Discours à l`occasion du séminaire « L`Union Européenne

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Discours à l`occasion du séminaire « L`Union Européenne
SPEECH/04/356
Joe Borg
Membre de la Commission
Discours à l’occasion du séminaire
« L’Union Européenne élargie et la
Tunisie »
Séminaire sur l’Elargissement de l’Union européenne
Tunis, 9 juillet 2004
Madame la Secrétaire d’Etat,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Je suis ici comme nouveau Commissaire Européen et comme ami de longue date
de ce pays. C’est un grand plaisir que de rencontrer de nouveau des amis tunisiens
et de prendre part dans ce séminaire sur le thème de l’Union Européenne élargie et
la Tunisie.
Nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle en Europe et autour d’elle. L’Union
Européenne est désormais forte de 25 pays et de 453 millions d’habitants. Ses
membres viennent d’adopter une nouvelle Constitution et la moitié d’entre eux ont
une monnaie unique, qui sera bientôt celle de beaucoup d’autres membres. Un
nouveau Parlement Européen de 732 membres vient d’être élu, tandis qu’un
nouveau Président de la Commission vient d’être désigné.
Sans nul doute l’élargissement de l’Union est une opportunité majeure pour ses
voisins, tout en posant aussi certains défis importants. C’est ce qui fait l’importance
de ce séminaire aujourd’hui.
Ce séminaire fait partie d’une série d’efforts pour une meilleure information sur les
nouvelles réalités de l’Europe et pour une meilleure perception réciproque. Il a été
organisé par la Délégation de la Commission avec les ambassades des Etats
Membres en Tunisie. Je suis particulièrement reconnaissant aux ambassades de la
République Tchèque, de Hongrie, de Malte et de Pologne.
Je voudrais aborder spécifiquement quatre points : la signification d’ensemble de
l’élargissement, son aspect méditerranéen, les défis pour la Tunisie, et le sujet plus
vaste de la Politique Européenne de Voisinage.
La signification de l’élargissement
L’élargissement de l’Union Européenne qui vient de prendre place le 1er mai était en
partie l’aboutissement logique de la révolution pacifique qui s’est produite en Europe
Centrale au cours des 15 dernières années. La chute du Mur de Berlin en 1989 et le
démantèlement de l’Union Soviétique qui s’ensuivirent ont représenté des
développements majeurs qui ont mis un point final à l’après-guerre.
Cette période a résulté dans une complète transformation politique, économique et
sociale des pays d’Europe Centrale, une transformation largement conduite par la
volonté des peuples concernés.
Ce faisant, les pays d’Europe Centrale sont revenus dans « maison européenne »
naturelle, qui était toujours la leur. En ce sens, l’élargissement de l’Union
Européenne doit être perçu avant tout comme un « retour à la normale » pour ces
pays.
En termes de politique étrangère, je souligne deux éléments spécifiques de
l’élargissement de 2004 :
en premier lieu, cet élargissement peut être vu comme l’opération de politique
étrangère de loin la plus réussie jamais menée par l’UE, que ce soit par sa taille ou
par sa signification politique.
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Naturellement, depuis le 1er mai 2004, nous ne sommes plus dans le domaine des
relations extérieures, mais dans celui des politiques internes de l’UE ; en second
lieu, l’UE a acquis une expérience considérable de travail avec les pays tiers afin de
créer de nouvelles règles, des marchés, des intérêts et des valeurs qui leurs soient
communs. Cette expérience a été extrêmement positive pour toutes les parties.
L’élargissement et la Méditerranée
Quel est le versant méditerranéen de l’élargissement ? Je ne vous surprendrai pas
si, en tant membre maltais de la Commission Européenne, je souligne avec force
que l’élargissement ne concerne pas uniquement l’Europe Centrale, mais qu’il a des
implications majeures pour la Méditerranée. En particulier parce que deux acteurs
de longue date dans les instances régionales, Chypre et Malte, ont fait partie
intégrante de l’élargissement du 1er mai.
Ces deux pays profondément ancrés dans l’histoire, la culture et la politique de la
Méditerranée représentent certes une proportion limitée de la population totale de
l’UE, mais ils feront entendre leur voix et exerceront leur influence.
Si vous me permettez un mot à propos du « pays que je connais le mieux » comme
nous disons au sein de la Commission, je dirais que Malte elle-même est un
symbole fort de la relation euro-méditerranéenne : elle est profondément ancrée
dans la civilisation européenne tout en constituant un lien vital entre l’Europe et le
Nord de l’Afrique. Sa langue a des racines arabes, et des noms de villes tels que
Gzira, Mdina et Rabat sont certainement familiers à vos oreilles. Ces échanges
commerciaux, humains et culturels reflètent une relation ancienne et profonde avec
la rive Sud de la Méditerranée.
Malte amène avec elle dans l’Union ce patrimoine important. Depuis
l’indépendance, sa politique étrangère a été guidée par le sentiment fort que le bien
être du pays est dépendant de la paix, la stabilité et la prospérité dans la région
méditerranéenne. Elle a donc travaillé en permanence pour la promotion des
intérêts de la Méditerranée dans tous les fora disponibles. Je suis certain que, dans
l’Union Européenne, Malte continuera de jouer ce rôle avec une énergie et un
engagement sans commune mesure avec sa taille.
Les défis de l’élargissement pour la Tunisie
Que signifie l’élargissement pour la Tunisie ? Comme tout changement, il comporte
des défis mais aussi de considérables opportunités. Que ce soit dans le Processus
de Barcelone ou dans le cadre de l’Accord d’Association, la Tunisie a réalisé une
très bonne performance : elle a continué la première, elle a suivi avec enthousiasme
la logique du libre échange, elle a fait un excellent usage des programmes
financiers MEDA et de la BEI. Ceci augure bien de l’avenir des relations UE-Tunisie.
Je voudrais attirer l’attention sur trois défis qui, pour la Tunisie, découle de
l’élargissement :
Premier défi : être capable de développer un flux important d’exportations vers
l’Europe Centrale et d’en attirer des touristes. Pour des raisons historiques,
l’économie tunisienne est moins liée aux marchés d’Europe Centrale. Ces marchés
vont désormais se développer plus rapidement en raison de leur intégration dans
l’Union Européenne. La Tunisie doit donc s’assurer qu’elle se positionne de manière
à tirer parti de ces marchés.
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Ceci demandera un effort sérieux et déterminé pour deux raisons : d’abord, le
niveau actuel de connaissance mutuelle est faible, par exemple, aujourd’hui, le
consommateur polonais utilise probablement peu d’huile d’olive, tandis que le
touriste hongrois ne connaît peut être pas les atouts que la Tunisie peut offrir ;
ensuite, la Tunisie ne sera pas la seule à reconnaître l’importance des marchés
centre-européens, la concurrence sera donc rude.
Second défi : continuer à attirer l’investissement privé européen, clé du
développement à long terme. A cet égard, la leçon de la transition économique en
Europe Centrale est très claire. Nous avons souvent entendu que le développement
de l’Europe Centrale a été essentiellement appuyé par des fonds publics de l’UE.
Ce n’est pas exact : la plus grande partie des flux de capitaux vers l’Europe
Centrale au cours des 10 dernières années était privée. Pour la Tunisie, la
détermination et la profondeur de la libéralisation économique constitueront la clé
du développement économique au cours des 10 prochaines années.
Troisième défi : dans un tel contexte, il est nécessaire d’améliorer encore la
compétitivité et la bonne gouvernance. La Commission Européenne est très active
dans ce domaine à travers une large gamme de programmes de soutien à la « mise
à niveau » tunisienne : de la privatisation à la politique des télécommunications, de
la gestion des ports à la formation professionnelle, de la modernisation industrielle à
la modernisation administrative. Nous avons aussi décidé conjointement de nous
engager dans de nouveaux champs de coopération, tels que le développement des
médias et la modernisation de la justice. Ces nouveaux domaines de coopération
sont importants pour les investisseurs car ils font désormais un jugement global,
leurs regards tournés vers le profit, l’environnement de l’investissement et la bonne
gouvernance. Nous nous devons donc de bâtir une coopération solide aussi dans
ces domaines.
Les défis résultant de l’élargissement de l’Union Européenne sont donc
substantiels. Mais rappelons nous aussi de ceci : la plupart de ces défis seraient
quand même devant nous en l’absence d’élargissement, la mondialisation et la
concurrence à l’échelle planétaire seraient quand même là, la demande de bonne
gouvernance serait quand même là, de l’intérieur comme de l’extérieur.
L’Union Européenne et ses voisins
L’élargissement lance également un défi à l’Europe. La politique étrangère traite
souvent de perceptions autant que de faits. Je sais que de nombreux observateurs
dans les pays voisins de l’Union ont perçu l’élargissement comme un processus
visant à construire de nouvelles frontières. L’Europe doit démontrer concrètement
qu’il s’agit là d’une fausse impression.
Permettez-moi de dire avec force que, pour l’Union Européenne, l’élargissement
n’est pas une porte qui se referme, mais une opportunité - plus exactement, un net
besoin – de s’ouvrir à ses voisins nouveaux, à ses voisins les plus proches.
C’est pourquoi, dès mars 2003, la Commission Européenne a proposé la Politique
Européenne de Voisinage. Par cette initiative, la Commission entendait créer un
cadre de politique cohérent fondé sur la recherche commune de la paix, de la
stabilité et de la prospérité, de valeurs partagées et d’intérêts communs. La vision
est celle d’une Europe partageant avec ses voisins du Sud et de l’Est tous les
bénéfices de l’intégration à l’exception de ceux qui dérivent directement de
l’intégration dans l’Union.
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Ceci inclut la création d’une zone de prospérité partagée et de valeurs fondées sur
une intégration économique plus forte, une participation dans le Marché Unique,
des relations politiques et culturelles plus intenses, et une coopération frontalière
plus développée.
Cette politique a été imaginée comme étant fondée sur les relations contractuelles
existantes (par exemple l’Accord d’Association actuellement en vigueur) et comme
représentant un approfondissement substantiel de cette relation en terme d’objectifs
et de réalisations programmées. Ceci nous permettra d’aller plus loin et plus
profondément que nous avons plus le faire jusqu’ici dans le Processus de
Barcelone. La Politique de Voisinage n’est pas un substitut au Partenariat euroméditerranéen, mais un moyen de le prolonger et de le rapprocher de ses objectifs.
Nous devons également fournir les moyens de faire de cette vision une réalité, et
comme vous le savez la Commission travaille actuellement au mécanisme financier
qui s’appliquera pour les années à partir de 2007.
Nous avons déjà bien avance et tenu des consultations intenses avec un premier
groupe de 7 pays. Je suis très satisfait que la Tunisie et la Commission Européen
aient fait de grands pas vers un Plan d’Action dans le cadre de la Politique de
Voisinage.
Nous devons maintenant finaliser ce processus et faire en sorte que le Plan d’Action
devienne un élément agréé de nos politiques étrangères respectives.
Je souhaite souligner l’importance d’une appropriation conjointe de ce processus,
car c’est un élément essentiel de toute l’opération. En relevant ce défi, l’Union
Européenne et les pays partenaires devront faire preuve d’un engagement politique
fort. La Tunisie devra mettre en œuvre cet engagement avec détermination afin de
rester au premier rang des voisins de l’Union. Ceci à son tour influencera la
perception de la Tunisie par le public européen, par l’investisseur européen, et
permettra à votre pays d’engranger le maximum de bénéfices du processus de
voisinage.
Du côté de l’Union, je crois que l’Europe a fait face de manière remarquable au défi
de l’élargissement ; elle doit maintenant démontrer la même volonté politique pour
affronter le défi de bâtir le meilleur partenariat possible avec ses voisins.
Conclusion
En conclusion, permettez-moi de revenir au début de mon intervention : nous
sommes à l’aube d’une ère nouvelle en Europe et autour de l’Europe, il s’agit d’une
réalité politique nouvelle.
L’Union Européenne et la Tunisie ont d’ores et déjà réalisé des efforts remarquables
pour bâtir une relation forte et étroite au sein du Processus de Barcelone et de
l’Accord d’Association. Tout en poursuivant cette relation, la nouvelle entreprise du
Voisinage qui commence devant nous appellera des efforts plus vigoureux et une
détermination plus haute.
Je souhaite conclure en vous remerciant, Madame la Secrétaire d’Etat, ainsi que
nos invités tunisiens et ceux venus des nouveaux Etats Membres. J’espère que
vous conclurez avec moi que le déplacement en valait la peine.
Je vous remercie de votre attention.
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