Le secret des oeufs à la Japonaise - Vizille

Transcription

Le secret des oeufs à la Japonaise - Vizille
Le secret des œufs à la Japonaise.
Quand nous, occidentaux, mettons un œuf dans l’eau bouillante, nous avons le choix entre
deux méthodes : le laisser cuire 3 à 4 minutes pour un œuf à la coque, ou une dizaine de
minutes pour un œuf dur. Dans l’œuf dur, tout est dur. Dans l’œuf à la coque, le jaune est
fluide mais le blanc est ferme. Ou bien, si l’œuf n’est pas assez cuit, le blanc est ferme à
l’extérieur mais liquide à l’intérieur.
Or les Japonais consomment des œufs dans lesquels au contraire le jaune est ferme et le blanc
est crémeux. Gardons pour plus tard la discussion de l’intérêt gastronomique de la chose. Pour
l’instant la question est : comment font-ils, les japonais ?
La raison pour laquelle le jaune d’un œuf à la coque est fluide, c’est qu’il n’a pas eu le temps
de s’échauffer suffisamment. Le changement de consistance de la matière est dû à une
réaction des protéines qui la composent, la dénaturation.
Les protéines sont faites de longues molécules constituées principalement d’hydrogène,
d’oxygène et d’azote. Elles assurent beaucoup de fonctions essentielles à la vie, comme le
fonctionnement des muscles, la catalyse de réactions chimiques, le transport de matériaux à
travers l’organisme. Pour qu’elles puissent remplir ces tâches, il est nécessaire qu’elles se
replient de façon appropriée. Sous l’effet, par exemple, du chauffage, elles se déplient (figure
1) puis, à température plus élevée, reprennent une forme plus compacte, mais non organisée,
qui ne leur permet plus de remplir leur fonction biologique. Cette désorganisation constitue la
dénaturation des protéines. Du point de vue gastronomique, les protéines dénaturées sont
souvent savoureuses et plus aptes à être digérées qu’avant cuisson. Elles ont des fonctions
nombreuses, grâce à leur capacité à former des réseaux qui permettent par exemple d’épaissir
une soupe ou de former une gelée. Dans le blanc d’œuf, ce réseau emprisonne de l’eau et
forme ainsi une masse solide après cuisson. Car le blanc d’œuf est surtout constitué d’eau :
presque 90%.
Figure 1. Représentation schématique de la dénaturation des protéines dans la cuisson d’un pot-au-feu ou d’un
œuf.
La cuisson d’un œuf, c’est la dénaturation de ses protéines. Or les diverses protéines ne se
dénaturent pas à la même température. Celles du jaune d’œuf, par exemple, se dénaturent
entre 63 et 70 °C. Celles du blanc commencent à une température un peu plus basse, 58 °C,
mais achèvent leur dénaturation à une température plus élevée, 80 °C. C’est cette propriété
qu’exploitent les Japonais. Ils maintiennent leurs œufs à une température intermédiaire, par
exemple 68 °C, pendant un temps suffisamment long, disons une demi-heure.
Techniquement, ce n’est pas très facile si on ne dispose pas d’un chauffage à thermostat. Les
Japonais sont pourvus par la nature d’un tel dispositif, grâce aux nombreuses sources
thermales qu’ils possèdent. Aussi appellent-ils les œufs ainsi préparés des œufs thermaux :
Onsen Tamago. Tamago signifie « œuf » et Onsen une « source thermale » De nos jours, les
Onsen Tamago sont préparés industriellement par chauffage à thermostat.
Valeur gastronomique des œufs thermaux.
Nous vous engageons à la juger par vous-mêmes, car la réalisation est délicate mais possible,
même sans thermostat, à l’aide d’un thermomètre approprié. A notre avis, le blanc crémeux
obtenu est très bon. Son aspect est proche de celui de l’œuf dur, mais la consistance est celle
d’une crème. Quant au jaune, nous préférons que le jaune ne soit pas trop ferme, mais rien
n’empêche de régler la température de façon que ni le jaune ni le blanc ne soient trop durs ni
trop fluides.
Jacques Villain
Bibliographie :
A. Rigamonti, A. Varlamov, J. Villain. Le kaléidoscope de la physique (Belin 2014)

Documents pareils