La classe moyenne indienne fait ses emplettes
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La classe moyenne indienne fait ses emplettes
TOPIC Avril 2008 La classe moyenne indienne fait ses emplettes On a lancé bien des chiffres sur la taille supposée de la fameuse Quelle est la taille « classe moyenne » indienne. Beaucoup sont enthousiastes, sinon de pure de la fameuse « classe moyenne » propagande. Y-a-t-il 250 millions de membres des « classes moyennes » (dont 5 millions de « très riches » et 35 millions d’« aisés »), comme les tenants de indienne ? la Shining India l’ont complaisamment propagé ? Rien n’est moins sûr. 50 millions de personnes disposent du pouvoir d’achat d’une « lower middle class » à l’européenne. La notion de « classe moyenne » est un concept éminemment flou. Elle est liée à l’accès à une propriété pérenne (boutique, maison, moto etc.) et/ou à des revenus réguliers, même modestes, qui permettent d’acheter un peu plus que le nécessaire de survie quotidien. Dans ce sens, l’équivalent - en termes de pouvoir d’achat - d’une « lower middle class » à l’européenne peut être estimé à 5% de la population indienne. McKinsey évalue à 50 millions de personnes (ou encore 13 millions de foyers) le nombre actuel d’Indiens ayant des revenus annuels allant de 4.500 à 22.000 USD par an (soit 250 à 1.200€ par mois). En parités de pouvoir d’achat, selon les réévaluations techniques les plus récentes de la Banque mondiale, cette fourchette serait de 13.500 à 65.000 USD (soit de 750 à 3.500€ par mois). En dessous, le « mass market » n’est encore qu’un embryon. En dessous de cette catégorie, il y a l’embryon d’un « mass market » aux revenus moyens (aux standards locaux : attention aux critères des instituts indiens…) qui ont déjà accès à certains produits (210 millions de téléphones portables). Au sommet de la hiérarchie, on touche au grand luxe, avec 53 milliardaires en dollars (les Mittal, les Ambani) et 100.000 millionnaires (350.000 en Chine). Retour aux « vraies » classes moyennes. Il y a déjà 22 millions de cartes de crédit, 46 millions d’internautes en Inde. Et ces chiffres croissent rapidement. McKinsey multiplie par dix son estimation actuelle des « classes moyennes » pour arriver à 580 millions d’Indiens dans cette catégorie… en 2025. Nous verrons. Les jeunes gens, financièrement indépendants, constituent une cible privilégiée pour les entreprises. Les « indies », ces jeunes hommes et femmes âgés de 20 à 25 ans, financièrement indépendants, travaillent dans l’industrie high-tech ou le commerce et n’hésitent pas à dépenser et à consommer. On les estime à près de 8 millions (1,5 millions dans l’informatique). Certaines entreprises axent leur communication et leurs gammes de produits sur cette cible privilégiée. Les jeunes femmes actives, aux postes de dépenses diversifiés (vêtements, chaussures, repas à l’extérieur, téléphone portable ou accessoires), sont particulièrement courtisées, notamment par les bijoutiers. Cette nouvelle génération de consommateurs a des goûts et des comportements consuméristes imités de leurs homologues occidentaux : jeans Levis, parfums, chaussures de sports, vêtements occidentaux, sans oublier les sorties dans les cafés et restaurants à la mode. L’apparition d’une catégorie de consommateurs réguliers ou Plusieurs révolutions sont en potentiels s’accompagne de multiples révolutions dans divers secteurs : le commerce de détail, l’électroménager, l’automobile ou encore les préparation dans technologies de l’information et de la communication. divers secteurs. Le commerce de détail change de visage,… … les nouveaux foyers indiens achètent de l’électroménager, … Le secteur du commerce de détail est en plein chambardement. Les protestations des petites échoppes de quartier (mom-and-pop corner stores) n’empêcheront finalement pas l’évolution inéluctable de la société vers la grande distribution et les centres commerciaux. Les grands joueurs du secteur (Big Bazaar, Pantaloon, Tatas etc.) sont dans les starting blocks. Actuellement, la part de marché des centres commerciaux représente 3% des 330 Md. USD de marché indien du commerce de détail. En comparaison, les centres commerciaux représentent 55% du marché du commerce de détail en Malaisie, 40% en Thaïlande et 20% en Chine. Le potentiel de croissance dans les prochaines années est donc immense, d’autant plus que la nouvelle génération de consommateurs indiens est plus réceptive aux nouveaux formats de consommation, et attend des produits plus élaborés et de meilleure qualité. Les étrangers, bien sûr, surveillent de très près ce secteur. Mais il faudra encore que les licences de distribution multi-produits leur soient ouvertes par le Parlement pour que les Carrefour, WalMart et autre Auchan puissent exercer librement en Inde. Autre secteur en plein essor : l’électroménager. L’augmentation du revenu des ménages, les modifications du comportement et des habitudes culturelles ont donné un coup de pouce aux achats d’appareils électriques. Mais restons lucides : l’Inde revient de loin. Le taux de pénétration dans la société indienne de l’électroménager reste encore bien faible, et sa croissance risque bien de se trouver ralentie par un obstacle majeur : le manque d’énergie disponible, et en particulier les coupures de courant à répétition. Avec 1,5 millions de voitures vendues pour l’année fiscal 2007/2008, l’Inde est encore bien loin derrière la Chine (5,2 millions). Actuellement, seul 9 personnes sur 1000 disposent d’une voiture, contre 254 en Malaisie et 477 au Japon. Les Indiens préfèrent les deux roues, dont les ventes sont quatre … les deux roues fois plus élevées que celles des voitures. Mais le taux de croissance des ventes laissent progressivement la de voitures est prometteur : +13% par an de 2007 à 2012. Les prix à la baisse, grâce à la dérèglementation graduelle du marché automobile et l’entrée place aux d’investisseurs occidentaux, pourraient bien accélérer les ventes. La Nano à voitures,… « one lakh » (100.000 roupies) de Tata Motors, destinée aux classes moyennes indiennes, fera-t-elle grimper les ventes de voitures ? Ce qui est sûr c’est qu’elle viendra congestionner davantage les routes indiennes… … les nouvelles technologies de l’information et de la communication se diffusent. Autre symbole de l’essor de la consommation indienne : les technologies de l’information et de la communication. L’usage du téléphone portable se diffuse rapidement et l’Inde devrait compter en 2012 près de 590 millions d’abonnés (contre 210 actuellement). L’accès à Internet reste encore limité, surtout dans les campagnes. 42 millions d’utilisateurs sont recensés et leur nombre devrait quadrupler dans les cinq prochaines années pour atteindre 148 millions. L’explosion des ventes d’ordinateurs (multipliées par deux en 2007) porte la croissance de ce secteur. Là encore, les « classes moyennes » indiennes – et l’embryon de « mass market » - constituent une cible alléchante pour les entreprises Dans l’informatique, des informatiques, qui se battent à présent pour imposer leurs derniers produits à portables low cost bas coût ! En janvier dernier, HCL Infosystem, un des plus grands fabricants ont même fait leur de PC en Inde, a lancé son ordinateur portable MiLeap à 13.990 roupies (230€), en collaboration avec Intel. L’entreprise taïwanaise Asus s’est aussi apparition. jetée dans la bataille, en sortant deux modèles d’ordinateurs portables pour 14.000 et 18.000 roupies (soit 300€). HP et Dell se préparent d’ores et déjà à entrer dans la compétition. Les promesses de cet eldorado indien ont attiré bon nombre d’entreprises et de multinationales : les IDE vers l’Inde ont atteint lors de l’année fiscale 2007/2008 28 Md. USD (y compris l’immobilier et les Non Mais l’Inde revient Resident Indians). Certaines marques de luxe internationales n’ont pas hésité de loin, et le « mass à s’implanter dans l’un des malls modernes et climatisés qui font leur market » indien se apparition dans les banlieues de quelques grandes villes indiennes. Mais leurs magasins font encore grise mine : les jeunes Indiens y viennent davantage fait attendre… pour s’y promener, admirer ou encore se rafraîchir que pour y faire leurs emplettes. Les entreprises étrangères cherchent à mettre un pied sur ce marché prometteur, tandis que les entreprises indiennes, leaders de leur secteur, s’ingénient à trouver le bon produit pour la bonne catégorie de la population. Et en attendant que le « mass market » indien s’épanouisse, les nouveaux champions indiens se tournent vers d’autres marchés, sous d’autres cieux : nous allons bientôt rouler en Jaguar-Tata ou en Land Rover-Tata, ou encore H.B. ériger des éoliennes Sulzon dans nos champs. Note : une bonne lecture sur l’Inde, L’Inde à l’assaut du monde, d’Eve CHARRIN, Grasset, 2007. Nombre d’abonnés indiens aux opérateurs de téléphonie mobile 590 En Md. 600 500 400 300 210 200 100 0 2001 2003 2005 2007 (est.) 2012 (est.) Source : Informa Telecoms & Media Vente de véhicules en Inde entre 2005 et 2008 En milliers 8000 7000 6000 5000 4000 3000 2000 1000 0 2005-2006 2006-2007 Véhicules de tourisme Véhicules à deux roues 2007-2008 Véhicules commerciaux Source : Society of Indian Automobile Manufacturers (Siam)