Les traitements de l`arthrite juvénile idiopathique
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Les traitements de l`arthrite juvénile idiopathique
Actualités sur la RHUMATOLOGIE PÉDIATRIQUE Inflammation Les traitements de l’arthrite juvénile idiopathique Treatments of juvenile idiopathic arthritis Élisabeth Solau-Gervais* L es médicaments utilisés au cours des manifestations articulaires inflammatoires de l’adulte comme la polyarthrite rhumatoïde (PR) et/ou la spondyloarthrite le sont, à quelques exceptions près, avant d’être utilisés dans les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI). Ainsi les rhumatologues connaissent les traitements prescrits dans l’AJI, que ce soit les traitements symptomatiques ou les traitements de fond. Mais les formes d’AJI sont multiples, et les traitements ne sont pas indiqués de façon identique dans ces différentes formes. Nous verrons dans cet article quels sont les traitements utilisés dans les AJI, avec ou sans autorisation de mise sur le marché (AMM), avec les particularités propres à l’enfant, ainsi que quand et comment ils doivent être prescrits. Quels sont les traitements disponibles dans l’AJI ? Les traitements symptomatiques * Service de rhumatologie, CHU de Poitiers. Les traitements symptomatiques comportent, tout comme chez l’adulte, les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les corticoïdes. Tableau I. Posologie et AMM des AINS chez l’enfant. Posologie Galénique AMM Ibuprofène 30 à 40 mg/kg/j en 3 ou 4 prises Dose maximale : 2 400 mg/j Sirop ou comprimés Hors AMM aux doses anti-inflammatoires Diclofénac 3 mg/kg/j en 2 prises Dose maximale : 225 mg/j Comprimés Naproxène 20 à 30 mg/kg en 2 prises Dose maximale : 2 400 mg/j Sachet Hors AMM pour les doses préconisées Indométacine 2 à 3 mg/kg en 2 ou 3 prises Dose maximale : 150 mg/j Gélule Hors AMM avant 15 ans 34 | La Lettre du Rhumatologue • No 394 - septembre 2013 ◆◆ Les antalgiques Le paracétamol est l’antalgique habituellement prescrit, avec une posologie de 30 mg/kg. En cas d’inefficacité, l’association paracétamol-codéine est à privilégier. Les antalgiques seront surtout utiles au moment du diagnostic et avant l’instauration d’un traitement de fond, ainsi qu’en cas de persistance des douleurs. ◆◆ Les anti-inflammatoires non stéroïdiens En association avec les antalgiques, ils seront aussi prescrits initialement, mais ils pourront, en cas d’efficacité, constituer LE traitement de l’AJI, notamment dans les formes oligoarticulaires ou dans l’arthrite en rapport avec une enthésite (EnthesitisRelated Arthritis [ERA]). La posologie des AINS et leur AMM est détaillée dans le tableau I. Le choix de la molécule dépend de l’âge de l’enfant, avec une prédilection pour l’ibuprofène, en raison de sa galénique (sirop), dont la prise est de loin la plus facile. Chez l’enfant scolarisé, il est préférable d’utiliser des AINS sans prise le midi. Pour les enfants ayant des difficultés à avaler les comprimés, le naproxène en sachet peut être proposé. La tolérance est généralement bonne et les effets indésirables sont identiques à ceux survenant chez l’adulte (gastralgie, dyspepsie, atteinte rénale, céphalée sous ibuprofène, pseudo-porphyrie sous naproxène), avec comme particularité, lorsqu’ils sont prescrits dans l’AJI systémique, la survenue d’une complication grave : le syndrome d’activation du macrophage. Il n’est pas nécessaire d’associer un traitement préventif de l’ulcère gastroduodénal chez l’enfant. ◆◆ Les corticoïdes Par voie générale, ils sont beaucoup moins prescrits depuis l’utilisation des traitements de fond. Points forts »» Les traitements des arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) sont identiques à ceux utilisés chez l’adulte dans la polyarthrite rhumatoïde. Compte tenu de la plus faible prévalence des AJI, les études sont moins nombreuses et les molécules sont d’abord développées chez l’adulte. Ainsi, les rhumatologues connaissent les traitements prescrits dans les AJI et en ont souvent une expérience chez l’adulte. »» Toutefois, les AJI sont multiples, et pour pouvoir prescrire ces traitements chez l’enfant, il faut connaître leur indication spécifique en fonction de la forme systémique, oligoarticulaire ou polyarticulaire, ou dans les arthrites en relation avec une enthésite. Ils gardent surtout une place dans l’AJI systémique, dans l’AJI polyarticulaire dans l’attente de l’efficacité d’un traitement de fond et dans les uvéites. Leurs effets indésirables chez l’enfant sont nombreux, surtout lorsqu’ils sont utilisés à haute dose comme dans l’AJI systémique. Ils sont similaires à ceux de l’adulte : prise de poids, vergetures, ostéoporose, diabète, hypertension artérielle, cataracte, glaucome, avec une particularité : le retard de croissance. Par voie locale, ils sont utilisés de la même façon que chez l’adulte, en privilégiant l’hexacétonide de triamcinolone. L’acte peut être réalisé par un rhumatologue, un pédiatre spécialisé en rhumatologie ou un orthopédiste. Le geste sera effectué dans un centre hospitalier, sous protoxyde d’azote et, quand cela est possible, sous hypnose. L’anesthésie générale n’est utilisée qu’en cas d’échec du protoxyde d’azote chez le jeune enfant. En dehors du genou, les articulations sont infiltrées sous scopie ou échographie. Les complications sont les mêmes que celles rencontrées chez l’adulte, avec une plus grande fréquence de nécrose tissulaire qui nécessite de bien comprimer le point d’injection. Les traitements de fond ◆◆ Les traitements de fond conventionnels Comme dans les rhumatismes inflammatoires de l’adulte, le méthotrexate est le traitement de fond conventionnel le plus prescrit dans les AJI ; il est d’ailleurs le seul à avoir l’AMM dans cette indication. La dose initiale est de 10 mg/m2 et peut être augmentée jusqu’à 20 mg/m2. Ce traitement n’est pas toujours bien toléré chez l’enfant, probablement en raison des doses élevées ; l’arrêt pour nausées ou cytolyse est fréquent (1). Ces effets indésirables sont dose-dépendants, et il est conseillé de commencer le traitement à 10 mg/m2/semaine pour apprécier la tolérance (2). La prescription peut être faite sous forme de comprimés, en privilégiant si possible la forme dosée à 10 mg/comprimé, qui n’a pas l’AMM mais permet une administration plus facile. Les ampoules de méthotrexate peuvent être utiles per os mais ont un goût amer. Pour les plus jeunes, il sera conseillé de cacher les comprimés dans l’alimentation sucrée. La forme injectable sera prescrite en cas d’intolérance digestive. Le léflunomide, dont l’efficacité est démontrée (3, 4), n’a pas l’AMM dans l’AJI avant 18 ans. La sulfasa lazine non plus, mais elle peut être prescrite dans la forme ERA. ◆◆ Les biomédicaments Les anti-TNF Sur les 5 anti-TNF actuellement sur le marché pour les rhumatismes inflammatoires de l’adulte, seuls 2 ont l’AMM dans l’AJI : l’étanercept et l’adalimumab. L’étanercept (5) est prescrit à partir de 2 ans, avec une forme pédiatrique qu’il faut privilégier, même lorsque la seringue à 25 mg peut être utilisée, car les injections sont moins douloureuses. La posologie est de 0,8 mg/kg/semaine. L’adalimumab a l’AMM à partir de 4 ans (6), et sa posologie est à adapter au poids et à la taille, selon un tableau disponible dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP). Les anti-TNF seront prescrits chez les enfants en cas d’échec ou d’intolérance du méthotrexate. Sur des études rétrospectives, il a été montré, comme dans la PR, que le traitement combiné est plus efficace que la monothérapie (7). Le bilan préthérapeutique est le même que pour l’adulte, avec une vaccination préalable pour la grippe et le pneumocoque. La vaccination pour la varicelle peut être proposée dès 9 mois. Si l’efficacité de ces 2 anti-TNF est démontrée, leur tolérance pose encore des questions, notamment quant au risque de lymphome ou de cancers (8). Il est donc recommandé de surveiller les enfants recevant ces traitements et, chez ceux présentant une rémission, d’essayer une décroissance, voire un arrêt du traitement. Mots-clés Arthrite juvénile idiopathique Traitement Highlights »»Treatments in juvenile idiopathic arthritis (JIA) are similar to those used in rheumatoid arthritis. The studies of these treatments are done first in adults, and so rheumatologists know the treatments prescribed in JIA and have an experience of these treatments in adults. »»But JIA represent several diseases and, to be able to prescribe these treatments, it is necessary to know their specific indication according to the systemic, oligoarticular, enthesitis-related arthritis or polyarticular form. Keywords Juvenile idiopathic arthritis Treatment Abatacept et tocilizumab Les autres biomédicaments disponibles chez l’enfant sont l’abatacept et le tocilizumab. L’abatacept (9) a l’AMM sous forme intraveineuse à partir de 6 ans dans l’AJI polyarticulaire. La posologie est de 10 mg/kg/mois. La forme sous-cutanée à partir de 2 ans est à l’étude. Le tocilizumab (10) a récemment reçu l’AMM dans l’AJI systémique et a eu en juin l’AMM européenne pour les AJI polyarticulaires. La Lettre du Rhumatologue • No 394 - septembre 2013 | 35 Actualités sur la RHUMATOLOGIE PÉDIATRIQUE Inflammation Quand et comment traiter une AJI ? Les AJI oligoarticulaires Les AJI se traitent différemment en fonction de leur type, mais l’objectif du traitement, quelle que soit la forme, sera la disparition des signes systémiques, des synovites ou des arthrites, l’absence de douleur et la normalisation du syndrome inflammatoire, c’est-à-dire la rémission. Les AJI polyarticulaires Un traitement par antalgiques et anti-inflammatoires sera prescrit dès les premiers symptômes, avant le diagnostic. Le traitement de fond commencera dès le diagnostic porté et, si l’on se réfère aux critères d’Edmonton, à 6 semaines d’évolution. Les corticoïdes ne seront utilisés que dans les formes très inflammatoires et en association avec un traitement de fond, afin d’en limiter au maximum la durée. Le méthotrexate est le traitement à instaurer en priorité dans les AJI polyarticulaires. Le léflunomide n’est pas utilisé, notamment chez la jeune fille, en raison de son effet tératogène. En cas d’échec, un biomédicament peut être prescrit. La forme souscutanée étant privilégiée, c’est préférentiellement l’étanercept ou l’adalimumab qui sera utilisé. La rotation d’anti-TNF se fera en cas d’échec ou d’intolérance de l’anti-TNF utilisé en premier. Il sera alors possible de proposer l’abatacept, surtout en cas d’échec primaire. Les autres biomédicaments n’ont pas d’indication dans l’AJI polyarticulaire (tableau II). Elles seront traitées initialement par AINS et infiltration d’une ou de 2 articulations touchées. En l’absence d’atteinte ophtalmique et d’extension de l’AJI, ce seront les seuls traitements prescrits. L’AJI oligoarticulaire étendue bénéficie des mêmes traitements que l’AJI polyarticulaire. Quant à l’uvéite, en cas d’échec des corticoïdes locaux et/ou généraux, et bien que n’ayant pas encore l’AMM, un traitement par méthotrexate puis par adalimumab sera discuté, même en l’absence de progression articulaire. Les AJI de type arthrite en rapport avec une enthésite (ERA) Les recommandations dans cette forme d’AJI sont moins nombreuses (11, 12). Comme chez l’adulte, les AINS constituent la base du traitement, même s’il n’existe pas de publication sur l’efficacité des AINS dans les AJI ERA (12). Les infiltrations ont elles aussi une place de choix compte tenu de la fréquence de l’atteinte périphérique. En ce qui concerne les traitements de fond conventionnels, comme chez l’adulte, il y a très peu d’études et elles ne concluent pas à un intérêt majeur, que ce soit pour la sulfasalazine ou, moins encore, pour le méthotrexate. Les recommandations laissent une place à la sulfasalazine (12) chez l’enfant dans les formes périphériques. Les études sur les anti-TNFα dans cette forme sont elles aussi Tableau II. Posologie et indication des traitements de l’arthrite juvénile idiopathique. Posologie AJI polyarticulaire AJI oligoarticulaire AJI systémique AJI ERA – Oui Oui Oui Oui Cf. tableau I Oui Oui Oui Oui Variable Possible Locaux Oui Locaux Oui Oui si étendue Possible Non Antalgiques AINS Corticoïdes Méthotrexate 10 à 20 mg/m2/sem. Sulfasalazine 30 à 50 mg/kg/j Oui sans AMM Non CI Oui sans AMM Étanercept 0,8 mg/kg/sem. Oui Oui si étendue Non Oui Adalimumab Cf. tableau RCP Oui Oui si étendue Non Oui Abatacept 10 mg/kg/mois Oui Non Non Non Tocilizumab 8 mg/kg si < 30 kg 12 mg/kg si > 30 kg Non Non Oui Non 2 mg/kg/j Non Non Oui sans AMM Non 4 mg/kg/mois Non Non Oui sans AMM Non Anakinra Canakinumab CI : contre-indiqué. 36 | La Lettre du Rhumatologue • No 394 - septembre 2013 Actualités sur la RHUMATOLOGIE PÉDIATRIQUE très peu nombreuses. Ils sont recommandés dans la forme axiale s’il existe une sacro-iliite avec atteinte structurale, une maladie active malgré les AINS. En l’absence d’atteinte structurale, il est recommandé d’essayer d’abord un traitement conventionnel. Ces recommandations ne s’appuient pas sur des publications mais sur des avis d’experts. Les AJI systémiques Cette forme d’AJI est plus fréquemment prise en charge par les pédiatres car elle concerne des enfants de moins de 5 ans, avec comme premier symptôme une fièvre prolongée. Les AINS sont indiqués en première intention en l’absence de signes de gravité. L’indométacine à la dose de 3 mg/kg/j en 2 ou 3 prises est l’AINS de référence, bien qu’elle n’ait pas l’AMM pour les enfants de moins de 15 ans. Les corticoïdes restent le traitement initial à la dose de 1 à 2 mg/kg/j, mais, compte tenu de leur toxicité, une rechute lors de la décroissance conduira à utiliser un biomédicament. Dans cette forme, les anti-TNF ne sont pas efficaces. Seul le tocilizumab a l’AMM dans cette indication, mais il est possible d’utiliser l’anakinra, qui, bien que n’ayant pas l’AMM, a démontré son efficacité (13, 14). Son utilisation sera privilégiée chez l’enfant plus grand pouvant accepter des injections sous-cutanées quotidiennes. Le canakinumab, inhibiteur de l’IL-1, à raison d’une injection sous-cutanée toutes les 4 semaines, serait le traitement idéal dans cette indication (15), mais il n’a pas l’AMM et son coût reste pour le moment prohibitif. Le méthotrexate sera utilisé plutôt dans les formes articulaires, c’està-dire en l’absence de signes systémiques. Conclusion Si les traitements utilisés au cours des AJI sont les mêmes que ceux utilisés dans les rhumatismes inflammatoires de l’adulte, leur indication est particulière en fonction de la forme de l’AJI. Comme pour les adultes, l’arrivée des biomédicaments a révolutionné la prise en charge de ces enfants, avec un objectif de rémission qui sera bien plus suivi que chez l’adulte. ■ L ’auteur n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts. Références bibliographiques 1. Bulatovic M, Heijstek MW, Verkaaik M et al. High prevalence of methotrexate intolerance in juvenile idiopathic arthritis: development and validation of a methotrexate intolerance severity score. Arthritis Rheum 2011;63(7):2007-13. 2. Becker ML, Rosé CD, Cron RQ, Sherry DD, Bilker WB, Lautenbach E. Effectiveness and toxicity of methotrexate in juvenile idiopathic arthritis: comparison of 2 initial dosing regimens. J Rheumatol 2010;37(4):870-5. 3. Silverman E, Mouy R, Spiegel L et al. Leflunomide or methotrexate for juvenile rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2005;352(16):1655-66. 4. Silverman E, Spiegel L, Hawkins D et al. 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