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CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS TROISIÈME SECTION DÉCISION PARTIELLE SUR LA RECEVABILITÉ de la requête no 47927/99 présentée par İrşad AYDIN et autres contre la Turquie La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 10 juin 2004 en une chambre composée de : MM. G. RESS, président, I. CABRAL BARRETO, L. CAFLISCH, R. TÜRMEN, me M M. TSATSA-NIKOLOVSKA, M. K. TRAJA, Mme A. GYULUMYAN, juges, et de M. V. BERGER, greffier de section, Vu la requête susmentionnée introduite le 16 février 1999, Après en avoir délibéré, rend la décision suivante : EN FAIT Les requérants, MM. İrşad Aydın, Ersoy Taşkın, Vefa Saygın Öğütle, Gülbahar Ünlü et Fikriye Kılınç, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1974, 1977, 1976, 1978 et 1975. Ils sont représentés devant la Cour par Me B. Aşçı, avocat à Istanbul. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit. Les requérants sont des musiciens de deux groupes de musique dénommés « Grup Yorum » et « Grup Kardelen ». 2 DÉCISION AYDIN ET AUTRES c. TURQUIE Le 21 août 1998, lors d’une perquisition effectuée dans le centre culturel d’İdil, trente-deux personnes dont les requérants furent appréhendées et placées en garde à vue par des agents de la direction de la sûreté d’Istanbul, section de la lutte contre le terrorisme. Ils étaient soupçonnés d’appartenir au DHKP-C (Parti révolutionnaire de la liberté du peuple–Front). La police saisit également plusieurs objets tels que disquettes, ordinateurs, vidéos et documents se trouvant dans le centre culturel. Les 22 août 1998, le représentant des requérants demanda au parquet de lui donner des explications quant aux raisons de la perquisition et de l’arrestation des requérants et l’invita à les traduire devant un magistrat compétent. Le parquet de la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul (« la cour de sûreté de l’Etat ») écarta les demandes au motif que l’arrestation et la perquisition étaient conformes à la législation en vigueur. Le même jour, le juge assesseur de la cour de sûreté de l’Etat rendit une décision rejetant également les demandes. Le 25 août 1998, l’opposition formulée contre la décision du juge assesseur fut rejetée par la cour de sûreté de l’Etat. Le 25 août 1998, les requérants furent présentés au parquet de la cour de sûreté de l’Etat et devant le juge assesseur. İrşad Aydın et Ersoy Taşkın furent mis en détention provisoire, Fikriye Kılınç, Gülbahar Ünlü et Vefa Saygın Öğütle en libération conditionnelle. Par un acte d’accusation, le 28 août 1998, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat inculpa les requérants pour appartenance à une organisation illégale sur la base des articles 168 § 2 du code pénal ainsi que l’article 5 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme. Le procureur requit un non-lieu pour Gülbahar Ünlü. Le 26 novembre 1999, Ersoy Taşkın, Vefa Saygın Öğütle, et Fikriye Kılınç furent relaxés faute de preuves suffisantes. İrşad Aydın fut condamné à trois ans et neuf mois de prison pour infraction à l’article 169 du code pénal. Le 4 décembre 2000, la Cour de cassation confirma la condamnation d’İrşad Aydın. Quant à Ersoy Taşkın, la Cour de cassation cassa l’arrêt de relaxe et renvoya son dossier à la cour de sûreté de l’Etat. GRIEFS Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, les requérants se plaignent de la légalité et de la durée de garde à vue et du rejet par les autorités judiciaires de leurs demandes de mise en liberté. Ils allèguent également une violation de l’article 5 § 2, faute d’avoir été informés des raisons de la perquisition du centre culturel d’İdil et de leur arrestation. DÉCISION AYDIN ET AUTRES c. TURQUIE 3 En dernier lieu, invoquant l’article 6 § 1, ils se plaignent du manque d’impartialité et d’indépendance des cours de sûreté de l’Etat en raison d’un juge militaire qui y siège. EN DROIT 1. Les requérants allèguent une violation de l’article 5 § 3 de la Convention en raison de la durée et de l’illégalité de leur garde à vue. Invoquant l’article 5 § 2 de la Convention, les requérants se plaignent de ne pas avoir été informés des raisons de leur arrestation et de perquisition. En l’état actuel du dossier la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement. 2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de ce que leur cause n’a pas été entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial. La Cour rappelle que la relaxe d’un accusé à l’issue de la procédure pénale dont il a fait l’objet et l’abandon des poursuites pénales déclenchées contre lui constituent un redressement des violations qui auraient été commises au cours de son procès (cf. entre autres, Gelgeç et Özdemir c. Turquie, no 27700/95, (déc). 13 mai 1996). La Cour relève qu’en l’espèce, Vefa Saygın Öğütle et Fikriye Kılınç ont été relaxés en raison de l’absence de preuves suffisantes par l’arrêt du 26 novembre 1999, et que Gülbahar Ünlü, a fait l’objet d’une décision de non-lieu rendue par le parquet le 28 août 1998. En ce qui concerne İrşad Aydın, la Cour relève qu’à la suite de l’amendement constitutionnel intervenu le 18 juin 1999, le juge militaire siégeant au sein de la cour de sûreté de l’Etat a été remplacé par un juge civil (voir, mutatis mutandis, İmrek c. Turquie (déc.), no 57175/00, 28 janvier 2003). Ainsi, la condamnation a été prononcée par une cour de sûreté de l’Etat composée de trois magistrats civils qui ont procédé à l’examen de l’ensemble des éléments de fait et de droit présentés par le requérant. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. En dernier lieu, la Cour constate que le jugement de condamnation prononcé à l’encontre d’Ersoy Tanış a été cassé et l’affaire renvoyée devant la cour de sûreté de l’Etat qui poursuit son examen. Il s’ensuit que ce grief est prématuré et doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. 4 DÉCISION AYDIN ET AUTRES c. TURQUIE Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité, Ajourne l’examen du grief des requérants tiré de la durée, de l’illégalité de leur garde à vue et du manque de l’information des raisons de leur arrestation ; Déclare la requête irrecevable pour le surplus. Vincent BERGER Greffier Georg RESS Président