success story mode

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success story mode
Par Jérôme Bloch
SUCCESS STORY
MODE
karl
Lagerfeld
ICONIC
© Eric Ryan/Getty Images
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Par Jérôme Bloch
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“
S’il est un homme qui a influencé l’évolution
de la mode dans le monde, c’est lui. Au point
de devenir aujourd’hui l’incarnation de l’image
contrôlée à laquelle beaucoup de ses « fashion
victims » aspirent.
La montée en puissance
Chanel
Lorsqu’il accepte de prendre en main les collections de Chanel, en 1983, la marque est moribonde, connue surtout pour ses parfums. En
une collection, il replace Chanel sur les rails du
succès et redonne vie à l’esprit de sa fondatrice, Coco, disparue 12 ans plus tôt. Jamais une
marque n’avait connu une telle renaissance. La
clé du succès : un mélange de sex appeal et de
sensationnalisme. Il a capté l’air de son temps
et les tendances des médias, notamment leur
besoin en histoires frappantes, pour se différencier dans une industrie en pleine explosion.
D’autres marques s’en inspireront : Gucci avec
Tom Ford, Dior avec John Galliano ou Louis
Vuitton avec Marc Jacobs. Il fait du même coup
de son égérie, Inès de la Fressange, le premier
mannequin à accéder au stade de vedette internationale. Un succès total. Il se paye le Luxe
de lancer sa propre marque un an plus tard,
puis de poursuivre ses collaborations avec
Chloé, Valentino ou Fendi, simultanément.
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”
© Karl Lagerfeld, Façade New York Mars 2005
La date de naissance de Karl Lagerfeld, à
Hambourg, constitue déjà un mystère. La version officielle de sa biographie indique 1938
mais les médias allemands et Alicia Drake, l’auteur du livre « The beautiful Fall » pensent que
la réalité est plus proche de 1933. Bénéficiant
d’une éducation protégée, sous la houlette
d’une mère caustique mais charismatique, le
jeune Karl évolue dans un univers rêvé. Il a hâte
de quitter le monde des enfants et s’imagine à
la cour du roi soleil qu’il deviendra en quelque
sorte dans le monde de la mode. Sa mère l’encourage à gagner Paris, où il remporte en 1955
un concours de styliste. Un autre jeune créateur,
Yves Saint Laurent lui dispute la vedette en s’arrogeant également une récompense dans une
autre catégorie. Pierre Balmain, membre du jury,
embauche le jeune Allemand comme assistant.
Il rejoint Jean Patou trois ans plus tard au poste
de directeur artistique et finit par se mettre à
son compte, comme styliste indépendant, au
début des années soixante, notamment pour
Fendi ou Chloé.
La mode est éphémère,
dangereuse et injuste.
Parallèlement, il ajoute des cordes à son arc en
devenant photographe en 1987 et éditeur en
2000 avec la création des éditions 7L.
La marque Lagerfeld
Pour Anna Wintour, la toute puissante rédactrice
en chef de Vogue, la popularité mondiale de Karl
était inévitable « Il y a tellement plus de médias
qui s’intéressent à la mode ». Elle oublie de dire
qu’il a été un des moteurs de cette fascination
grandissante.
Il vit au milieu de milliers de livres et d’accessoires, dans un capharnaüm un peu inattendu
pour un tel maniaque de la perfection, mais
nécessaire à sa verve créative. Infatigable
touche à tout, il travaille sans relâche, mais s’efforce de laisser transparaître une superficialité
coquette.
La marque « Lagerfeld » avait commencé
comme parfum en 1978, et s’éteint en 1997.
Elle laisse la place à Lagerfeld Gallery, qui sera
revendue en 2005 à Tommy Hilfiger. Entretemps,
le génial designer réalise deux nouveaux coups
historiques : il signe un retour en 2000 avec
47 kilos en moins, qui lui permet de se glisser
dans les vêtements qu’il dessine, passant ainsi
physiquement au statut d’icône de la mode.
En 2004, il est le premier à accepter de >>>
© Karl Lagerfeld,
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>>> vendre ses produits pour H&M. Les clients
font la queue pendant des heures. Roberto
Cavalli, Sonia Rykiel et Lanvin suivront ses pas
dans ce nouveau mélange des genres.
La collection
La mode se réinvente tous les six mois. Un intervalle redoutablement rapproché si l’on considère l’ampleur de la tâche : dessin des tenues,
production, essayages, scénarisation.
Le défilé de la collection Automne-Hiver 20052006 de Chanel constitue un exemple frappant
d’une maison en pleine effervescence. Un cadre
très graphique constitué de grands disques
blancs, une mise en scène intrigante avec l’arrivée de mannequins habillés tout en noir et des
tenues finalement révélées dans un feu d’artifice
de couleurs. Du grand art.
Il résume son style et sa passion pour l’histoire en quelques mots : « La mode est dédiée
à aujourd’hui. Vous pouvez prendre une idée
du passé, mais si vous la présentez comme
à l’époque, personne n’en veut ». Il suffit de
chercher sur Google des photos de Walther
Rathenau, un industriel assassiné en 1922 pour
voir comment le génial Karl a emprunté le style
des cols de chemise de l’époque pour créer son
propre style.
« Si je n’étais pas dans la mode, je serais dans
la publicité ». Karl Lagerfeld s’est illustré dans
ce domaine, en créant des campagnes pour
la mode, du coca-cola, des glaces ou des voitures. Mais la plus étonnante fut sans doute celle
consacrée à la sécurité routière, où il est photographié avec un gilet jaune, illustrant son sens
de l’humour et de l’autodérision.
Si je n’étais pas
dans la mode,
je serais dans
la publicité.
Signature
© Karl Lagerfeld, autoportrait
© Karl Lagerfeld
Dans le film « Lagerfeld Confidentiel » qui a été
au festival de Berlin, le designer révèle un portrait plus sensible que celui qui est habituellement présenté dans la presse. Cultivé, curieux,
passionné et parfois vachard, Karl Lagerfeld
évoque son homosexualité sans détour : « Cela
n’a jamais été un problème depuis que ma
mère m’a dit que c’était comme une couleur
de cheveux ». Son ami, Jacques de Bascher,
avec qui il revendique une histoire platonique,
décède du Sida en 1989. S’il avoue ne pas
être fait pour vivre en couple, il entretient des
relations intenses avec son entourage. Chacun
garde à l’esprit les dernières personnes à avoir
été exclues du cercle de confiance. Tant pis si
elles travaillaient à son service depuis plusieurs
décennies.
Il possède des dizaines de costumes, dont
certains qu’il n’a jamais mis, des bijoux par
milliers, des tonnes de livres, mais également
des dizaines d’iPod. Et le double CD qu’il a sorti
en 2006 – « Les musiques que j’aime » – est à
son image : une sélection très sophistiquée et
enthousiasmante de titres plus inconnus les uns
que les autres. Le résultat de ses recherches
incessantes, notamment chez « Colette »,
rue du Faubourg Saint Honoré. Pour créer la
mode, encore faut-il la suivre, et « capter l’air
du temps ».
+ D’INFOS
www.myofficialstory.com/karllagerfeld
www.karllagerfeld.com
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