Vente sur Internet et droit des marques
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Vente sur Internet et droit des marques
Sujet : la vente sur internet et le Droit des marques Par : Maître Mondher Mensi, Avocat au Barreau de Tunis Plan Introduction I – Les différentes formes d’atteintes au droit des marques sur internet A/ la vente de produits portant une marque contrefaite sur internet 1- les différentes formes de vente sur Internet 1.1– la vente sur support virtuel statique a- les sites vitrines b- l’emailing c- les blogs d- les annuaires d’Internet e- les jeux en ligne 1.2 - La vente sur support virtuel interactif a- Les sites ou web marchands/commerciaux b - Les sites de vente aux enchères 2/ les modes de paiement électroniques : une limite à l’achat sur Internet (pour les nationaux) 2.1 -Moyens de paiement locaux 2.2 -Moyens de paiement internationaux B/ L’usage frauduleux d’un nom de domaine 1-conflit entre nom de domaine et marque 2-Les différentes formes d’atteintes au du nom de domaine II – les procédures judiciaires 1 A – La preuve de la contrefaçon de marque commise sur Internet a – La preuve par le droit commun b – La saisie contrefaçon B – les recours a- Compétence 1-Contre qui agir 2-Territorialité A-L’action judiciaire 1-L’action civile L’interdiction provisoire L’action au fond 2-L’action pénale a-Sanctions 1-Sanctions civiles 2-Sanctions pénales 2 Introduction Au cours de la dernière décennie, l’explosion d’internet a été un formidable moyen de communication. En effet, ce média propose à travers des sites web à des millions d’individus des contenus sur des sujets aussi divers que variés mais aussi des échanges de produits ou de services par la voie du commerce électronique. En effet, le réseau internet offre aux entreprises et aux commerçants des possibilités énormes pour conquérir de nouveaux clients en dehors même des frontières classiques. Par ailleurs, en matière commerciale, il existe des risques qui entravent le développement des transactions sur internet, notamment ceux qui sont liés au manque de protection des données personnelles collectées, à l’insécurité des paiements, au non respect de la législation relative à la protection des consommateurs, à l’invalidité ou à la fiabilité douteuse d’une offre commerciale ou à l’identité du commerçant avec lequel l’internaute n’a pas de contacts physiques. Mais un des fléaux les plus graves s’ajoutant aux risques précédents, est la vente sur Internet de produits contrefaits ou portant atteinte aux droits des titulaires de marques. L’immatérialité et l’interactivité du support virtuel utilisé pour distribuer et vendre des produits et services ainsi que le référencement mis en place dans le but d’accélérer la recherche et par là à offrir une meilleure visibilité de la marque, a rendu cette dernière plus vulnérable face aux agissements frauduleux de certains protagonistes de l’internet. En effet, l’intervention de plusieurs acteurs dans le processus de vente de produits sur internet a rendu la localisation et l’identification de ces derniers difficile, ce qui a suscité la crainte des titulaires de marques de voir leurs produits ou services contrefaits et par la même leur valeur dépréciée. Cependant, la vente d’un produit ou de service sur internet, n’expose pas la marque à une zone de non droit. Les règles de droit commun ainsi que celles relatives aux droits de propriété industrielle et notamment la loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection des marques de fabrique, de commerce ou de services et la loi n°2000-83 du 9 aout 2000, relative aux échanges et au commerce électroniques peuvent s’adapter pour protéger la marque contre les éventuels abus sur internet. Toutefois, pour revendiquer une protection légale contre toute forme d’atteinte à une marque de fabrique, de commerce ou de service, il est nécessaire, avant d’exposer son produit ou service sur la toile, d’effectuer une recherche d’antériorité pour s’assurer de la disponibilité du signe distinctif, ensuite de le déposer auprès de l’organisme concerné en l’occurrence l’INNORPI et de réserver un nom de domaine auprès de l’instance concernée ( ATI ou L’INTERNIC-Internet Network Information Center). En effet, la marque objet de protection préalable est définie par la loi n°2001-36 du 17 avril 2001 relative à la protection des marques de fabrique, de commerce ou de services comme étant un signe visible permettant de distinguer les produits offerts à la vente ou les services rendus par une personne physique ou morale. La revendication d’un signe distinctif, protégée par la loi à travers le système d’enregistrement, est ainsi un moyen de valoriser et de distinguer un produit ou service donné par rapport à ses concurrents sur un marché qu’il soit traditionnel ou virtuel. 3 L’enregistrement préalable d’une marque, même étendu à divers territoires, ne l’empêche pas d’être exposée à la contrefaçon définie par l’article 44 de la loi du 17 avril 2001, comme étant ¨Toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque engageant la responsabilité civile et pénale de son auteur¨ Ces différentes atteintes peuvent revêtir multiples formes telles que prévues aux articles 22 et 23 de la loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection des marques de fabrique de commerce et de services à savoir: a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, b) La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée. c) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. d) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. Ces différentes formes classiques de contrefaçon se manifestent-elles de la même manière sur la toile (I) et sont-elles soumises aux mêmes procédures assurant la protection des marques (II). 4 I – Les différentes formes d’atteintes au droit des marques sur internet Lors de la vente sur internet, les atteintes au droit des marques peuvent se manifester soit à travers la vente de produits portant une marque contrefaite (A), soit à travers l’usage frauduleux d’un nom de domaine (B). A/ la vente de produits portant une marque contrefaite sur internet L’offre de vente de produits contrefaits sur internet se manifeste à travers de multiples supports permettant d’effectuer des achats à distance ou à la livraison. (1). Cependant, malgré cette diversité, l’achat de produits contrefaits sur internet demeure limité en Tunisie en raison de l’usage modeste et restreint des moyens de paiement électroniques (2) 1- les différentes formes de vente sur Internet La vente sur Internet est la nouvelle forme de vente. En effet, de la vente classique constituée par une vitrine physique, on est passé à une vente électronique formée par une vitrine virtuelle. L’offre de vente se réalise sur ce type de sites, soit sur un support virtuel statique (1.1), soit sur un support virtuel interactif permettant l’échange électronique (1.2) 1.1 – la vente sur support virtuel statique Un support virtuel statique, est celui dans lequel aucune opération d’échange électronique n’est effectuée. C’est l’exemple des sites vitrines (a), de l’e-mailing (b), des blogs(c), les annuaires d’Internet (d) et les jeux en ligne (e). a – sites vitrines Le site vitrine est « une présentation numérique d’une entreprise, association ou organisation ... le site vitrine va permettre d’être présent sur Internet comme une carte ou press-book numérique - catalogue»1. On trouve dans cette première catégorie les différents sites vitrines dans lesquels aucune opération d’échange électronique n’est effectuée, ce type de sites est une forme de publicité sans plus. Aucune opération de vente ou d’achat en ligne n’est effectuée. Pourquoi ces sites vitrines ne font aucun renvoi à une adresse physique ? En effet, ces sites vitrines ne font aucun renvoi à une adresse physique, l’achat des produits se fait ou bien par contact téléphonique, ou par email avec livraison à domicile. L’utilisation par les contrefacteurs d’une telle procédure de vente n’est en fait qu’un échappatoire à toute identification physique. Exemples de sites vitrines : www.net15.fr, www.semettreauvert.com, etc. 1 Définition du Dicodunet, www.dicodunet.com. 5 b - L’emailing L’e-mailing, c’est l’envoi d'un courrier électronique à un nombre déterminé d’internautes dans le but de promouvoir et de vendre un produit ou service. L'e-mail marketing offre réactivité, flexibilité et réduction des coûts par rapport au courrier papier. Ceci parce qu'une campagne e-mailing est ciblée, personnalisée et envoyée en temps opportun auprès de chaque destinataire. L’e-mailing est le moyen le plus sûr pour la Publicité sur Internet. Il existe deux formes d’e-mailing : -L’e-mailing-list : L’e-mailing liste est une base de données d’adresses, de numéros de téléphone ou d’adresses email etc. C’est un moyen direct de cibler une population ou un marché potentiel (Marketing Direct), on peut même tester un produit ou connaître le profile d’une zone ou d’une tranche d’âges … Grâce à l’e-mailing liste on a la possibilité de créer et augmenter le trafic sur un site Web. Il ne suffit pas d’avoir un site ou une adresse Web mais il faudra exploiter son investissement et vendre des espaces publicitaires sur son site (échange de bannière publicitaire).La diversité des rubriques nous permet d’accéder à des marchés non encore exploités. - Le e-mailing non ciblé : Le e-mailing non ciblé, est celui envoyé à différents internautes choisi au hasard. Par ailleurs, l’emailing est soit réalisé par les entreprises dans le cadre de leur activité principale, soit sous-traité par des entreprises spécialisées. Exemple de sociétés tunisiennes spécialisées en emailing : - e-Direct Tunisie est une société spécialisée dans l'mailing. Ou encore, - technetstudio.net La question que nous nous posons est la suivante : La société d’emailing est elle obligée de vérifier la conformité du contenu des messages ou publicités diffusés ? En France, il existe un texte spécial qui régie le régime de responsabilité des acteurs de l’Internet, c’est la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Parmi ces acteurs ; les hébergeurs du site, fournisseurs d’accès, éditeurs du site, ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller le contenu des informations2. Cependant, il n’en demeure pas moins que la responsabilité de ces personnes peut être engagée, et ce, en se basant sur la présomption simple (admet la preuve contraire) qui engage la responsabilité solidaire des professionnels (hébergeurs) en cas de vente de produits contrefaits sur le site. La charge de prouver la bonne foi incombe donc aux professionnels. 2 Régis Fabre, « Droit de la publicité et de la promotion des ventes », édition Dalloz, p. 525 et s. 6 c - Les blogs : Un blog est un journal personnel ou un carnet de voyage disponible sur le web. Sa mise à jour (blogging), normalement quotidienne, est effectuée par un utilisateur (blogger) n'ayant pas forcément un profil technique. Des logiciels (Blogger, Movabletype, Ublog...), accessibles via le web, permettent de créer et de maintenir facilement le blog. Les informations postées sur le blog sont présentées dans l'ordre chronologique inverse. Sites personnels à l'origine, les blogs sont de plus en plus nombreux (plusieurs millions) et sophistiqués, a tel point qu'ils font leur apparition dans le monde de l'Entreprise. La question qui se pose est la suivante : un blog peut il porter atteinte au droit des marques ? En effet, un blog peut porter atteinte au droit des marques si un blogger publie par exemple une photo ou image d’un article contrefait et l’expose à la vente (…). d - Les annuaires d’Internet : Un annuaire Web ou répertoire Web ou annuaire Internet ou répertoire Internet est un site Web proposant une liste classée de sites Web. Rien n’empêche ces sites de contenir des adresses ou sites web proposant à la vente des produits contrefaits. e - Les jeux en ligne : Peuvent causer un réel préjudice au droit des marques, et ce par les flashs publicitaires envoyés par l’un des joueurs en ligne ou par les joueurs. Cette publicité est préjudiciable si elle porte notamment sur un produit contrefait. L’exemple de la PlayStation III, cette console de jeux met en ligne et à l’instant « T » multiples joueurs à la fois, ces joueurs en ligne sont une proie facile pour les contrefacteurs (...). 1.2 - La vente sur support virtuel interactif Cette catégorie regroupe les différents sites opérant une vraie opération d’échanges électroniques à l’exemple des sites commerciaux (a) et des sites aux enchères (b). a- Les sites ou web marchands/commerciaux Les sites marchands ou sites commerciaux « c’est des sites proposant la vente de biens ou services au moyen d'un magasin virtuel (site e-commerce) »3. Exemples de sites commerciaux : -www.easycommerce.tn.com , -www.smg.com.tn, Société Magasin Général, le plus ancien et offre aux internautes ces divers modes de paiements : e-dinar, dinar poste, chèque, espèce. -www.souk-el-web.com, -www.tounes.net 3 http://www.dicodunet.com. 7 Les opérations de vente sur ces sites s’effectuent au moyen d’échanges électroniques, d’après la Loi n°2000-83 relative aux échanges et commerce électronique, le Commerce électronique : « c’est les opérations commerciales qui s’effectuent à travers les échanges électroniques ». (Article 2). L'interface multimédia du web est un outil de marketing important et très puissant, mais à travers cet outil, des infractions peuvent s’infiltrer et notamment, en matière de contrefaçon des marques, il suffit de visiter l’un des sites commerciaux existant sur Internet pour se rendre compte de l’ampleur de cette pratique préjudiciable au droit des marques. Citons l’exemple du site Easy Commerce dans lequel on identifie la vente de produits contrefaits : (www.easycommerce.tn.com ), ce site de commerce virtuel tunisien qui propose à la vente divers produits, expose multiples objets contrefaits. Le mode de paiement utilisé par ce site est « à la livraison », l’intérêt de l’utilisation de ce mode de paiement, c’est qu’il rend difficile la localisation physique du contrefacteur. b - Les sites de vente aux enchères Le site d’enchères, est « un Site Web qui propose un service en ligne de vente aux enchères, dans lequel plusieurs internautes sont en concurrence pour l’acquisition d’un même bien, finalement attribué au plus offrant »4. Exemples de sites aux enchères : Sites tunisiens : www.ballouchi.com , www.Echribay.com , www.Moncefbay.com Sites étrangers : www.ebay.fr , www.aucland.fr Lorsqu’un internaute veut faire une offre pour un produit, il lui suffit de s’inscrire à la vente aux enchères en entrant son numéro de carte de crédit, son nom d’utilisateur et son mot de passe préalablement défini sur un formulaire en ligne, sécurisé avec le protocole SSL∗. D’autres termes sont utilisés pour désigner ce type de sites : vente aux enchères en ligne, enchères sur Internet, encan en ligne, etc. Les enchères sur Internet sont donc, un service en ligne où les utilisateurs peuvent offrir une liste d’articles qu’ils veulent vendre et enchérir pour des articles. Par ailleurs, un bon nombre de vendeurs dans les enchères sur Internet sont des particuliers. Il existe différents types de vente sur les sites de ventes aux enchères sur l’Internet. Certains sont des ventes du genre vente aux enchères qui impliquent enchérir pour un article. D’autres tels que « Buy-it-now » sur des sites tunisiens, tels que Ballouchi.com, echribay5 ou Moncefbay.com6, ne sont aucunement des ventes aux enchères, sur ces sites la méthode classique de la vente aux enchères n’est pas appliquée, il n’y a pas d’enchérissement pour un produit, l’acquisition d’un produit ne dépend pas du plus offrant, ou plutôt, il n’y a même pas de mise à prix. Exemple : dans le site www.moncefbay.com, où toute une rubrique a été réservée à la vente de produits contrefaits, on remarque l’absence de tout enchérissement pour un produit. Sur le plan national, aucune définition n’a été attribuée aux ventes aux enchères, mais dans la 4 www.lemedialab.com. SSL : Protocole assurant une transmission sécurisée de données sur un site web. Développé à l'origine par la société Netscape Communications pour son navigateur, le protocole SSL est destiné au cryptage des données. Il permet de vérifier l'authentification,... 5 Ce site tunisien de vente aux enchères sur Internet est une vraie source de contrefaçon de marques. 6 Sur ce site, toute une rubrique a été réservée à la vente de produits contrefaits. Voir Annexe 1. ∗ 8 pratique la vente aux enchères est couramment utilisée et constitue une vraie coutume commerciale dans la vente de quelques produits, connue sous la dénomination « Dléla ». 2/ les modes de paiement électroniques : une limite à l’achat sur Internet (pour les nationaux) Le moyen de paiement électronique, c’est le moyen qui permet à son titulaire d’effectuer les opérations de paiement direct à distance à travers les réseaux publics des télécommunications. (Article 2, loi n°2000-83 relative aux échanges et commerce électronique). Mais pourquoi ces modes de paiements limitent-ils l’achat sur Internet pour les nationaux ? En effet, en Tunisie les effets de la contrefaçon sur Internet ou grâce à Internet sont pour l’instant limités, et ce, d’une part à cause de la timide évolution de l’utilisation des moyens de paiement en ligne dans notre pays (2.1) et d’autre part à cause des limites imposées par la loi des changes, notamment concernant le paiement sur les sites étrangers et où le paiement se fait en devises (2.2). 2.1 -Moyens de paiement locaux Le paiement sur les sites tunisiens se fait à travers ces modes de paiements : -Les cartes e-DINAR. : Le Dinar Electronique est un porte-monnaie électronique sécurisé conçu sous forme de carte prépayée rechargeable par plusieurs moyens. La carte e-DINAR UNIVERSEL est une carte polyvalente qui peut être utilisée pour payer sur Internet, retirer de l’argent sur les DAB et effectuer les règlements auprès des commerçants équipés de TPE. -Les cartes bancaires de la Poste VISA Electron Les modes concernent notamment les résidents7. 7 La loi n° 76-18 du 21 janvier 1976, portant refonte et codification de la législation des changes et du commerce extérieur régissant les relations entre la Tunisie et les pays étrangers, fait une distinction fondamentale entre les résidents en Tunisie et les non-résidents pour la définition du régime des relations financières de la Tunisie avec l'étranger. L'article 5 de la loi n° 76-18 susvisée définit la notion de résidence comme suit : On entend par : Résidents : Les personnes physiques ayant leur résidence habituelle en Tunisie et les personnes morales tunisiennes ou étrangères pour leurs établissements en Tunisie. Précisément : o o o o Les personnes morales tunisiennes ou étrangères pour leurs établissements en Tunisie. Les personnes physiques de nationalité tunisienne domiciliées en Tunisie. Les fonctionnaires tunisiens en poste à l'étranger quelle que soit la durée de leur séjour. Les personnes physiques de nationalité étrangère domiciliées en Tunisie depuis plus de deux ans et y possédant le centre de leurs activités. Ces personnes perdent leur qualité de résident dès leur départ définitif de Tunisie Non-résidents : Les personnes physiques ayant leur résidence habituelle à l'étranger et les personnes morales tunisiennes ou étrangères pour leurs établissements à l'étranger. 9 Les premiers sites de vente via Internet font leur apparition en Tunisie. L'un des principaux sites est celui de Magasin Général, leader des grandes surfaces en Tunisie et société cotée à la Bourse de Tunis. Il y a aussi Souk el Web, Raken,... La création d'un porte-monnaie virtuel appelé "carte e-dinar universelle" pourrait contribuer au développement de l'e-commerce. L'un des premiers à utiliser ce système était la Poste tunisienne et son service Fleurs de la Poste. Magasin Général contribue également au développement en acceptant le paiement en ligne par la carte e-dinar8. Quant aux non-résidents, l’opération de vente sur Internet est assimilée à une opération d’exportation, ce qui implique notamment l’achat en devises9. 2.2 -Moyens de paiement internationaux Pour les nationaux l’achat sur les sites Internationaux se fait à travers ces moyens de paiement : -Les cartes VISA International -Les cartes Mastercard International . Mais l’achat sur le plan international et à travers les sites étrangers n’est pas chose accessible à tous les internautes. En effet, l’achat sur ces sites internationaux doit se faire au moyen de devises, et donc le paiement en devises implique nécessairement que l’acheteur dispose de compte en devises. Mais les dispositions du code des changes limitent les bénéficiaires d’un compte en devises10. En Tunisie, un site de paiement en ligne des factures est disponible (www.fatouranet.poste.tn) permet de consulter et de payer les factures d’eau, d’électricité, de téléphone… B/ L’usage frauduleux d’un nom de domaine: Le nom de domaine est défini comme étant « le nom du site »11, il peut correspondre au nom d’une société ou d’une marque. C’est un signe distinctif qui répond à certains critères juridiques et ne peut être réservé que s’il est disponible. La jurisprudence française assimile le nom de domaine à une marque et en tire les conséquences de son régime juridique. En Tunisie, c’est l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) crée en mars 1996 qui est responsable de la gestion et de l’enregistrement des noms de domaines sous le domaine TN. Opérant sous la tutelle du Ministère des Technologies de la Communication et du Transport, parmi les missions de l'ATI : La gestion et l'enregistrement des noms de domaines sous le domaine TN. Par ailleurs, aucune définition n’a été attribuée au nom de domaine par le législateur tunisien. Pour ce qui est de l'enregistrement d'un nom de domaine de la zone « .com », il convient de contacter l'INTERNIC, géré aux Etats-Unis par une organisation appelée Network Solutions Incorporation (N.S.I). Les noms de domaines occupent une place importante en matière de contrefaçon sur Internet. 8 http://www.laposte-export-solutions.com Voir doit des changes. 10 Ibid. 11 www.dicodunet.com 9 10 En effet, le nom de domaine est considéré comme étant un acteur principal, parmi d’autres, dans le processus de la contrefaçon des marques sur Internet. Noms de domaines et marques sont souvent confronté à des situations de conflits (1) et subissent parfois les mêmes infractions, ou plutôt, les mêmes atteintes (2). 1 - conflit entre nom de domaine et marque L’acquisition de nom de domaine par la règle ¨ du premier arrivé, premier servi ¨ est source de conflit entre nom de domaine et marque. Des noms de domaines disponibles correspondent souvent à des marques notoires et sont souvent la cible d’appropriation illégale. -La règle de la spécialité est appliquée pour résoudre le conflit entre marque et nom de domaine lorsque les produits et services sont distincts. Ainsi, la chambre commerciale de la cour de cassation de Paris, arrêt du 7 juin 2006 → a annoncé que la marque est contrefaite par un nom de domaine identique, si les produits ou services en cause sont similaires ou identiques. -La marque notoire exerçant dans le même secteur d’activité a amené le : TGI de Paris, jugement du 7 juin 2006 → a invoquer les agissements parasitaires portant atteinte au droit fondé sur l’article 6 bis de la convention de Paris . - La reproduction par un nom de domaine d’un signe possédant un droit antérieur : est un agissement parasitaire : le TGI de Paris dans un jugement rendu le 28 juin 2006. → rappelle qu’un nom de domaine reproduisant un signe, possédant un droit antérieur, est constitutif d’agissements parasitaires. 2-Les différentes formes d’atteintes au du nom de domaine : Le droit des marques connaît différentes formes d’atteintes à travers celles engendrées au nom de domaine. En effet, ces atteintes au nom de domaine causent un dommage direct aux marques. Parmi les formes d’atteintes au nom de domaine, nous citons : - Homonymie : une autre personne (physique ou morale) a déposé une marque similaire mais dans d'autres classes de produits. Il dispose des mêmes droits pour utiliser le nom de domaine correspondant en classes différentes mais en fait usage similaire. La restitution de nom de domaine se confronte au principe de la spécialité. - Patronymie : une personne physique a déposé le nom de domaine correspondant à son nom (Mr Pasteur - et non l'institut - a déposé pasteur.net) qui est le même qu’une marque antérieure. - Cybersquattage (ou piratage ou contrefaçon ou grabbing) : le fait d'enregistrer un nom de domaine sans en avoir le droit. Les deux cas de cybersquatteurs ou " pirates " les plus fréquents sont : - le cybersquatteur délibéré : enregistre des noms de domaine dans le but de nuire à autrui (déposer le nom d'un concurrent qui ne l'a pas encore fait, déposer le nom proche 11 d'une société afin de détourner le trafic de son site ou espérer lui revendre très cher un jour). Il s'agit souvent d'un maître chanteur. - le cybersquatteur de bonne foi : enregistre des noms de domaine qui lui plaisent sans se soucier du droit des marques (et souvent sans savoir que les noms de domaine et les noms de marques peuvent être liés). La bonne foi est inopérante devant le juge lorsqu'il s'agit de récupérer le nom cybersquatté. - L’usage des balises méta : dans ce cas, le webmaster d’un site peut reproduire dans le code source dudit site des marques sans rapport avec le contenu réel du site pour en augmenter la fréquentation et créer une confusion dans l’esprit du consommateur entre les sociétés et/ou leurs produits, étant précisé que les balises méta sont invisibles aux internautes. - "Position squatting" : Cette pratique peut se définir comme l’appropriation du signe distinctif d’un tiers dans un mot clé auprès de sites fournisseurs d’outils de recherche, afin d’être référencé de manière plus efficace que ses concurrents. - Le phishing / Hameçonnage/ filoutage : « c’est une technique de fraude visant à obtenir des informations confidentielles, telles que des mots de passe ou des numéros de cartes de crédit, au moyen de messages ou de sites usurpant l’identité d’institutions financières ou d’entreprises commerciales »12. Une attaque de phishing "réussie" implique de tromper l'utilisateur. Et pour que la tromperie soit parfaite, l'auteur doit contrefaire les éléments protégés du site visé. 12 www.juriscom.net, « le phishing dans les mailles du filet de la contrefaçon de marque ». 12 II – Les procédures assurant la protection des marques sur Internet Lorsqu’il y a atteinte à une marque lors d’une opération de vente sur Internet, il y a lieu de réunir la preuve de cet acte (A) pour ensuite engager une procédure judiciaire permettant de mettre fin à l’acte incriminé et d’obtenir réparation du préjudice (B). A – La preuve de la contrefaçon de marque commise sur Internet La contrefaçon est un fait juridique qui peut être prouvé par tous les moyens, cependant, s’agissant d’un fait commis sur un outil virtuel, la preuve par le droit commun semble être limitée (a), le recours à la saisie contrefaçon prévue par un texte spécial parait plus adaptée (b). a – La preuve par le droit commun Sur Internet la preuve par les moyens ordinaires est difficile car c’est un lieu nouveau que le droit classique n’a pas traité. Il est parfois difficile de trouver le responsable parmi les différents acteurs présents sur la toile. Les moyens de l’article 427 du COC qui sont l’aveu de la partie, la preuve littérale ou écrite, la preuve testimoniale, la présomption et le serment et le refus de le prêter. Tous ces différents instruments nous semblent inadéquats pour la preuve de la contrefaçon sur Internet. De ce fait, le recours au constat d’huissier de justice, tel que règlementé par la loi n°29-1995 du 13 mars 1995 relative à l’organisation de la profession des huissiers de justice, est un moyen rapide permettant l’établissement de la preuve de l’atteinte aux droits du titulaire d’une marque. L’huissier va dans son constat décrire l’acte de contrefaçon. Mais le constat lui-même présente une spécificité par rapport à la preuve ordinaire à savoir qu’il est fait sur un support virtuel. Cet environnement va poser le problème de la description à savoir qu’il va décrire ou constater des faits virtuels. Le constat de l’huissier réalisé sur Internet est confronté à des contrainte techniques, à cet effet, et pour accentuer sa force probatoire, la jurisprudence française estime qu’il doit respecter trois diligences techniques pour être juridiquement recevable à savoir, d’abord, le cheminement adopté par l’huissier pour accéder aux pages litigieuses doit être celui utilisé par n’importe quel internaute, ensuite, les pages visualisées doivent impérativement être matérialisées, et enfin, les caches de l’ordinateur utilisé pour l’établissement du constat doivent être vidées pour éviter que l’huissier ne constate plusieurs fois la même page. C’est dans ce sens qu’a statué la 3ème chambre du tribunal de grande instance de Paris dans sa décision du 4 mars 2003. Le constat de l’huissier de justice même s’il peut constituer une preuve de la vente de contrefaçon, ses effets restent toujours limités par rapport à la saisie contrefaçon qui demeure le meilleur moyen de preuve de la vente de contrefaçon sur Internet. 13 b – La saisie contrefaçon La loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection des marques de fabrique de commerce et de services a apporté un moyen spécifique de preuve de la contrefaçon à savoir la saisie contrefaçon. Cette saisie peut se faire soit par la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit par la saisie réelle des produits ou des services qu’elle prétend marqués, offerts à la vente, livrés ou fournis à son préjudice ou en violation de ses droits. La saisie a pour objet de faire constater l’atteinte à une marque : il s’agit en temps normal d’un procès verbal accompagné éventuellement d’échantillons. Mais sur Internet il est difficile voir impossible d’avoir un échantillon car l’infraction est commise sur des sites virtuels et non pas dans des endroits physiques. La saisie réelle de l’article 50 ne peut pas s’appliquer à notre égard à la vente de contrefaçon sur Internet car pour saisir les produits ou services il faut que le propriétaire du site soit connu ou que le site soit répertorié en Tunisie afin de pouvoir collecter des informations concernant son éditeur et éventuellement saisir les produits ou services contrefaisants. De ce qui précède, il parait que la saisie description sans prélèvement d’échantillons soit la plus adéquate pour ce genre de lieu virtuel. Elle peut être réalisée en tout lieu. Ici, il s’agit d’un lieu virtuel par opposition à lieu physique et la saisie-description se fait généralement à l’aide de capture d’écran. Sur le plan pratique, il s’agit d’obtenir un ordre du juge qui désigne un huissier de justice et un expert en propriété industrielle pour effectuer la saisie contrefaçon. Tout en se conformant à l’article 50 de la loi de 2001 relative aux marques, la saisie descriptive peut être faite par différents procédés certes nouveaux par rapport au droit et à la jurisprudence tunisienne qui peuvent être soit la capture d’écran et/ou impression, soit la copie de l’image, soit l’enregistrement du son... Il faut dire aussi que dans ce cadre de la saisie contrefaçon, la capture d’écran est une technique suffisante pour prouver la vente du produit contrefait, par ailleurs, dépasser cet aspect technique en aspirant le site a été considéré par la jurisprudence française, dans l’arrêt du TGI de Mulhouse du 25 octobre 2006, comme non valable car elle a apprécié que le fait d’aspirer un site dépassait le cadre du constat qui permet seulement de procéder à des captures d’écran. Mais l’expert en propriété industrielle ne peut pas aller au-delà il doit être assisté par un expert en NTIC qui lui est le mieux habilité à faire ce genre de travail et à l’expert en propriété industrielle de décrire ce qui est présent sur le site incriminé. Sur le plan pratique et devant un cas d’espèce on peut imaginer la demande du titulaire de la marque au juge de désigner un expert en informatique pour accompagner l’expert en propriété industrielle pour que l’opération ait plus de crédibilité et d’efficacité. Enfin peuvent demander une telle mesure : le propriétaire de la marque enregistrée, le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation de la marque et le titulaire d’une demande d’enregistrement. 14 Elle est réalisée en vertu d’une ordonnance du président du Tribunal du ressort duquel elle a eu lieu, par un huissier assisté d’experts de son choix. Dans tous les cas, il faut assigner les défendeurs dans un délai de 15 jours à partir du jour où la saisie ou la description est intervenue, dépassé ce délais la saisie est nulle de plein droit contrairement à l'action qui, quand à elle, reste valable. B – les recours Quand le titulaire d’un produit constate qu’il y a une vente de produits contrefaisant sa marque et que cette atteinte est réelle et nuisible à son égard, il doit intenter une action en justice pour mettre fin à cette atteinte et le cas échéant obtenir réparation du préjudice subi (b). Mais s’agissant d’une infraction commise sur un lieu virtuel il faut avant tout éclaircir la question de la compétence (a). a- Compétence Lorsque le juge est saisi d’une affaire dont les faits se sont déroulés sur Internet, il doit avant tout statuer sur sa compétence territoriale (b) tout comme le titulaire d’une marque avant d’intenter une action en justice, il doit savoir contre qui il va agir (a). 1- Contre qui agir Sur Internet il y a plusieurs protagonistes qui interviennent dans le processus de la contrefaçon on peut les classer en deux catégories à savoir : L’éditeur du site, le titulaire du nom de domaine contrefaisant ou l’acquéreur des mots clés d’une part, et d’autre part les intermédiaires techniques du réseau. - L’éditeur du site, le titulaire du nom de domaine contrefaisant ou l’acquéreur des mots clés (qui sont la même personne) Certes il y a des cas où il est difficile d’identifier les éditeurs de sites contenant des contrefaçons mais on peut engager des procédures qui peuvent être menées par l’ATI ou par des huissiers assistés d’experts tendant à identifier les personnes ayant édité le site contrefaisant, les personnes ayant réservé le nom de domaine du site, surtout si l’enregistrement du nom de domaine s’est fait en Tunisie c'est-à-dire les sites dont le nom de domaine qui finit par « .tn » et ce contrairement aux sites dont le nom de domaine finit par « .com » qui, eux, sont difficilement identifiables. Donc il faut assigner aussi les intermédiaires techniques du réseau afin d’augmenter ses chances. - Les intermédiaires techniques du réseau Le principe est qu’il faut agir contre le responsable du délit à savoir le contrefacteur mais face à ces nouveaux types de délits ce dernier n’est pas à tous les coups identifiable, c’est pourquoi il faut assigner un maximum de personnes afin d’augmenter les chances d’obtenir réparation de son préjudice. • Le premier intermédiaire technique du réseau c’est le fournisseur d’accès à Internet (Planet, Globalnet, Topnet, Hexabyte…). En France la loi du 1er août 2000, modifiant 15 la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication l’a assimilé à un simple transporteur, le soumettant ainsi à une obligation de neutralité. De ce fait, il semble difficile d’engager la responsabilité de ce protagoniste. • Le deuxième intermédiaire technique du réseau c’est le fournisseur d’hébergement (Planet, Globalnet, Topnet, Hexabyte…). En France la même loi dispose à son égard que sa responsabilité ne sera engagée que si, après avoir été saisi par une autorité judiciaire, il n’a pas empêché l’accès au contenu du site en cause. Ainsi en l’absence de saisine par une autorité judiciaire il est difficile d’engager la responsabilité pénale comme civile de ces derniers, (Exemple de jurisprudence Cour d’appel de Versailles, 12ème chambre, section 1, jugement du 10 mars 2005, société Google France/société VIATICUM et société LUTECIEL. Dans ce jugement la cour d’appel a confirmé le jugement du 8 mars 2004, selon lequel le tribunal, après avoir constaté que la société GOOGLE FRANCE avait exécuté mais avec retard l’injonction sous peine d’astreinte contenue dans le précédent jugement, a liquidé l’astreinte à la somme de 14.000 euros et a condamné la société GOOGLE France au paiement d’une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 NCPC, ainsi qu’au dépens). • Le troisième intermédiaire technique du réseau c’est les outils de recherche (Wanadoo, Globalnet/ Google, Yahoo). (Exemple de jurisprudence Cour d’appel de Paris, arrêt du 28 juin 2006, Vuitton/ Google. La cour a considéré que Google doit verser au malletier 300 000 euros de dommages intérêts et 60 000 euros pour les frais de justice. En prononçant une indemnité complémentaire au titre de l’article 700 du NCPC si importante, la cour d’appel s’inscrit ainsi dans une nouvelle tendance judiciaire qui se caractérise par une volonté de se rapprocher de la réalité économique). Ainsi il faut les assigner de sorte que leurs responsabilités soient engagées de façon solidaire et ce pour échapper au problème lié à l’éventuelle insolvabilité de l’éditeur du site contrefaisant ou à la difficulté de son identification. 2- Territorialité Selon les articles 30 et 36 du code des procédures civiles et commerciales, le demandeur peut actionner le défendeur devant le tribunal du lieu de son domicile réel ou élu (art 30) ou, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou également, s’il s’agit d’une infraction pénale, le tribunal du lieu d’arrestation du délinquant (art 36). La contrefaçon étant un délit donc on peut assigner le contrefacteur devant le tribunal du lieu du demandeur comme on peut l’assigner devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit. Mais le juge, avant d’aborder le fond d’un litige, doit vérifier sa compétence matérielle et territoriale, car l’Internet est un lieu virtuel et où la diffusion est mondiale. La jurisprudence de la cour d’appel de Paris en date du 1er mars 2000, a estimé que « lorsqu’une infraction aux droits de propriété industrielle ou un acte de concurrence déloyale a été commis par une diffusion sur le réseau Internet, le fait dommageable se produit en tous lieux où les informations litigieuses ont été mises à la disposition des utilisateurs éventuels du site ». Il faut donc d’une part, pour qu’un juge soit compétent, que la marque contrefaite soit accessible sur le territoire du demandeur. Et, il faut d’autre part que la marque contrefaite ait 16 pour cible le public du demandeur, de façon à ce que la marque reproduite soit adressée aux consommateurs du même demandeur. Ainsi en ce qui concerne la compétence territoriale, il faut que le litige soit rattachable au territoire tunisien, notamment par la simple accessibilité du site en Tunisie. Cela suffit à priori à donner compétence aux juges tunisiens. La jurisprudence française est allé encore plus loin dans un arrêt de la 4ème chambre de la cour d’appel de Paris, le 26 avril 2006, dans l’affaire Normalu/Acet, les juges ont en effet affirmé qu’ « il convient de rechercher et de caractériser, dans chaque cas particulier, un lien suffisant, substantiel ou significatif, entre ces faits ou actes et le dommage allégué ». A ce titre, la compétence des tribunaux français est justifiée par le fait que le titulaire de la marque est de nationalité française. b- L’action judiciaire La contrefaçon est un fait juridique et un délit en même temps. Le titulaire d’une marque contrefaite peut soit intenter une action devant le juge répressif (b), tout comme il peut l’intenter devant le juge civil (a). Enfin, si le juge décide qu’il y a contrefaçon il peut appliquer les sanctions énoncées dans la loi du 17 avril 2001, relative aux marques (c) 1- L’action civile Lorsque les faits incriminés paraissent sérieux et que le juge a été saisi au fond d’une action en contrefaçon (b), le titulaire de la marque peut demander au juge d’interdire temporairement les actes de contrefaçon (a). • L’interdiction provisoire L’objectif de l’interdiction provisoire est d’obtenir une interdiction temporaire sous astreinte des actes de contrefaçon et éviter ainsi l’aggravation d’un éventuel préjudice subi par le titulaire de la marque ou par son licencié exclusif, en attendant que l’affaire soit jugée au fond. La mise en œuvre d’une telle procédure d’urgence requiert que le tribunal ait été saisi au fond d’une action en contrefaçon engagée dans de brefs délais et que celle-ci apparaisse sérieuse. Le législateur tunisien considère que le bref délai ne doit pas dépasser un mois à partir du jour où le propriétaire de la marque ou le licencié a eu connaissance des faits incriminés. En France par contre la jurisprudence considère que ce bref délai peut aller jusqu’à six mois. Il est préférable de faire la procédure en interdiction provisoire dans le cadre da l’action civile car le délai d’un mois institué par le législateur ne suffit pas pour faire l’interdiction provisoire dans l’action pénale dans laquelle les procédures peuvent durer plus que ce délai et de ce fait elle risque de ne pas défendre les intérêts du demandeur d’une telle action et ainsi aggraver le préjudice subi. Les conditions de cette action selon l’article 49 de la loi du 17 avril 2001 sont : - La saisine du juge du fond. 17 - Dans un bref délai à savoir dans un délai de un mois à partir du jour où le propriétaire de la marque ou le licencié a eu connaissance de l’atteinte fondant l’action. - Enfin, l’action doit apparaître sérieuse, ce qui ne signifie pas que la contrefaçon soit établie de manière incontestable, ni qu’il soit nécessaire de prouver le trouble manifestement illicite ou l’absence de contestation sérieuse. Une fois toutes les conditions réunies, l’article 49 dispose que le président du tribunal peut subordonner l’interdiction à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée. Dans ce cadre on peut envisager plusieurs cas de figure tels que la fermeture provisoire du site contrefaisant, l’interdiction de mettre les produits contrefaisants sur le site, la saisine de l’hébergeur afin qu’il bloque l’accès au site… Il faut dire aussi que le plus souvent, par souci d’efficacité, l’interdiction est assortie d’une astreinte. • L’action au fond L’action civile est portée devant les juridictions judiciaires ou répressives. Il y a plusieurs cas de figure qui se présentent lors de l’action civile : • Soit le défendeur est domicilié en Tunisie : le juge tunisien sera compétent pour connaître de l’intégralité du dommage subi du fait de la mise en ligne du site contrefacteur ; et au niveau interne le juge du lieu où aura été dressé le constat établissant la contrefaçon ; • soit le défendeur est domicilié hors de Tunisie mais le fait générateur du dommage est intervenu en Tunisie: le juge tunisien pourra connaître de l’intégralité du litige ; • Soit le défendeur est domicilié hors de Tunisie, le fait générateur du dommage est intervenu hors de Tunisie: le juge tunisien est compétent pour statuer uniquement sur la réparation du dommage subi en Tunisie. L’action est exercée par le titulaire de la marque, ou son licencié exclusif. Cependant toute personne liée par un contrat de licence peut intervenir dans l’instance engagée par une autre partie, pour obtenir réparation de son propre préjudice découlant de la contrefaçon. Il faut aussi envoyer une mise en demeure au(x) défendeur(s), cette dernière a pour but de démontrer la mauvaise foi du protagoniste s’il ne cesse pas par la même les actes de contrefaçon. Cette mise en demeure est considérée comme un préalable à l’action judiciaire. Le cumul de l’action en contrefaçon et de l’action en concurrence déloyale ? Une action en concurrence déloyale pourra dans certains cas s’ajouter à l’action en contrefaçon : lorsque des faits distincts de la contrefaçon constitutifs d’un tel comportement déloyal viendront s’ajouter aux actes de contrefaçon. Ainsi lorsque ces faits dénoteront la volonté de fausser le jeu normal de la concurrence. 18 L’action en concurrence déloyale connexe à l’action en contrefaçon sera portée devant le Tribunal saisi de cette dernière et sera sanctionnée par des dommages et intérêts. 2- L’action pénale Selon les dispositions de l’article 44 de la loi de 2001 l’atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile et pénale de son auteur. Donc la loi de 2001 considère que la contrefaçon de marques est un délit intentionnel qui engage la responsabilité de son auteur. L’action pénale peut être à l’initiative des mêmes personnes que celles qui peuvent déclencher l’action civile. La contrefaçon de marque relève de la compétence du Tribunal correctionnel soit du lieu du domicile ou résidence du contrefacteur soit celui du lieu où l’infraction est commise. Les actes de contrefaçon constitutifs d’une infraction pénale sont restrictivement définis par la loi. En matière pénale, la question de la détermination du juge compétent est liée à la celle de la détermination de la loi applicable. Celle-ci est définie notamment par l’article …du Code Pénal comme ceci Ainsi, dès lors qu’une contrefaçon de marque est commise sur un site Internet accessible en Tunisie, le juge tunisien devrait s’estimer compétent. 3- Sanctions Les sanctions civiles sont prononcées par le Tribunal judiciaire ou le Tribunal correctionnel quand l’action civile a été jointe à l’action pénale. Les sanctions civiles sont tournées vers l’intérêt particulier du propriétaire de la marque qui doit obtenir réparation pour le préjudice lié à la contrefaçon. Les sanctions pénales sont de la compétence exclusive du Tribunal correctionnel. Elles visent à condamner un comportement contraire à l’intérêt général. C’est la loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection des marques de fabrique de commerce et de services qui énonce les sanctions civiles et les sanctions pénales relatives à la contrefaçon de marques. a- Sanctions civiles Il s’agit de réparer le préjudice subi par le titulaire du droit sur la marque et là ce sont les articles 49, 54 et 55 de la loi de 2001 qui nous donnent une idée sur les sanctions possibles sur le plan civil. • La publication intégrale ou par extrait du jugement dans les journaux qu’il désigne ainsi que son affichage dans les lieux qu’il indique notamment aux portes principales des usines ou ateliers du condamné et à la devanture de ses magasins aux frais du condamné. D’après ce texte on peut imaginer la demande au juge de publier les décisions de justice, sur Internet notamment par le biais d’un lien hypertexte. • En cas de condamnation pour infraction aux dispositions des articles 51, 52 et 53 de la loi de 2001, le tribunal peut prononcer la confiscation des produits ainsi que celle des instruments ayant servi à commettre le délit. • Le tribunal peut également prescrire la destruction de ces produits. 19 • L’octroi de dommages et intérêts : à cet égard, le préjudice s’entend de la perte subie (notamment du fait du discrédit résultant de la contrefaçon, de "l’atteinte à la valeur attractive de la marque"...) et du gain manqué (par rapport au bénéfice réalisé par le contrefacteur par exemple, d’où l’intérêt de recourir à la saisie - contrefaçon qui permet d’évaluer le volume de ce bénéfice). Les dommages et intérêts se divisent en la réparation du dommage moral qui est souvent mal perçu par les juges tunisiens qui ne donnent pas réparation sur sa base, et la réparation du dommage matériel qui jusqu’à nos jours n’a pas atteint sa dimension économique en Tunisie. • L’interdiction à titre provisoire, et sous astreinte, la poursuite des actes argués de contrefaçon, ou subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation. b- Sanctions pénales La contrefaçon engage la responsabilité pénale de son auteur et est susceptible d’engager la responsabilité pénale des personnes morales. Ces sanctions sont énumérées dans les articles 51 et 53 de la loi de 2001. • Amende de 5000 à 50 000 dinars. • En cas de récidive pour ce qui est des infractions définies aux articles 51et 52 de la loi de 2001 l’article 53 donne une infraction supplémentaire en la forme d’un emprisonnement de un à six mois qui peut être prononcé outre l’amende qui est portée au double. Concernant les personnes physiques les articles 51 et 53 prévoient : Une sanction de un à six mois d’emprisonnement et de 5000 à 50 000 dinars d’amende, cette peine peut être aggravée en cas de récidive en étant portée au double. Par ailleurs des peines complémentaires peuvent être prononcées, telles que la privation pendant au maximum 5 ans du droit d’élection et d’éligibilité pour les tribunaux du commerce, les chambres du commerce et de l’industrie, des mesures de publicité de la décision, la confiscation des instruments ayant servi à commettre le délit. Concernant les personnes morales on peut penser que les articles 51 et 53 prévoient à l’encontre de ces dernières seulement l’amende tout comme on peut imaginer l’interdiction à titre définitif ou pour une durée limitée d’exercer directement ou indirectement l’activité dans l’exercice de laquelle où à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. 20 Les articles concernant les sanctions dans la loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection des marques de fabrique de commerce et de services. Article 49: Lorsque le tribunal est saisi d’une action en contrefaçon, son président, saisi et statuant en la forme des référés, peut interdire, à titre provisoire, et sous astreinte, la poursuite des actes argués de contrefaçon, ou subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation. On peut empêcher le titulaire du site d’exposer le contenu du site ou le produit contrefait sous astreinte ou bien La demande d’interdiction ou de constitution de garanties n’est admise que si l’action au fond apparaît sérieuse et a été engagée dans un délai d’un mois à compter du jour où le propriétaire de la marque ou le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation a eu connaissance des faits sur lesquels elle est fondée. Le président du tribunal peut subordonner l’interdiction à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée. Article 54: Le tribunal peut, dans tous les cas ordonner, aux frais du condamné, la publication intégrale ou par extrait du jugement dans les journaux qu’il désigne ainsi que son affichage dans les lieux qu’il indique notamment aux portes principales des usines ou ateliers du condamné et à la devanture de ses magasins. Article 55: En cas de condamnation pour infraction aux dispositions des articles 51, 52 et 53 de la présente loi, le tribunal peut prononcer la confiscation des produits ainsi que celle des instruments ayant servi à commettre le délit. Le tribunal peut également prescrire la destruction de ces produits. 21