troisième section

Transcription

troisième section
TROISIÈME SECTION
Requête no 1443/10
Liliana AMARANDEI et autres
contre la Roumanie
introduite le 23 December 2009
EXPOSÉ DES FAITS
La liste des parties requérantes figure en annexe. Les requérants sont
representés par Me Mihaela-Cristina Mîţu, avocate à Bucarest.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants,
peuvent se résumer comme suit.
Les requérants sont des adhérents ou des sympathisants du « Mouvement
pour l’intégration spirituelle dans l’Absolu » (ci-après « MISA »),
association roumaine non-gouvernementale créée en 1990 et dirigée par
G.B. Le principal but de l’association était la pratique de diverses formes de
yoga. Une partie des membres de MISA vivaient dans des communautés
dénommées « ashrams ».
En mars 2004, le parquet près la cour d’appel de Bucarest déclencha une
enquête à l’égard de G.B., soupçonné d’évasion fiscale et de blanchiment
d’argent.
Sur demande du parquet, le tribunal départemental de Bucarest autorisa
la perquisition et la saisie de matériel informatique dans seize immeubles
occupés par des membres de MISA.
Le parquet demanda la mise à sa disposition d’unités spéciales de la
gendarmerie en vue de la perquisition. Il indiqua qu’il s’agissait d’une
opération de lutte contre « le trafic de drogues et la prostitution ».
Le 18 mars 2004, à 9 heures du matin, les autorités déclenchèrent
l’opération « Christ » à laquelle participèrent de nombreux agents de la
gendarmerie et des forces spéciales.
Les requérants se trouvaient au matin du 18 mars 2004 dans les
immeubles perquisitionnés ou dans leur proximité. Les agents des forces de
l’ordre les immobilisèrent et ils procédèrent à des fouilles corporelles. Ils
leur interdirent de se parler, confisquèrent leurs téléphones portables et
perquisitionnèrent les immeubles. De nombreux objets personnels furent
confisqués. L’opération fut filmée par les agents des forces de l’ordre et des
extraits furent diffusés dans la presse écrite et audio-visuelle.
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EXPOSÉ DES FAITS ET QUESTIONS – AMARANDEI ET AUTRES c. ROUMANIE
Ensuite, les requérants furent conduits au siège du parquet où ils furent
interrogés au sujet de leurs activités dans l’association MISA. Ils y furent
privés de nourriture, d’eau, d’accès aux toilettes, insultés et menacés par les
procureurs et les policiers qui les forcèrent à faire des déclarations sur
leur vie intime et accusant le leader de l’association d’agissements illégaux.
Ils ne furent pas informés des raisons de leur privation de liberté et l’accès à
un avocat leur fut refusé.
Les requérants portèrent plainte avec constitution de partie civile contre
les agents des forces de l’ordre qui avaient participé à l’opération et contre
les magistrats qui l’avaient coordonnée et ceux qui les avaient interrogés. Ils
les accusèrent des mauvais traitements, de comportement abusif et de
privation de liberté illégale.
Le 16 mai 2005, le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice
rendit un non-lieu. Le parquet estima que, eu égard à la nécessité d’enquêter
sur des faits graves qui auraient été commis par l’association et certains de
ses membres, les agissements des forces de l’ordre n’étaient pas excessifs.
Le parquet considéra que la peur et l’angoisse que les requérants avaient
ressenti ne constituaient pas un mauvais traitement. Il précisa ensuite qu’en
raison de la grande quantité d’objets saisis, il n’avait pas été possible de
dresser un inventaire, mais qu’ils avaient été mis sous scellés pour les
besoins de l’enquête et que d’autres objets avaient été restitués. Quant aux
interrogatoires au siège du parquet, les procureurs estimèrent qu’il n’y avait
eu ni pressions ni menaces, les requérants ayant consenti de donner des
déclarations dans lesquelles ils niaient la participation à des activités
illégales. Enfin, le parquet estima que la mise à la disposition de la presse
des extraits des images filmées répondait au droit de l’opinion publique
d’être informée sur les sujets d’intérêt général.
Les requérants contestèrent le non-lieu se plaignant du caractère
superficiel de l’enquête. Ils alléguèrent, entre autres, que le parquet avait
omis de recueillir leurs déclarations et d’entendre des témoins. Ils réitérèrent
leurs griefs concernant la violation des droits au respect de la vie privée et
de leurs biens.
Au cours de la procédure, ils soulevèrent une exception
d’inconstitutionnalité des dispositions du code de procédure pénale qui
empêchaient les plaignants de faire citer des témoins devant le tribunal pour
démontrer le bien-fondé de la plainte. La Cour constitutionnelle rejeta
l’exception au motif que la limitation de la possibilité d’administrer de
nouvelles preuves était justifiée dès lors que le tribunal ne réexaminait pas
l’affaire sous tous les aspects, mais seulement la légalité de la solution du
parquet.
Par un arrêt du 18 février 2008, la Haute Cour de cassation et de Justice
rejeta la contestation. Elle jugea que les requérants n’avaient été soumis ni à
des violences physiques ni psychologiques, la peur et le stress engendrés par
l’opération « Christ » ne pouvant pas être qualifiés d’actes de « torture » au
sens de la loi pénale. Quant aux autres plaintes, la Haute Cour estima
qu’avant de conclure au non-lieu, le parquet avait procédé à un examen
complet et convainquant des allégations des requérants.
Les requérants formèrent un pourvoi. Ils critiquèrent les défaillances de
l’enquête et demandèrent sa réouverture.
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Par un arrêt définitif du 6 juillet 2009, la Haute Cour, dans une formation
de jugement composée de neuf juges, rejeta le pourvoi au motif que les faits
dénoncés n’existaient pas et que les agissements des procureurs étaient
conformes à la loi. Quant à l’examen de la plainte en première instance, la
Haute Cour nota que les garanties procédurales ont été respectées et que les
requérants ont eu la possibilité de verser au dossier les pièces qu’ils
estimaient pertinentes pour la défense de leur cause.
B. Le droit interne pertinent
Les dispositions du droit interne sont résumées dans les
affaires no 22765/09 Bretean et autres, no 18916/10 Asociaţia Mişcarea de
Integrare Spirituală în Absolut, no 50432/11 Avădănii et autres et
no 37609/12 Roșu et autres, communiquées au gouvernement roumain.
GRIEFS
1. Invoquant l’article 3 de la Convention, les requérants dénoncent des
mauvais traitements lors de l’opération « Christ ». Ils exposent qu’ils ont été
agressés, menacés, insultés et humiliés par les agents des forces de l’ordre et
les magistrats qui ont coordonné l’opération. Ils se plaignent également de
l’absence d’une enquête effective au sujet de ces allégations.
2. Sous l’angle de l’article 5 de la Convention, les requérants affirment
avoir été illégalement privés de leur liberté pendant l’opération, à savoir
pendant la perquisition, les fouilles et les interrogatoires au parquet.
3. Invoquant les articles 6 et 13 de la Convention, les requérants
dénoncent la superficialité de l’enquête.
4. Citant l’article 8 de la Convention, les requérants allèguent
une violation de leur droit au respect du domicile et de la vie privée en
raison de la perquisition de leur domicile, des fouilles corporelles, de la
confiscation des objets et de la diffusion dans la presse des images filmées
de l’opération.
5. Invoquant les articles 9 et 10 de la Convention, ils allèguent qu’à
travers l’opération « Christ », les autorités internes ont gravement porté
atteinte à leur droit de manifester leurs convictions philosophiques et
religieuses.
6. Sous l’angle des articles 14 et 17 de la Convention, les requérants se
plaignent d’une discrimination et des abus en raison de leurs convictions. Ils
soutiennent qu’ils ont fait l’objet des violences et des mesures vexatoires en
raison de leur appartenance au mouvement MISA.
QUESTIONS AUX PARTIES
1. Au cours de l’opération « Christ », les requérants ont-ils été soumis à
des traitements contraires à l’article 3 de la Convention ?
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2. Compte tenu des allégations des requérants concernant les mauvais
traitements et les pressions auxquelles ils auraient été soumis, y a-t-il eu une
enquête interne efficace au sens de l’article 3 de la Convention ?
3. Y a-t-il eu privation de liberté des requérants au sens de l’article 5 de
la Convention au cours de l’opération « Christ » ?
Dans l’affirmative, cette privation de liberté répondait-elle aux exigences
de l’article 5 ?
4. Au cours de l’opération « Christ », y a-t-il eu ingérence dans le droit
des requérants au respect de leur vie privée et de leur domicile au sens de
l’article 8 de la Convention, compte tenu de la perquisition, des fouilles, de
la saisie des objets personnels et de la diffusion des images filmées ?
Dans l’affirmative, cette ingérence répondait-elle aux exigences du
second paragraphe de l’article 8 de la Convention ?
5. Eu égard au déroulement de l’opération « Christ », y a-t-il eu
ingérence dans le droit des requérants de manifester leurs convictions au
sens de l’article 9 de la Convention ?
Dans l’affirmative, cette ingérence répondait-elle aux exigences du
second paragraphe de cet article ?
6. Au cours de l’opération « Christ », les requérants ont-ils été victimes
d’une discrimination fondée sur leur appartenance au mouvement MISA,
contraire à l’article 14 de la Convention ?
ANNEXE
1. Liliana AMARANDEI née le 30/12/1963, réside à Iaşi
2. Mirela AVADANII, née le 13/09/1972, réside à Bucarest
3. Ioana Mihaela BUTUM, née le 22/10/1979, réside à Brașov
4. Nicoleta Roxana COJOCARU, née le 18/09/1978, réside à Iași
5. Oana Roxana DOLDOR, née le 14/02/1979, réside à Vidra
6. Violeta ENACHESCU (HOSCEVAIA), née le 11/04/1978, réside à
Bucarest
7. Elena Simona FRANCULEASA, née le 11/12/1974, réside à Bucarest
8. Mariana Cipriana LAZAR, née le 11/08/1969, réside à Bucarest
9. Amalia LUCACHI, née le 17/02/1969, réside à Iași
10. Iulia LUPESCU, née le 15/07/1970, réside à Moara Mică
11. Rose Marie MÂNDRU, née le 6/09/1978, réside à Drobeta Turnu
Severin
12. Liliana MOTOCEL, née le 6/08/1973, réside à Bucarest
13. Marius MONETE, né le 21/09/1968, réside à Bucarest
14. Laura OBREJA, née le 19/12/1973, réside à Iași
15. Simona OPREAPOPA, née le 20/10/1976, réside à Avrig
16. Ana Maria PĂNESCU, née le 24/03/1979, réside à Oteșani
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Beatrice Camelia PELIN, née le 4/01/1981, réside à Piatra-Neamț
Rodica PETRE, née le 25/03/1974, réside à Bucarest
Iuliana RADU, née le 12/08/1968, réside à Bucarest
Elena SIMA, née le 3/09/1979, réside à Focşani
Daniel STANCIU, né le 26/02/1972, réside à Piatra-Neamț
Catrinel STOENESCU, née le 17/01/1981, réside à Bucarest
Ștefan Raul SZANTO, né le 3/04/1970, réside à Bistrița
Tatieana TĂNASĂ, née le 25/08/1949, réside à Iași
Constantin TĂNASE, né le 28/10/1967, réside à Bucarest
Florin Mihăiță ȚUȚU, né le 13/03/1974, réside à Bucarest
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