’état d’équilibre et entrainer des complications. Fried et al. [1] ont décrit un phénotype de fragilité qui associe les critères suivants : sédentarité, perte de poids récente, épuisement ou fatigabilité, baisse de la force musculaire et vitesse de marche lente. Un sujet âgé est considéré comme fragile s’il présente au moins trois de ces cinq critères. La fragilité chez le sujet de plus de 65 ans est corrélée au risque d’institutionnalisation, de déclin fonctionnel et de décès [3,4]. Les sujets âgés fragiles constituent donc une population « cible » pouvant bénéficier d’interventions spécifiques. Rubenstein et al., en 1984, ont été les premiers à mettre en évidence les effets bénéfiques d’une Évaluation gérontologique standardisée (EGS) sur l’institutionnalisation et la mortalité des sujets âgés [5]. Il s’agit d’une évaluation globale du patient par une équipe pluridisciplinaire. Ce bilan permet la mise en place de mesure de prévention et d’un suivi adapté. Cet effet a été confirmé par la méta-analyse de Stuck et al., qui regroupe 28 essais cliniques, et qui objective une amélioration globale de la survie des sujets âgés qui participent à une évaluation gérontologique avec un suivi à long terme par des équipes spécialisées [6]. En 2004, un essai randomisé a étudié l’effet d’une EGS suivie d’interventions sur des sujets de plus de 74 ans en médecine générale. Cette étude a montré une diminution du risque de fragilité lorsque les personnes âgées bénéficient de l’évaluation et du suivi, mais aussi une reversibilité de la fragilité (27,9 % des sujets fragiles ne le sont plus après l’intervention) [7]. De façon paradoxale et malgré les résultats de ces essais cliniques, le repérage et la prise en charge des personnes âgées fragiles ne sont pas faites en pratique clinique courante. Il est ici bien difficile de changer les habitudes. C’est autour de cette population cible que la collaboration entre le médecin de famille et le gériatre est indispensable pour prévenir le processus d’entrée dans la dépendance [8]. Avec la prise en charge de la fragilité, cette évolution de la médecine gériatrique mais aussi de la médecine générale est indispensable et permettra une prise en charge plus efficiente et un nouvel élan, comme le recommande les initiatives européennes récentes [9,10]. Compte tenu des perspectives démographiques, le gouvernement français se propose de définir une nouvelle politique sur la prévention de la dépendance des personnes âgées. C’est dans ce contexte de problématique nationale que le Gérontopôle de Toulouse, en association avec le département universitaire de médecine générale de Toulouse (DUMG), et soutenu par l’ARS Midi-Pyrénées, mènent une Cah. Année Gérontol. expérimentation consistant à la mise en place d’une « Plateforme d’évaluation des fragilités et de prévention de la dépendance » au sein du Gérontopôle. Cette structure permet de rechercher les causes responsables de la fragilité du sujet âgé, de proposer un plan d’intervention personnalisé adapté à la situation clinique et d’assurer un suivi des interventions en lien avec le médecin traitant. Elle a par ailleurs pour mission de faciliter l’accès à des programmes de recherche ciblés sur la prévention de la dépendance. La mise en place d’une telle structure nécessite que l’on organise en amont le repérage de la population âgé fragile en ville, en s’appuyant sur le médecin traitant et les professionnels du domicile (Fig. 1). La mission de la plateforme est donc de proposer une action ciblée (population âgée fragile), forte (évaluation et intervention personnalisée) et prolongée (suivi des interventions) pour lutter efficacement contre la perte d’autonomie fonctionnelle. L’objectif de cet article est de décrire la plateforme et les caractéristiques des 160 premiers patients évalués à l’issue des premiers mois de fonctionnement. La structure de la plateforme La « plateforme d’évaluation des fragilités et prévention de la dépendance » est une émanation de l’hôpital de jour gériatrique du Gérontopôle de Toulouse, qui a débutée en octobre 2011. Elle accueille dans un premier temps jusqu’à quatre 3 patients par jour et à partir de janvier 2013, huit patients pourront être accueillis cinq jours par semaine. Chaque patient doit être référé par un médecin. La tarification est celle du financement de l’hôpital par la sécurité sociale. Cette plateforme assure l’évaluation du patient, la mise en place et le suivi des interventions en lien avec le médecin traitant. Elle se différencie de l’hôpital de jour par ce suivi prolongé et actif du patient à un mois et trois mois par l’équipe soignante. Ce suivi permet de vérifier que les interventions proposées ont bien été mises en place et suivies. Repérage du sujet âgé fragile Le repérage de la fragilité doit être le plus précoce possible si l’on veut intervenir efficacement. Actuellement, il existe de nombreux outils pour dépister la fragilité, utilisés principalement en recherche clinique [11]. Bien que plusieurs algorithmes aient été développés au cours de la dernière décennie pour soutenir les cliniciens et les chercheurs, une controverse existe sur l’instrument optimal pour à adopter [12]. Les difficultés à parvenir à un accord réside sans doute dans le caractère multidimensionnel de la fragilité [13]. Cela a conduit à la proposition d’outils multiples, chacun constitué par différents éléments qui caractérisent la fragilité. Par exemple, un groupe d’experts a proposé la vitesse de marche en tant que paramètre possible pour dépister la fragilité chez les personnes âgées. Sa capacité à prédire l’apparition d’un Fig. 1 Schéma de fonctionnement de « la plateforme d’évaluation des fragilités et de prévention de la dépendance » 4 Cah. Année Gérontol. événement défavorable a été démontrée dans plusieurs études et sur des populations différentes [14,15]. L’adoption de tests de performance physique dans le dépistage des personnes âgées pourrait représenter la première étape vers une réorganisation structurelle de la façon actuelle d’offrir des soins de santé pour les patients âgés fragiles [16]. Nous avons auparavant testé une démarche de repérage de la fragilité s’appuyant sur le test de vitesse de marche auprès de cinquante médecins généralistes de la région Midi-Pyrénées. Les trente-quatre répondants ont témoigné que le test est faisable et pertinent au cours de leurs consultations. Les deux principales difficultés rapportées étaient de trouver la distance de quatre mètres dans un cabinet de ville et d’organiser la consultation non prévue a cet effet en effectuant le test de dépistage et en répondant aux motifs de consultations. Il ressort également de ce travail que l’analyse subjective du médecin semble lié au risque de fragilité, c’està-dire aux patients avec une vitesse de marche inférieure à Tableau 1 Grille de repérage des personnes âgées fragiles en médecine générale (Gerontopole Frailty Screening Scale). Patients de 65 ans et plus, autonome (ADL 6 /6), à distance de toute pathologie aiguë 1 m/s [17]. Compte-tenu de la littérature et des données de notre enquête, nous avons proposé une grille de repérage de la fragilité pour la plateforme qui prend en compte la subjectivité de médecin, la vitesse de marche, et d’autres paramètres relatif au risque de fragilité (social, cognitif, nutritionnel, humeur...) (Tableau 1). Il est en effet indispensable que le médecin traitant, par son sens clinique subjectif, soit également persuadé que le patient est fragile pour mettre en place les interventions et le suivi nécessaire. La définition de la fragilité Pour caractériser un patient fragile, nous utilisons les critères de Fried [1] décrits dans Cardiovascular Health Study et fréquemment utilisés dans d’autres études. Dans ce centre d’évaluation, nous évaluons les différents critères comme suit en intégrant les données du dossier médical : • • DEPISTAGE OUI Votre patient vit-il seul ? Votre patient a-t-il perdu du poids au cours des 3 derniers mois ? Votre patient se sent-il plus fatigué depuis ces 3 derniers mois ? Votre patient a-t-il plus de difficultés pour se déplacer depuis ces 3 derniers mois Votre patient se plaint-il de la mémoire ? Votre patient a-t-il une vitesse de marche ralentie (plus de 4 secondes pour parcourir 4 mètres) ? Si vous avez répondu OUI à une de ces questions : Votre patient vous paraît-il fragile : Si OUI, votre patient accepte-t-il la proposition d’une évaluation de la fragilité en hospitalisation de jour : NON NE SAIT PAS • OUI NON OUI NON • la perte de poids involontaire est repérée par une question : « Avez vous perdu du poids récemment de manière involontaire ? » ainsi que par le recueil du poids antérieur quand cela est possible ; la sensation subjective d’épuisement : le patient répond « souvent » ou « la plupart du temps » à deux items issu de l’échelle CES-D : « Tout ce que j’ai fait m’a demandé un effort. » ; « Je ne pouvais pas aller de l’avant. » ; le niveau d’activité physique : est évalué en interrogeant le patient : « Quel est votre niveau actuel d’activité physique ? » Il peut répondre : Aucune activité physique (alité) ; Plutôt sédentaire, quelques courtes promenades ou autres activités physiques d’intensité très légère ; Exercice physique d’intensité légère (promenades, danse, pêche ou chasse, courses sans voiture…) au moins 2 à 4 heures par semaine ; Exercice physique d’intensité modérée (jogging, marche en montée, natation, jardinage, vélo…) pendant 1 à 2 heures par semaine, ou exercice d’intensité légère (promenades, danse, pêche ou chasse, courses sans voiture…) supérieur à 4 heures par semaine ; Exercice physique d’intensité modérée de plus de 3 heures par semaine ; Exercice physique intense plusieurs fois par semaine. Un exercice d’intensité légère ne provoque pas de transpiration, et il est possible de l’effectuer tout en parlant ; Un exercice d’intensité modérée provoque une transpiration, et il est impossible de l’effectuer tout en parlant ; Un exercice physique intense implique un effort maximal. Il s’agit d’une méthode approchant les critères de Fried, plus utilisable au quotidien et déjà proposée dans d’autre étude [18,19] ; la vitesse de marche est calculée sur quatre mètre. Une vitesse de marche est considérée lente si le patient met plus de 4 secondes (inférieure à 1 m/s) ; Cah. Année Gérontol. • la force musculaire est mesurée par un dynamomètre ; son analyse prend en compte l’indice de masse corporelle (IMC) et le sexe comme cela a été définit par Fried et al. [1]. Un patient est considéré comme fragile s’il présente trois des cinq critères ci-dessus, et préfragiles, s’il en présente un ou deux. Les causes de la fragilité L’évaluation du patient fragile est construite autour d’une équipe pluridisciplinaire qui associe tout d’abord une équipe médicale (médecin généraliste et gériatre), une infirmière et une aide soignante. En fonction de ce premier bilan sont demandés ou non des avis spécialisés. Tout d’abord, sont recueillis les données sociodémographiques, le mode de vie, les antécédents médicochirurgicaux, les traitements en cours et les allergies. Tous les patients bénéficient d’un bilan biologique standard (ionogramme, numération formule sanguine, exploration lipidique, fonction rénale, calcémie) avec le dosage de la vitamine D et adapté s’il y a une surveillance particulière (diabète, hypothyroïdie, INR...) ainsi qu’un électrocardiogramme. Le patient bénéficie ensuite d’un examen clinique médical où sont relevées différentes constantes (le poids, la taille, la tension artérielle, la fréquence cardiaque). L’évaluation gérontologique comprend la passation de différents questionnaires ou échelles sensibles pour mesurées les capacités d’un sujet âgé : • • • • • • les tests cognitifs : Memory Impairment Screen (rappel libre et différé) , AD8 Dementia Screening Interview (20) , Mini Mental State (MMSE) (21), Clinical Dementia Rating (CDR) (22), afin de définir si le patient présente un Mild Cognitive Impairment (MCI) ou une altération plus sévère des fonctions cognitives ; les échelles d’autonomie pour les activités élaborées et de base de la vie quotidienne : Instrumental Activities Daily Living (IADL) et Activities Daily Living (ADL) (23,24) ; l’évaluation nutritionnelle : Mini Nutritionnal Assessement (MNA) (25) et évaluation de l’état buccodentaire ; l’évaluation des capacités fonctionnelles : Short Physical Performance Battery (SPPB) (26) ; les échelles de Covi et Raskin qui évaluent l’état anxiodépressif du patient [27,28] ; les évaluations sensorielles : la vision à l’aide de l’échelle de Parinaud (vision de près), l’échelle de Monoyer (vision de loin), la grille d’Amsler (dépistage de la Dégénérescence Maculaire Liée à l’âge ou DMLA), et l’audition à l’aide d’une échelle d’évaluation du handicap auditif (Hearing Handicap Inventory for the Elderly – HHIES) [29]. 5 La plateforme sera prochainement équipée d’un rétinographe pour améliorer les conditions de dépistage de la DMLA et rechercher d’autres pathologies comme le glaucome, ainsi que d’un I-DEXA pour l’étude de la composition corporelle et de la densité minérale osseuse. Au terme de cette évaluation, le patient peut bénéficier, si cela est nécessaire, d’un bilan neurocognitif complet par un neuropsychologue, d’une consultation ophtalmologique si on suspecte une dégénérescence maculaire liée à l’âge, d’une consultation avec une diététicienne ou d’une évaluation par un professeur d’activité physique adapté. Il est par ailleurs possible de faire intervenir un psychiatre, un dentiste et une assistante sociale. Tous ces intervenants posent un diagnostic et proposent des interventions pour améliorer l’état de santé des patients. Le médecin de la plateforme termine et conclut l’évaluation en proposant un plan de prévention personnalisé qu’il transmet au médecin traitant dans la journée pour avoir une meilleure adhésion du patient. Un rendez vous est pris par l’équipe de la plateforme dans un délai de moins de 15 jours avec son médecin traitant pour faire la synthèse des interventions proposées. Les interventions proposées Les actions de préventions proposées sont adaptées à chaque patient en fonction de l’évaluation multidisciplinaire et des causes retrouvées à la fragilité. Cela peut concerner plusieurs domaines (médical, nutritionnel, cognitif, fonctionnel ou social). Le plus souvent, les facteurs responsables de la fragilité associent une pathologie sous jacente non diagnostiquée, un isolement social, et la « non utilisation de ses capacités » (le « disuse » des anglosaxons). Comme ils sont liés et interagissent entre eux, l’intervention proposée devra intégrer ces trois composantes. Quand une pathologie responsable de la fragilité est identifiée, un traitement et une prise en charge spécifique sont mis en place en s’aidant, quand cela est nécessaire, des spécialistes concernés. L’intérêt est de leur adresser ainsi des patients bien évalués et d’éliminer des consultations non nécessaires. L’équipe se propose d’insister sur trois interventions principales (celles qui semblent les plus nécessaire et faisables) pour ne pas surcharger d’information le patient. Il peut s’agir de programmer des consultations spécialisées, de proposer une modification thérapeutique ou de confirmer un diagnostic par d’autres examens complémentaires. Une importance particulière est accordée au maintien de la mobilité, du statut nutritionnel et des performances physiques et cognitives du sujet âgé fragile afin d’éviter tout risque de perte d’autonomie. Il est important de lutter contre la tendance du sujet fragile à ne plus faire un certain nombre d’activités qu’il est par contre encore capable de faire. Sur le plan nutritionnel, on peut proposer de simples recommandations ou un programme édifié par une diététicienne qui peut 6 être associé à des compléments alimentaires. L’éducatrice physique, quant à elle, propose aux patients des exercices adaptés en fonction de leurs domaines déficitaires : renforcement musculaire ou endurance. Aussi, un certain nombre d’activités physiques seniors disponible sur Toulouse leur sont proposées. Chaque programme d’intervention est organisé par domaine selon un organigramme pour une meilleure reproductibilité des actions. L’équipe s’aide de ces organigrammes dont le but est d’aider à préciser le sens clinique qui reste l’élément principal. Par exemple, pour les actions de préventions concernant l’activité physique, les interventions proposées sont organisées en fonction des résultats du patient au SPPB, de leur niveau d’activité physique et de leur motivation. Pour le patient robuste et sédentaire qui est motivé, notre éducatrice physique propose un protocole que l’on délivre avec des conseils et un suivi adapté. Le patient fragile et motivé bénéficie d’une intervention de l’éducatrice physique le jour même, pour un plan d’intervention personnalisé associant activité d’endurance, d’équilibre Fig. 2 Organigramme des actions de prévention : l’activité physique Cah. Année Gérontol. et un travail de résistance. Les patients ayant un SPPB < 6 auront une prescription de kinésithérapie et la délivrance d’un protocole adapté à leur niveau d’activité (Fig. 2). Cette démarche est proposée aussi pour les domaines de la nutrition (Fig. 3) et de la cognition (disponible sur demande). À titre d’exemple, quand le MNA est réalisé, il est très important de regarder où le patient perd des points dans l’échelle MNA pour permettre de guider l’intervention. Avec bien sûr des mesures différentes en fonction de l’atteinte nutritionnelle ou cognitive. Des évaluations et interventions spécifiques sont proposées pour les patients relevant de l’oncogériatrie ou qui présentent une obésité. Le suivi des patients La prévention en médecine passe par le suivi et la mise en place des recommandations. Nous nous proposons tout d’abord d’appeler le médecin traitant le jour de l’évaluation pour lui expliquer brièvement les démarches de la prévention et les modifications proposées. Le patient doit revoir son Cah. Année Gérontol. 7 Fig. 3 Organigramme des actions de prévention : la nutrition médecin traitant avec le courrier dans les quinze jours après le bilan, un rendez-vous est directement pris par l’équipe de la plateforme. Le patient bénéficie de l’appel de l’infirmière à un mois pour relancer les différentes actions de préventions mises en place. Cela doit permettre de « coacher » le patient et de relancer la dynamique des actions de préventions. Nous avons prévu une évaluation téléphonique à trois mois par l’infirmière du centre à l’aide de l’échelle Pepper Assessment Tool for Disability (PAT-D) (Tableau 2) [30]. Il s’agit d’un test validé de 23 items, qui inclut les échelles d’autonomies (IADL/ADL) et des questions sur les performances fonctionnelles. Le patient répond à l’aide d’une échelle de Lickert à six points selon ses capacités (capable sans difficulté à incapable de le faire). Ce test présente les qualités psychométriques nécessaires pour évaluer l’efficacité des interventions. Enfin, les patients seront revus un an après l’évaluation pour faire le bilan des interventions et le point sur le vécu du patient et cela au sein de la plateforme. En effet ces sujets continuent à vieillir et une surveillance annuelle au sein de la plateforme nous paraît nécessaire. Nous constituons par ailleurs une base de données informatique intégrant les informations nécessaires pour établir un contact rapide avec chaque personne âgée (email, téléphone, coordonnées du médecin traitant, coordonnées des proches ou des aidants), et notamment offrir des services spécifiques en lien avec la prévention de la dépendance comme par exemple l’envoi d’alertes à propos de dangers climatiques particuliers (canicules, tempêtes de froid, épidémies), l’envoi d’actualités concernant les services de santé, la transmission d’informations sur la possibilité de bénéficier d’interventions innovantes contre la dépendance, l’envoi de recommandations sur le mode de vie. Ces alertes « SMS » ou « électroniques » seront envoyées directement aux personnes âgées (ou à leurs proches ou aidants) et à leur médecin traitant. Un site web www.ensembleprevenonsladependance.fr est communiqué aux patients et leur famille. L’accès aux nouvelles technologies d’aide à domicile est proposé en fonction de chaque cas particulier. 8 Cah. Année Gérontol. Tableau 2 Échelle de suivi : échelle de PAT-D (30). « Si vous avez des difficultés avec chacune des activités suivantes, quel est le niveau de ces difficultés? Pensez au mois dernier. A quel point votre état de santé vous a rendu cette activité difficile ? » Les réponses à chaque question sont évaluées comme suit : 1 « fait habituellement sans difficulté » ; 2 « fait habituellement avec une difficulté légère» ; 3 « fait habituellement avec une difficulté modérée » ; 4 « fait habituellement avec beaucoup de difficulté » ; 5 « incapable de faire l’activité » ; 6 « ne fait pas l’activité pour une autre raison ». Items - Rentrer et sortir de la voiture - Utiliser les toilettes (y compris s’asseoir et se relever) - S’asseoir sur une chaise et se relever - Se coucher et se lever du lit - S’habiller - Prendre un bain ou se doucher - Serrer un objet - Se nourrir - Lever les bras au dessus de sa tête - Vous déplacer dans le quartier - Vous déplacer dans la rue - Monter plusieurs paliers - Lever des objets lourds - Monter une volée d’escalier - Lever/porter un objet d’environ 5 kg (comme un sac de course) - Prendre soin d’un membre de sa famille - Rendre visite à des parents ou des amis - Participer à des activités de groupe (service religieux, activités sociales ou activités bénévoles) - Faire un peu de ménage (comme la vaisselle, la poussière) - Gérer son argent (comme payer des factures) - Utiliser le téléphone - Faire des commissions (comme course à l’épicerie ou achat personnels) - Préparer son propre repas Recherche clinique Les personnes âgées préfragiles et fragiles présentent fréquemment des pathologies liées au vieillissement à un stade débutant et peuvent de ce fait bénéficier d’interventions précoces et innovantes notamment dans les domaines suivants : le traitement de la sarcopénie (fonte musculaire), le stade prodromal de la maladie d’Alzheimer, le diabète, ou encore l’insuffisance cardiaque, la dégénérescence maculaire, la perte d’audition pour n’en citer que quelques-uns. Dans ce contexte, la plateforme doit jouer un rôle important dans la recherche en gériatrie et en soins primaires. L’évaluation proposée permettra le repérage des candidats aux essais cliniques thérapeutique ou de prévention, ou aux études de validation de certains outils de dépistage ou de diagnostique (biomarqueurs, imageries, nouvelles technologies). Enfin elle permet le recueil de données préliminaires pour supporter la conception des études futures dans cette population de sujets âgés fragiles. La population de la plateforme Concernant les 160 premiers patients, l’âge moyen de la population est de 82,7 ans ; une large majorité des sujets ayant 75 ans et plus. Il s’agit principalement de femmes (61,9 %). Les sujets vivent principalement à leur domicile et sont majoritairement mariés (41,9 %) ou veufs (39,4 %). Approximativement 50 % des sujets ont fait des études secondaires. Un peu plus de 66 % des sujets perçoivent une aide ; dans la majorité des cas, il s’agit d’une aide ménagère (51,9 %). Seuls 14,1 % des sujets perçoivent l’APA (Tableau 3). En ce qui concerne le niveau de fragilité, 65 patients (41,4 %) sont préfragiles et 83 (52,9 %) sont fragiles. Le fait que 93,3 % des sujets adressés à la plateforme soient fragiles ou préfragiles souligne la pertinence de la grille utilisée dans le repérage des patients (Fig. 1) .En termes de capacités fonctionnelles, 83,9 % des sujets ont une vitesse de marche < 1 m/s, 53,8 % des sujets sont sédentaires et 57,7 % présentent une diminution de la force musculaire. Seuls 27,2 % des sujets présentent de bonnes performances au SPPB. Sur le plan des fonctions cognitives, 33 1 % (n = 41) des sujets présentent un score au MMSE ≤ 24. Une démence légère a été observée chez 11,6 % des sujets et un déclin cognitif léger mais réel de type MCI chez 65,8 % des patients. L’autonomie pour les activités de base (ADL) est préservé (score ADL= 5,6 ± 0,8) comme attendue, nous ne sommes pas en effet au stade de la dépendance quand le sujet ne peut plus s’habiller, faire sa toilette, se déplacer… Par contre les activités instrumentales de la vie quotidienne (IADL) sont déjà perturbées, avec la perte moyenne de deux activités instrumentales, comme aller faire ses courses, utiliser le téléphone, gérer son argent… La moyenne de l’IADL = 6,0 ± 2,3 pour un score normal de 8 /8. Seuls 3,2 % des sujets présentent des signes dépressifs majeurs, il est possible qu’un certain nombre soient déjà traités. Les patients sont nombreux à présenter des troubles visuels (76,4 % pour la vision de loin et 10,4 % avec une grille d’Amsler perturbée) et seulement 13,7 % présentent un handicap auditif. La visite à la plateforme a pu ainsi permettre d’objectiver un état de dénutrition protéino-énergétique chez 9 % de patient, un début d’altération du statut nutritionnel chez 34 % et une Cah. Année Gérontol. 9 Tableau 3 Caractéristiques sociodémographiques des 160 premiers patients évalués après les six premiers mois de fonctionnement de la structure. Tableau 4 Caractéristiques cliniques des 160 premiers patients évalués après les six premiers mois de fonctionnement de la structure. Caractéristiques Moyenne (ET) ou n (%) Caractéristiques 99 (61,9) 61 (38,1) 82,7 ± 6,1 14 (8,7) 92 (57,5) >85 Niveau de fragilité (selon les critères de Fried), n=158 Non fragile 9 (5,7) Pré fragile (1 ou 2 critères) 65 (41,4) Fragile (≥3 critères) 83 (52,9) Critères de Fragilité (selon les critères de Fried) Perte de poids récente n=158 52 (32,9) Fatigue, n=157 49 (31,2) Diminution de la force musculaire, 90 (57,7) n=156 Faible vitesse de marche n=155 130 (83,9) Sédentarité, n=158 85 (53,8) Score MMSE (/30), n=154 25,4 ± 4,2 (12-30) < 20 19 (12,3) 20-24 32 (20,8) 25-27 41 (26,6) ≥ 28 62 (40,2) Score CDR, n=155 0 35 (22,6) 0 ,5 102 (65,8) 1 14 -9,0) 2 4 (2,6) Score MIS (/8), n=157 6,4 ± 1,9 (0-8) Score MIS-D (/8), n=155 5,5 ± 2,6 (0-8) Score AD-8 (/8), n=157 3,3 ± 2,3 (0-8) Score ADL (/6), n=159 5,6 ± 0,8 (1-6) Score IADL (/8), n=159 6,0 ± 2,3 (0-8) Score SPPB (/12), n=157 7,4 ± 2,9 (0-12) Bon (score 10-12) 43 (27,2) Moyen (score 7-9) 53 (33,7) Faible (score 0-6) 61 (38,8) Vitesse de marche (m/sec), n=155 0,8 ± 0,2 (0,2-1,3) <0,6 m/sec 38 (24,5) 0,6 to 0,79 m/sec 43 (27,7) 0,8 to 1,0 m/sec 49 (31,6) > 1,0 m/sec 25 (16,1) Vision de loin anormale, n=140 107 (76,4) Vision de près anormale, n=129 42 (32,5) Grille d’Amsler perturbée, n=153 16 (10,4) Score HHIES (/40), n=152 7,1 ± 10,1 (0-40) Pas de handicap 106 (69,3) Handicap modéré 26 (17,0) Handicap sévère 21 (13,7) Score Raskin (/12), n=155 7,4 ± 2,9 (0-11) Signes de dépression 5 (3,2) Statut nutritionnel (MNA), n=157 Bon (MNA ≥24) 89 (56,9) 54 (34,2) Genre, n = 160 Femme Homme Âge (ans), n = 160 < 75 75-84 > 85 Niveau d’étude, n = 158 Enseignement supérieur Lycée Collège, CAP, BEP École primaire Non scolarisé Statut marital, n = 160 Célibataire Divorcé Marié Rupture familiale Veuf Concubinage Lieu de vie, n = 160 Foyer logmenet EPHAD Domicile (collectif) Domicile (individuel) Aide à domicile, n = 160 Oui Type d’aide, n = 106 Aide ménagère Infirmière Kinésithérapeute APA Autres Caractéristiques 44 (27,8) 30 (20,9) 13 (8,2) 64 (40,5) 4 (2,5) 15 (9,4) 11 (6,9) 67 (41,9) 2 (1,2) 63 (39,4) 2 (1,2) 6 (3,8) 5 (3,1) 61 (38,1) 88 (55,0) 106 (66,2) 55 (51,9) 12 (11,3) 7 (6,6) 15 (14,1) 17 (16,0) Moyenne (ET) ou n (%) Risque de malnutrition (MNA 17 to 23,5) Dénutri (MNA <17) Vitamin D, n=157 ≤ 10 ng/ml 11-29 ng/ml ≥ 30 ng/ml 14 (8,9) 14,8 ± 10,1 (4-59) 73 (46,5) 76 (48,4) 8 (5,1) carence en vitamine D pour la majorité de l’échantillon Moyenne (ET) ou n (%) 10 (94,9 %) (Tableau 4). Conclusion La prévention de la dépendance passe par le repérage et le ciblage des patients âgés fragiles en pratique ambulatoire par le médecin généraliste ou le gériatre. À travers la plateforme d’évaluation des fragilités et de prévention de la dépendance, nous pouvons proposer des solutions au patient, son entourage et aux médecins généralistes dans leur prise en charge globale de leurs patients âgés fragiles avant le stade de dépendance. Il s’agit d’une aide complète (diagnostic et technique) au service du patient et du médecin. Maintenant, le suivi des recommandations sera le domaine d’action à privilégier pour mettre en évidence à long terme les bénéfices de ce centre sur la prévention de la dépendance. Le repérage et la prise en charge des personnes âgées fragiles sont de nos jours une priorité clinique, qui ne peut plus attendre. Les résultats des 160 premiers patients montrent bien que nous sommes dans le soin et le repérage de pathologies où de déclin fonctionnel est encore à un stade accessible pour une intervention. Références 1. Fried LP, Tangen CM, Walston J, et al (2001) Frailty in older adults: evidence for a phenotype. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 56:M146–56 2. Strawbridge WJ, Shema SJ, Balfour JL, et al (1998) Antecedents of frailty over three decades in an older cohort. J Gerontol B Psychol Sci Soc Sci 53:S9–16 3. Rockwood K, Stadnyk K, MacKnight C, et al (1999) A brief clinical instrument to classify frailty in elderly people. Lancet 353:205–6 4. Bandeen-Roche K, Xue Q-L, Ferrucci L, et al (2006) Phenotype of frailty: characterization in the women’s health and aging studies. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 61:262–6 5. Rubenstein LZ, Josephson KR, Wieland GD, et al (1984) Effectiveness of a geriatric evaluation unit. A randomized clinical trial. N Engl J Med 311:1664–70 6. 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