banque mondiale, peuples autochtones et normalisation

Transcription

banque mondiale, peuples autochtones et normalisation
C
et ouvrage met en évidence la logique de normalisation qui soustend les interventions de développement. L’auteure se penche sur
la Banque mondiale, acteur incontournable du développement, et
sur les répercussions de ses projets sur les peuples autochtones, à
travers l’analyse des cas soumis à son Panel d’inspection. Ce mécanisme,
mis en place par la Banque elle-même, permet d’examiner, à la suite de
plaintes de populations locales, la conformité de ses actions avec ses
propres politiques et procédures. Il est ainsi montré que les effets des
interventions de développement ne doivent pas se comprendre qu’en
termes d’efficacité ou d’inefficacité, puisqu’elles peuvent aussi engendrer des transformations sociales renforçant ou engendrant des conflits
sociaux. En analysant d’une part les mécanismes d’apprentissage et de
responsabilisation de la Banque, et d’autre part des projets affectant des
peuples autochtones, l’ouvrage fait ressortir des éléments récurrents dans
la pratique du développement. La minimisation d’effets secondaires et la
pratique relevée sont mises en relation avec un macrodiscours du développement dominant, qui semble répondre plus largement à une logique
de normalisation des sociétés.
Céline Germond-Duret est chercheuse au Centre for Sustainable
Development de la University of Central Lancashire, au Royaume-Uni.
Elle est titulaire d’un doctorat en science politique et relations internationales de l’Institut de hautes études internationales et du développement, à Genève. Spécialisée dans les questions de développement et
d’environnement, en grande partie abordées sous un angle discursif,
elle porte une attention particulière à la participation des populations
locales et à la situation des peuples autochtones.
DéveloppementS
banque mondiale,
peuples autochtones
et normalisation
Céline Germond-Duret
Préface d’Irène Bellier
ISBN 978-2-8111-0428-3
KARTHALA
Table des matières
Remerciements
Préface
Abréviations
Introduction
De la mission civilisatrice à la mission
salvatrice
Une approche critique
Chapitre I – Les effets des interventions
de développements
L’apport de la littérature
Le phénomène de la normalisation
Les peuples autochtones
Modèle d’analyse : les interventions de
développement et leurs effets intermédiaires
vecteurs de conflit social
Chapitre II – La Banque mondiale
et son Panel d’inspection : critiques,
autoévaluation et responsabilisation
Le caractère évolutif des objectifs de l’aide
au développement
La Banque mondiale face à ses projets :
évaluation et responsabilisation
La Banque face à la question autochtone
Le Panel d’inspection de la Banque
mondiale
Conclusion
Chapitre III – Construction et
représentation : les Pygmées du
Cameroun comme menace, comme
pauvres ou comme victimes
La construction et la représentation des
Pygmées du Cameroun
Comparaison des trois discours
Chapitre IV – Le projet d’oléoduc TchadCameroun et ses conséquences sur les
populations pygmées
Le contexte du projet et les premières
protestations
L’affectation et la déstabilisation des
Pygmées
La pratique de la Banque
Conclusion : quelles perspectives pour les
Pygmées ?
Chapitre V – Généralisation de l’analyse
Les effets intermédiaires et l’occurrence de
conflits
La responsabilité de la Banque mondiale
L’apprentissage des leçons et la valeur des
projets
Conclusion
Chapitre VI – Rhétorique
interventionniste et normalisation
Les problèmes entraînent des solutions :
la mission du développement
La confiance de la Banque
L’importance de la participation
L’absence d’éléments importants
L’élargissement aux projets de conservation
et aux anciens
documents d’évaluation
Conclusion : normalisation et inertie
Conclusion
Annexes
Références bibliographiques
Germond-Duret. Céline. 2011. Banque mondiale, peuples autochtones et normalisation.
Développements 11. Paris : Karthala ; Genève : Institut de hautes études internationales
et du développement. 288 p. ISBN 978-2-8111-0428-3. 26 euros.
En vente en librairie ou sur www.karthala.com (paiement sécurisé)
[email protected] http://graduateinstitute.ch/publications
Interview de l’auteure
Qu’entendez-vous par « normalisation »,
dans le contexte des relations entre la
Banque mondiale et les peuples autochtones ?
Malgré les bonnes intentions qui motivent les
interventions de développement, les impacts
de ces dernières ne doivent pas se comprendre
qu’en termes d’efficacité et d’inefficacité,
mais aussi d’effets secondaires. J’appréhende
cette problématique en examinant les conséquences des projets de la Banque mondiale
sur les peuples autochtones. La minimisation
d’effets secondaires, une pratique de technicité et d’opacité, et une confiance excessive
sont mises en relation avec une logique de
normalisation, c’est-à-dire le processus par
lequel les sociétés devraient passer d’un
état d’« anormalité » (sous-développement) à
un état de « normalité » (développement) à
travers l’application d’un même modèle de
développement.
En quoi votre démarche est-elle originale ?
Je mets en avant les connexions entre discours et implications pratiques. L’originalité
est de partir d’un problème de terrain afin
de montrer comment celui-ci procède d’une
représentation particulière de ce qu’« est » et
de ce que « doit être » la réalité. La question
de la représentation (d’une population, de
ses besoins et de ses aspirations) est cruciale. Le projet d’oléoduc Tchad-Cameroun
et ses répercussions sur des populations pygmées bakola/bagyeli sont traités de manière
détaillée, et l’analyse est complétée par une
dizaine d’études de cas plus succinctes. Il
s’agit de projets portés devant le Panel d’inspection de la Banque mondiale. Ce mécanisme a été mis en place par la Banque afin
d’examiner, à la suite de plaintes de populations locales, la conformité de ses actions
avec ses propres politiques et procédures.
Vous mentionnez la centralité de la question de la représentation. A votre avis, le
film Avatar, à travers la représentation
qu’il en fait, sert-il ou dessert-il la cause
des peuples autochtones ?
De nombreux stéréotypes circulent sur les
peuples autochtones : primitifs, sages, résistants à l’ordre économique capitaliste et en
harmonie avec la nature, ou au contraire
destructeurs de l’environnement à travers une
chasse excessive, des images contradictoires
leur sont associées. Selon la manière dont
les peuples autochtones et leurs besoins sont
définis, des solutions différentes leur sont
proposées ou… imposées, alors qu’ils revendiquent le droit de décider de leurs propres
moyens de subsistance et de développement.
En ce qui concerne Avatar, ce film a suscité
beaucoup de débats et de controverses. Pour
certains, il donne une image bien trop stéréotypée de l’autochtonie (plumes, peintures
de guerre, panthéisme). Mais il a également
permis d’attirer l’attention sur des situations
semblables. L’ONG Survival International a
par exemple insisté sur la similitude entre la
situation des « Na’vi » et celle d’une tribu en
Inde dont les collines sacrées sont menacées
par l’exploitation d’une mine de bauxite.
Cette campagne a bénéficié d’un large soutien et le projet a été gelé.
Pourtant, des instruments existent afin
de garantir la participation des peuples
autochtones, et la Banque mondiale a
adopté des mesures à cet égard.
La Banque mondiale n’est pas insensible
aux critiques à l’encontre des projets qu’elle
finance et elle a adopté un certain nombre
de politiques de sauvegarde afin d’éviter
qu’ils n’engendrent des impacts négatifs. Elle
dispose d’une politique relative aux peuples
autochtones. Mais tandis qu’elle reconnaît la
nécessité d’une consultation libre, préalable
et éclairée, les peuples autochtones appellent
au respect du principe du consentement libre,
préalable et éclairé. En d’autres termes, ils
requièrent un droit de veto sur les décisions
qui les affectent.

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