22 – Be kind rewind Par Romain Thoral | Photos Romain Cole et DR
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22 – Be kind rewind Par Romain Thoral | Photos Romain Cole et DR | Remerciements Pierre Frey – Total rigole Et si, derrière ces atours de thriller cul, provoc, et anxiogène, Elle, le nouveau film de Paul Verhoeven est avant tout une grand comédie dégénérée, burlesque et hautement sophistiquée ? Et si on commençait à envisager que derrière son arrogance intello Verhoeven était au fond un grand rigolo ? Relecture express d’une filmo placée sous l’angle du rire qui fait mal. Ouch ! Commentaire méta et gros doigt C eux qui sont coutumiers de ses commentaires audio, savent qu’on pourrait résumer Paul Verhoeven à son petit rire sardonique, vaguement intérieur, résolument pernicieux, complètement batave. Un petit « jajajaja », à ne pas confondre avec le « ahahah » bien de chez nous, qui apparaît dès lors que Sharon Stone dévoile son entrejambe dans Basic Instinct ou que les soldats ennent ensemble de Starship Troopers prennent ême zyeuter leurs des douches mixtes sans même anatomies respectives. Çaa le fait vraiment marrer, ce genre de petitess provocs-là. Oui, urtout Paulo est un Paulo est un pervers, mais surtout rigolo. C’est parce qu’il est l’un qu’il est aussi l’autre, à moins que ce soit l’inverse. Mais ce qui est sûr c’est que c’est de cette approche écoule la singularigolarde du monde que découle manisme désolé et rité de son regard, entre humanisme rès plus de dix ans misanthropie tordante. Après ut cas ce que Elle de silence radio, c’est en tout erhoeven, le génie vient nous rappeler : Paul Verhoeven, 0’s/90’s, du specdu blockbuster tordu des 80’s/90’s, tacle pyrotechno-anar avec des méga-stars au ut, malgré tout, un génériques, restera avant tout, grand auteur de comédies. Jajajaja ! À vrai dire il est né avec ça, le goût de la satire en bandoulière et de l’acide plein la bouche, ça s’appelait Business Is Business. C’était en 1971, il avait 33 ans et déjà tout le monde en prenait pour son grade. Les institutions hollandaises, les prolos, les bourgeois, les putes, les salary-men, salauds de riches, enfoirés de pauvres : Paul ricanait sec et sulfatait dans tous les coins. Sur le plan du cinéma, en revanche, ça ne valait pas grand-chose. Ça téléfilmait sévère. Pas de jus, zéro fluidité, peu de visions, mais rétrospectivement ça vous installait un auteur : la déconne bête et méchante comme manière de faire entendre sa voix. Ou plutôt son rire. Une dizaine d’années après ce galop d’essai, le Hollandais violent inaugurera avec Le Quatrième Homme, sixième et dernier film de sa période hollandaise, un style de comédie ultra sophistiqué, mélange de commentaire ultra-sophistiqué, méta, de politique de la terre brûlée et de gros doigt adressé au système. Dans les faits Le Quatrième Homme est un thriller érotico-intello gorgé de symbolisme, de confusions mentales et de visions abstraites. Un truc un peu lourdingue qui incite à la sur-interprétation psy. Un navet, donc ? En fait non, un Cheval de Troie conçu de bout en bout pour plaire à l’intelligentsia de l’époque, qui s’amusa à torpiller les œuvres précédentes de Verhoeven. Le piège fonctionna au-delà de tout espoir : la critique hollandaise qui avait taillé à la serpe les pourtant splendides Turkish Delights, Soldiers of Orange ou Spetters, tomba illico en pâmoison devant Le Quatrième Homme. Depuis que l’arnaque a été éventée, impossible de regarder le film autrement que comme une mise en boîte cinglante et hilarante du cinéma arty des 80’s. À l’époque, en revanche, pas simple de déceler le pot aux roses. C’est là où l’art de la vanne est pervers chez Verhoeven, à travers cette idée que le rire, ici, n’a na rien d’évident, qu’il est même fort possible de passer totalement à côté de la dimension comique du projet. C’est ce qui explique par ailleurs l’incompréhension totale de la presse américaine et d’une grande partie du public, vis-à-vis de films comme Robocop, Starship Troopers ou encore Showgirls. Trois œuvres dont la dimension satirique, aujourd’hui évidente, n’a pas sauté aux yeux de grand monde 24 – Be kind rewind Par Romain Thoral | Photos DR Elle Sortie le 25 mai. Paulo est un pervers, mais surtout Paulo est un rigolo. au moment de leurs sorties, et qui ont été finalement perçu comme les films d’un irresponsable à tendance fasciste. Et ça, ça doit encore faire beaucoup marrer Verhoeven. Pas de mode d’emploi C’est à l’aune de ces incompréhensions multiples, et de l’occultation systématique de la sphère comique de son cinéma, qu’il faut regarder le nouveau film du cinéaste, Elle, qui marque un retour au long-métrage après dix ans d’abstinence (on fait exprès d’oublier le conceptuelo-grotesque Tricked, co-écrit par des internautes ; en l’occurrence une blague vraiment pas drôle). Derrière son pitch qui le fait ressembler à un rape and revenge typique du cinéma d’exploitation des 70’s (une sexagénaire bourgeoise part à la recherche de l’inconnu qui l’a violée) le film s’inscrit pleinement dans la tradition du « Isabelle Huppert’s movie » tendance trash Coup de Torchon, La Pianiste, La Cérémonie…). C’est précisément ce genre-là que Verhoeven va chercher à mettre en abyme, à pousser dans ses retranchements (la grande Isabelle se fait malmener ici comme rarement) pour déboucher in fine... sur une pure comédie, un peu non-sense, complètement barrée. Comme souvent Verhoeven torpille le vernis trash, provoc’ et flippant de son cinéma pour y injecter au final une substance totalement inattendue. Ici l’humour absurde donc. Ne pas y voir un délire interprétatif de critique ayant trop abusé de l’herbe hollandaise : d’un bout à l’autre, Elle est conçue comme une pure comédie. Pas sûr que vous vous y poiliez comme devant un Jerry Lewis de la grande époque, mais évident que vous allez suffisamment grincer des dents pour que vos zygomatiques finissent par lâcher à un moment ou à un autre. On en ressort en se racontant des gags déjà anthologiques (le bébé noir, le « Vous voulez visiter ma chaudière ? », la crèche grandeur nature d’Efira) et avec la sensation très troublante de ne pas savoir à 100% si l’on a ri contre ou avec le film – probablement un peu des deux. On y devine également une satire hargneuse du film d’auteur bourgeois français, de ses intérieurs grisous, de son imagerie fadasse – sans pouvoir décréter non plus que cette crise d’austérité formelle est une vraie prise de décision es- thétique. Et, comme d’habitude, Verhoeven, trop malin, trop pervers, trop artiste, refuse de nous livrer le mode d’emploi de sa nouvelle comédie qui vitriole tout sur son passage. On revoit se jouer à travers Elle, l’idée de farce en loucedé déjà à l’œuvre dans Le Quatrième Homme. Et on constate que ce qui amuse le plus le cinéaste au fond, c’est de plonger le spectateur dans un entre-deux inextricable, où se côtoient dans le même mouvement la consternation et la surexcitation (de ce point de vue-là, Basic Instinct faisait d’ailleurs office de mètre étalon). Pas question cette fois, donc, de faire subir à ce film-là le même traitement qu'aux précédents. Le mode opératoire est à l’oeuvre depuis plus de 40 ans. On commence à le connaître. Une fois les lumières de la salle éteintes, respirez un bon coup et marrez-vous : c’est Paulo qui régale.