publi1775 - Lamsade - Université Paris

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publi1775 - Lamsade - Université Paris
OTM : une méthode de transfert des connaissances lors
d’une externalisation informatique
Malika Grim Yefsah *,** — Camille Rosenthal Sabroux * —Michel Grundstein ***
* LAMSADE Université Paris Dauphine
Place du Maréchal de Lattre de Tassigny
75775 Paris Cedex 16
{malika.grim,Camille.rosenthal-sabroux}@dauphine.fr
** INSERM
29 rue Wilhem 75016 Paris
[email protected]
*** Mgconseil
4, rue Anquetil Nogent sur Marne
94130, France
[email protected]
Résumé : En France, les entreprises du secteur public comme celles du secteur privé se
recentrent sur leur cœur de métier et externalisent les métiers supports. Dans cette optique, les
entreprises sont contraintes par des contrats d’externalisation à travailler conjointement avec
des entreprises tierces. Ainsi, échanger, partager, transférer des connaissances interentreprises font partie de leur quotidien. Ces entreprises rencontrent des difficultés lorsqu’il
s’agit de mettre en place des initiatives favorisant le transfert des connaissances d’un
prestataire sortant vers un prestataire entrant, lors de la phase de fin de contrat de
l’externalisation. A partir de ce constat, notre démarche consiste à proposer une
méthodologie, nommée OTM1 en quatre phases, pour conceptualiser le transfert de
connaissances entre deux équipes lors de la fin de contrat de l’externalisation informatique en
nous basant sur les travaux sur de la capacité d’absorption.
Mots clés : Connaissances, capacité d’absorption, Externalisation, Transfert de connaissances
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Outsourcing Transfer Methodology
2
OTM : une méthode pour l’opérationnalisation du
transfert des connaissances lors de l’externalisation du
système d’information
Résumé : En France, les entreprises du secteur public comme celles du secteur privé se
recentrent sur leur cœur de métier et externalisent les métiers supports. Dans cette optique, les
entreprises sont contraintes par des contrats d’externalisation à travailler conjointement avec
des entreprises tierces. Ainsi, échanger, partager, transférer des connaissances interentreprises font partie de leur quotidien. Ces entreprises rencontrent des difficultés lorsqu’il
s’agit de mettre en place des initiatives favorisant le transfert des connaissances d’un
prestataire sortant vers un prestataire entrant, lors de la phase de fin de contrat de
l’externalisation. A partir de ce constat, notre démarche consiste à proposer une
méthodologie, nommée OTM2 en quatre phases, pour conceptualiser le transfert de
connaissances entre deux équipes lors de la fin de contrat de l’externalisation informatique en
nous basant sur les travaux sur de la capacité d’absorption.
Mots clés : Connaissances, capacité d’absorption, Externalisation, Transfert de connaissances
2
Outsourcing Transfer Methodology
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INTRODUCTION
En France, les entreprises du secteur public comme celles du secteur privé se recentrent sur
leur cœur de métier et externalisent les métiers supports. Dans cette optique, les entreprises
sont contraintes par des contrats d’externalisation à travailler conjointement avec des
entreprises tierces. Ces entreprises externalisent leurs services de restauration, d’imprimeries,
de logistiques et même de leur système d’information. Nous nous intéressons à
l’externalisation du système d’information.
En France, selon l’étude Outsourcing Andersen 2005, 65 % des entreprises déclarent y
avoir recours pour une ou plusieurs fonctions (Andersen, 2005). En outre, l’étude Outsourcing
Andersen montre aussi la diversité des fonctions externalisées. Globalement, les services
généraux (95%), les fonctions de distribution/logistique/ transport (83%) et l’informatique et
les télécommunications (73%) sont les catégories les plus souvent externalisées (Andersen,
2005). L’informatique est déjà une fonction souvent externalisée par les entreprises, mais
aussi susceptible d’être externalisée davantage dans un proche avenir.
En France, quelques thèses de doctorat sur l’externalisation informatique ont été faites
(Delmond, 1994; Geyer, 1996; Fimbel, 2001). Dans d’autres pays aussi le sujet de
l’externalisation a éveillé l’intérêt des chercheurs comme (Williamson 1985 ; Stalk et al.
1992 ; Hamel & Prahalad, 1990 ; …).
Ces travaux sur l’externalisation se sont concentrés sur l’étude du processus
d’externalisation et se sont consacrées aux facteurs décisionnels de l’externalisation et les
avantages et inconvénients de cette externalisation.
Notre constat est qu’il y a un manque de travaux concernant l’étape de fin de contrat
d’externalisation qui englobe la réversibilité et la transférabilité.
Plusieurs entreprises rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit de mettre en place des
initiatives favorisant le transfert des connaissances d’un prestataire sortant vers un prestataire
entrant, lors de la phase de fin de contrat de l’externalisation.
Nos travaux s’intéressent à cette phase de fin de contrat d’externalisation, plus
particulièrement, nous étudions le transfert entre plusieurs équipes de prestataires extérieurs.
Pour ce faire, nous avons eu recours à une étude de cas. L’objet étudié est un Etablissement
Public à Caractère Scientifique et Technologique (EPST).
Ce travail se présente tout d’abord au travers d’une revue de littérature sur la notion
d’externalisation informatique (section 1). Nous abordons ensuite différents travaux sur le
transfert de connaissances et la capacité d’absorption (section 2). Puis nous présentons le
terrain de notre recherche, plus précisément la méthodologie proposée et une esquisse de
quelques résultats. (Section 3). Enfin, nous concluons ces travaux en (section 4).
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1. PRINCIPALES DEFINITIONS DU CONCEPT D’EXTERNALISATION
1.1. Définitions
L’externalisation est une opération consistant pour une entreprise à confier à une autre
entreprise une activité qu’elle réalisait jusqu’à présent elle-même.
La politique
d’externalisation consiste ainsi à « faire faire » plutôt que de faire soi-même et en
conséquence à impartir Barreyre, (1968) à d’autres sociétés (fournisseurs) des tâches, des
opérations ou même des fonctions complètes exercées en interne.
Le terme « outsourcing » reflète l'utilisation d'agents externes pour effectuer une ou
plusieurs activités de l'organisation (par exemple, l'achat d'un bien ou service). Ce terme
s'applique à tout de l'utilisation des programmeurs de contrat de gestion à la tierce partie des
installations J.Dibbern,(2004).
L'externalisation du système d’information est définie par plusieurs auteurs:
«… the commissioning of a third party (or a number of third parties) to manage a
client organization's IT assets, people and/or activities (or part thereof) to required
results » Fitzgerald & Willcocks, (1994, p. 92)
«…business practice in which a company contracts all or part of its information
systems operations to one or more outside information service suppliers » Hu et al.,
(1997, p. 288)
«…l’externalisation est le fait de confier à un prestataire extérieur une activité
autrefois réalisée en interne. » Barthélemy, (2000).
D’après Fimbel, (2002) «l’externalisation est un processus par lequel une entreprise
confie à un prestataire extérieur la responsabilité de la gestion d’un domaine (ou d’une
fonction) qu’elle-même assumait auparavant directement en interne au moyen d’une
combinaison spécifique de ressources propres »
De ces différentes définitions, nous retenons que le concept d’externalisation comprend
quelques éléments principaux :
5
-
L’externalisation se conclue avec un tiers : L’externalisation implique une relation
contractuelle entre l’organisation procédant à l’externalisation et le prestataire externe;
- La fonction (l’activité) externalisée a été faite en interne par l’organisation ;
-
L’externalisation donne lieu au transfert de l’intérieur vers l’extérieur. Quant aux
éléments transférés, ils peuvent être des équipements, des services, ou du personnel. Ils
diffèrent selon le besoin de l’organisation.
1.2. Processus d’externalisation
La revue des travaux de recherches existants nous montre qu’il existe de nombreux types
de sujets de recherche relatifs à l’externalisation informatique et ces travaux ont décrits le
processus d’externalisation informatique. Nous avons relevé, dans l’état de l’art, trois
processus d’externalisation. Le Processus d’externalisation informatique de Chaudhury & al.
(1995), le Processus d’externalisation informatique de Fimbel (2001) et le Processus
d’externalisation informatique de J.Dibbern & al. (2004).
Le processus de Chaudhury est composé de six étapes :
- Première étape : faire un choix entre l’internalisation et l’externalisation
- Deuxième étape : décider de l’étendue de l’externalisation
- Troisième étape : préparer une liste des prestataires potentiels
- Quatrième étape : évaluer les prestataires potentiels
- Cinquième étape : lancer des appels d’offres et analyser les réponses
- Sixième étape : choisir un prestataire
Le processus de Fimbel décrit le processus d’externalisation en trois phases principales:
phase pré-décisionnelle, phase de mise en œuvre et phase de fonctionnement-exploitation.
Chacune des phases est composée d’étapes. Au total, dix étapes ont été décrites.
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Par rapport au processus proposé par Chaudhury, Nam et Rao (1995), l’étendue de celui
proposé par Fimbel (2001) est plus vaste. Dans ce processus, premièrement dans la phase prédécisionnelle, l’auteur précise les facteurs que l’organisation doit prendre en compte et
évaluer. Deuxièmement, dans la phase de mise en œuvre, en plus du choix du prestataire, il
traite tout ce qui est relatif à l’élaboration du contrat et à la préparation de l’opération
formelle. En fin, dans ce dernier processus, la phase de fonctionnement-exploitation est prise
en compte, or elle a été ignorée totalement dans le processus proposé par Chaudhury & al.
Dibbern & al (2004) décrit le processus d’externalisation en deux phases, englobant les
trois phases du processus de Fimbel. En plus, il développe l’étape d’évaluation de
l’externalisation (types de succès, les indicateurs de succès). Cependant, ce processus ne traite
pas la phase de fin de contrat de l’externalisation.
1.3. Externalisation du système d’information au sein des EPST
En France, un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) est
une catégorie particulière d'établissements publics dont les statuts sont fixés par la loi n° 82610 du 15 juillet 1982 d’orientation et de programmation pour la recherche et le
développement technologique. Il existe huit (08) EPST, actuellement en France.
Les EPST sont composés d’une direction déléguée à la recherche et d’une direction
déléguée à l’administration. La recherche est le cœur de métier de tout EPST, elle est gérée
par la première direction. Les métiers supports, comme les ressources humaines, les finances,
la gestion des systèmes d’information sont gérés par la direction chargée de l’administration.
Depuis une dizaine d’années, les EPST se concentrent sur leur cœur de métier, à savoir la
recherche, et externalisent les métiers support à la recherche. Le métier de la Direction des
Systèmes d'Information (DSI) est pour le moment est le premier externalisé ou sous-traité.
Le rôle de la DSI concerne principalement la conception et le développement de nouvelles
applications et de nouveaux outils ou logiciels. L’évolution de la politique de l’établissement
les amène donc à gérer de plus en plus de projets informatiques externalisés Willcocks, al
(1998), Hirschheim, al (200) Un projet informatique externalisé regroupe trois partenaires :
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deux participants internes que sont la DSI et la direction métier “cliente” pour laquelle est
développée l’application informatique, et la société de service (SSII) à laquelle le projet est
sous-traité (partenaire externe). Cette société est choisie à l’issue d’une procédure de mise en
concurrence. Pour cette mise en concurrence, l’EPST rédige un appel d’offre (cahier des
charges) auquel répondent toutes les sociétés intéressées. La société correspondant le mieux
au cahier des charge (ou proposant la solution la moins onéreuse) est choisie, elle devient
prestataire de services pour l’EPST. Par obligation légale (Loi n˚75-1334 du 31 décembre
1975), l’EPST doit relancer une mise en concurrence au moins tous les trois ans. Cette mise
en concurrence peut donc amener à changer de société prestataire en cours de projet,
impliquant un transfert (de code, documentation et connaissance) de l’équipe prestataire
sortante vers l’équipe prestataire entrante. Ce transfert est une des phases de la gestion d’un
projet externalisé.
Figure 1: Processus de gestion de projet externalisé dans un EPST[Source Malika GRIM 2009]
2. TRANSFERT DES CONNAISSANCES
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2.1. Transfert
Le transfert des connaissances est une démarche active et intentionnelle de la part des
acteurs, contributeur et adoptant, car les connaissances ne sont pas tout simplement reçues par
l’adoptant, mais aussi construites de façon cognitive et sociale Tardif, (1992).
Le transfert des connaissances est le résultat d’une interaction entre la compréhension,
l’expérience et le contexte Argote et Ingram, (2000).
Davenport and Prusak (1998) définissent le transfert de connaissances comme suit:
Transfer = Transmission + Absorption and Use
Notre constat est que le transfert de connaissances considéré par les entreprises est loin des
définitions trouvées dans la littérature.
2.2. Capacité d’absorption
Selon Cohen & Levin, la capacité d’absorption réfère à la capacité à apprendre et à utiliser
de nouveaux savoirs. La capacité d’absorption renvoie à l’ensemble des capacités
d’apprentissage d’un individu. Plusieurs conditions doivent être réunies pour favoriser
l’absorption des nouvelles connaissances, leur appropriation, mais avant tout,
leur
identification. Le niveau de connaissance initiale existante Cohen et Levinthal, (1990) et
l’interaction avec
l’environnement sont des sources de consolidation des capacités
d’absorption. Ainsi, ils considèrent la capacité d’absorption comme un processus qui se
compose de trois phases principales : Reconnaître, Assimiler et appliquer, « …An ability to
recognise the value of new information, assimilate it, and apply it to commercial ends »
Cohen et Levinthal, (1990, p.128). La figure ci-dessous résume ce processus
d’opérationnalisation de la capacité d’absorption.
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Figure 2:Processus d'opérationnalisation de la capacité d'absorption selon Cohen et Levinthal 1990
La relation avec le transfert des connaissances et la capacité d’absorption est la suivante:
plus un individu a de connaissances et d’expériences antérieures dans un domaine spécifique,
plus il peut en acquérir de nouvelles de manière aisée et efficace. De plus, la capacité
d’absorption facilite la communication et la compréhension de savoirs pertinents. En retour,
ceci permet au récepteur de ces savoirs d’évaluer, d’assimiler et d’intérioriser le savoir
transféré de façon plus efficace.
En partant de tous les concepts mis en évidence plus haut, il est primordial de mettre en
place un cadre de référence, une démarche pour conceptualiser le transfert de connaissances
entre deux équipes lors de la fin de contrat de l’externalisation informatique.
3. L’ÉTUDE EMPIRIQUE
3.1. Le transfert des connaissances lors de l’externalisation de système d’information
dans un EPST
Le transfert de connaissances, lors de l’externalisation du système d’information dans les
EPST, est considéré comme le processus par lequel un ensemble de documents technicofonctionnels est communiqué, pendant une certaine période de temps, à travers différents
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canaux de communication tels les médias (sites internet de partage sécurisé, courriels) et des
réunions de travail.
Cette phase dans le processus d’externalisation vise à rendre les supports de connaissances
accessibles aux utilisateurs potentiels, à savoir l’équipe entrante.
Lors de la première sous-traitance d’un projet de système d’information, l’équipe interne
(équipe EPST) transfère un certains nombre de documents et forme le prestataire au fur et à
mesure de la période d’initialisation.
Au premier changement de prestataire, l’équipe du prestataire sortante, en respectant la
phase de transfert entre prestataires du processus d’externalisation, transfère un ensemble de
documents du projet avec l’équipe entrante et cela sous vingt (20) jours ouvrés.
Sortant
Entrant
Figure 3: Transfert de connaissances entre les équipes entrante et sortante dans une DSI d'un EPST
Après la prise en main du projet par l’équipe entrante, il s’avère que la nouvelle équipe est
moins compétente. Or la sélection de la nouvelle équipe s’est basée sur :
• Connaissances et expériences du prestataire : Les équipes des EPST choisissent un
prestataire informatique qui maîtrise les technologies avancées et qui possède une grande
expérience. Ces deux critères sont du plus haut intérêt
parce qu’ils permettent aux
organisations externalisatrices de résoudre leurs problèmes et de satisfaire leurs besoins en
matière informatique.
• Qualité de service du prestataire : La qualité des services offerts par le prestataire
informatique est aussi prise en compte par les équipes des EPST. Les organisations recourant
à l’externalisation souhaitent obtenir des services informatiques de qualité, et en temps voulu.
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Le constat aujourd’hui est ‘la perte de compétences’ des équipes entrantes lors du
changement cyclique de la tierce maintenance applicative.
Les organisations recourant à l’externalisation souhaitent bénéficier des technologies les
plus avancées et de l’expérience des prestataires (Gupta et Gupta, 1992). Ainsi, lorsque les
EPST externalisent
la conception, développement et maintenance de leurs systèmes
d’informations s’attendent à avoir un partenaire le plus compétent possible. Cependant, à
chaque changement de prestataire, il y a environ six mois de perdu pour une prise en main
effective.
Notre problématique est comment s’assurer que le transfert de connaissances entre les
équipes entrante et sortante est efficace ?
3.2. Méthodologie Proposée
En nous appuyons sur la définition de
processus de transfert de connaissances de
Davenport and Prusak (1998) et sur le concept de la capacité d’absorption de Cohen & Levin
(1990), nous considérons le transfert de connaissances comme un processus actif et interactif
entre les expéditeurs et les récepteurs. Nous attachons une grande importance à la capacité
d’absirption. Nous avons élaboré une ébauche de méthode en quatre étapes.
Capacité absorptive
Sortant
Figure 4: OTM, Opérationnalisation du processus de transfert de connaissances
Entrant
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Notre méthodologie se base sur une démarche pour le management des activités de la
phase de fin de contrat du processus externalisation informatique. OTM
est méthode
destinée à pallier les problèmes rencontrés jusqu’ à présent par les entreprises et amplifier
l'utilisation et la création des connaissances dans les entreprises et inter entreprises.
OTM
Repérage des
connaissances
cruciales
Présentation des
équipes
Phase de transfert de
connaissances
Transmission
Phase
d’absorption
Reconnaître
Conversion de
connaissances
Socialisation (T)
Comprendre
Les documents
et le SIN3 ont
été transmis
Préservation des
connaissances
Session de
formation
Absorption
Comprendre
Extériorisation (T+ E)
Assimiler
Intériorisation (T+E)
Présentation des
documents /
Discussion
Partage des
connaissances
Revue des
anomalies et des
problèmes
rencontrés
utilisation
Appliquer
Combinaison (E)
Evaluation
Initialisation de
la nouvelle
équipe
Evaluation de
l’utilisation
Evaluation de
l’application
Intériorisation (T+E)
Tableau 1: Les étapes de la méthode OTM
Etape de Repérage de connaissances cruciales : concerne les problèmes liés au repérage des
connaissances cruciales, c'est-à-dire les savoirs (connaissances explicites) et les savoir-faire
(connaissances tacites) qui sont nécessaires au processus de transfert et à son bon
déroulement. Il faut identifier les connaissances, les localiser, les caractériser, en faire des
cartographies. Commencer par présenter les équipes. Rappelons que transmettre
ses
connaissances présuppose avant tout que se construise et se développe une interaction, un lien
social de qualité entre des individus (Kram, 1986; Rowley, 1997).
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Etape de Préservation des connaissances : concerne les problèmes liés à la préservation
des connaissances : il faut les acquérir auprès des équipes sortante et interne ; porteuses de
connaissances, les modéliser, les formaliser et les conserver. Autrement dit que les membres
des équipes ; sortante ainsi que ceux de l’équipe interne à l’entreprise, s’impliquent dans la
présentation des documents et des problématiques traitées sous forme de sessions de
formation.
Etape de Partage de connaissances : concerne les problèmes liés au partage, exploitation,
combinaison des connaissances par la nouvelle équipe entrante. Il faut mettre en place de
dispositifs organisationnels, physiques ou virtuels, favorisant les interactions entre les
équipes.
Etape d’évaluation : concerne la mise en place de dispositifs d’évaluation de l’équipe
entrante afin de préparer son intégration dans le projet. Dans cette étape, notre objectif est la
mesure de la qualité de l’échange des documents écrits durant la phase de transfert. Comme
cette phase implique des acteurs ayant une expérience conséquente dans leur métier, nous
considérons que (Hypothèse Hdoc) les documents sont de bonne qualité au sens classique
c’est-à-dire bien écrits (bien structurés et clairs) et porteurs d’informations correctes.
3.3. Une métrique d’évaluation
Lors de ce transfert des connaissances, les membres des équipes sortante et entrante
échangent des connaissances. Chaque individu de l’équipe sortante est porteur de ses
connaissances individuelles. Ces connaissances sont tacites, explicitables ou non.
Ces
connaissances tacites ou explicites de chaque membre de l’équipe sortante doivent être
partagées avec les personnes de l’équipe entrante. Ce transfert de connaissances porte sur trois
dimensions distinctes, à savoir, techniques, fonctionnelles et opérationnelles.
Notons maintenant W
l’ensemble des documents (rapports, documents de spécification
fonctionnelles et techniques et autres documentations diverses) écrits par un (des) membre(s)
3
Système d’Information Numérique
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de l’équipe prestataire sortante, la DSI ou la direction cliente durant le projet. Pour chaque
tâche t, notons Wà est une partie de W l’ensemble des documents lus pendant t par l’équipe
prestataire entrante (la nouvelle équipe projet au sens large) qui est constituée par les
personnes vers lesquelles la connaissance doit être transmise. Même si l’information contenue
dans les documents de Wà est correcte (Hypothèse Hdoc), la connaissance qui en résulte,
sujette à l’interprétation de la personne recevant l’information, peut ne pas l’être ou être
incomplète (ce constat s’appuie sur les travaux de Grundstein (2009). Dans ces conditions, si
le lecteur d’un document ne comprend pas le document, ceci est principalement dû à un degré
insuffisant de commensurabilité des schémas d’interprétation du rédacteur et du lecteur.
Ainsi, nous avons proposé une métrique nommée understanding(d). Pour chaque tâche t, pour
chaque document d appartenant à Wà et pour chaque lecteur l de d, le lecteur l définit sur
une échelle de valeurs simple son niveau de compréhension de d (3 : faible compréhension, 2
: compréhension moyenne, 1 : forte compréhension). Pour chaque document, understanding(d
t) est la moyenne des notes données au document d lu pendant t. Plus understanding(d) est
élevée, plus d est difficile à appréhender par les lecteurs et donc plus la perte des
connaissances liées aux informations que d contient risque d’être importante.
Nous avons opté pour une démarche qualitative. Dans un premier temps, l’étude empirique
a été axée sur la détermination de notre échantillon d’étude. Le cas d’étude choisi regroupe,
au sein de la DSI d’un EPST, quatre (04) projets informatique en sous - traitance. Ces projets
ont tous changé de prestataire après trois ans.
Dans le tableau n°2s, ci-dessous, nous dressons les catégories de connaissances mises en
jeu lors de l’étape de transfert entre les deux équipes ; sortante et entrante, ainsi que la
commensurabilité des schémas d’interprétation des membres des équipes pour chaque
catégorie de connaissance, mesurée avec la métrique proposée.
Catégories des
connaissances
Types
Equipe sortante
Equipe entrante
Commensurabilité
15
PAQ
explicite
Architectures
Conception
Explicite
Explicite
Environnement
technique
Logiciels,
algorithmes
explicite
Routines
organisationnel
les
Développement
Tacite
et
collective
Documents des
procédures
techniques
Explicite
/tacite
Routines
individuelles
tacites
Processus
métier
Cahier
des
charges
Documents des
spécifications
générales
et
détaillées
Explicite/taci
te
Explicite
explicite
explicite
Explicite
(tacite
implicite)
Référentiel
INSERM
JAVA J2EE
Diagrammes UML/
MERISE/ Schemas
BDR
Unix,
windows,
3tiers, …
Connaissances
incorporées dans des
modèles
Connaissances
de
l’organisation
du
travail
Norme du génie
logiciel
Dépendent
du
contexte
de
la
rédaction, les étapes
de validation
Connaissances
spécifiques propres à
chaque membre
Familiariser pendant
trois ans
Familiariser pendant
trois ans
Dépendent
du
contexte
Référentiel autre
FAIBLE
JAVA J2EE
Diagrammes
UML/
MERISE/
Schemas
BDR
Unix, windows, 3tiers,
…
Découvrir
les
connaissances
incorporées dans des
modèles
ignore
FORT
FORT
Norme
du
génie
logiciel +
Contexte non connu
Ignore le contexte,
l’historique
MOYEN
ignore
FAIBLE
ignore
FAIBLE
ignore
FAIBLE
Ignore le contexte
FAIBLE
FORT
MOYEN
FAIBLE
FAIBLE
Tableau 2:Catégories de connaissances de l'étape de transfert
L’analyse de ce tableau, nous conduit à mettre en évidence le risque de mauvaise
interprétation des connaissances, à chaque fois que la commensurabilité des schémas
d’interprétation des membres des équipes entrante et sortante est plutôt faible. Il est donc
important d’être très vigilant sur cette dimension en raison du risque de perdre des
connaissances tacites dans cette étape de transfert de connaissances.
L’application de cette méthode pour un cas de transfert de connaissances entre deux
équipes sortante et entrante dans un EPST, nous a démontré que les fréquentes
communications facilitent les interactions entre l’équipe sortante et l’équipe entrante, ce qui
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favorise l’émergence d’une compréhension et d’un contexte commun crucial pour le transfert
du savoir efficace.
4. CONCLUSION
Cette communication
propose une revue de littérature concernant la notion
d’externalisation qui est de plus en plus répandue dans le monde. L’objectif de cette recherche
est de mettre en évidence les phases de ce processus d’externalisation et les travaux en cours.
Pour cela, nous mettons en évidence, d’après la littérature, la décomposition des étapes du
processus d’externalisation proposée par de nombreux auteurs. Nous avons retenu la phase
de fin de contrat qui est une phase qui pose problème et qui n’est pas été traité. Ensuite, nous
proposons une définition de la notion de transfert de connaissances ainsi que la notion de
capacité d’absorption. Nous nous sommes appuyés sur des travaux Cohen, Levinthal, 1990.
Au cours de notre de cas d’étude, nous avons expérimenté la méthodologie OTM. Dans les
quatre étapes, nous avons utilisé les concepts du modèle SECI de Nonaka et Takeuchi et nous
avons montré que la Socialisation: Echanges des connaissances tacites, a permis aux équipes
d’apprendre à travailler ensemble. L’extériorisation: Transformation des connaissances
tacites en connaissances explicites, a permis aux équipes d’apprendre l’une de l’autre.
Grace à la combinaison: Construction partagées des connaissances,
les équipes
construisent ensemble une solution. L’intériorisation: Réutilisation des connaissances, a
permis à l’équipe entrante d’exploiter les connaissances acquises.
La métrique d’évaluation proposée a permis à l’entreprise de faire le point sur la situation
du transfert de connaissances entres deux équipes. Selon les personnes qui se sont prêtées à
cet exercice,
le questionnaire a atteint son objectif. Basé sur le modèle théorique
‘commensurabilité des schémas d’interprétation’, il permet effectivement d’identifier un des
leviers et, par la même occasion, les enjeux reliés au transfert de savoir dans l’entreprise.
Ainsi la
méthodologie de transfert de connaissances proposée dans cet article a été appliquée
dans un établissement public à caractère scientifique et technologique, sur un cas de
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changement cyclique de prestataire. Elle a prouvé son efficacité en tant que moyen
d’identifier, de transmettre et de préserver les deux formes de connaissances, explicite et
tacite.
Certaines limites de ce travail apparaissent. Le caractère expérimental de cette étude ne
permet pas, à ce stade, de consolider les résultats obtenus. Il conviendrait d’élargir nos
champs d’expérimentation.
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