Chronologie des principaux événements liés à la crise

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Chronologie des principaux événements liés à la crise
Chronologie sélective des crises et des
mobilisations altermondialistes
(1999-2009)1
Damien Millet – Sophie Perchellet - Eric Toussaint
1999
30 novembre-3 décembre : échec du sommet de l’OMC à Seattle (Etats-Unis). Des
manifestations massives et des désaccords entre pays riches et pays émergents conduisent à
une fin prématurée. L’écho médiatique est très important et le mouvement altermondialiste
accélère son développement.
2000
14 février : le directeur général du FMI, Michel Camdessus, démissionne deux ans avant la fin
de son mandat, suite aux critiques virulentes à l’encontre du FMI lors de la crise en Asie du
sud-est de 1997-1998.
mars : les Bourses mondiales atteignent des sommets historiques quand la bulle de l’internet
(ou bulle des nouvelles technologies) éclate. La dégringolade commence. Sur la période 20002001, tous les profits réalisés depuis 1995 (145 milliards de dollars) par les 4 300 sociétés du
Nasdaq (marché des valeurs technologiques) sont volatilisés.
2001
20 janvier : entrée en fonction du président états-unien George W. Bush. Ses 2 mandats
(2001-2008) sont marqués par la politique internationale dite de « guerre contre le
terrorisme » en réaction aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, par les guerres en
Afghanistan et en Irak, par l'adoption du Patriot Act (loi d’exception renforçant énormément les
pouvoirs des agences gouvernementales et qui instaure le crime de « terrorisme intérieur ») et
la création du département de la sécurité intérieure, par une accélération de la privatisation
des secteurs de la sécurité, de la surveillance, de la construction et de la reconstruction, par
des rhétoriques néoconservatrice comme « l’axe du mal » ou « l’avant poste de la tyrannie »,
puis par le plan Paulson mis en place pour faire face à la crise à la fin de son mandat.
25-30 janvier : premier Forum social mondial (FSM), à Porto Alegre (Brésil), en parallèle du
Forum économique mondial de Davos dénoncé par le FSM. Les éditions suivantes se
dérouleront dans différentes grandes villes du Sud : Porto Alegre jusqu’en 2003 ; Mumbai
(Inde) en 2004 ; Porto Alegre en 2005 ; Caracas (Venezuela), Bamako (Mali) et Karachi
(Pakistan) simultanément en 2006 ; Nairobi (Kenya) en 2007 ; Belém (Brésil) en 2009.
juillet : la conférence de Bonn constitue le premier pas en matière de réalisation d'une
réglementation internationale contraignante en matière environnementale. Elle joue le rôle de
décret d'application des accords de Kyoto de 1997.
20-21 juillet : sommet du G8 à Gênes (Italie). La police italienne réprime les manifestants
anti-G8 qui sont plus de 500.000, provoquant la mort de Carlos Giuliani, un jeune manifestant.
A cette occasion, après son lancement à Lusaka (Zambie) début juillet lors du sommet de
l’Organisation de l’union africaine (OUA), le Nouveau partenariat pour le développement de
l'Afrique (NEPAD, acronyme de New Partnership for Africa's Development) est avalisé par les
chefs d’Etat du G8 lors du sommet de Gênes. Le NEPAD est un projet de développement initié
par plusieurs chefs d'États africains dont le Sud-Africain Thabo Mbeki, l'Algérien Abdelaziz
Bouteflika, le Sénégalais Abdoulaye Wade, le Nigérian Olusegun Obasanjo et l’Égyptien Hosni
Moubarak. Il provient de la fusion de deux plans (Plan Oméga de Wade, Millenium African Plan
porté par Mbeki, Obasanjo et Bouteflika), apparus au cours de l'année 2000.
Malheureusement, comme son lien avec le G8 le confirme, le NEPAD cherche à intégrer
l’Afrique à la mondialisation néolibérale (au lieu de chercher un développement endogène) et à
financer des méga-projets par des investissements privés, souvent d’origine extérieure, tout
en poursuivant le remboursement de la dette extérieure. Lancé sans consultation des
populations africaines, le NEPAD voit donc l’Afrique essentiellement comme un grand chantier
1
Cette étude a reçu le soutien de la Communauté française de Belgique.
pour l’initiative privée. Mais les profits envisagés ne sont pas suffisants pour attirer les
capitaux privés et le NEPAD se révèle vite être une coquille vide.
11 septembre : attentats-suicides organisés par Al Qaida aux Etats-Unis au moyen de quatre
avions de ligne détournés. Le gouvernement de George W. Bush prend prétexte de ces
attentats pour envahir l’Afghanistan en 2002 et l’Irak en 2003.
9-13 novembre : lancement d’un round de négociations de l’OMC à Doha (Qatar) pour une
libéralisation accrue, notamment dans le secteur agricole et des services. Ce round est
aujourd’hui dans l’impasse à cause de différends entre pays industrialisés et pays émergents.
2 décembre : faillite frauduleuse d’Enron, l'une des plus grandes sociétés mondiales par sa
capitalisation boursière. Spécialisée dans le domaine énergétique, elle avait dissimulé ses
pertes occasionnées par ses opérations spéculatives sur le marché de l'électricité en bénéfices
via des manipulations comptables incluant des sociétés offshore basées dans des paradis
fiscaux. Cette faillite entraîna dans son sillage celle du cabinet d’audit Arthur Andersen.
19-20 décembre : révolte en Argentine. Après la dictature militaire (1976-1983) et la fuite
en avant néolibérale sous la présidence du corrompu Carlos Menem (1989-1999), l’économie
entre en récession. Au début du mois, le FMI refuse d’accorder un nouveau prêt et les banques
bloquent les avoirs des petits épargnants. Le peuple argentin répond par de grandes
manifestations, dont le mot d’ordre est : « Que se vayan todos ! » (Qu’ils s’en aillent tous !),
qui conduisent à la démission du président Fernando de la Rua. Il est remplacé en janvier 2002
par Eduardo Duhalde qui stoppe les remboursements de la dette envers les créanciers privés.
2002
11-12 avril : coup d’Etat contre le président vénézuélien Hugo Chavez, organisé avec l’aide
des Etats-Unis et soutenu par les grands médias privés du pays. Le patron des patrons se
proclame président et est tout de suite reconnu par les Etats-Unis, l’Espagne au nom de
l’Union européenne et le FMI. Mais le peuple descend dans la rue et moins de 48 heures plus
tard, le nouveau régime est en fuite et Chavez revient au palais présidentiel.
10-13 juin : le Sommet mondial sur l’alimentation, qui se tient à Rome, est perturbé par la
question des OGM. La lutte contre la faim sert de prétexte à la diffusion des organismes
génétiquement modifiés est au coeur des discussions.
27 octobre : élection de Lula à la présidence du Brésil. L’ancien syndicaliste a renié ses
principes et signé un accord avec le FMI avant même d’être élu.
7-10 novembre : 1er Forum social européen (FSE) à Florence avec 60 000 participants et une
manifestation anti-guerre de plusieurs centaines de milliers de personnes. Les mouvements
sociaux convoquent pour le 15 février 2003 une journée d’action mondiale contre les
préparatifs d’une guerre contre l’Irak. Les éditions ultérieures du FSE connaîtront des succès
importants (Paris en 2004, Londres en 2005, Athènes en 2006) avant de connaître un
tassement lors du 5e FSE tenu à Malmö en septembre 2008. Prochaine édition prévue : juin
2010 à Istanbul.
12 décembre : ouverture du Sommet européen de Copenhague, au cours duquel huit
nouveaux Etats d’Europe orientale feront à terme leur entrée effective, Malte et Chypre devant
les suivre. Des marchandages financiers tendus (notamment avec la Pologne) marquent ce
sommet, ainsi que de vifs débats sur la réforme des institutions et les procédures de prise de
décision. La Turquie se voit finalement proposer l’ouverture de discussions avec l’Union à
l’horizon de décembre 2004.
20 décembre : Après 3 jours de négociation à Genève, les 144 membres de l’OMC échouent à
trouver un consensus sur les médicaments à bas prix à destination des pays pauvres.
Washington bloque l’accord pour protéger son industrie pharmaceutique.
2003
12 février : flambée de violence à La Paz (Bolivie), faisant au moins 26 morts, à l’annonce du
projet fiscal visant à satisfaire les exigences du FMI en termes de réduction du déficit fiscal du
pays.
15 février : plus de 10 millions de manifestants dans le monde répondent à l’appel lancé par
les mouvements sociaux à Florence afin de s’opposer aux préparatifs de l’invasion de l’Irak.
20 mars : les forces armées des Etats-Unis, du Royaume-Uni et d’une coalition de pays
attaquent l’Irak.
13 mai : annonce du dépôt d’une plainte par les Etats-Unis à l’OMC, contre le moratoire
instauré par l’Union européenne depuis 1999 sur les OGM.
6 juin : signature d’un accord de libre-échange entre le Chili et les Etats-Unis.
11 juillet : condamnation des Etats-Unis par l’Organe de règlement des différends de l’OMC
suite à l’instauration d’une surtaxe à l’importation d’acier décidée en mars 2002.
10-14 septembre : échec du sommet de l’OMC à Cancun (Mexique). Les pays émergents
claquent la porte car les pays riches leur demandent une libéralisation quasi-totale sans
accepter eux-mêmes des efforts significatifs dans ce sens.
29 septembre : après s’en être retirés en 1984, les Etats-Unis réintègrent officiellement
l’UNESCO lors de sa conférence annuelle.
4 octobre : ouverture, à Rome, de la Conférence intergouvernementale chargée d’adopter la
future constitution européenne.
24 octobre : entrée en fonction du nouveau président de la Banque centrale européenne
(BCE), Jean-Claude Trichet.
12 décembre : échec du Sommet européen réuni à Bruxelles pour entériner le projet de
Constitution de l’Europe.
2004
25 février : accord « Agadir » de libre-échange entre l’Egypte, la Jordanie, le Maroc et la
Tunisie.
2 mars : accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis prévoyant une libéralisation
quasi-complète des échanges.
4 mars : le directeur général du FMI, Horst Köhler, annonce sa démission, un an avant la fin
de son mandat, pour prendre la présidence de la république fédérale d’Allemagne.
2 avril : élargissement de l’OTAN à sept nouveaux pays de l’Europe centrale et orientale
(Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie et Slovénie).
8 avril : accord entre Paris et Londres pour tester un nouveau mécanisme de financement
international, par emprunt sur les marchés. Cela aboutit à la constitution de la « Facilité
internationale de financement pour la vaccination » (IFFIm). Les fonds levés par l’IFFIm sont
utilisés par GAVI Alliance, partenariat public-privé (incluant des fabricants de vaccins ou la
fondation Bill et Melinda Gates) cherchant à réduire le nombre de décès et de maladies
évitables par la vaccination chez les enfants de moins de cinq ans. L’IFFIm a été lancée en
2006 grâce à l’initiative du gouvernement britannique, avec le soutien de la France, l’Italie,
l’Espagne, la Suède, la Norvège et l’Afrique du Sud, qui ont engagé 5,3 milliards de dollars sur
20 ans. Plusieurs critiques sont émises sur ce mécanisme : il place le marché financier au cœur
du dispositif, ce qui est dangereux ; la Banque mondiale, qui a saboté depuis 1980 les
systèmes de santé publique au Sud, est le conseiller financier et le trésorier principal de
l’IFFIm ; à l’échelle des besoins, les montants concernés sont bien maigres (l’émission
inaugurale en novembre 2006 a permis de récolter 1 milliard de dollars, la deuxième émission
obligataire en mars 2008, destinée aux investisseurs particuliers au Japon, a permis de
récolter 223 millions de dollars) ; les décisions concernant la santé au Sud ne sont pas prises
dans les pays concernés, mais par des décideurs issus des pays riches.
4 mai : l’ancien ministre espagnol de l’Economie, Rodrigo de Rato, dont le gouvernement a
perdu les élections en mars, est nommé directeur général du FMI.
16 juin : la Commission américaine d’enquête indépendante sur les attaques du 11 septembre
rend public un rapport préliminaire excluant tout lien entre Saddam Hussein et le réseau Al
Qaïda.
18 juin : adoption du projet de Constitution européenne, en discussion depuis deux ans, lors
du premier Conseil européen à 25. Le Traité constitutionnel n’entrera en vigueur qu’après
ratification par les Etats membres.
29 juin : nomination de José Manuel Durao Barroso, Premier ministre portugais, comme
président de la Commission européenne, pour succéder à l’Italien Romano Prodi.
30 juin : renforcement de l’embargo américain contre Cuba.
1er août : accord à l’OMC sur la libéralisation des échanges, avec notamment la
programmation de la fin des subventions agricoles américaines et européennes et l’ouverture
partielle des pays en voie de développement aux produits industriels en provenance des pays
développés.
6 août : l’Organe de règlement des différends de l’OMC condamne l’Union européenne pour les
subventions accordées aux producteurs de sucre, donnant ainsi raison aux trois plaignants
(Brésil, Australie et Thaïlande).
16 août : le président vénézuélien Hugo Chavez remporte le référendum portant sur son
éventuelle révocation avec 58,21% des votes contre 41,7%.
8 septembre : à l’OMC, condamnation des Etats-Unis pour les subventions accordées aux
producteurs de coton ; condamnation de l’appel de l’Union européenne pour les subventions
accordées aux producteurs de sucre.
1er octobre : les ministres de l’Intérieur de l’Union européenne se réunissent à Bruxelles afin
de débattre de la création de camps de réfugiés hors de l’Union pour trier les migrants et faire
faire le « sale boulot » par d’autres pays.
octobre : immenses mobilisations populaires en Bolivie contre le président Gonzalo Sanchez
de Lozada qui veut aller plus loin dans l’abandon de la souveraineté nationale sur le gaz. Le 17
octobre, il s’enfuit vers les Etats-Unis.
9 octobre : prenant acte de la condamnation des Etats-Unis par l’OMC en août 2001, le
Congrès américain abroge les aides fiscales américaines aux exportations, tout en créant de
nouveaux avantages fiscaux pour les entreprises manufacturières.
26 décembre : après un violent séisme dans l’océan Indien, un tsunami meurtrier cause plus
de 200 000 morts et un million de déplacés, en particulier en Indonésie, en Thaïlande, au Sri
Lanka et en Inde.
2005
13 janvier : après 3 jours de mobilisation des habitants d’El Alto (banlieue de La Paz), le
président bolivien met fin à la concession de 30 ans accordée à la transnationale Suez. Il s’agit
d’une nouvelle victoire du peuple bolivien dans sa lutte pour récupérer le contrôle public sur
ses ressources naturelles.
16 février : entrée en vigueur du Protocole de Kyoto qui propose un calendrier de réduction
des émissions des gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique. Ouvert à
ratification depuis le 16 mars 1998, il est ratifié par 172 pays en août 2009, à l'exception
notable des Etats-Unis puisque George W. Bush a dénoncé la signature de son prédécesseur.
25 février : accord sur la restructuration de la dette argentine. Le président argentin Nestor
Kirchner, dont le gouvernement ne remboursait pas la dette envers les créanciers privés
depuis début 2002, a sommé les créanciers privés d’accepter une forte réduction de leurs
remboursements futurs (plus de la moitié) en échange de la reprise des remboursements. Les
pays du G8 et le FMI protestent mais Kirchner tient bon en affirmant que c’est ça ou rien. A la
fin de l’ultimatum, 76% des créanciers ont accepté.
20 avril : renversement du président néolibéral équatorien Lucio Gutierez suite à de grandes
mobilisations populaires.
29 mai : le peuple français rejette le projet de Traité constitutionnel européen par
référendum, alors que la majorité des pays avait opté pour une ratification par voie
parlementaire. Après une campagne virulente, le parti majoritaire de droite et le parti socialiste
échouent à imposer ce traité qu’ils soutenaient à quelques exceptions près. Un énorme travail
de décryptage et de pédagogie a été réalisé par les mouvements sociaux en faveur du « non ».
La notion de « concurrence libre et non faussée » inscrite dans le texte cristallise nombre
d’oppositions. Quelques jours plus tard, le peuple néerlandais le rejette également. Le traité
ainsi rédigé ne peut donc pas entrer en application. L’Union européenne semble dans
l’impasse, mais les chefs d’Etat décident de passer outre en proposant très vite un nouveau
projet de traité remanié.
11 juin : réunion des ministres des Finances du G8 à Londres qui se termine par un accord
pour la réduction de la dette des pays pauvres très endettés qui auront satisfait aux
conditionnalités du FMI et de la Banque mondiale. Le coût de cette opération est d’environ 2
milliards de dollars par an pour les pays riches, à comparer aux 350 milliards de subventions
agricoles et aux 700 milliards des dépenses militaires du G8. Les pays riches s’accordent pour
dépenser annuellement pour cet effacement de dette la moitié de ce que dépensent les EtatsUnis chaque mois en occupant l’Irak. Et le montant concerné va gonfler artificiellement l’aide
publique au développement. Cet accord ne permettra pas à ces pays de sortir du
surendettement, surtout avec la hausse des cours des matières premières qui se profile.
1er septembre : le socialiste français Pascal Lamy devient directeur général de l’OMC.
4-5 novembre : abandon officiel de la Zone de libre-échange des Amériques (ALCA) lors du
sommet des présidents des Amériques à Mar del Plata en Argentine. Grande victoire du
mouvement altermondialiste.
13 décembre : le Brésil rembourse par anticipation sa dette à l’égard du FMI (15,5 milliards
de dollars), dont une large part est odieuse.
15 décembre : l’Argentine rembourse par anticipation sa dette à l’égard du FMI (9,8 milliards
de dollars), dont une large part est odieuse.
18 décembre : accord à l’arraché au sommet de l’OMC à Hong-Kong. Mais les discussions
générales sur la libéralisation économique restent dans l’impasse. De grandes manifestations
contre la logique de l’OMC ont lieu également à Hong Kong dans le même temps.
18 décembre : élection d’Evo Morales, dirigeant syndical des producteurs de feuilles de coca,
à la présidence de la Bolivie.
2006
4 avril : annonce par l’OCDE d’une hausse record de l’aide publique au développement (APD),
à 106 milliards de dollars. Mais cette hausse de 31% en un an est artificielle puisqu’elle inclut
les annulations de dette à visée géostratégique (Irak, Nigeria) et les dons pour l’Asie à
l’occasion du tsunami de décembre 2004.
29 avril : signature du Traité commercial des peuples (TCP) par le Venezuela, Cuba et la
Bolivie, qui vient renforcer l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) lancée en avril
2005 par Hugo Chavez et Fidel Castro. En opposition à la zone de libre échange des Amériques
(ZLEA) promue depuis le début des années 2000 par les Etats-Unis, l’ALBA propose une
alternative au libéralisme économique en promouvant le troc et un modèle de développement
contraire aux principes du Consensus de Washington. Plutôt que de favoriser les privatisations,
l’ALBA souhaite promouvoir les services publics. Des médecins cubains viennent au Venezuela
soigner gratuitement la population et, en échange, Caracas lui procure du pétrole à prix
inférieur au marché grâce à la société Petrocaribe. Le succès de l’alliance entre le Venezuela et
la Caraïbe dans l’ALBA pousse d’autres pays à intégrer ce dispositif. Peu à peu, le Nicaragua, la
Dominique, le Honduras, Saint Vincent et les Grenadines, Antigua-et-Barbuda et l’Equateur
s’associent à l’initiative.
19 août : le navire chimiquier Probo Koala (qui navigue sous pavillon panaméen, avec un
équipage russe, et est géré par une société grecque, Prime Marine, tout en étant affrété par
une société immatriculée aux Pays-Bas...) accoste à Abidjan (Côte d’Ivoire) et plus de 500
tonnes de produits toxiques (essentiellement des boues issues du raffinage de pétrole) en sont
déchargés avant d’être déposés dans au moins quatorze sites sans la moindre précaution.
Dans les jours qui suivent, des milliers de personnes se plaignent de nausées, de
vomissements et de malaises respiratoires. Plusieurs personnes en meurent et chaque jour,
plus de 3 000 personnes se rendent dans les centres de soins habilités. La faune et la flore des
environs sont très touchées.
16 septembre : le FMI entérine une future réforme des droits de vote, réforme totalement
inconsistante et qui ne modifie en rien les rapports de force internationaux. Seuls le Mexique,
la Chine, la Corée du Sud et la Turquie voient leurs parts augmenter, et ce de manière très
faible. Les droits de vote de la Chine restent toujours inférieurs à ceux de la France.
18 septembre : manifestations en Hongrie, après que le Premier ministre Ferenc Gyurcsany,
membre du Parti socialiste, a sciemment dissimulé à l’opinion publique les mesures
néolibérales et les régressions sociales qu’il s’apprêtait à décider en accord avec le FMI sitôt le
scrutin terminé.
3 décembre : élection du progressiste Rafael Correa à la présidence de l’Equateur. Il va
notamment lancer le processus d’adoption d’une nouvelle Constitution plus démocratique et un
audit de la dette équatorienne afin de dénoncer les dettes illégitimes et odieuses.
6 décembre : réélection d’Hugo Chavez à la présidence du Venezuela avec un peu plus de
60% des voix.
10 décembre : mort de l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, qui a pris le pouvoir en
1973 suite à un coup d’Etat soutenu par les Etats-Unis et fait du Chili un laboratoire de
l’ultralibéralisme dirigé par les économistes de l’école de Chicago dirigée par Milton Friedman.
2007
10 janvier : début de la grève générale illimitée en Guinée à l’appel de plusieurs syndicats.
Pendant plusieurs semaines, nombreuses manifestations avec des revendications à la fois
politiques et économiques, notamment l’arrêt de la détérioration des conditions de vie liée à
l’augmentation des prix des aliments. Ces manifestations plongent le pays dans une crise qui
fait au moins 200 morts.
11 janvier : instauration de l’état d’urgence au Bangladesh suite aux manifestations, grèves
et blocages des transports, réprimés par la police, et qui ont fait trente-cinq morts et des
milliers de blessés depuis la fin octobre 2006. La situation alimentaire catastrophique est
aggravée par la violence des conditions climatiques (2,2 millions de sinistrés du cyclone Sidr
qui a frappé le pays le 15 novembre, entraînant la mise en place d’un programme d’aide du
Programme alimentaire mondial pour six mois). Des grèves surprises tournent à l’émeute tout
le long de l’année 2008.
31 janvier : près de 100 000 Mexicains défilent dans les rues de Mexico pour protester contre
l’augmentation de 40% des prix de la tortilla.
février : les défauts de paiement sur les crédits hypothécaires se multiplient aux Etats-Unis et
provoquent les premières faillites d'établissements bancaires spécialisés.
mars : Première grande manifestation au Maroc contre les prix élevés des aliments.
20 avril : le président équatorien Rafael Correa annonce l’expulsion du représentant
permanent de la Banque mondiale en Équateur, Eduardo Somensatto.
6 mai : élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la France. Une droite décomplexée et
ouvertement ultralibérale arrive au pouvoir.
17 mai : le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, annonce sa démission, suite à
un scandale de népotisme (il a favorisé la carrière de sa compagne au sein de l’institution).
14–22 juin : selon des rumeurs, deux fonds gérés par la banque Bear Stearns auraient subi
de lourdes pertes sur le marché des subprimes aux Etats-Unis et 3,8 milliards de dollars
d’obligations seraient lancées pour les renflouer. Il est confirmé par la suite que l’un des fonds
est maintenu grâce à l’injection de capitaux, le second devant être liquidé.
28 juin : le directeur général du FMI, Rodrigo de Rato, annonce sa démission, deux ans avant
la fin de son mandat, prétextant des raisons familiales et personnelles.
10–12 juillet : les agences de notations (S&P, Moody’s, Fitch) commencent à mettre sous
surveillance négative certains investissements comme des obligations adossées à des
hypothèques subprimes.
30 juillet–1er août : en Allemagne, la banque IKB annonce des pertes liées aux subprimes et
se tourne vers son principal actionnaire, Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), pour s’acquitter
de ses engagements financiers. Un fonds de secours de 3,5 milliards d’euros est constitué par
KfW et un groupe de banques.
31 juillet–9 août : American Home Mortgage Investment Corp. annonce son incapacité à
financer ses obligations de prêt puis demande, une semaine plus tard, à bénéficier du chapitre
11 de la loi sur les faillites. Union Investment, un gestionnaire de fonds allemand, interrompt
les retraits de l’un de ses fonds. Trois programmes ABCP, dont un lié à American Home,
allongent l’échéance de leurs emprunts, fait sans précédent. BNP Paribas gèle les rachats sur
trois fonds de placement.
9–10 août : la BCE injecte 95 milliards d’euros de liquidités sur le marché interbancaire,
marquant le début d’une série d’interventions exceptionnelles des banques centrales. La
Réserve fédérale des Etats-Unis procède à trois appels d’offres exceptionnels de fonds au jour
le jour pour un total de 38 milliards de dollars et publie un communiqué comparable à celui de
la BCE.
15 août : la junte militaire au pouvoir en Birmanie augmente brutalement le prix de l’essence
de 66%, du diesel de 100% et du gaz de plus de 500%. Quatre jours plus tard, des
manifestations commencent à s’organiser autour d’une opposition politique. D’abord
sporadiques, elles prennent de l’ampleur le 5 septembre quand des bonzes sont frappés par
des miliciens de la junte. Le 26 septembre, les forces armées prennent le contrôle des
monastères et répriment les manifestations à Rangoon, faisant plusieurs morts.
15 et 29 août : manifestations contre la vie chère au Yémen. A Taïz, environ 8 000 personnes
participent à un sit-in pour dénoncer la hausse du coût de la vie et demander une amélioration
de la qualité des services publics. A Sanaa, des milliers de Yéménites manifestent pour
protester contre la baisse du niveau de vie et l’augmentation du prix du riz dans ce pays
pauvre du Golfe.
13–17 septembre : Northern Rock, banque britannique spécialisée dans le crédit immobilier,
connaît des problèmes de liquidités qui provoquent une fuite des épargnants et l’annonce de
l’instauration, par le gouvernement britannique, d’une garantie des dépôts.
18 septembre–4 novembre : de grands établissements financiers font état de dépréciations
successives et de pertes trimestrielles. Plusieurs dirigeants d’établissement quittent leur poste
dans le cadre d’une réorganisation de la haute direction.
23 septembre : manifestation contre les prix élevés des aliments au Maroc. De violents
affrontements à Séfrou font une cinquantaine de blessés.
11–23 octobre : Moody’s déclasse quelque 2 500 titres subprime émis en 2006, suivi par
S&P. S&P met en outre sous surveillance négative 590 CDO et déclasse 145 tranches de CDO
représentant un total de 3,7 milliards de dollars ; la même semaine, Moody’s baisse la note de
117 tranches de CDO, Fitch place quelque $37 milliards de CDO sous revue.
24 octobre–5 novembre : plusieurs organismes de garantie financière déclarent des pertes
au troisième trimestre ; Fitch annonce son intention de revoir à la baisse la note AAA de
certains rehausseurs de crédit (établissements financiers spécialisés qui apportent leur
garantie à des organismes publics ou privés qui émettent des emprunts sur les marchés
financiers).
novembre : flambée de violence en Mauritanie dans au moins neufs villes dont Nouakchott.
Les manifestants affamés ont pillé des magasins d’alimentation. Au moins un manifestant a été
tué par la police.
1er novembre : Dominique Strauss-Kahn devient directeur général du FMI.
2 décembre : rejet de la réforme constitutionnelle voulue par Hugo Chavez au Venezuela par
51% des voix.
9 décembre : création de la Banque du Sud à Buenos Aires, par les présidents Nestor
Kirchner d'Argentine, Luiz Inacio Lula da Silva du Brésil, Evo Morales de Bolivie, Rafael Correa
d'Equateur, Nicanor Duarte du Paraguay et Hugo Chavez du Venezuela. A ces six pays,
s'ajoute ensuite l'Uruguay comme membre fondateur. Elle a son siège à Caracas et deux
annexes à Buenos Aires et à La Paz. Son démarrage effectif est très lent. Il ne faut pas
s’attendre à ce que la Banque du Sud entre réellement en activité avant 2012.
12 décembre : les banques centrales de cinq grandes zones monétaires (dollar, euro, yen,
livre sterling et franc suisse) annoncent une action concertée destinée à fournir à de nombreux
établissements financiers les liquidités nécessaires pour passer le changement d’année.
13 décembre : les chefs d’Etat de l’Union européenne adoptent le traité de Lisbonne, version
remaniée du projet rejeté au printemps 2005. Pour éviter un nouveau rejet, la France et les
Pays-Bas contournent la volonté populaire et refusent un nouveau référendum : la ratification
se fait par voie parlementaire, les partis pour le « oui » ayant une large majorité en sièges.
Mais les 27 pays doivent aussi le ratifier, ce qui n’est pas acquis…
19 décembre : l’organisme de garantie financière ACA est déclassé de A à CCC par S&P. S&P
fait passer de « stable » à « négative » la perspective d’autres rehausseurs de crédit.
2008
2–4 janvier : la faiblesse de l’indice d’achat PMI et du marché de l’emploi révèle un
ralentissement marqué de l’économie américaine et suscite des craintes quant à la croissance
mondiale.
16 janvier : état d’urgence décrété en Indonésie suite aux manifestations de masse contre
l’augmentation des prix du soja (+120% en 2007) et de l’huile de palme. En même temps est
institué un contrôle des prix.
14–31 janvier : la BCE, la Banque nationale suisse et la Réserve fédérale procèdent à de
nouvelles opérations de financement à long terme en dollars.
15 janvier : Citigroup annonce des pertes au quatrième trimestre, du fait, en partie, de
nouvelles dépréciations à hauteur de 18 milliards de dollars sur des positions liées à des titres
hypothécaires. D’autres établissements financiers communiquent par la suite des informations
similaires.
21–30 janvier : dans un contexte de faiblesse généralisée des marchés des actions et de la
dette, la Réserve fédérale abaisse de 75 points de base son taux directeur hors réunion du
comité de politique monétaire. Elle procède à une réduction supplémentaire de 50 points de
base la semaine suivante.
27 janvier : mort de l’ancien dictateur indonésien Mohamed Suharto. Parvenu au pouvoir en
1965 après avoir renversé Ahmed Soekarno, père de l’indépendance et tiers-mondiste
convaincu, Suharto avait instauré un régime autoritaire et corrompu soutenu par les Etats-Unis
jusqu’en 1998.
5 février : une manifestation organisée à Maputo (Mozambique) contre la hausse du prix du
pain et des transports publics est suivie d’une série de violents affrontements dans tout le
pays.
mi-février : émeutes de la faim en Guinée à cause du prix élevé des aliments. La ville de
Ratoma, à la périphérie de Conakry, est particulièrement touchée.
février : suite à la dégradation de la situation économique, des affrontements ont lieu au
Timor-Oriental.
18 février : la banque anglaise Northern Rock est nationalisée. Elle évite de justesse la faillite
grâce à l’intervention de la Banque d’Angleterre.
19 février : le prix du baril de pétrole franchit la barre des 100 dollars pour la première fois.
20-21 février : trois villes du Burkina Faso (Bobo-Dioulasso, Ouahigouya et Banfora) sont le
théâtre de violentes émeutes motivées par le prix élevé des aliments. Le 28, plusieurs
quartiers pauvres de la capitale Ouagadougou connaissent une flambée de violence lors d’une
grève contre la vie chère.
25 février : grève des chauffeurs de taxi à Douala (Cameroun) pour protester contre la
hausse du coût de l’essence, donnant lieu à de graves émeutes dans de nombreuses villes. Le
bilan officiel est de 24 morts et 1500 interpellations. Les syndicats de taxi obtiennent une
baisse du prix de l'essence et le gouvernement annonce début mars une hausse de 15% du
traitement des fonctionnaires ainsi qu'une suspension des droits de douanes sur un certain
nombre de produits de première nécessité.
28 février–7 mars : Peloton Partners annonce la liquidation d’un fonds ABS de 2 milliards de
dollars et gèle les rachats sur un autre fonds en raison d’appels de marge. Thornburg Mortgage
admet avoir des difficultés à faire face aux appels de marge sur des opérations de pension et
être finalement en défaut de paiement sur ses emprunts. Le fonds d’obligations hypothécaires
de Carlyle Group est également incapable de répondre aux appels de marge, ce qui entraîne la
suspension de sa cotation sous la pression des investisseurs requérant la vente de certains
avoirs. Les tensions se propagent sur les marchés des emprunts d’État européens.
1er mars : l’armée colombienne pénètre sur le territoire de l’Equateur. Cette agression
provoque la rupture des relations diplomatiques entre les 2 pays.
7–16 mars : la Réserve fédérale annonce une hausse de 40 milliards de dollars des montants
alloués à son nouveau dispositif d’adjudication (Term Auction Facility). Quelques jours plus
tard, elle étend son activité de prêt de titres par une facilité à terme (Term Securities Lending
Facility) de 200 milliards de dollars grâce à laquelle il est possible d’emprunter des titres du
Trésor contre un large éventail d’actifs éligibles. Plus tard dans la semaine, elle annonce une
nouvelle facilité de crédit aux intermédiaires spécialisés (Primary Dealer Credit Facility), qui
octroie des prêts comparables à l’escompte. Certaines banques centrales annoncent d’autres
initiatives, parmi lesquelles de nouvelles adjudications de crédits en dollars.
15 mars : le fonds Carlyle Capital Corporation s’effondre, ses dettes représentaient 32 fois ses
fonds propres.
16 mars : la prestigieuse banque Bear Stearns (5e banque d’affaire aux Etats-Unis), à cours
de liquidités, appelle à l'aide la Réserve fédérale pour obtenir un financement d'urgence (29
milliards de dollars). Elle est ensuite rachetée par la banque JPMorgan pour une bouchée de
pain.
27 mars : le cours du riz, aliment de base pour la moitié de la population mondiale, bondit de
31% en une journée.
31 mars : manifestation à Dakar (Sénégal) contre la hausse des prix de base, réprimée par la
police. Leurs pancartes proclament « Nous avons faim » et « Dundu bi cherna » (la vie est
devenue difficile).
1er avril : manifestation à Abidjan (Côte d’Ivoire) contre la hausse des prix de base, réprimée
par la police (une personne aurait été tuée). En trois jours, le prix du kilo de bœuf est passé de
1,68 à 2,16 dollars et le prix du litre d’essence de 1,44 à 2,04 dollars. Les manifestants
scandaient « Nous avons faim » et « La vie est trop chère, vous nous tuez ».
6-7 avril : manifestations importantes au Caire et à El-Mahalla El-Kubra (Egypte) contre
l’inflation galopante et une pénurie de pain, provoquant des affrontements violents avec les
forces de police. Au moins une personne est tuée. Une centaine de manifestants sont blessés
et environ 250 arrêtés. De nouvelles manifestations se déroulent en juin.
6-7 avril : en Tunisie, la ville de Redeyef (région d’où provient le phosphate) est le théâtre
d’affrontements entre la police et des manifestants qui protestent contre la hausse du coût de
la vie et le chômage élevé.
8 avril : émeutes à Haïti liées à la pénurie alimentaire après l’annonce d'un programme
d'investissement destiné à diminuer le coût de la vie. Le prix des produits alimentaires comme
le riz, les haricots, les fruits et le lait concentré avaient augmenté de plus de 50% depuis la fin
de l'année 2007 tandis que le prix du fuel avait triplé seulement en deux mois. Deux jours plus
tard, le Sénat vote la destitution du Premier ministre.
25 avril : au Gabon, la Coalition contre la vie chère appelle à la mise en œuvre des mesures
urgentes en faveur du pouvoir d’achat des ménages et de la baisse des prix, terminant son
appel par : « nous sommes fatigués de souffrir dans l’indifférence de nos gouvernants et
l’hypocrisie des pays du Nord ».
2 mai : la BCE, la Banque nationale suisse et la Réserve fédérale annoncent une nouvelle
extension des opérations d’apports de liquidité en dollars.
2 mai : réunion en Indonésie des pays producteurs de la région cherchant à stabiliser le prix
des denrées alimentaires de base, surtout le riz. L’Inde, l’Indonésie et le Vietnam annoncent
qu’ils exporteront leurs denrées alimentaires seulement après avoir comblé les besoins de leur
population locale.
5 mai : plusieurs personnes sont tuées en Somalie suite à des émeutes de la faim violemment
réprimées. Depuis janvier, à Mogadiscio, le prix du kilo de farine de maïs est passé de 12 cents
à 25 cents, le prix d’un sac de 50 kilos de riz de 26 dollars à 47,50 dollars.
4 juin : Moody’s et S&P déclassent les rehausseurs de crédit MBIA et Ambac, ravivant les
craintes de voir la valeur des titres assurés par ces sociétés se déprécier.
6 juin : sommet de la FAO à Rome suite à l’explosion des prix des aliments.
12 juin : le peuple irlandais – le seul consulté par référendum dans les 27 pays de l’Union
européenne – rejette le traité de Lisbonne. Mais le processus de ratification se poursuit
pourtant, et l’Irlande est appelée à voter une deuxième fois le 2 octobre 2009. Nul doute que
si l’Irlande avait dit « oui » la première fois, le peuple irlandais n’aurait pas été consulté une
deuxième fois… De nouveau, l’Union européenne piétine la volonté populaire. En août 2009, 26
des 27 pays l’ont ratifié, tous par voie parlementaire, seule l’Irlande manque à l’appel.
3 juillet : record historique du prix du baril de pétrole à plus de 145 dollars.
11 juillet : Jean-Paul Votron, président de Fortis depuis octobre 2004, démissionne peu de
temps avant la nationalisation du groupe, empochant au passage une prime de départ de 1,35
million d’euros, soit au total 2,5 millions d’euros pour l’année 2008.
11 juillet : la banque californienne IndyMac est mise sous tutelle par les autorités fédérales.
13 juillet : les autorités américaines annoncent des mesures de soutien en faveur des deux
agences fédérales de financement hypothécaire (Fannie Mae et Freddie Mac) comprenant des
souscriptions à des augmentations de capital.
15 juillet : l’autorité américaine des marchés financiers (SEC) prend une ordonnance
restreignant la vente à découvert sans emprunt de titres.
10 août : Avec 67,43% des suffrages, Evo Morales remporte le référendum révocatoire
convoqué à la demande de l’opposition de droite.
21 août : la banque allemande IKB, qui avait un gros portefeuille d’actifs dans les subprimes,
est reprise à hauteur de 90,8% par Lone Star.
7 septembre : la banque HBOS, principal prêteur hypothécaire du Royaume Uni, est rachetée
par son concurrent Lloyds TSB.
7 septembre : Freddie Mac et Fannie Mae, qui possèdent ou garantissent 45% de l’encours
des crédits immobiliers aux Etats-Unis, sont mis sous tutelle gouvernementale. Le
gouvernement, qui les considère comme trop grosses pour sombrer (« too big to fail ! »),
investit 100 milliards de dollars dans chacune des deux entités.
15 septembre : après un week-end de négociations intenses, la banque Merrill Lynch, 3e
banque d’affaires mondiale, est sauvée de justesse par Bank of America qui injecte 50 milliards
de dollars dans cette opération.
15 septembre : la banque Lehman Brothers, l’une des plus grandes banques
d’investissement, se place sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les
faillites. Le Trésor et les autres banques ne se mobilisent pas pour la sauver.
16 septembre : l’assureur American International Group (AIG), au bord de la faillite, est
renfloué par le gouvernement qui injecte 85 milliards de dollars. Le coût total dépassera 150
milliards de dollars, ce qui correspond par exemple à 31 fois le budget d’un pays comme le
Congo, pays pétrolier de 3 millions d’habitants.
16 septembre : Reserve Primary, un important fonds de placement monétaire américain,
annonce que la valeur de son actif net est inférieure à son passif, déclenchant une vague de
retraits massifs.
18 septembre : pour faire face à la pénurie de liquidité en dollars, plusieurs banques
centrales prennent des mesures concertées ; les autorités britanniques interdisent la vente à
découvert d’actions du secteur financier.
19 septembre : le Trésor américain annonce une garantie temporaire des investissements
dans les fonds de placement monétaires ; la SEC interdit la vente à découvert d’actions du
secteur financier ; le Trésor américain esquisse les premiers éléments d’un plan de 700
milliards de dollars, baptisé TARP (Troubled Asset Relief Program) mieux connu sous le nom
de plan Paulson, qui vise à retirer les actifs douteux du bilan des banques.
25 septembre : les autorités américaines prennent le contrôle de Washington Mutual,
première institution d’épargne du pays, dont les actifs se chiffrent à quelque 300 milliards de
dollars.
26 septembre : Herman Verwilst, président de Fortis par intérim pendant 78 jours seulement,
touche une prime de départ de 800 000 euros. Pendant cette période, le groupe a perdu 45%
de sa capitalisation boursière. Son revenu total pour 2008 s’élève à 3,7 millions d’euros selon
le rapport annuel du groupe publié le 9 avril 2009.
28 septembre : le peuple équatorien approuve la nouvelle Constitution avec 60% des votes
en faveur du oui.
28 septembre : la caisse de crédit Bradford & Bingley, établissement anglais spécialisé dans
les crédits hypothécaires, est nationalisée par le Trésor britannique juste avant l'ouverture des
marchés. Ses meilleurs actifs sont transférés au groupe espagnol Santander, tandis que les
plus risqués restent à la charge de l'Etat britannique.
29 septembre : le groupe allemand Hypo Real Estate, spécialisé dans le crédit immobilier
commercial, reçoit une ligne de crédit sous l’égide de l’État ; en difficulté, la banque Wachovia
fait l’objet d’un rachat ; le projet TARP est rejeté par la Chambre des représentants.
30 septembre : le groupe financier Dexia reçoit une injection publique de capital à hauteur de
6,4 milliards d’euros pour lesquels la France et la Belgique investissent chacune 3 milliards ; le
gouvernement irlandais annonce qu’il garantit tous les dépôts, ainsi que les obligations
sécurisées, la dette senior et la dette subordonnée de six banques irlandaises ; au cours des
semaines suivantes, d’autres gouvernements prennent des mesures analogues.
3 octobre : le Congrès des États-Unis adopte le plan TARP remanié.
5 octobre : sauvetage de Fortis par les Etats belges, luxembourgeois et néerlandais. Le
gouvernement des Pays-Bas, qui investit 16,8 milliards d’euros dans l’opération, nationalise
également la banque ABN Amro qui avait été achetée en 2007 par un consortium comprenant
Fortis. La partie belge de Fortis est ensuite achetée par BNP Paribas.
6 octobre : l’Islande est au bord de la banqueroute. Le gouvernement se dote en urgence
d'une législation extraordinaire destinée à éviter un chaos financier. L'alliance au pouvoir et les
partis de l'opposition adoptent un projet de loi qui confère à l'Etat des pouvoirs étendus sur le
système bancaire. L'instance de régulation financière du pays a désormais une autorité
étendue pour imposer certaines opérations à une banque et peut même la contraindre à
fusionner avec une autre société, ou la déclarer en faillite. Cet arsenal législatif sans précédent
en Europe donne la possibilité à l'Etat de diriger tout le système bancaire. Le 7, la deuxième
banque islandaise Landsbanki est nationalisée. Le 9, c’est le tour de la première, Kaupthing. Le
chômage et l’inflation grimpent en flèche, la monnaie s’effondre. Ce petit pays de pêcheurs est
au bord de la faillite pour avoir tout misé sur un secteur financier bénéficiant d’une politique
ultralibérale, autrement dit pour avoir joué son avenir au casino. Le Premier ministre Geir
Haarde déclare : « Ce que nous avons appris [... c’] est qu'il n'est pas sage pour un petit pays
d'essayer de jouer un rôle de leader dans le domaine de la banque internationale ».
6 octobre : BNP Paribas prend le contrôle de Fortis Belgique et Luxembourg pour un montant
total de 14,5 milliards d’euros.
8 octobre : de grandes banques centrales opèrent une réduction concertée de leurs taux
directeurs ; les autorités britanniques annoncent un ensemble de mesures de soutien,
comprenant des injections de fonds propre dans des groupes bancaires britanniques.
9 octobre : l'action du constructeur automobile General Motors chute de plus de 31% en une
journée à Wall Street, pour tomber à son plus bas niveau depuis 1950.
13 octobre : de grandes banques centrales annoncent conjointement la fourniture illimitée de
financements en dollars, en vue d’apaiser les tensions sur les marchés monétaires ; les
gouvernements des pays de la zone euro s’engagent à procéder à des opérations de
recapitalisation en faveur de l’ensemble de leurs systèmes bancaires respectifs ; selon
certaines informations, le Trésor américain envisage de prendre 125 milliards de dollars de
participations dans neuf grandes banques.
26 octobre : le FMI accorde un prêt de 16,5 milliards de dollars à l’Ukraine, conditionné au
vote d’un plan de réformes économiques néolibérales. Le communiqué du FMI indique
qu'exceptionnellement, le montant du prêt équivaut à huit fois le quota alloué à l'Ukraine par
le FMI, alors que dans des conditions normales, les pays peuvent emprunter jusqu'à trois fois
leur quota.
28 octobre : la Hongrie obtient auprès du FMI et d’autres institutions multilatérales un plan
de 25 milliards de dollars visant à endiguer les sorties croissantes de capitaux et les tensions
sur les changes qui en résultent.
29 octobre : pour lutter contre la pénurie prolongée de liquidités en dollars dans le monde, la
Réserve fédérale conclut des accords de swap avec les autorités monétaires de quatre pays
(Brésil, Corée, Mexique et Singapour).
4 novembre : élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis.
15 novembre : les pays du G20 s’engagent à conjuguer leurs efforts pour renforcer la
coopération, relancer la croissance mondiale et réformer l’ensemble du système financier.
15 novembre : le FMI accorde une aide au Pakistan pour un montant de 7,6 milliards de
dollars. Le 7 août 2009, le FMI accroît ce montant de 3,2 milliards de dollars.
20 novembre : En Equateur, la Commission d’audit (CAIC) présente publiquement son
rapport final et le gouvernement décide sur cette base de suspendre le remboursement des
« bons global » 2012 et 2030.
25 novembre : la Réserve fédérale annonce la création d’une facilité de 200 milliards de
dollars pour accorder des crédits contre titres adossés à des prêts à la consommation et à des
concours aux PME ; en outre, elle alloue jusqu’à 500 milliards de dollars à l’achat d’obligations
et de titres adossés à des prêts hypothécaires émis par les agences américaines.
29 novembre : le gouvernement britannique devient l'actionnaire majoritaire de Royal Bank
of Scotland (RBS), à hauteur de 57,9%, en acquérant pour 15 milliards d'euros d'actions
ordinaires et pour 5 milliards d'euros d'actions préférentielles.
6 décembre : la mort d’Alexis Grigoropoulos, adolescent de 15 ans tué par un policier à
Athènes, déclenche une série de violences et de manifestations sans précédent depuis le retour
de la démocratie dans plusieurs villes du pays. Les attaques au cocktail Molotov contre des
banques, des établissements publics et surtout contre la police, se multiplient. La mobilisation
des jeunes prend rapidement une tournure sociale.
12 décembre : arrestation de l’homme d’affaires états-unien Bernard Madoff, pour
escroquerie estimée à 50 milliards de dollars. Attirés par des garanties de bénéfices très
élevés, de grands investisseurs (par exemple, de grandes banques) avaient confié à Madoff
des sommes importantes. Madoff payait les intérêts des investisseurs précédents avec le
capital apporté par les suivants. Il plaide coupable et est condamné à 150 ans de prison en
juin 2009.
Face à la crise, Barack Obama confie les clés du coffre aux escrocs
Au moment de l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis à la fin 2008,
certains s'attendaient à ce qu’il nomme une équipe économique profondément renouvelée
afin de faire face à la crise et de mettre en œuvre une sorte de New Deal. Pour nombre
d’observateurs de sa campagne, Obama allait changer le capitalisme, à défaut de l'abolir, et
procéder à une nouvelle vague de régulation de l'économie. Mais en fait, Obama a choisi les
plus conservateurs parmi les conseillers démocrates, ceux-là mêmes qui ont organisé la
déréglementation forcenée quand Bill Clinton était président à la fin des années 1990. La
cohérence de son choix, à travers cinq noms emblématiques, est révélatrice.
Premier en piste, Robert Rubin est secrétaire au Trésor entre 1995 et 1999. Dès son
arrivée, il est confronté à la crise financière au Mexique, premier grand échec du modèle
néolibéral dans les années 1990. Par la suite, il impose avec le FMI un traitement de choc
qui aggrave les crises survenues en Asie du Sud-Est en 1997-98, puis en Russie en 1998 et
en Amérique latine en 1999. Rubin ne doute toujours pas des bienfaits de la libéralisation et
il contribue résolument à imposer aux populations des pays émergents des politiques qui
dégradent leurs conditions de vie et augmentent les inégalités. Aux Etats-Unis, il pèse de
tout son poids pour obtenir l’abrogation du Glass Steagall Act, connu également sous le nom
de Banking Act, en vigueur depuis 1933, qui a notamment déclaré incompatibles les métiers
de banque de dépôt et de banque d'investissement2. La porte est alors grande ouverte pour
toutes sortes d’excès de la part de financiers avides de profits maximums, rendant possible
la crise internationale actuelle. Pour boucler la boucle, cette abrogation du Banking Act
permet la fusion de Citicorp avec Travelers Group pour former le géant bancaire Citigroup.
Par la suite, Robert Rubin devient l’un des principaux responsables de Citigroup… que le
gouvernement des Etats-Unis a sauvé dans l’urgence en 2008. Il a apporté 45 milliards de
dollars à Citigroup et garanti pour plus de 300 milliards de dollars d’actifs3, montant jamais
atteint auparavant ! Suite à ce sauvetage, l’Etat est devenu actionnaire de Citigroup à
hauteur de 34%.
Durant son passage à la présidence du comité exécutif de Citigroup, les services rendus par
Rubin ont été très grassement rémunérés. Selon le quotidien de la City, le Financial Times,
Rubin a reçu plus de 118 millions de dollars sous forme de salaire, de bonus et d’actions
entre 1999 et 20084. Lors de son départ, il a obtenu 17 millions de dollars de compensation
salariale et des stocks options pour un montant de 33 millions de dollars5. Or c’est
exactement au cours de son mandat que Citigroup s’est lancé dans une politique financière
de plus en plus aventureuse qui a abouti au fiasco que l’on connaît. Malgré cela, Rubin est
l’un des principaux conseillers de Barack Obama.
Deuxième personnalité en scène, Lawrence Summers a hérité pour sa part du poste de
directeur du Conseil économique national de la Maison Blanche. Son parcours comporte
pourtant un certain nombre de taches qui auraient dû être indélébiles… En décembre 1991,
alors économiste en chef de la Banque mondiale, Summers ose écrire dans une note interne
: « Les pays sous-peuplés d’Afrique sont largement sous-pollués. La qualité de l’air y est
d’un niveau inutilement élevé par rapport à Los Angeles ou Mexico. Il faut encourager une
migration plus importante des industries polluantes vers les pays moins avancés. Une
certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où les salaires sont les plus bas. Je
pense que la logique économique qui veut que des masses de déchets toxiques soient
2
La banque de dépôt (en anglais, commercial banks) travaille essentiellement avec ses clients (particuliers,
entreprises) : elle reçoit des dépôts, accorde des prêts… La banque d'investissement (en anglais, investment banking)
est active sur les marchés financiers, se chargeant des opérations financières comme les émissions d'emprunts
obligataires, les souscriptions d'actions, l'introduction en Bourse, les fusions-acquisitions… Ses clients sont des
entreprises, des investisseurs et des Etats. Elle recherche les liquidités dont elle a besoin auprès des autres banques,
des marchés monétaires ou de la Banque centrale.
3
Voir www.nytimes.com/2009/01/04/opinion/04lewiseinhornb.html
4
"Mr Rubin, who will remain a Citi director, has received more than $118million (euros 80 million) in salary, bonus
and stock based compensation since joining the US financial services group in 1999 as chairman of the executive
committee." Financial Times, 26 août 2008.
5
Forbes, 25 Novembre 2008.
déversées là où les salaires sont les plus faibles est imparable. [...] L’inquiétude [à propos
des agents toxiques] sera de toute évidence beaucoup plus élevée dans un pays où les gens
vivent assez longtemps pour attraper le cancer que dans un pays où la mortalité infantile
est de 200 pour 1 000 à cinq ans 6 ». Il ajoute même, toujours en 1991 : « Il n’y a pas de
[...] limites à la capacité d’absorption de la planète susceptibles de nous bloquer dans un
avenir prévisible. Le risque d’une apocalypse due au réchauffement du climat ou à toute
autre cause est inexistant. L’idée que le monde court à sa perte est profondément fausse.
L’idée que nous devrions imposer des limites à la croissance à cause de limites naturelles
est une erreur profonde ; c’est en outre une idée dont le coût social serait stupéfiant si
jamais elle était appliquée7 ». Avec Summers aux commandes, le capitalisme productiviste a
un bel avenir.
Devenu secrétaire au Trésor sous Clinton en 1999, il fait pression sur le président de la
Banque mondiale, James Wolfensohn, pour que celui-ci se débarrasse de Joseph Stiglitz qui
lui a succédé au poste d'économiste en chef et qui est très critique sur les orientations
néolibérales que Summers et Rubin mettent en œuvre aux quatre coins de la planète où
s’allument des incendies financiers. Après l’arrivée de George W. Bush, il poursuit sa carrière
en devenant président de l'université de Harvard en 2001, mais se distingue
particulièrement en février 2005 en se mettant à dos toute la communauté universitaire
après une discussion au Bureau national de la recherche économique (NBER)8. Interrogé sur
les raisons pour lesquelles on retrouve peu de femmes à un poste élevé dans le domaine
scientifique, il affirme que celles-ci sont intrinsèquement moins douées que les hommes
pour les sciences, en écartant comme explications possibles l'origine sociale et familiale ou
une volonté de discrimination. Cela provoque une grande polémique 9 tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur de l’université. Malgré ses excuses, les protestations d’une majorité de
professeurs et d’étudiants de Harvard l’obligent à démissionner en 2006. Sa biographie
consultable sur le site de l'université de Harvard au moment de sa présidence affirmait qu'il
a « dirigé l'effort de mise en œuvre de la plus importante déréglementation financière de
ces 60 dernières années ». On ne saurait être plus clair !
La troisième recrue de l’équipe des économistes est Paul Volcker qui, en tant que président
de la Réserve fédérale, avait augmenté brutalement les taux d’intérêt aux Etats-Unis en
octobre 1979, ce qui avait, par effet de contagion internationale, constitué le détonateur
principal de la crise de la dette publique10 du Sud au début des années 1980.
Quatrième personnalité nommée par Obama, Christina Romer dirige le Conseil des
conseillers économiques de la présidence. En 1994, elle a publié avec son époux, David
Romer, une étude qui affirmait qu’il ne fallait pas compter sur des dépenses budgétaires
pour contribuer à la relance économique11. Or en 2009, elle conseille le président Obama
sur le plan de relance budgétaire le plus volumineux de l’histoire américaine de l’après
seconde guerre mondiale.
6
Des extraits ont été publiés par The Economist (8 février 1992) ainsi que par The Financial Times (10 février 1992)
sous le titre « Préservez la planète des économistes ».
7
Lawrence Summers, à l’occasion de l’Assemblée annuelle de la Banque mondiale et du FMI à Bangkok en 1991,
interview avec Kirsten Garrett, « Background Briefing », Australian Broadcasting Company, second programme.
8
Financial Times, 26-27 février 2005.
9
La polémique a été également alimentée par la désapprobation de l’attaque lancée par Summers contre Cornel West,
un universitaire noir et progressiste, professeur de Religion et d’études afro-américaines à l’université de Princeton.
Summers, pro-sioniste notoire, dénonça West comme antisémite parce que celui-ci soutenait l’action des étudiants qui
exigeaient un boycott d’Israël tant que son gouvernement ne respecterait pas les droits des Palestiniens. Voir Financial
Times du 26-27 février 2005. Cornel West, qui a soutenu Obama avec enthousiasme, s’est étonné que celui-ci veuille
s’entourer de Summers et de Rubin.
Voir www.democracynow.org/2008/11/19/cornel_west_on_the_election_of
10
Dans le cas de la crise de la dette des pays en développement qui a explosé en 1982, il faut ajouter un deuxième
détonateur : la chute brutale des prix matières premières qui a entraîné une réduction drastique des recettes
d’exportation dans lesquelles les gouvernements puisent pour rembourser la dette extérieure publique.
11
Christina et David Romer, « What ends recession ? », NBER, n° W4765, 1994,
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=226985
La cinquième personnalité économique choisie par Obama est Timothy Geithner qui a été
nommé secrétaire au Trésor. Juste avant sa nomination, il était président de la Banque
centrale de New York. Il a été sous-secrétaire au Trésor chargé des Affaires internationales
entre 1998 et 2001, adjoint successivement de Rubin et Summers, et actif notamment au
Brésil, au Mexique, en Indonésie, en Corée du Sud et en Thaïlande, autant de symboles des
ravages de l’ultralibéralisme qui ont connu de graves crises durant cette période. Les
mesures préconisées par ce trio infernal ont fait payer le coût de la crise aux populations de
ces pays. Rubin et Summers sont les mentors de Geithner. L’élève a rejoint ses maîtres. Nul
doute qu’il va continuer à défendre les grandes institutions financières privées, au mépris
des droits humains fondamentaux, bafoués aux Etats-Unis comme ailleurs suite aux
politiques économiques qu’il défend avec véhémence.
Au début 2009, Geithner a pourtant failli ne pas pouvoir entrer en fonction car la presse a
révélé qu’il avait fraudé le fisc en dissimulant une rémunération qu’il avait reçue du FMI. Le
manque à gagner pour le Trésor public s’élevait à 34 000 dollars12. Finalement afin d’obtenir
son poste, Geithner a remboursé le Trésor.
Le choix de Barack Obama n’est pas neutre, il aurait pu désigner au contraire des conseillers
qui défendent une orientation keynésienne. Des économistes comme Joseph Stiglitz, Paul
Krugman, Nouriel Roubini et James K. Galbraith étaient prêts à accepter une telle
responsabilité. Barack Obama a choisi des économistes responsables de la déréglementation
bancaire des années 1990, à savoir des amis ou des agents de Wall Street.
La politique que Barack Obama et son équipe ont mise en pratique à compter de 2009 est
très éloignée de celle adoptée en 1933 par Franklin Roosevelt lors des 100 premiers jours de
son mandat13. Si la crise connaît une nouvelle aggravation, il n’est pas exclu que Barack
Obama doive changer d’équipe économique et de politique. Cela pourrait se faire sous la
pression de la rue si les victimes de la crise (salariés et sans emplois) entraient en action
pour se défendre et exiger du gouvernement et des patrons des mesures contre la crise qui
leur soient favorables. En tout cas jusqu’à présent, toutefois sans pour autant prétende que
ce soit « blanc bonnet, bonnet blanc » avec son prédécesseur, tant en politique intérieure
qu’en politique extérieure14, la gestion d’Obama n’est pas à la hauteur des enjeux.
Prétendre re-réguler une économie mondiale déboussolée en donnant les leviers de décision
à ceux qui l’ont dérégulée aux forceps revient à vouloir éteindre un incendie en faisant appel
à des pompiers pyromanes.
2009
16 janvier : les autorités irlandaises prennent le contrôle d’ Anglo Irish Bank ; comme elles
l’avaient fait pour Citigroup en novembre, les autorités américaines acceptent de venir en aide
à Bank of America en prenant une participation sous la forme d’actions de préférence et en
garantissant un ensemble d’actifs douteux.
16 janvier : violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre en Lituanie, où la
police intervient sans ménagement à Vilnius devant le Parlement. Une quinzaine de personnes
sont blessées et plus de 80 arrêtées. D’autres émeutes ont lieu la même semaine en Bulgarie
et en Lettonie, où les habitants manifestent de même contre les réformes néolibérales de leur
gouvernement et la corruption.
19 janvier : dans le cadre d’un plan de sauvetage élargi, les autorités britanniques renforcent
leur participation dans Royal Bank of Scotland. Des mesures similaires sont prises les jours
suivants par d’autres autorités nationales.
20 janvier : création du Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP, Rassemblement contre l’exploitation
outrancière). Après une lutte contre l’augmentation des prix de l’essence, les revendications du
LKP deviennent vite un combat plus vaste contre l’impérialisme capitaliste. Le LKP impulse une
cohésion et une radicalisation du mouvement, notamment par la création d’une plateforme
12
Voir www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=99319593 et www.npr.org/documents/2009/jan/geithner.pdf
13
Voir chapitre précédent.
14
Voir Eric Toussaint, Damien Millet et autres, “Les trois fautes de Barack Obama en Afrique”, 16 juillet 2009,
www.cadtm.org/spip.php?article4605
comptant 149 revendications (dont l’augmentation des bas salaires de 200 euros). L’attitude
paternaliste et indifférente du gouvernement français aboutit à une radicalisation des luttes.
Une grève générale et illimitée touche presque tous les secteurs et bloque l’île pendant deux
mois grâce à un large soutien populaire. Un accord de sortie de crise est signé après 44 jours
de grève générale.
25 janvier : le peuple bolivien approuve une nouvelle Constitution qui pose les bases de la
reconstruction démocratique et sociale du pays.
28 janvier-1er février : 8e FSM à Belém, énorme succès de participation (133 000 inscrits) et
grande radicalité des revendications.
10 février : les autorités américaines dévoilent un nouveau train de mesures pour soutenir le
secteur financier incluant un programme d’investissement public–privé (PPIP) à hauteur de
1000 milliards de dollars, destiné au rachat d’actifs douteux.
10 février : les ministres des Finances et gouverneurs de banque centrale du G7 réaffirment
leur engagement à utiliser tout l’éventail des mesures à leur disposition pour soutenir la
croissance et l’emploi et renforcer le secteur financier.
15 février : 54% des citoyens vénézuéliens disent oui à l'amendement de la Constitution
autorisant les mandataires politiques à se représenter consécutivement aux élections de
manière illimitée. Jusque là, la Constitution limitait à deux mandats consécutifs : il fallait une
interruption de mandat avant de pouvoir se représenter à nouveau. Hugo Chavez pourra être à
nouveau candidat pour la présidence en 2013, à l’issue de son deuxième mandat en cours.
5 mars : la Banque d’Angleterre lance un programme de quelque 100 milliards de dollars
destiné à des achats fermes, sur une période de trois mois, d'actifs du secteur privé et
d'obligations d'État.
18 mars : la Réserve fédérale des Etats-Unis annonce un plan visant à acquérir sur six mois
jusqu'à 300 milliards de dollars de titres du Trésor à long terme et relève le plafond de son
programme de rachats de titres des agences américaines.
28 mars – 4 avril : semaine d’action mondiale lancée par l’Assemblée des mouvements sociaux
lors du FSM à Belém. Manifestation de 40 000 personnes au centre de Londres lors du G20, et
à Strasbourg contre le 60e anniversaire de l’OTAN.
2 avril : fin du sommet du G20 à Londres. Dans le communiqué final, les gouvernements
s’engagent à restaurer la confiance et la croissance, notamment par des mesures visant à
renforcer le système financier. Malgré des annonces spectaculaires telles que « le temps du
secret bancaire est révolu », le G20 n’apporte aucune solution concrète. Une liste noire, courte
et orientée, des paradis fiscaux est dressée, mais quelques jours plus tard, après de vagues
engagements de la part des pays concernés, cette liste noire est vide. Par ailleurs, les moyens
à disposition du FMI sont triplés sans une remise en cause profonde de cette institution
(notamment de ses statuts ou du système des droits de vote) et sans la moindre interrogation
sur ses nombreux échecs. Loin d’apporter une alternative sérieuse, la clé de la solution est
confiée à ceux qui ont mené le monde dans l’impasse actuelle.
2 avril : manifestation de 10 000 enseignants en Lettonie contre une baisse de 20 % de leur
salaire. Après une baisse du PIB de 28,7 % au premier trimestre 2009, le gouvernement de
Riga a dû faire appel au FMI après le sauvetage de la deuxième banque du pays, Parex.
Plusieurs manifestations violentes ont alors eu lieu, dans un contexte d’accusations de
corruption et de népotisme au sein du gouvernement et de coupes budgétaires.
26 avril : réélection au 1er tour du président équatorien Rafael Correa avec 55% des voix en
sa faveur.
1er juin : General Motors est placée sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur
les faillites. C’est la plus grosse faillite de l’histoire de l'industrie américaine. La société a
accumulé environ 172 milliards de dollars de dettes pour des actifs estimés à 82 milliards. Elle
est restructurée et nationalisée de fait, puisqu’elle sera détenue à 60% par le gouvernement
fédéral des Etats-Unis (qui verse 30,1 milliards de dollars, s'ajoutant aux 20 milliards versés
entre décembre et avril), à 17,5% par le fonds à gestion syndicale United Auto Workers
(chargé de financer la couverture médicale des retraités), à 12,5% par les gouvernements du
Canada et de la province de l'Ontario (qui versent 9,5 milliards de dollars) et à 10% par les
détenteurs d'obligations. Le 10 juillet, GM annonce être officiellement sorti de la faillite, après
avoir décidé la fermeture de 11 usines et licencié des dizaines de milliers de personnes : GM
prévoit de ramener ses effectifs dans le monde à 200 000 fin 2009, contre 244 000 salariés fin
2008, loin du pic de 605 000 atteint en 1962 ; le réseau de concessionnaires va fondre de
40%, sans oublier les conséquences pour les multiples sous-traitants. Le président Obama
déclare : « Notre objectif, c'est de remettre GM sur pied, de nous tenir à l'écart et de nous
désengager rapidement. » Bien qu’actionnaire majoritaire, l'administration Obama ne prend
pas part à la gestion quotidienne.
5 juin : massacre de plus de 50 Indiens amazoniens du Pérou qui protestent contre les
concessions de leurs territoires accordées aux multinationales européennes.
10 juin : 91% des « bons global » 2012 et 2030 sont rachetés par l’Equateur avec une décote
de 65%.
15 juin : Karel de Boeck, président de Fortis Holding depuis décembre 2008, empoche une
prime de départ de 1,2 million d’euros. Entre les années 2008 et 2009, Fortis a consacré un
total de 9,9 millions d’euros aux primes de départ de ses hauts responsables.
19 juin : la FAO annonce que le nombre de personnes souffrant de la faim a dépassé le seuil
du milliard, soit 150 millions de plus en deux ans.
28 juin : coup d’Etat militaire contre Manuel Zelaya, président du Honduras, contraint par la
force de quitter son pays.
4 août : après plusieurs mois de mobilisations en Haïti, la Chambre basse du Parlement vote
la loi sur la fixation du salaire minimum à 200 gourdes (environ 5 dollars) par jour. Déjà votée
par les deux chambres, la loi n’a pas été promulguée suite au refus du président René Préval
qui propose un salaire minimum plus bas. La Chambre renie alors son premier vote et se
prononce contre les 200 gourdes. En 2003, le salaire minimum a été fixé à 70 gourdes et s’il
avait été ajusté pour tenir compte de l’inflation, il aurait été fixé à 195 gourdes au début 2009.
La loi fixant le salaire minimum à 200 gourdes répondait donc a minima à un souci d’équité de
la part du législatif face aux travailleurs haïtiens non qualifiés.
5 août : le FMI annonce que la dette des pays du Nord a explosé à cause de la crise. En
France, la dette publique devrait atteindre 95,5% du PIB en 2014, contre 73% en 2009 et
68% avant la crise. Au niveau du G20, les prévisions sont sans appel : le niveau de la dette va
atteindre 86,6% du PIB d'ici 2014 contre 62,4% avant la crise. Parmi les mauvais élèves, le
Royaume-Uni – dont la dette devrait atteindre 99,7% du PIB en 2014 contre 44,1%
actuellement - ou encore les Etats-Unis – pour qui le FMI planche sur un taux d'endettement
de 112% contre 63,1% en 2007. Mention spéciale au Japon, avec un ratio qui passerait de
187,7% en 2007 à 239,2% du PIB nippon en 2014.
5 août : la banque française BNP Paribas provisionne environ un milliard d'euros pour les
futurs bonus de ses dirigeants et de ses traders. Décision choquante si l’on sait que l'Etat avait
octroyé à la banque quelque 5 milliards d’euros de prêts au plus fort de la crise. La logique
capitaliste du profit maximum est donc toujours bien en place malgré la crise. Le G20 s’était
emparé de cette question qui est très mal perçue, à juste titre, par l’opinion publique, mais les
règles édictées par le G20 ne vont pourtant pas à l’encontre de telles pratiques : selon le
gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, également président de la Commission
bancaire en charge du contrôle et du respect des règles par les banques, l'opération est
« conforme aux règles » du G20 en matière de rémunérations. A quoi servent donc les règles
du G20 ?
10 août : la Roumanie, en récession sévère (-4,6% au premier trimestre 2009), reçoit par le
FMI le versement d'une tranche de 1,9 milliard d'euros sur son prêt de 12,95 milliards et a
l’autorisation de porter son déficit budgétaire à 7,3% du PIB au lieu des 4,6% prévus
initialement. En contrepartie, le pays doit adopter des mesures strictes afin de réduire la
masse salariale du secteur public de 9% du PIB actuellement à environ 6% d'ici cinq ans, et
réformer le système des retraites et des salaires de la fonction publique. Parmi les conditions
posées par le FMI, il semble que figure la suppression de 150 000 postes de fonctionnaires d'ici
mi-2010.
14 août : la banque états-unienne Colonial Bank, basée dans le sud des Etats-Unis
(Montgomery, Alabama), fait faillite, l'essentiel de ses actifs étant repris par sa concurrente
BB&T.
30 août : au Japon, lourde défaite du Parti libéral-démocrate (PLD) au pouvoir depuis un
demi-siècle.
Sources : recherche du CADTM ; BRI ;
économiques ; Centre Thucydide ; GRAIN.
FMI ;
Wikipédia ;
AFP ;
ONU ;
Alternatives