PFLD5-009F CICRP Newsltr v03

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PFLD5-009F CICRP Newsltr v03
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Dépistage de la coronaropathie chez la femme : le point
sur les recommandations actuelles
Jason Orvold, BSP, M.D., FRCPC, boursier principal en cardiologie, Division de cardiologie,
Université de Saskatoon (Saskatchewan)
Introduction
Les maladies cardiovasculaires comptent au nombre des
principales causes de mortalité chez la femme1. Parmi ces
dernières, la coronaropathie occupe le premier rang. D’après
le Women’s Health Surveillance Report, le taux de mortalité
lié à la coronaropathie, également appelée cardiopathie
ischémique, est à la baisse chez les hommes, alors qu’il est
stable, voire croissant chez les femmes au Canada2.
Mortalité secondaire à la cardiopathie ischémique
au Canada (1979 à 1998)
35000
Hommes
30000
Femmes
Morts
25000
20000
15000
10000
5000
0
1979
1984
1989
1994
1998
Statistique Canada. Biostatistiques, 1999
Le dépistage précoce est vital à la réduction du taux
de mortalité liée à la coronaropathie. Le clinicien dispose
d’un vaste arsenal d’épreuves invasives et non invasives pour
y parvenir. Or, l’application et l’interprétation de ces épreuves
diffèrent significativement selon le sexe. Vous trouverez ci-
après un résumé de la conférence de consensus de la Société
canadienne de cardiologie sur la cardiopathie ischémique
chez la femme (2000) et de la déclaration scientifique de
l’American Heart Association sur le rôle des épreuves non
invasives dans l’évaluation clinique des femmes chez qui on
soupçonne la présence de coronaropathie. Le présent article
s’intéresse aux épreuves non invasives.
Sélection des sujets pour les épreuves
diagnostiques (probabilité prédiagnostique)
La sélection des patients admissibles aux épreuves
diagnostiques est beaucoup plus difficile lorsque la prévalence
de la maladie est faible3,4. La prévalence de la coronaropathie
est beaucoup moins élevée chez les femmes préménopausées.
En effet, chez les moins de 70 ans, la fréquence de la
coronaropathie chez la femme correspond à celle qu’on
observe chez des hommes âgés de 10 à 15 ans de plus5. La
probabilité prédiagnostique se fonde sur les antécédents de
douleur thoracique et les facteurs de risque de la femme. Il
existe des courbes de prévision du risque adaptées aux femmes
symptomatiques et asymptomatiques6,7. D’après les résultats
coronarographiques, la présence de douleur thoracique est
moins susceptible d’être associée à la coronaropathie chez
la femme préménopausée que chez l’homme. Par ailleurs,
les femmes présentent plus de caractéristiques atypiques5.
Cela dit, chez la femme, la présence de caractéristiques
atypiques ne réduit pas la probabilité de coronaropathie
dans la même mesure que chez l’homme. Les femmes
sont plus susceptibles de ressentir une douleur au dos, à la
mâchoire, à l’abdomen et au cou, des nausées, de la dyspnée
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
7
et des symptômes de congestion. Elles se plaignent moins
de diaphorèse8-14, mais sont plus sujettes aux infarctus du
myocarde silencieux15. Les femmes peuvent présenter une
combinaison de caractéristiques typiques et atypiques, par
exemple, une douleur thoracique siégeant ailleurs qu’à la
région antérieure, ou des équivalents angineux comme
la dyspnée, les palpitations, la fatigue, les nausées ou la
présyncope15,16. Chez les femmes, l’angine de poitrine stable
chronique s’accompagne plus souvent d’accès au repos ou
nocturnes, et est plus susceptible d’être déclenchée par le
stress émotionnel10. Les femmes sont en outre plus enclines
à l’attribution des symptômes et risquent ainsi de biaiser
leurs soins en proposant que leurs symptômes sont plutôt
d’origine non cardiaque10,16,18-20. Le tableau symptomatique
peut traduire une angine typique, une angine probable
(présence de certaines caractéristiques atypiques) ou une
douleur thoracique imprécise (présence de caractéristiques
atypiques seulement). La prévalence correspondante de
coronaropathie significative à la coronarographie est de
60 à 75 %, de 30 à 40 % et de 2 à 7 %, respectivement.
La Société canadienne de cardiologie propose de classer
la douleur dans l’une de 3 catégories : typique (au moins
3 caractéristiques typiques), atypique (2 caractéristiques
typiques) ou non cardiaque (maximum de 1 caractéristique
typique; Tableau 1)29. Rappelons toutefois qu’il est important
de tenir compte de l’âge de la patiente lorsqu’il s’agit
d’évaluer la probabilité prédiagnostique au moyen de cette
classification; la prévalence augmente en fonction de l’âge,
surtout après 65 ans. Par ailleurs, cette classification visait
à l’origine l’angine de poitrine stable chez une population
principalement masculine, et non les syndromes coronariens
aigus. Certains facteurs de risque classiques revêtent une plus
grande signification pour la femme (Tableau 2)29.
TABLEAU 1
Classification de la douleur thoracique
Caractéristiques typiques
Localisation rétrosternale
Sensation de constriction, de brûlure ou de lourdeur
Déclenchement par l’effort ou l’émotion
Soulagement rapide par le repos ou la nitroglycérine
Caractéristiques atypiques
Localisation à la région thoracique gauche, à l’abdomen,
au dos ou au bras; absence de douleur à la région
thoracique médiane
Vive ou passagère
Accès répétés ou douleur persistante
Non liée à l’exercice
CCS 2000
8
TABLEAU 2
Facteurs de risque de coronaropathie chez la femme
Majeurs
Postménopause (sans HTS*) / âge supérieur à 65 ans
Diabète
Maladie vasculaire périphérique
Intermédiaires
Hypertension
Tabagisme
Dyslipidémie
Mineurs
Obésité
Sédentarité
Antécédents familiaux de coronaropathie
Autres facteurs de risque de coronaropathie
* Hormonothérapie substitutive
CCS 2000
TABLEAU 3
Algorithme pour l’investigation de la douleur thoracique
Probabilité élevée de coronaropathie (supérieure à 80 %)
Angine de poitrine typique associée à l’un des
facteurs suivants :
• Postménopause et/ou âge supérieur à 65 ans
• Diabète
• Angiopathie périphérique
• 2 facteurs de risque intermédiaires
Angine de poitrine atypique associée à l’un des
facteurs suivants :
• Postménopause et/ou âge supérieur à 65 ans + au moins
1 facteur de risque intermédiaire
• Diabète + au moins 1 facteur de risque mineur
ou intermédiaire
• 3 facteurs de risque intermédiaires ou 2 facteurs de
risque intermédiaires + 1 facteur de risque mineur
Probabilité intermédiaire de coronaropathie (20 à 80 %)
Angine de poitrine typique + 1 facteur de risque
intermédiaire ou au moins 2 facteurs de risque mineurs
Angine de poitrine atypique + postménopause
et/ou âge supérieur à 65 ans
Douleur non ischémique associée à l’un des
facteurs suivants :
• Postménopause et/ou âge supérieur à 65 ans
• Diabète + au moins 2 facteurs de risque mineurs
et/ou intermédiaires
Faible probabilité de coronaropathie (inférieure à 20 %)
Angine de poitrine typique, préménopause et absence
de facteurs de risque
Angine de poitrine atypique et absence de facteurs
de risque majeurs
Douleur non ischémique et absence de facteurs
de risque majeurs
CCS 2000
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
Par suite de l’évaluation de la probabilité prédiagnostique de
coronaropathie, le clinicien doit décider s’il est nécessaire de
procéder à une investigation plus poussée pour confirmer le
diagnostic, puis stratifier la patiente en fonction du risque
qu’elle présente.
Électrocardiographie d’effort
L’électrocardiographie (ECG) d’effort est la méthode la moins
coûteuse et la plus accessible de stratification du risque pour
les patients chez qui on soupçonne une coronaropathie. Sa
valeur prédictive est toutefois moins élevée chez la femme que
chez l’homme. Chez la femme, la sensibilité et la spécificité de
cette épreuve sont de 61 % et de 70 %, respectivement, tandis
que chez l’homme, elles atteignent 68 % et 77 %21,22. Bon
nombre de phénomènes ont été proposés pour expliquer cet
écart. Une plus faible prévalence de la maladie peut donner
lieu à un plus grand nombre de résultats faussement positifs.
Les études de coronarographie ont démontré que la fréquence
d’atteinte multivasculaire est plus faible chez la femme4,23-25.
Par ailleurs, comparativement aux hommes du même groupe
d’âge, les femmes sont plus sensibles au déconditionnement,
et donc moins susceptibles d’atteindre la fréquence cardiaque
voulue. En outre, elles présentent au départ plus d’anomalies
du segment ST-T. Enfin, elles sont généralement plus âgées au
moment de la consultation et donc plus souvent atteintes de
comorbidités liées au vieillissement, par exemple l’hypertension
s’accompagnant d’hypertrophie ventriculaire gauche. Tous
ces facteurs peuvent nuire à l’utilité de l’ECG d’effort. L’effet
des estrogènes sur le segment ST peut également produire
des résultats faussement positifs. La structure chimique de
ces hormones, qui s’apparente à celle de la digitale, risque de
provoquer une réponse pseudodigitalique faussement positive
à l’ECG26. On a démontré que la sensibilité de l’ECG d’effort
varie selon la phase du cycle menstruel27 ainsi qu’en présence
d’estrogénothérapie28. Enfin, d’autres facteurs, tels que les
différences anatomiques de la paroi thoracique et le fait que
les seuils reflétant une anomalie à l’ECG d’effort ont été
établis chez une majorité d’hommes, influent sur la validité
de cette épreuve29.
L’échelle DTS (Duke Treadmill Score) est l’outil le
plus souvent utilisé pour calculer le risque au moyen de
l’électrocardiographie d’effort. Le score obtenu sur cette
échelle incorpore la durée de l’effort, la déviation du segment
ST et les symptômes angineux. On a évalué sa validité auprès
d’une population de 976 femmes et déterminé qu’elle fournit
des données diagnostiques et pronostiques exactes chez les
femmes chez qui on soupçonne une coronaropathie. D’ailleurs,
l’obtention d’un score traduisant un faible risque sur l’échelle
DTS a permis d’écarter la présence de coronaropathie plus
efficacement chez les femmes que chez les hommes30.
D’après l’enseignement classique au moyen du théorème
de Bayes, cette épreuve est le plus utile chez les patients qui
présentent une probabilité prédiagnostique de coronaropathie
intermédiaire7, soit la catégorie où s’inscrivent la majorité
des femmes (risque de 20 à 80 %). Chez les femmes dont
la probabilité prédiagnostique est faible, le nombre de
résultats faussement positifs serait trop élevé31, tandis que
chez celles dont la probabilité est élevée, il est préférable de
passer directement à la coronarographie. Cela dit, on peut
quand même effectuer une ECG d’effort chez ces dernières;
si les résultats sont positifs ou non concluants, il convient de
procéder à la coronarographie. Si les résultats sont négatifs, il
peut être souhaitable de soumettre la patiente à une période
d’observation. Selon la SCC, l’ECG d’effort et l’évaluation au
moyen de l’échelle DTS doivent être employées en présence
d’une probabilité intermédiaire de coronaropathie, chez
des femmes tolérantes à l’effort dont le tracé électrocardiographique initial est normal. Les épreuves d’imagerie à l’effort
sont recommandées chez les femmes qui sont incapables de
fournir l’effort maximum ou qui présentent des résultats
anormaux à l’ECG. Si la probabilité de coronaropathie est
élevée, il convient de soumettre la patiente à une ECG d’effort
ou à une coronarograhie19. Les recommandations conjointes
actuelles de l’American College of Cardiology et de l’American
Heart Association relativement aux épreuves d’effort appuient
une telle démarche chez les femmes symptomatiques. Elles
stipulent que les éléments de preuve recueillis à ce jour ne
justifient pas de procéder systématiquement à des épreuves de
dépistage en l’absence de symptômes32.
Au cours d’études antérieures, la portée pronostique
de l’épreuve d’effort s’est révélée variable33-35. Le recours
à des paramètres tels que les réponses chronotrope et
hémodynamique augmente l’exactitude de ses résultats.
La présence de symptômes cardiaques n’a pas une valeur
prédictive aussi élevée chez la femme que chez l’homme34.
On a démontré que les mesures relevées en situation d’effort
maximal sont d’une grande valeur pronostique. Au cours
d’une des études menées à ce chapitre, l’augmentation d’un
équivalent métabolique a réduit la mortalité toutes causes
confondues et les manifestations cardiaques de 23 % chez les
femmes et de 17 % chez les hommes36. Comme on l’a énoncé
précédemment, le DTS fournit des données pronostiques
propres au sexe. Les taux de mortalité coronarienne après
5 ans s’inscrivent entre 5 et ≥ 10 %, selon que le score
traduise un risque faible ou élevé. L’intervalle de ces taux
est plus élevé chez l’homme : il est de ≤ 9 à ≥ 25 %20.
D’une façon générale, chez les femmes dont le score DTS
traduit un faible risque, la mise en route d’un programme
de modification des facteurs de risque, accompagné ou non
d’un traitement anti-ischémique, suffit. Chez celles dont
le risque est élevé, la coronarographie s’impose. Enfin, en
présence d’un risque intermédiaire, il convient de poursuivre
l’investigation, ce qui comprend habituellement l’imagerie
cardiaque en situation d’effort.
Imagerie nucléaire
La scintigraphie myocardique au thallium ou au sestamibi
marqué au technétium est également très répandue. Non
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
9
seulement ces épreuves permettent-elles de repérer les
patients atteints de coronaropathie, mais elles fournissent
de précieuses données pronostiques en définissant plus
clairement la gravité de la maladie. Cela dit, elles sont plus
coûteuses et moins accessibles que les épreuves d’effort
classiques; la sélection des patients est donc importante.
L’effort peut être fourni par l’exercice ou simulé au moyen
d’agents médicamenteux (dobutamine avec ou sans atropine,
ou vasodilatateurs tels que le dipyridamole ou l’adénosine).
Le recours à un agent médicamenteux élargit l’éventail des
patients admissibles à ces épreuves.
Chez les femmes, l’épreuve d’effort au thallium a une
sensibilité de 78 % et une spécificité de 64 %13, mais elle
présente certaines limites. Elle donne plus de résultats
faussement positifs à cause de l’atténuation des tissus mous
(tissus mammaires) des régions antérieure et antérolatérale37.
Par ailleurs, le volume ventriculaire est inférieur chez la
femme, ce qui peut également fausser les résultats38.
Le sestamibi marqué au technétium offre une meilleure
précision pour ce qui est du dépistage de la coronaropathie
chez la femme; il s’agit d’ailleurs du radiotraceur de
référence dans cette population. Il permet d’évaluer à la
fois l’irrigation myocardique et la fonction ventriculaire
gauche39,43. L’atténuation des tissus mammaires n’est pas aussi
problématique avec cet agent, dont la technique (MUGA)
permet en outre de mesurer la fraction d’éjection au premier
passage. Sa spécificité est de l’ordre de 91 %40,42.
Le dipyridamole et l’adénosine sont des vasodilatateurs
employés lors des épreuves d’imagerie en situation d’effort.
Elles sont particulièrement utiles chez les femmes, qui sont
souvent incapables de fournir l’effort maximum. Les données
portant sur l’emploi du dipyridamole chez la femme sont
limitées (n = 43), mais elles semblent être comparables chez
les deux sexes41. L’adénosine a été évaluée dans une plus grande
cohorte42. Sa sensibilité et sa spécificité se sont chiffrées à
91 % et à 86 %, respectivement pour ce qui est de déceler une
coronaropathie significative, à savoir une sténose luminale
> 50 % visible à l’angiographie. La sensibilité dépendait
moins des manifestations initiales et de la probabilité
prédiagnostique42. L’analyse ultérieure de cette cohorte a
révélé une sensibilité de 91 % et une spécificité de 7 % pour
le dépistage d’une coronaropathie grave ou importante43,
résultats comparables à ceux qu’on obtient chez les hommes.
Mentionnons également que les femmes sont plus susceptibles
de présenter une douleur thoracique, de l’essoufflement et
d’autres symptômes secondaires à la vasodilatation. Comme la
proportion de tissu adipeux est plus grande chez la femme que
chez l’homme, le volume de distribution des vasodilatateurs
est moindre, et leur concentration sérique peut être plus élevée
par suite du réglage de la dose en fonction du poids44.
La ventriculographie isotopique d’effort constitue une
autre épreuve d’imagerie nucléaire employée pour déceler la
coronaropathie et établir le pronostic. Plus précisément, elle sert
à repérer toute altération de la fonction systolique ventriculaire
10
gauche en situation d’effort. Chez la femme, l’exercice peut
faire augmenter le débit cardiaque en augmentant le volume
télédiastolique sans toutefois faire baisser le volume systolique,
contrairement à ce qu’on observe chez l’homme. Elles ne
présentent donc pas nécessairement, contrairement aux
hommes, une augmentation de la fraction d’éjection45. Par
conséquent, la portée d’une variation de la fraction d’éjection
en situation d’effort est relativement imprécise chez la femme,
ce qui restreint l’utilité de la ventriculographie.
La scintigraphie myocardique possède une forte valeur
prédictive de la présence d’une coronaropathie et du risque
coronarien chez la femme. D’après l’analyse de données
colligées obtenues auprès de plus de 7500 femmes, l’obtention
d’un résultat normal à cette épreuve a été associée à un taux
de manifestations cardiaques annuel inférieur à 1 %46. En
revanche, l’obtention de résultats anormaux est associée à un
risque accru en proportion du nombre de zones atteintes. Le
groupe d’étude END (Economics of Non-invasive Diagnosis) a
démontré que le pronostic s’assombrit chez les deux sexes à
mesure qu’augmente le nombre de zones ischémiques; le taux
de mortalité après 3 ans peut atteindre 15 % lorsque 3 zones
vasculaires sont atteintes. La présence d’une ischémie d’effort
importante (> 2 zones) s’est révélée moins courante chez la
femme que chez l’homme. Le nombre de zones atteintes est
le principal facteur prédictif de mortalité chez la femme47.
Contrairement aux autres épreuves, qui ne font qu’écarter ou
confirmer la présence d’une coronaropathie, la scintigraphie
myocardique présente l’avantage de fournir une description
de l’évolution du risque d’après le degré d’ischémie. On a
récemment démontré l’efficacité des agents médicamenteux
simulant l’effort physique pour ce qui est de la stratification
du risque chez les femmes diabétiques qu’on sait ou soupçonne
être atteintes d’une coronaropathie. Les taux de mortalité
coronarienne annuels se sont chiffrés à 1,6 % chez les femmes
diabétiques présentant des résultats scintigraphiques normaux
(comparativement à 0,8 % chez les non diabétiques), à 4,1 %
(vs 2,8 %) en présence d’anomalies modérées et à 8,5 %
(vs 6,1 %) lorsque les résultats traduisaient un risque élevé48.
Échocardiographie
L’échocardiographie d’effort améliore l’exactitude de
l’ECG d’effort chez les deux sexes; d’une façon générale, sa
sensibilité s’établit à 85 % et sa spécificité, à 77 %49. Cette
technique est avantageuse chez les femmes qui présentent
au départ des anomalies électrocardiographiques pouvant
nuire à l’interprétation de l’épreuve d’effort. La simulation
médicamenteuse peut servir d’adjuvant à l’échocardiographie;
elle est d’ailleurs très utile chez les femmes incapables de fournir
l’effort maximum. Tong et Douglas ont examiné 8 études
ayant fait appel à l’échocardiographie médicamenteuse et
relevé une sensibilité et une spécificité de 86 %50. D’après
Mieres et ses collaborateurs, la validité de l’échocardiographie
d’effort (fourni par l’exercice ou d’origine médicamenteuse)
est comparable chez les deux sexes2.
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
L’échocardiographie est utile pour déterminer le pronostic
des femmes qu’on soupçonne être atteintes de coronaropathie.
Sawada et son équipe ont démontré qu’un résultat normal à
cette épreuve chez une patiente présentant une bonne
tolérance à l’effort est associé à un excellent pronostic. D’une
façon générale, les manifestations cardiaques ne sont
survenues que chez les patientes incapables d’atteindre 85 %
de la fréquence cardiaque prévue ou 6 équivalents
métaboliques51. McCully et son équipe ont obtenu des
résultats comparables, même lorsque la probabilité
prédiagnostique de coronaropathie était intermédiaire ou
élevée. Ils ont également démontré que le sexe n’est pas un
facteur prédictif indépendant de mortalité, ce qui vient de
nouveau étayer que la validité de l’échocardiographie d’effort
est comparable chez les deux sexes52. Les anomalies du
mouvement des parois cardiaques provoquées par l’effort se
sont révélées de meilleurs facteurs prédictifs que les
modifications du segment ST ou la tolérance à l’effort. Une
étude a démontré que 31 % des femmes chez qui
l’échocardiographie évoquait une coronaropathie ont été
victimes d’une manifestation cardiaque, comparativement à
4 % de celles qui ne présentaient aucun signe d’ischémie53.
Cette observation s’applique également aux femmes soumises
à une épreuve d’effort médicamenteuse au dipyridamole ou
à la dobutamine. La fréquence des manifestations s’est
chiffrée à < 1 % sur 3 ans lorsque les résultats de
l’échocardiographie étaient normaux, même en présence
d’une dépression du segment ST54. En revanche, au
cours d’une étude menée à la clinique Mayo, le
risque de manifestations cardiaques quadruplait lorsque
l’échocardiographie à la dobutamine donnait des résultats
positifs55. Ces résultats indiquent que l’échocardiographie
est un outil très puissant pour ce qui est d’évaluer le risque
chez les femmes qu’on soupçonne être atteintes d’une
coronaropathie, et qu’elle est plus révélatrice que l’ECG
clinique et l’ECG d’effort. Elle est particulièrement utile
chez les femmes qui sont incapables de fournir l’effort
maximum ou qui présentent des anomalies à l’ECG.
Tomodensitométrie
La tomodensitométrie ultra rapide permet de rechercher la
présence d’une coronaropathie sous-jacente en décelant la
calcification coronarienne d’origine athéroscléreuse56. Elle est
relativement sensible chez les hommes (87 %) ainsi que chez
les femmes de plus de 60 ans (97 %). Chez les femmes de
moins de 60 ans, toutefois, sa sensibilité est beaucoup moins
élevée (50 %), sans doute à cause des effets des estrogènes
et du fait que la calcification des plaques athéromateuses
est moins importante qu’elle ne l’est chez l’homme57. Selon
les recommandations conjointes de l’AHA et l’ACC, il
convient de réserver le dépistage tomodensitométrique
de la coronaropathie à une sélection de femmes exposées
à un risque intermédiaire d’ici l’obtention de données
supplémentaires en cette matière.
Conclusion
Le dépistage de la coronaropathie et la stratification du risque
coronarien sont tout aussi essentiels chez la femme que chez
l’homme. Le présent résumé nous apprend que le clinicien
doit savoir modifier sa démarche chez les patientes de sexe
féminin; il doit être sensibilisé au fait que les femmes sont en
proie à la sous-orientation, que leur première consultation est
souvent motivée par l’angine de poitrine plutôt que par un
infarctus aigu du myocarde et qu’elles sont plus susceptibles
que les hommes de présenter des caractéristiques atypiques
et d’attribuer leurs symptômes à une cause non cardiaque. Il
doit également être conscient des différences d’application et
d’interprétation des épreuves non invasives chez la femme.
L’algorithme suivant a été élaboré conjointement par l’AHA
et l’ACC pour faciliter l’évaluation des femmes qui présentent
des symptômes évoquant une coronaropathie2,32,37.
Femmes présentant des symptômes de douleur thoracique
atypiques ou typiques exposées à un risque intermédiaire ou élevé
Résultats normaux à l’ECG au repos
et tolérance normale à l’effort
Diabète, résultats anormaux à l’ECG
au repos ou faible tolérance à l’effort
Épreuve d’effort
sur tapis roulant (ETP)
Imagerie cardiaque
en situation d’effort
Faible risque
selon l’ETP
Risque
intermédiaire selon l’ETP
Modification des facteurs
de risque et/ou
traitement anti-ischémique
Tolérance à l’effort ou
absence de symptômes
en cours d’effort
de faible intensité
Intolérance à l’effort
(troubles orthopédiques,
AVC, bloc de
branche gauche, etc.)
Effort
physique
Simulation
médicamenteuse
Résultats normaux
ou anomalies minimes;
fonction VG normale
Anomalies modérées
ou graves ou réduction
de la FE
Cathétérisme
cardiaque
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
11
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Veuillez consulter le site www.cacr.ca/publications pour obtenir la liste
complète des références.
Obstacles à l’orientation vers la réadaptation cardiaque
Sherry L. Grace, Ph. D., Université York et University Health Network
L
es données publiées soutiennent fortement que les
femmes sont moins susceptibles d’être orientées vers un
programme de réadaptation cardiaque (RC) que les hommes.
Au cours de notre étude, réalisée auprès de 900 patients
cardiaques provenant de 10 hôpitaux de l’Ontario, 28 %
des sujets ont été dirigés vers un tel programme, mais les
hommes étaient près de 2 fois plus susceptibles de l’être que
les femmes1. Les obstacles à l’orientation des femmes vers la
RC peuvent se dresser à plusieurs niveaux : ils peuvent relever
du patient, de l’équipe soignante ou du système de santé.
En 2002, Benz Scott et ses collaborateurs ont présenté un
résumé intéressant sur les obstacles relevant du patient2. Ils
soulignent entre autres l’existence de preuves selon lesquelles
les femmes sont moins susceptibles que les hommes d’être
orientées vers la RC, car elles sont généralement plus âgées
au moment de leur première manifestation cardiaque et
qu’elles reçoivent moins d’appui de la part de leur conjoint.
« Les obstacles à l’orientation des femmes
vers la RC peuvent se dresser à plusieurs
niveaux : ils peuvent relever du patient, de
l’équipe soignante ou du système de santé. »
12
Le présent article vise à résumer les travaux qu’a effectués notre
équipe sur les obstacles relevant du personnel soignant et du
système de santé, lesquels demeurent à ce jour grandement
inexplorés. Bien que nos recherches ne se concentrent pas
expressément sur les facteurs faisant obstacle à l’orientation des
femmes vers la RC, elles portent pour la plupart sur la réduction
de la disparité d’accès à la RC observée entre les sexes.
Attitude et perception du médecin
De nombreux facteurs contribuent à la sous-utilisation de
la RC, y compris les tendances des médecins en matière
d’orientation vers de tels programmes.
Nous avons sondé un échantillon aléatoire de
179 cardiologues, chirurgiens cardiaques et médecins
de famille ontariens au sujet des facteurs influant sur
l’orientation vers la RC3. Dans l’ensemble, ces praticiens ont
manifesté une attitude positive relativement à l’orientation
de leurs patients vers la RC. La plupart du temps, ils dirigent
les patients vers un tel programme lorsqu’ils ont l’impression
que le sujet est suffisamment motivé, et en raison du
caractère global de la RC, qui traite plusieurs facteurs de
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire