Et si les projets scientifiques, envahissaient les centres de vacances ?

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Et si les projets scientifiques, envahissaient les centres de vacances ?
Et si les projets scientifiques, envahissaient
les centres de vacances ?
par Cyril LASALLE, AROEVEN de Besançon
B
on
nombre
d’entre-nous,
organisateurs et directeurs de
centres de vacances, restons
nostalgiques «des jolies colonies de
vacances», du «temps passé». Il ne se
passe pas un seul
regroupement de
directeurs où l’on ne fasse référence à ce
temps béni et mythique où les «colos»,
comme on les appelait, rassemblaient des
jeunes de tous horizons, dans des moments
riches en rencontres, véritables temps
d’échanges, de brassage social, de
découverte de l’autre, où le contenu du
séjour n’était pas «tout», et où le simple
fait de vivre ensemble des moments forts,
pendant un mois, deux semaines, était en
soi un enrichissement.
Le temps a passé et, à la société altruiste, a
succédé un monde qui s’est résolument
tourné vers la consommation de biens
devenus de plus en plus courants. Les
«colonies» n’ont pas résisté à cette vague ;
elles ont changé de nom et sont devenues
des centres de vacances. Leurs contenus se
sont adaptés à la demande de rêve et de
spectaculaire réclamés par les enfants et les
parents. Ainsi aux chants, aux activités
d’éveils, aux activités manuelles, aux
grands jeux, ont succédé le canyonning, la
voile, le parapente… Chacun peut mesurer
le chemin parcouru depuis vingt ans. La
seule lecture des catalogues des
organismes concoctant des centres de
vacances, permet de comprendre à quel
point les activités à dominantes sportives
ont envahi les séjours ; les destinations
doivent faire rêver, les activités sportives
se doivent d’être de plus en plus
alléchantes et inattendues. Mais une
question demeure: les centres de vacances
n’ont-ils pas perdu un peu de ce qui faisait
leur âme dans cette révolution ? Dans le
même temps, les organismes auraient-ils
pu survivre sans surfer sur la vague
déferlante des activités sportives ?
Difficile de savoir ce qu’il aurait fallu ou
ce qu’il faudrait faire… Cependant, nous
pouvons tous constater qu’il est parfois
bien difficile de donner une âme à nos
centres de vacances, et que lutter contre le
«tout-activité» est bien décourageant, tant
l’imprégnation des jeunes est forte pour la
consommation d’activités à sensation.
Mais il est possible de se battre, de ne pas
baisser les bras : ainsi certains directeurs
tentent-ils d’utiliser leurs séjours pour
inciter les enfants à s’engager dans
d’autres démarches, d’autres projets, que
ceux qui consistent à pratiquer des activités
sportives «pré-mâchées» où la prise
d’initiative est réduite.
Chacun cherche des solutions et, étant d’un
naturel optimiste, je reste convaincu que
des alternatives sont possibles. L’une
d’entre-elles pourrait tout à fait être la mise
en place de
projets à dominante
scientifique dans les centres de vacances.
Les expériences menées lors des séjours
que j’ai eu l’occasion de diriger (la
majorité à dominante sportive) montrent
que les enfants, même s’ils sont venus pour
consommer des activités «extrêmes», sont
réellement réceptifs à des problématiques
d’ordre expérimentales: «et si on essayait
de prendre des photos aériennes de notre
centre de vacances», «et si on essayait de
fabriquer une fusée capable de se propulser
avec un mélange d’air et d’eau, non
polluant», «et si on essayait de fabriquer
des
aéronefs
capables
de
voler
(montgolfières et cerfs-volants)», «et si on
fabriquait un grand cadran solaire qui nous
donnerait l’heure, devant notre centre de
vacances»…
Certes les activités qui découlent de ce
genre de questionnement n’ont rien de bien
innovant, c’est davantage l’approche que
l’on peut en faire qui peut s’avérer
novatrice.
Par exemple, la construction de fusées à
eau et à air, peut se réduire pour l’enfant à
suivre un plan de montage fourni par
l’animateur, qui aura préalablement
préparé le matériel nécessaire à la bonne
marche de l’activité. L’enfant n’a alors
qu’une activité manuelle parmi d’autres à
se mettre sous la dent…
L’approche pourrait être tout autre : on
fournit aux enfants une bouteille vide, une
pompe à main s’adaptant sur le bouchon de
la bouteille en plastique, un peu d’eau et
l’activité est lancée. Les enfants effectuent
des tirs, faisant varier la quantité d’eau, la
pression de l’air dans la bouteille, l’angle
de tir ; toutes ces tentatives (qui pour
certaines conduiront à des tirs ratés), vont
induire chez l’enfant l’envie d’améliorer le
maigre prototype qui lui a été remis.
Souvent, les questions ne se font pas
attendre : «Comment maîtriser le moment
du départ, du déclenchement de la fusée».
«Quel est le meilleur mélange eau + air
pour un lancement optimal». «Comment
agir sur la trajectoire de la fusée, et
optimiser ainsi le chemin parcouru» ? «Ne
peut-on pas faire une base de lancement» ?
«Comment récupérer la fusée avant qu’elle
ne s’écrase au sol»…? Si les questions
fusent, l’animateur a gagné son pari : les
enfants sont entrés dans un processus qui,
par l’expérimentation, va les conduire à
s’interroger et à répondre par eux-mêmes
aux problèmes posés. Il faut maintenant
fournir tout type de matériel de
récupération (bouteilles, fils, tubes,
caisses…) et les aider à mettre en œuvre
une stratégie pour développer le projet
scientifique. Et pourquoi ne pas créer à
cette occasion des petits groupes d’enfants,
chaque groupe développant soit son propre
projet, soit travaillant à l’améliorer d’un
des points qui a été soulevé lors du bilan de
l’expérimentation initiale ?
Des projets comme celui-ci, il en existe des
centaines. Dans le collège, où j’enseigne,
j’ai mis en place un club en dehors du
cadre scolaire (au sein du Foyer SocioEducatif de l’établissement) portant sur la
réalisation de projets scientifiques :
fabrication de cadrans solaires (de petites
tailles d’abord puis à échelle humaine
ensuite), activités autour des ballons
stratosphériques (ballons météos)… Cette
dernière expérience, nous a conduit avec
les élèves à élaborer un projet ambitieux
visant à envoyer dans les airs un ballon
sous lequel était arrimée une nacelle,
contenant un appareil photo classique.
Objectif final : prendre des photos
aériennes de notre ville. C’est un projet
enthousiasmant pour les élèves qui vont
avoir à anticiper tous les problèmes qui se
présenteront et à y répondre : «comment
déclencher la prise de photo à distance» ?
«Comment détacher la nacelle du ballon au
bout de quelques minutes pour récupérer
l’appareil photo» ? «Comment freiner la
chute de la nacelle ainsi libérée, pour ne
pas détériorer son contenu» ?… C’est un
projet qui nous a pris six mois de réflexion,
d’expérimentations parfois hasardeuses, de
prospectives dans les greniers, dans les
caves pour débusquer la pièce qui nous fait
défaut... Ainsi avec un appareil photo
classique, un petit moteur d’enfant à
engrenages, un tourne-broche à poulet, les
jeunes ont réussi à obtenir une vingtaine de
photos aériennes… Ce fut une expérience
riche en échanges, «en rigolades», en
discussion, et gageons qu’elle ait apporté
aux jeunes, beaucoup plus que de simples
savoir–faire.
Ces activités à dominante scientifique sont
apparemment encore peu développées dans
les centres de vacances. La conduite de tels
projets, constitue immanquablement une
démarche
innovante
et
réellement
motivante pour l’enfant. Cet apport
contribue largement à son épanouissement
personnel. L’enfant développe ainsi son
autonomie au travers d’initiatives qu’il est
amené à prendre en fédérant l’ensemble de
ses connaissances et de ses idées. Au delà
de l’aspect ludique, ou de rêve que
véhiculent ces activités, c’est la notion
même de projet auquel l’enfant se
confronte et se familiarise. Ce type
d’activités inscrites dans le projet du centre
peut s’avérer être un complément idéal
pour
contrebalancer
le
«tout
consommation» dans lequel, chacun de
nous, dans nos centres de vacances, avons
tendance à nous retrouver aspirés.
Toutefois, la mise en place d’une telle
démarche sous-entend des personnels
motivés et dont les connaissances dans les
domaines technologiques soient suffisantes
; les publications sur ces thèmes de
développent à grande vitesse, permettant à
chacun de se renseigner, de se former. Afin
d’offrir la possibilité aux animateurs en
cours de formation d’acquérir une
réflexion, un bagage sur la mise en place
de projets scientifiques en centre de
vacances, il nous est apparu opportun de
proposer un stage d’approfondissement
BAFA, intitulé «activités autour de l‘eau,
de l’air et du soleil».
Malheureusement, il n’a pas pu se tenir
cette année le nombre d’inscrits étant
insuffisant. Choix de date peu judicieux
(une seule zone scolaire en vacances) ou
titre peu explicite expliquent peut-être cette
désaffection.
Restons
motivés
et
déterminés. Nous reproposerons cette
session l’an prochain, avec l’espoir que les
stagiaires présents puissent porter la bonne
parole et développent dans les séjours des
AROEVEN et des autres organismes les
projets scientifiques les plus fous et les
plus ambitieux, pour le plus grand bonheur
des enfants.