Croissance et bourse: ce qui vous attend en 2016

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Croissance et bourse: ce qui vous attend en 2016
Croissance et bourse: ce qui vous attend en 2016
Isabelle de Laminne et Patrick Dath-Delcambe
Publié le vendredi 11 décembre 2015
L’année qui s’annonce ne promet rien de bien emballant pour les investisseurs. La
faiblesse des taux d’intérêt devrait persister en Europe. Les marchés d’actions restent les
plus prometteurs en termes de rendements attendus, mais une sélection très prudente
s’impose. Les incertitudes liées à la croissance dans les pays émergents constitueront
encore des facteurs de turbulences.
La croissance sera encore atone l’année prochaine
Pas de grands changements en vue en ce qui concerne les perspectives économiques entre
l’année qui vient de s’écouler et 2016. Les problèmes structurels laissent présager que la
croissance restera faible et que le degré d’endettement ne baissera pas. "Aujourd’hui, tout
repose sur la politique monétaire pour relancer la croissance et l’on passe ainsi à côté de
mesures budgétaires et économiques nécessaires. Cela rend la croissance faible et fragile et les
récents événements que nous connaissons ne font rien pour améliorer la situation" , estime Guy
Wagner, chief economist à la Banque de Luxembourg.
Pas d’emprunteurs
Malgré les baisses consécutives des taux d’intérêt, le crédit ne repart pas à la hausse. "Nous
manquons d’emprunteurs et le ralentissement économique est lié à ce manque. Le train a déraillé
en 2008. Les pays développés n’ont pas digéré les excès de crédits avant la crise. Il y a peu
d’endroits où le crédit peut se développer. Il y a beaucoup d’épargnants et peu d’emprunteurs" ,
souligne Anton Brender, économiste chez Candriam. Mais alors, d’où viendra la croissance dans
les pays développés ? On pourrait invoquer la piste monétaire mais les pays développés
cherchent à éviter que leur monnaie s’apprécie. Ils font tout pour ne pas perdre des parts de
marché. "La Banque centrale européenne espère relancer la croissance par la baisse des taux
d’intérêts mais la croissance ne se décrète pas. En pratiquant cette politique, elle encourage les
gens à s’endetter. La croissance ne viendra pas par l’endettement mais bien par l’innovation et
l’entrepreneuriat. Il faut mettre en place un écosystème propice à la relance de la croissance" ,
prévient Peter De Keyser, chief economist chez BNP Paribas Fortis.
Hausse des taux outre-Atlantique
La croissance européenne devrait se situer en 2016 à 1,9 % essentiellement soutenue par la
reprise de la consommation intérieure. Les Etats-Unis sont déjà trop loin dans leur cycle de
croissance et, après plus de sept ans d’expansion, on pourrait craindre un ralentissement au
pays de l’Oncle Sam. Les économistes estiment la croissance dans ce pays à 2,4 % en 2016. "La
FED va relever ses taux. Elle ne l’avait plus fait depuis… 2006. Aujourd’hui, beaucoup de
ersonnes qui travaillent dans le secteur financier n’ont jamais connu de période de resserrement
de la politique monétaire américaine. On oublie que ce dernier resserrement a eu lieu il y a si
longtemps" , rappelle Peter de Keyzer.
Pas d’éclaircie en vue au Brésil
La baisse de la croissance dans les pays émergents vient essentiellement de l’écroulement des
prix des matières premières. A titre indicatif, le prix du pétrole a été divisé par deux entre 2011 et
2015 en raison d’une abondance de l’offre. Des pays comme le Brésil ou la Russie ont fortement
souffert de cette situation. "Nous tablons sur une reprise modérée de l’économie mondiale. Nous
réalisons qu’il peut y avoir des différences régionales assez prononcées. En effet, plusieurs
risques peuvent faire barrage à la croissance. A cause des problèmes en Chine et de l’évolution
des matières premières, bon nombre de pays émergents éprouvent de plus en plus de difficultés
pour mettre en ordre leurs finances publiques", explique Erik Joly, Chief Economist d’ABN Amro.
Dans cette catégorie, le Brésil fait figure de grand perdant en 2015. Et les choses ne vont pas
s’améliorer en 2016. "Le Brésil a encouragé le crédit privé pour soutenir la consommation. Son
déficit courant n’arrête pas de baisser et l’évolution de sa dette publique est particulièrement
inquiétante. Ce pays connaît à la fois des problèmes structurels et conjoncturels. Il n’y a pas
d’embellie en vue pour ce pays dans les années à venir", estime Anton Brender.
Le seul pays qui fait figure d’exception dans les émergents, c’est l’Inde. En ce qui concerne la
Chine, les ventes au détail et les investissements ont baissé. Il y a un rééquilibrage nécessaire à
enclencher dans ce pays de façon à ce que cette économie soit moins dépendante de l’étranger.
Le taux de croissance attendu de l’économie chinoise devrait être inférieur à 6,5 % en 2016.
Les actions mais de manière sélective
En 2016, l’investisseur n’aura pas vraiment le choix: les actions sont plébiscitées par la majorité
des économistes. Et principalement les actions européennes et ...japonaises. En effet, les
placements monétaires et obligataires n’ont plus rien à offrir, les investisseurs doivent donc
prendre des risques crédits plus importants pour aller chercher du rendement. Dans ce cadre,
l’investissement en actions semble être la seule voie. "Par le passé, lorsque la croissance
était fragile, on délaissait les actions pour les obligations. Aujourd’hui, la réalité est inversée et les
valorisations ont augmenté, particulièrement en Europe", reconnaît Guy Wagner.
Privilégier la qualité
Il faut donc être sélectifs et, dans cet environnement, faire attention à la qualité des entreprises
mises en portefeuilles. Il faut aussi que les investisseurs revoient leurs attentes et soient réalistes
: les rendements en actions ne devraient plus, selon l’économiste luxembourgeois, dépasser les
5 à 6 % par an. Ce sont les actions de sociétés qui présentent un avantage compétitif durable qui
leur permettront de se différencier de la concurrence et de créer des barrières à l’entrée qui
seront privilégiées dans le portefeuille de la banque luxembourgeoise. "Nous négligeons les
services publics et les entreprises cycliques comme l’automobile ou les compagnies aériennes,
par exemple. Nous privilégions, par contre, les valeurs de consommation courante, les valeurs
industrielles et technologiques ainsi que le secteur de la santé. Nous n’aimons pas les valeurs
financières en raison de leur manque de transparence", ajoute Guy Wagner. Les entreprises qui
distribuent des dividendes seront également privilégiées en portefeuille. Pour BNP Paribas Fortis,
ce sont surtout les valorisations qui importent. La stratégie d’investissement combine une
approche top-down et bottom-up. "Nous privilégions les actions européennes avec une
combinaison bien diversifiée entre les secteurs", reconnaît Rudy De Groodt, equity specialist
chez BNP Paribas Fortis. Les stratèges de cette maison estiment, par ailleurs, que si les
fondamentaux sur l’or ne sont pas extraordinaires, le prix du métal jaune pourrait constituer un
point d’entrée pour ceux qui veulent avoir une valeur-refuge en portefeuille.
Risque de bulle
"Après avoir connu une période où les cours des actions anticipaient les bénéfices des sociétés,
nous voilà arrivés à un rééquilibrage : les prestations des actions iront de paire avec la
croissance bénéficiaire des sociétés" estime Erik Joly. Les économistes de Candriam
préviennent qu’il faudra être attentifs à un risque de bulle dans les crédits High Yield aux EtatsUnis et rappellent que les actions sont sensibles aux risques politiques, des risque qui ne seront
pas absents en 2016.
Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont perdu de leur éclat. La Banque de
Luxembourg avoue s’en être écartée. Les actions asiatiques ne doivent cependant pas être
délaissées et ce, en raison de leur potentiel à long terme. Dans le choix des valeurs dans cette
région du monde, il est préférable de ne pas suivre les indices mais d’orienter les
investissements vers les sociétés qui ciblent la consommation domestique et qui pourront
bénéficier de l’émergence de la classe moyenne dans ces pays.
Le "Top 20" de Leleux
"Nous nous focalisons sur les grandes capitalisations européennes. Secteur par secteur, nous
regardons quelles sont les meilleures valeurs et nous les intégrons dans ce portefeuille en
fonction de leur poids dans l’indice" , explique Arnaud Delaunay de la société de bourse Leleux
Associated Brokers. Parmi les valeurs financières, Société Générale, Deutsche Bank et les
assureurs Aegon et NN Group. Royal Dutch Shell représente le secteur pétrolier et Befimmo est
la valeurimmobilière (SIR) du portefeuille. Le secteur de la chimie est représenté par Umicore et
Solvay. Parmi les valeurs industrielles, le choix de cette société de Bourse s’est porté sur
ArcelorMittal et Schneider Electric. Les biens de consommation courante sont présents dans le
portefeuille à travers Osram Licht, Delhaize, Danone. Une seule société technologique est
pointée : Atos. Le secteur de la santé fait bonne figure avec la présence de Sanofi et la
Financière de Tubize, en raison de sa participation dans UCB. Dans le secteur des télécoms,
Proximus et Mobistar se partagent la vedette. Les services aux collectivités viennent clôturer ces
choix avec Engie (ex-GDF Suez) et RWE.
http://www.lalibre.be/economie/placements/croissance-et-bourse-ce-qui-vous-attend-en-20165669bcc53570ed38947c9e02