pourim ne sera jamais plus comme avant

Transcription

pourim ne sera jamais plus comme avant
POURIM NE SERA JAMAIS PLUS COMME AVANT
par Ruth Meisels du Haaretz 10 06 2006
« Des rites dangereux : Pourim et la légitimation de la violence juive » par Elliott Horowitz, Princeton
University Press, 340 pages, $35
Permettez-moi de commencer par une confession : aussi longtemps que je me souvienne, je n’ai
jamais aimé la fête de Pourim, avec son histoire de massacre des non-juifs et son message de
revanche et de réjouissance de leur chute. Comme si pendre les dix fils de Haman ne suffisait pas,
le Livre d’Esther continue les vantardises : « Le reste des Juifs, des cités du Roi, se rassemblent ; ils se
dressent sur leur tête, se reposent de leurs ennemis, tuent leurs haineux et tuent de leurs ennemis
soixante-quinze mille... » (Esther 9:16).
En plus, on lit cette incroyable demande d’Esther aux Juifs de Shoushan d’être remerciés pour
avoir agi « selon le décret de ce jour » - de tuer leurs voisins non-juifs brutalement. Pour enlever tous
doute, l’auteur du livre d’Esther met l’accent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’autodéfense et que
« …personne ne se dresse contre eux ; oui leur tremblement était tombé sur tous les peuples. »(9:2).
Ainsi, chaque année, la seule chose que j’avais à faire était de serrer les dents pendant la lecture
de la Meghilla, me réconfortant du fait qu’historiquement, au moins, la véracité de l’histoire est
plus que douteuse.
Mais après la fête de cette année, le livre d’Elliott Horowitz « Des rites dangereux : Pourim et la
légitimation de la violence juive » m’est tombé dans les mains et j’étais heureuse de trouvé là un
allié dans mon aversion de la fête de Pourim.
Depuis la moitié du 19 ème siècle, d’après ce que j’ai compris, le Livre d’Esther a été l’objet de
critiques par les cercles des Juifs libéraux, spécialement dans l’Angleterre victorienne, et de
nombreux leaders de cette communauté avaient de voulu retirer les passages des tueries et
l’élément de revanche présent dans la fête.
Une « lecture biblique adaptée aux écoles et aux familles » publiée en 1877 et soutenue par le
Grand Rabbin de Grande-Bretagne de l’époque, Nathan Marcus Adler, enleva les détails les plus
choquants qui apparaissent dans les chapitres de la fin du Livre d’Esther. Claude GoldsmidMontefiore, le grand neveu de Sir Moses Montefiore, créa en 1888 une grande agitation lorsqu’il
déclara, dans un article du journal londonien « Jewish Chronicle » très critique sur Pourim, ecn
choisissant ses mots ave prudence « qu’il ne serait pas désolé si la fête de Pourim prenait de moins
en moins d’importance dans notre calendrier liturgique ».
Montéfiore, dans les derniers commentaires sur le Livre d’Esther, dans son livre intitulé « Lecture de
la Bible pour la maison », publié en 1896, fut le premier Juif à décrire les évènements des derniers
chapitres de la Meghilah comme « un massacre sur des non-juifs désarmés . Si la Bible n’avait pas
inclus le Livre d’Esther dans son canon, elle aurait gagné et non perdu en valeur religieuses et en
force morale ».
Mais les libéraux du 19 ème siècle ne furent pas les premiers à critiquer le Livre d’Esther . La censure
vint d’abord des cercles ecclésiastiques et spécialement de l’Eglise protestante. Remontons en
1543, dans son essai infamant intitulé « Sur les Juifs et leurs mensonges », Martin Luther fait
remarquer combien les Juifs « aiment le Livre d’Esther , qui correspond si bien à leurs désirs
sanguinaires, vengeurs, meurtriers et leurs espoirs. » Ailleurs, il décrit le Livre d’Esther comme
« tellement juif » et rejoignant en cela les juifs libéraux de plusieurs siècles, dans une alliance
contre-nature, Luther écrit qu’il aurait voulu que le Livre d’Esther n’ait jamais existé. Et pendant de
nombreuses générations, ses disciples continueront à le décrire comme le livre le plus sanguinaire
et donc le plus « non-chrétien » de l’Ancien Testament.
Dans le monde juif, cependant, la critique du Livre d’Esther fut toujours un point de vue minoritaire,
ne représentant pas le courant principal de la tradition. Et c’est ce courant majoritaire qui est à la
base du travail et de la thèse du livre Horowitz, thèse qui s’occupe de la violence juive
Bernier/Strasbourg
1
contre les non-juifs, spécialement, mais pas uniquement lors de la fête de Pourim.
À l’opposé des stéréotypes anti-sémites du Juif faible, passif, efféminé, Horowitz fait
l’hypothèse que, tout au long des siècles, les Juifs ont commis leur lot de violence, qui
pouvait atteindre des sommets comem à Pourim. Même si les faits sanglants du Livre
d’Esther manquent de crédibilité historique, le simple fait que les descriptions de ces faits
sont glorifiés tous les ans créa une tradition de vengeance et de violence, qui permettait
de passer à l’acte.
Il est vrai que le sionisme, spécialement après l’occupation des territoires qui a suivie la
Guerre des Six Jours, a permis à la violence juive contre les Arabes « Amalekites » de se
développer.
Mais d’après Horowitz, les racines de ce comportement viennent de bien plus loin. Haman
"l’Agagite" dans le Livre d’Esther , comme descendant des Amalekites –un label donné
tout au long des siècles, aux Romains, aux Arméniens, aux Chrétiens, aux nazis, et de nos
jours, par de nombreux Rabbins, aux Arabes, -comme cela est connu, doit être éliminé.
On se moque de Jésus.
En 408 apr.JC, l’Empereur romain Théodose II, promulgue un édit interdisant aux Juifs de
« mettre le feu à Haman pour se rappeler d’une ancienne punition, dans une certaine
cérémonie et qu’ils n'ont plus le droit de brûler une forme qui représente la sainte-Croix,
d’une manière sacrilège pour la foi chrétienne. » En d’autres termes, la coutume de se
moquer de Jésus et de la croix pendant les processions de Pourim, que Horowitz discute
de manière approfondie dans la deuxième moitié de son livre, était très connue au
cinquième siècle. L’édit de Théodose II, nous explique Horowitz, ne mit pas fin aux
traditions anti-chrétiennes de la fête de Pourim. La combinaison d’une histoire de salut des
Juifs avec la vengeance sur leurs ennemis, ajouté à l’atmosphère de carnaval bien arrosé
qui est caractéristique de Pourim entraîne des comportements qui étaient bien différents
du stéréotype du Juif paisible de la diaspora.
La deuxième moitié du livre commence par de nombreuses descriptions d’avilissements
que faisaient subir les juifs à la croix au Moyen-Age et pas seulement à Pourim. Horowitz
cite des dizaines de passages, beaucoup étant supprimés de l’historiographie juive
moderne, de violence juive symbolique – ou de « violence contre des symboles » pour être
plus exact – qui incluaient la mise à feu , le crachat et le fait d’uriner publiquement sur la
croix . De tels actes, se terminaient en général par le supplice, c’est-à-dire la mort, du
coupable et des souffrances pour toute la communauté. Ce sont là les « rites dangereux »
qui donnent son titre au livre, et qui sont liés à l’incompréhensible entêtement de
Mordechaï qui refusait de se prosterner devant Haman dans le Livre d’Esther.
Pour revenir à notre époque, en octobre 2004, un étudiant de la « Har Hamor Yeshiva » à
Jérusalem, Natan Zvi Rosenthal, cracha sur l’Archevêque arménien qui se rendait à une
procession, lors d’une de ses fêtes, dans le Vieille Ville de Jérusalem, car il portait une
grande croix sur lui. L’incident, qui déclencha une réprobation publique générale et fut
rapporté largement par les médias locaux, est décrit dans le livre comme étant un lien
dans une longue chaîne de la violence juive contre la chrétienté et les symboles
chrétiens. (pour compliquer les choses encore, les Arméniens ont été décrits par les écrits
juifs depuis le 10 ème siècle comme des descendants d’Amalek). L’acte odieux de
Rosenthal doit donc être compris dans son contexte historique : la continuation directe de
la tradition juive de mépris public de la croix.
Une tradition non dissimulée.
Dans les derniers chapitres du livre, Horowitz élargit la discussion historique, en passant de
Bernier/Strasbourg
2
la violence contre les symboles chrétiens à la violence physique contre les chrétiens euxmêmes. Le problème le plus grave qui est discuté est la participation des Juifs aux
massacres de dizaines de milliers de prisonniers chrétiens à Jérusalem en 614 par JC après
la conquête perse de la ville. D’autres incidents cités par l’auteur sont peu nombreux et
bien moins dramatiques : le meurtre d’un enfant chrétien pendant la parade de Pourim à
côté d’Antioche, en Syrie au 5ème siècle ; au 12 ème siècle l’exécution d’un chrétien à
Pourim qui avait lui-même assassiné un Juif à Brie, dans le nord de la France ( action prise
avec l’accord des autorités) ; et un violent incident à l’intérieur de la communauté,
quand un couple juif accusé d’adultère au 14 ème siècle en Provence fut agressé
physiquement pendant la parade de Pourim.
Ce qui est intéressant, plus que les incidents eux-mêmes c’est la brillante analyse
historiographique à laquelle se livre Horowitz, en montrant ce qui a pu susciter l'intérêt
pour ces incidents, depuis un tout petit groupe d’historiens chrétiens tout heureux de
souligner la violence juive, mais également les efforts des historiens juifs modernes pour
effacer ou en tout cas minimiser ces incidents.
Mais également, l’auteur ne cherche pas à cacher quoi que ce soit :au contraire, dans
son introduction, il met toutes les cartes sur la table : « j’ai ainsi choisi, sans problème, de
commencer non par le début, mais par la fin », en tirant, de ce qui émergeait de la
recherche historique, des leçons pour aujourd’hui. « Depuis le massacre de Baruch
Goldstein contre des Musulmans priant à la Tombe des Patriarches à Pourim 1994 écrit-il,
« pour moi et pour beaucoup d’autres, la fête de Pourim ne sera plus la même ».
En effet, c’est cet événement qui lui donna l’idée d’élargir l’étude qui devait,
primitivement, s’arrêter au 19ème siècle. Son « compas moral » est exprimé par la mise en
garde de Mordechai à Esther : « oui, même si tu te taisais, te taisais en ce temps…. »(4:14).
Comme historien juif, Horowitz a pensé qu’il ne pouvait rester en paix et ne pas parler du
rapport entre la justification de la violence juive et de l’action actuelle de « Juifs dans la
terre Sainte qui veulent toujours venger 'l’ancienne et nouvelle dispute' contre ceux qu’ils
considèrent comme des 'Amalekites ‘, alors que leur méchanceté est tout autant inutile
que celle des temps anciens à l'époque de Théodose II ».
Horowitz cite des Rabbins et des leaders de colons qui font l’équation suivante :
Palestiniens égal Amalek. Il décrit les processions de Pourim à Hébron qui sont devenues
de plus en plus violentes d’année en année, jusqu’à ce qu’un groupe de Juifs entre dans
le quartier Beit Hadassah pour « renouveler » l’installation juive dans la ville de 1981 – et ils
choisirent pour le faire, de manière significative, la fête de Pourim.
A la fin de son étude exhaustive, Horowitz revient au point de départ de son travail, le
massacre à la Tombe des Patriarches, et conclut avec tristesse : « Avoir maintenue la
célébration de la fête de Pourim dans le centre de Jérusalem, cette année-là, malgré la
connaissance du massacre à Hébron, me rappelle les paroles prophétiques de Samuel
Hugo Bergman que j’approuve :’cela ne peut se comprendre vraiment que comme la
conséquence d’un très grand abaissement de notre peuple.’ »
Bernier/Strasbourg
3