GABON7.deBrazza.pp38_43:GABON FEATURE

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GABON7.deBrazza.pp38_43:GABON FEATURE
HISTOIRE
Gentleman
explorateur
Un siècle après sa mort, Pierre
Savorgnan de Brazza fait figure
d’exception parmi les colonisateurs
de l’Afrique. L’histoire retiendra
que ce défenseur des droits des
populations autochtones se heurta
aux forces qui domineront le Congo
français au début du XXe siècle.
AFP ROGER VIOLLET
L
Pierre Savorgnan
de Brazza mena
des expéditions et
fonda la colonie du
Congo français
(grande photo). En
1905, la commission d’enquête de
Brazza fait la une
du Petit Journal.
ORSQUE Pierre Savorgnan de Brazza naît en
1852, l’Afrique équatoriale – ou le « Cœur des
ténèbres », comme la décrira Joseph Conrad
dans sa célèbre nouvelle – est un véritable
mystère. Trois cents ans se sont écoulés depuis le
passage des Portugais le long des côtes de ce qui
deviendra le Gabon, ainsi nommé parce que la forme de son
estuaire leur rappelle une cape coiffée d’une capuche,
gabão. Ils n’osent pas s’aventurer plus loin dans les terres,
tant les forêts du Gabon sont denses. Pendant des années,
cette région impénétrable de l’Afrique
restera la plus méconnue du continent –
une « zone vierge » sur la carte, que le
petit Brazza, enfant, rêve de répertorier.
Partout ailleurs, la ruée vers l’Afrique
bat son plein. Dès le milieu du XIXe siècle,
les explorateurs français, britanniques et
allemands traversent l’Afrique de l’Ouest
et remontent le fleuve Niger. Les Portugais d’Angola ont déjà atteint le
Mozambique et des missionnaires tel
David Livingstone (1813-1873) ont foulé
les régions montagneuses de l’Afrique
de l’Est. En 1839, un navire français à la
recherche de routes commerciales
aborde le Gabon. Son capitaine, Louis
Édouard Bouët-Willaumez, signe un
traité avec le roi Rapontchombo, un chef
local avisé, et acquiert des terres sur la
rive gauche de l’estuaire. Pendant les 10 années qui suivent,
la marine bâtit les fondations de ce qui deviendra Libreville.
Des missionnaires catholiques français s’installent, tout
comme des presbytériens américains. Le commerce de
l’ivoire, du caoutchouc et des bois exotiques se met en
place. Seul l’intérieur du Congo conserve encore ses secrets.
En 1850, l’explorateur franco-américain Paul du Chaillu se
rend au Gabon et devient le premier Blanc à voir un gorille
vivant. Son ouvrage Explorations and Adventures in
Equatorial Africa (1861) raconte les animaux sauvages, les
étranges tribus et les coutumes insolites. Cette région
impénétrable attise la curiosité du public.
À la fin du XIXe siècle, la petite colonie de la côte gabonaise
deviendra un vaste empire, deux fois plus grand que la
France. C’est Pierre Savorgnan de Brazza qui en sera le bâtisseur et l’inspirateur. Le territoire dense qu’il explorera, future
Afrique équatoriale française, s’étend jusqu’au lac Tchad et
englobe les quatre nations connues aujourd’hui sous le nom
de Gabon, république du Congo, république centrafricaine
et Tchad. La première de ses trois campagnes d’exploration
débute en 1875. Les deux périples suivants, facilités par l’intérêt croissant de la France pour l’Afrique, permettent
d’établir la colonie du Congo français. Sur l’autre rive du
fleuve se trouve le Congo belge du roi Léopold II, conquis par
celui qui deviendrait le plus grand rival de Brazza : Henry
Morton Stanley. Brazza étend et gouverne le Congo français
jusqu’à ce qu’on le rappelle à Paris en 1898. Le pays morcelé
tombe alors aux mains d’hommes d’affaires cupides et sans
scrupule. Brazza s’éteint en 1905, accablé de désillusions,
après avoir conduit une commission d’enquête dans son
empire dévasté. Mais revenons en arrière…
Pietro Paolo Francesco Camillo Savorgnan di Brazzà, fils
du comte Ascanio Savorgnan di Brazzà, naît à Rome en
1852. Fasciné par la géographie, il déclare à 13 ans vouloir
s’engager dans la marine. Il intègre l’École navale française et
sera même naturalisé français. En 1871, il rejoint l’escadre de
l’Atlantique sud, puis l’Algérie où les tribus kabyles se
révoltent contre les colons. Jusqu’en 1874, Brazza passe le
plus clair de son service à bord du Vénus
qui fait souvent escale dans la colonie
gabonaise. Sa cabine est jonchée de
cartes et de récits de voyages. En 1874, il
écrit à l’amiral de Montaignac, ministre
de la Marine : « J’ai acquis la conviction
que l’Ogooué, même en amont des
premiers rapides, est encore un fleuve
considérable qui s’étend vers l’intérieur. »
Découvrir sa source devient une obsession et il espère qu’il le conduira aux
grands lacs d’Afrique centrale. Il fait valoir
que ces territoires inconnus apporteront
des informations fascinantes sur la
géographie, la faune et la flore, les
coutumes tribales et, peut-être, des
possibilités commerciales. Quatre mois
plus tard, l’amiral donne son accord.
En 1875, Brazza quitte Bordeaux pour
sa première expédition. Il a 23 ans et est accompagné de
trois compagnons blancs, un marin, un scientifique et un
médecin, et de dix marins recrutés au Sénégal. Il emporte
des marchandises à troquer, notamment des breloques et
des perles artificielles. À Lambaréné, il engage des guides et
120 passeurs équipés de 9 canoës. C’est à Lopé que se manifestent pour la première fois l’idéalisme et l’ingéniosité qui
allaient marquer sa vie. Réveillé par les cris d’un esclave
GABON . PRINTEMPS 2007 39
➔
HISTOIRE
«
LE CONGO FRANÇAIS N’A JAMAIS OUBLIÉ
BRAZZA. IL EST PEU PROBABLE QU’UN
AUTRE BLANC SOIT PARVENU À AUTANT
GAGNER LA CONFIANCE DES AFRICAINS.
suppliant qu’on le sauve des mains de son maître, il l’achète
400 francs. En un instant, une foule d’esclaves implorent leur
liberté. Dans l’impossibilité financière de tous les acheter, il
met à profit la connaissance des fétiches qu’il a acquise au
contact des tribus et hisse le drapeau tricolore français : « En
touchant simplement ce drapeau, affirme-t-il aux Africains,
la liberté vous appartient. Mon pays, la France, ne reconnaît
pas l’esclavage, mais seulement les principes de liberté,
d’égalité et de fraternité. » Les mois de longues marches,
ponctués d’accès de paludisme et de palabres avec des
tribus hostiles, mettent l’explorateur à rude épreuve. Mais
Brazza reste fidèle à ses principes : il tisse des liens d’amitié
le long de l’Ogooué et l’Afrique devient sa patrie de cœur.
Près de deux ans après son départ, Brazza a parcouru environ 480 km et il finit par atteindre un point où l’Ogooué
n’est plus navigable. A-t-il couru après une chimère ?
Trouvera-t-il la source du fleuve ? « De la colline entre la
rivière Mpassa et le fleuve Ogooué, on m’a montré la chaîne
de montagnes qui s’étend vers le sud et dont les flancs ouest
portent l’eau jusqu’à l’Atlantique. L’Ogooué n’a plus de
secret pour nous », écrira-t-il. Nullement découragé, il
continue son exploration par la terre, « afin, en avançant
vers l’est, de tenter de lever le voile sur cette vaste région
inconnue qui nous sépare du Haut-Nil et du lac Tanganyika ».
Malgré des conditions très difficiles, l’expédition se poursuit. Plus Brazza avance, plus il entend parler de « la grande
eau ». Les Batékés, chez qui il séjourne début 1878, lui parlent
de l’Alima, une rivière qui conduit à cette grande eau, mais
le mettent en garde contre les Apfourous, une tribu hostile.
Alors qu’ils remontent la rivière, ils sont attaqués. Épuisés, les
40 GABON . PRINTEMPS 2007
explorateurs décident de retourner sur la côte. Une surprise
les attend. Les tribus qui les ont attaqués les accueillent maintenant en amis. Richard West, auteur de Brazza of the
Congo, pense qu’il y a une explication psychologique à ce
revirement : « Lorsque Brazza remontait la rivière, chaque
tribu essayait de l’empêcher d’aller plus loin, de peur de voir
s’abattre sur elle le mauvais sort qui l’empêchait elle-même
de remonter la rivière. [Les tribus] craignaient de s’exposer à
une malédiction en laissant Brazza braver le sort. En
revenant sain et sauf, il a rompu la superstition. »
La course pour le Haut-Congo
Brazza vit une expérience similaire à son retour en France en
1878. Le tout-Paris se passionne désormais pour les aventures captivantes de ce nouveau héros à la mode. L’explorateur comprend qu’il doit sa popularité à Henry Stanley.
Celui-ci vient de terminer une expédition de grande ampleur
de l’Afrique de l’Est jusqu’à l’embouchure du Congo et
grâce à lui, le « cœur des ténèbres » fait la une des journaux.
Stanley est bien différent de Brazza. Avec la fougue d’un
conquérant, il relie la région de Dar Es-Salaam au lac
Victoria, puis au lac Tanganyika et descend enfin le fleuve
Congo jusqu’à son embouchure atlantique. « Fort d’une
troupe de plus de 300 hommes et parfois appuyé par plus
de 1 000 mercenaires, Stanley fait figure pour la plupart des
tribus de général d’une armée d’invasion », écrit Richard
West. Les Africains le nomment Bula Matari (le briseur de
rochers). Impitoyable, son allié le roi Léopold fait reconnaître
le Congo belge comme sa propriété personnelle et le dirigera d’une main de fer pendant les 20 années qui suivront.
FONDATION BRAZZA, AFP ROGER VIOLLET
À gauche : le roi
Makoko, chef de la
tribu batéké qui
signa avec Brazza
le traité crucial
qui conduira à la
création du Congo
français. En haut :
gravure de 1878
montrant le camp
de Brazza sur les
rives de l’Ogooué.
En bas : les
membres de la
toute première
expédition. Encart
page suivante :
vêtu de sa tenue
d’aventurier de la
jungle, Brazza fait
rêver le tout-Paris
des années 1870.
De retour à Paris, Brazza réalise que la rivière Alima est un
affluent du fleuve Congo. Si seulement il avait continué cinq
petits jours de plus, lui aussi aurait pu atteindre « la grande
eau » et planter le drapeau français. Ayant écho du projet
du roi Léopold d’établir une route à partir de l’embouchure
du Congo, Brazza décide de le devancer en atteignant le
Haut-Congo par voie terrestre. Il quitte la France en 1879 et
se lance dans la course. Près du confluent de la rivière
Mpassa et du fleuve Ogooué, il fonde un comptoir commercial qu’il baptise Franceville. Alors qu’il poursuit son avancée,
un messager du roi Makoko, le chef de la tribu des Batékés,
vient à sa rencontre. Il lui dit que son roi sait « que ses
redoutables fusils n’ont jamais servi à attaquer […] il m’a
chargé d’apporter des paroles de paix et de guider son ami ».
Au village de Makoko, Brazza et ses compagnons reçoivent
un accueil chaleureux. Ils y passent plus de deux mois et
tissent des liens de profonde amitié. En 1880, le roi signe un
traité avec Brazza, se plaçant ainsi sous protectorat français
et permettant à Brazza d’établir un poste au village qui
deviendrait Brazzaville. C’est ainsi que Brazza fonde le
Congo français.
Puis il retourne en France pour faire ratifier le traité
Makoko conformément au droit international et obtenir du gouvernement des
fonds pour une troisième expédition en
Afrique. À partir de 1883, il mène de
nombreuses missions le long de
l’Ogooué au départ de la côte. Il établit
des comptoirs commerciaux, rencontre
des chefs et sous son impulsion le territoire prend forme. En 1886, il est nommé
Commissaire général du Congo français
et acquiert une certaine notoriété grâce à
son approche civilisée des expéditions. Il
insiste toujours sur une « colonisation
douce ». « Les indigènes ne manquent
pas d’intelligence et sont faciles à aborder par qui sait les traiter avec politesse
mais fermeté, avec bienveillance mais
sans faiblesse, et avec une patience sans
limite », déclare-t-il devant un auditoire
parisien. « Vouloir imposer notre manière de voir les choses
et nos comportements avec arrogance et rigidité nous
conduira inévitablement vers une situation de conflit dont ils
seront les seuls à souffrir immensément. » Il avait raison,
comme en témoignent les événements au Congo belge. Ici,
le roi Léopold a créé un vaste camp de prisonniers voué à la
production de caoutchouc. Par l’entremise d’un décret
secret de 1891, il déclare siennes toutes les « terres vacantes
» de son territoire, c’est-à-dire tout sauf les huttes et les
jardins des Africains. L’ivoire et le caoutchouc que les
autochtones considéraient autrefois comme leurs sont
maintenant vendus à des négociants européens. Les villageois qui ne paient pas leur taxe sont fouettés, enchaînés,
»
emprisonnés ou mis à mort. Joseph Conrad se rend à
Léopoldville en 1890 et peindra un tableau bien sombre du
pays : « Des formes noires, parmi les arbres, étaient accroupies, gisantes ou assises […] dans toutes les postures de la
douleur, de l’accablement et du désespoir », écrira-t-il dans
Au cœur des ténèbres. Au Congo français, la situation est
différente… du moins au début. Durant son administration,
Brazza se bat contre l’exploitation coloniale et ne réserve pas
un accueil favorable aux compagnies détentrices des
concessions. Mais le commerce sera le plus fort. En 1898, le
gouvernement français le rappelle et la presse le critique,
affirmant qu’il « pratique la philanthropie, pas la colonisation ». En une année, le Congo français a été découpé en
40 concessions, dont de nombreuses au profit de compagnies
liées d’une manière ou d’une autre au roi Léopold.
L’influence humaniste de Brazza sera vite éradiquée.
Il retourne au Congo français en 1905, lorsque des
missionnaires révèlent le traitement déplorable infligé aux
Africains dans le système de concessions. Accompagné de
son épouse et d’une commission d’enquête, il parcourt plus
de 800 km à cheval sous un soleil de plomb ou une pluie
battante. Partout où il se rend, on lui rapporte les brutalités
commises par les Européens et il voit les
compagnies de concession sous leur vrai
jour : cupides, cyniques, véritables apôtres d’une nouvelle forme d’esclavage.
Au bout de quatre mois, épuisé et
souffrant de paludisme, Brazza quitte
Libreville pour Paris afin d’y faire part de
ses terribles constatations. Mais à bord du
navire, sa santé se dégrade. Au large des
côtes sénégalaises, il appelle son assistant
à son chevet. Se sachant proche de la fin,
il lui confie la mission de présenter le
rapport de la commission. Il meurt à
Dakar. Le gouvernement français fait part
de sa douleur et Brazza a droit à des
funérailles nationales. Mais les conclusions de la mission sur les injustices
perpétrées au Congo français ne sont pas
rendues publiques. Selon le gouvernement français, la publication du rapport nuirait au prestige de
la France… Pourtant, le Congo français n’a jamais oublié
Brazza. Il représente une lueur d’humanité dans une histoire
souvent sombre. « En termes de distance parcourue ou de
richesse de l’empire qu’il a conquis, la réussite de Brazza ne
peut se mesurer à celle de Stanley », constate Richard West,
son biographe. « Mais pour ce qui est du caractère, du
courage moral et de la compassion envers les Africains, Brazza
était plus grand que Stanley et seul Livingstone peut rivaliser
avec lui… Il est peu probable qu’un autre Blanc soit parvenu
à autant gagner la confiance et l’amour des Africains. » ➔
Sarah Monaghan
41
HISTOIRE
«
LE COLONISATEUR
HUMANISTE BRAZZA FAIT
PARTIE DE NOTRE MÉMOIRE
COLLECTIVE ET DE NOTRE
PASSÉ. IL EST IMPORTANT
DE SE SOUVENIR DE LUI.
étaient traités de manière abjecte. Brazza quitta le Congo
français en 1898, mais en 1905, lors de sa dernière visite, il
fut choqué par ce qu’il vit. Son rapport au gouvernement
français exposait le travail forcé et les punitions infligées par
les compagnies de caoutchouc européennes.
Des officiers de marine congolais ont porté le cercueil de
Brazza recouvert du drapeau français jusqu’à l’imposant
mausolée de verre et de marbre érigé tout spécialement. Les
hymnes français, congolais et gabonais ont résonné tandis
que les présidents Sassou-Nguesso et Bongo inauguraient un
mémorial de marbre blanc en son honneur. Des remerciements ont été adressés au président français Jacques
Chirac pour son soutien à l’événement.
Les chefs d’État camerounais, algérien, centrafricain et italien ont assisté à la cérémonie, ainsi que le ministre français
des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy et des membres
de la famille de Brazza. Était également présent Auguste
Nguempio, le roi des Batékés (principal groupe ethnique du
Congo) et descendant de Makoko, le souverain qui signa en
1880 le traité autorisant Brazza à s’installer sur les rives du
fleuve Congo où il fonda Brazzaville.
Retour aux sources
À l’heure où de nombreux pays africains préfèrent oublier leur passé colonial, l’estime
dont fait l’objet le fondateur du Congo français témoigne de ses qualités humaines.
Pierre-Marie Dong. Il est important de se souvenir de lui, car
tout pays qui renie son passé perd une part de lui-même. »
Les personnalités officielles ont ensuite rejoint Brazzaville
par avion pour conduire Brazza à sa dernière demeure, dans
la capitale congolaise qu’il avait fondée il y a 126 ans et qui
porte son nom. La plupart des villes africaines ont rejeté leur
nom colonial après l’indépendance. Brazzaville est la seule
ville à porter encore le nom d’un colonisateur blanc.
L’histoire en a voulu autrement à Léopoldville et Stanleyville
en République démocratique du Congo, renommées
Kinshasa et Kisangani.
Le gouvernement de la RC indique
avoir voulu rendre hommage à Brazza
pour son action contre l’esclavage et
pour son opposition aux mauvais traitements des travailleurs africains. « Ce qui
nous inté-resse ici, c’est la dimension
humaniste de Brazza, sa lutte contre
l’esclavage et les excès commis par les
compagnies exportatrices pendant la
période coloniale », précise le secrétaire
général adjoint du gouvernement
Charles Bowao.
L’explorateur gouverna le Congo
français pendant 12 ans. Son administration bienveillante contrastait fortement
avec celle des dirigeants belges de l’autre
côté du fleuve Congo, où les Africains
Des liens solides
AFP, GETTY, AFRIKIMAGES
L
’EXPLORATEUR franco-italien Pierre Savorgnan de
Brazza (1852-1905) a reçu la plus grande marque de
respect des habitants du Gabon et de la République
du Congo (RC) en octobre 2006, après le centième
anniversaire de sa mort.
Ses restes, ainsi que ceux de son épouse Thérèse et de leurs
quatre enfants, ont quitté leur sépulture d’Alger pour les cérémonies de commémoration qui ont eu lieu à Franceville
(Gabon) et à Brazzaville (RC). Ils ont d’abord reçu les honneurs
militaires au Gabon au cours d’une cérémonie solennelle en
présence du président gabonais El Haj
Omar Bongo Ondimba, de son homologue congolais Denis Sassou-Nguesso et
de l’ambassadeur de France au Gabon
Jean-Marc Simon. Franceville, capitale de
la province du Haut-Ogooué, a de bonnes
raisons de se souvenir de Brazza : c’est lui
qui a fondé cette ville-refuge pour les
esclaves libérés en 1880. Le long des rues
ornées de banderoles sur lesquelles on
pouvait lire « Pierre Savorgnan de Brazza
revient à son peuple », la foule s’est
pressée pour voir passer le cortège de
Brazza et admirer la statue monumentale
inaugurée par le président. « Cet homme
fait partie de notre mémoire collective, de
notre culture et de notre passé, a déclaré
le ministre gabonais de la Culture, feu
»
Les liens entre la famille italienne de Brazza et les Batékés
n’ont jamais été rompus. Au cours des années, ses descendants se sont rendus jusqu’à Mbé, le siège du royaume
batéké où vit le monarque. « L’amitié entre Brazza et
Makoko a offert au Congo une lueur d’humanisme dans la
sombre et tragique histoire de sa colonisation. Les Congolais
le surnomment leur “ancêtre blanc” et sont fiers d’évoquer
l’entente profonde entre Makoko et Brazza », commente
Florentine Idanna Pucci, la petite-nièce de Brazza.
Tous les orateurs ont rendu hommage à l’explorateur en
mettant en avant ses qualités humanistes. M. Douste-Blazy
l’a décrit comme « un homme exceptionnel, qui a toujours
rejeté la violence en faveur de la confiance et de l’amitié ».
En Italie, une exposition intitulée Pietro Savorgnan di
Brazzà : une vie pour l’Afrique ») s’est tenue, peu avant cet
hommage, à l’auditorium Parco della musica de Rome. Elle
coïncidait avec les célébrations du 50e anniversaire du
jumelage des capitales italienne et française. Mme Pucci a
précisé : « Le message laissé par Brazza a servi de thème
sous-jacent. Un message de non-violence et de dialogue,
véritable pont entre les cultures. » L’exposition comprenait
des films, dont un présentant de rares gravures des expéditions de Brazza sur le fleuve Ogooué au Gabon, parues en
1887 dans le journal français Tour du monde. La musique
accompagnant le film, Lambarena : Bach to Africa, était
signée par le grand musicien gabonais Pierre Akendengué. ■
Page de gauche :
les marins congolais
portent les cercueils
de Brazza et de sa
famille (en haut) ;
la cérémonie à
Franceville (en bas).
Cette page : un
descendant de
Brazza, Nicola de
Brazza, au cimetière
d’Alger (en haut) ;
de nombreux
Congolais ont
assisté à la cérémonie (au centre) ;
le président français
Jacques Chirac et
ses homologues
du Gabon et de
la république du
Congo posant la
première pierre du
nouveau mémorial
en 2005 (ci-contre).
Sarah Monaghan
42
GABON . PRINTEMPS 2007 43

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