Dyna`mots niveau 6ème - Aix

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Dyna`mots niveau 6ème - Aix
Séquence n° 1 : Le chant du monde en poésie
Séquence proposée par Mme Marielle COLOMBANI, professeur au
collège Jean Bernard à Salon en Provence, et Mme Myriam SAHRAOUI,
professeur au collège Raspail à Carpentras.
Entrée : Récits de création et création poétique
Enjeux littéraires et de formation personnelle
-
Découvrir différents récits de création, appartenant à différentes cultures et des poèmes de
célébration du monde et/ou manifestant la puissance créatrice de la parole poétique ;
-
Comprendre en quoi ces récits et ces créations poétiques répondent à des questions
fondamentales, et en quoi ils témoignent d’une conception du monde ;
-
S’interroger sur le statut de ces textes, sur les valeurs qu’ils expriment, sur leurs
ressemblances et leurs différences.
On étudie : des poèmes de siècles différents, célébrant le monde et/ou témoignant du
pouvoir créateur de la parole poétique.
Problématique : Comment le poète, spectateur du monde et amoureux des mots, célèbret-il la beauté de la nature ?
Objectifs :
-
Découvrir des poèmes célébrant le monde.
Comprendre l’intérêt de la création poétique.
Devenir un poète en herbe.
Sélection des textes – Lecture analytique :
-
Guillaume de Saluste du Bartas, « La Première Semaine », III 851-862, La Semaine, ou
Création du monde, 1578
-
Victor Hugo, « Soleils couchants », in Feuilles d’automne, 1831
-
Eugène Guillevic, « La forêt » in Motifs, 1981-1984
Lectures cursives :
1. René-Guy Cadou, « Celui qui entre par hasard », Hélène ou le Règne végétal, Seghers,
1952
2. Jacques Prévert, « Chanson du vitrier », Histoires, 1946, Éditions Gallimard
Textes « Un jour, un poème » :
Une sélection de poèmes sur le jour, la nuit (soleil, lune et étoiles).
Déroulé de la séquence :
S1 : Introduction de la séquence – Jean-Pierre Siméon, La Nuit respire (extrait de la préface),
1987, Cheyne éditeur.
S2 : Lexique / écriture – Joseph Paul Schneider, « Tu dis », Entre l’arbre et l’écorce, Grassin,
1965.
S3 : Lecture analytique n°1 – Guillaume de Saluste du Bartas, « La Première Semaine », III
851-862, La Semaine, ou Création du monde, 1578.
S4 : Écriture – Écrire un poème pour célébrer la neige.
S5 : Histoire des arts / écriture – Nuit étoilée de Vincent Van Gogh + le calligramme « Le ciel,
la nuit, l’été » de Guillaume Apollinaire. Dessiner le monde, dessiner des mots.
S6 : Lecture analytique n°2 – Victor Hugo, « Soleils couchants », in Feuilles d’automne, 1831.
S7 : Écriture – Écrire un haiku.
S8 : Étude de la langue (orthographe) – Travailler sur les homophones du mot « vers ». Les
relations écrit / oral.
S9 : Lecture analytique n°3 – Eugène Guillevic, « La forêt » in Motifs, 1981-1984.
S10 : Écriture – Faire parler un élément de la nature.
S11 : Conclusion de la séquence – Christian Da Silva, Pour que le soir te prenne par la main
(extrait de la préface), Cheyne éditeur, 1989.
S12 : Évaluation de fin de séquence – Alain Bosquet, « Passage d’un poète », extrait, Un jour
après la vie, 1984, Éditions Gallimard
Travail d’écriture : écrire deux strophes à intégrer au poème
+ En étude de la langue : identifier les verbes conjugués dans une phrase verbale.
+ En AP : lire et dire de façon expressive.
Étape 1 : s’entraîner à la lecture expressive sur un des poèmes de la séquence et le réciter.
Étape 2 : créer un orchestre poétique
- Répartir la classe en en groupes de 3 ou 4 élèves (créer des groupes hétérogènes avec
lecteur expert, moyen et en difficulté).
- Chaque groupe apprend le même poème.
- Un groupe vient au tableau.
- Un élève de la classe est désigné comme maître d’orchestre. Il choisit un élève du groupe
qui récite le titre du poème puis le 1er vers.
- Avant que le 1er vers ne soit terminé, le maître d’orchestre désigne discrètement un autre
élève du groupe qui doit enchaîner le vers suivant et ainsi de suite jusqu’à la récitation du
nom de l’auteur.
Texte de transition - introducteur de la séquence n° 2 : Marguerite Yourcenar, « La Création »,
recueilli dans « L’Ancien et le Nouveau Testament », Fleuve profond, sombre rivière, 1964,
Éditions Gallimard.
S1 : Introduction de la séquence :
-
Qu’est-ce que la poésie pour vous ? Souvenez-vous des poèmes que vous avez lus ou
appris et proposez une définition.
-
Êtes-vous capable de réciter un poème que vous avez appris l’an dernier ? Si oui, indiquez
ce qui a facilité sa mémorisation. (amorce AP)
-
Réflexion sur « La poésie, c’est comme les lunettes », texte de J.P Siméon, extrait de La
nuit respire.
La poésie c’est comme les lunettes
On m’a souvent demandé : la poésie, à quoi ça sert ? Avec l’air de dire, sourire en coin :
« Mon pauvre Monsieur, ne vous donnez pas tant de mal, avec la télévision, le cinéma, le foot
et le loto, on a bien ce qu’il nous faut ! » […] Aujourd’hui, je sais : la poésie, c’est comme les
lunettes. C’est pour mieux voir. Parce que nos yeux ne savent plus, ils sont fatigués, usés.
Croyez-moi, tous ces gens autour de vous, ils ont les yeux ouverts et pourtant petit à petit, sans
s’en rendre compte, ils deviennent aveugles.
Il n’y a qu’une solution pour les sauver : la poésie. C’est le remède miracle : un poème et les
yeux sont neufs. Comme ceux des enfants.
À propos des enfants d’ailleurs, j’ai un conseil à vous donner : les vitamines A, B, C, D, ça ne
suffit pas. Si on ne veut pas qu’en grandissant ils perdent leurs yeux magiques, il faut leur
administrer un poème par jour, au moins.
Jean-Pierre Siméon, La Nuit respire (extrait de la préface), Cheyne éditeur, 1987
Jean-Pierre Siméon (né en 1950) s’adonne à l’écriture sous toutes ses formes : poésie, théâtre, romans
pour la jeunesse. Il est aujourd’hui directeur artistique du « Printemps des poètes », association qui a
pour rôle de mieux faire connaître la poésie.
Introduction du parcours « Un jour, un poème », mené parallèlement à la séquence.
-
Thème : la nuit, le jour (soleil, lune et étoiles).
-
Déroulement : chaque jour, un groupe de 2 élèves pioche un poème dans une réserve de
textes (constituée auparavant par le professeur). Le binôme lit le poème lors de la séance
suivante. On discute ensemble du poème découvert.
-
Sélection d’une quinzaine de poèmes environ.
S2 : Lexique / écriture – Joseph Paul Schneider, « Tu dis », Entre l’arbre et l’écorce,
Grassin, 1965
Écriture de travail en introduction :
Écrivez ou dessinez ce qu’évoque pour vous l’un des quatre mots suivants : sable – forêt –
colline – nuage
Mise en commun
Lecture du texte par le professeur (sans que les élèves l’aient sous les yeux) : recueillir leurs
impressions + voir les ressemblances avec ce qu’ils ont écrit
Distribution du texte, relecture et échange sur le poème
Constitution d’un réservoir de mots et d’expressions correspondant à des images
poétiques : fiche de travail à compléter au fil des lectures de la séquence
Exemple dans le texte travaillé : « la promesse d’un voyage »
Activité d’écriture pour expérimenter le pouvoir évocateur des mots :
Etape 1 : Sur le modèle de Joseph Paul Schneider, dans le poème « Tu dis », imaginez ce qui
peut se passer lorsque vous prononcez les mots « océan », « brume », « pluie », « soleil ».
(activité menée à 2 puis mise en commun)
Etape 2 : Sur le modèle de Joseph Paul Schneider, dans le poème « Tu dis », choisissez
maintenant quatre mots qui vous inspirent. N’hésitez pas à être original(e) ! (activité menée
individuellement)
Lorsque vous avez fini d’écrire, entrainez-vous à faire de votre texte une lecture orale et
expressive.
« Tu dis »
Tu dis sable
Et déjà,
La mer est à tes pieds.
Tu dis forêt
Et déjà,
Les arbres te tendent leurs bras.
Tu dis colline
Et déjà,
Le sentier court avec toi vers le sommet.
Tu dis nuage
Et déjà,
Un cumulus1 t’offre la promesse d’un voyage.
Tu dis poème
Et déjà,
Les mots volent et dansent
Comme étincelles dans la cheminée.
Joseph Paul Schneider, « Tu dis », Entre l’arbre et l’écorce, Grassin, 1965
Joseph Paul Schneider (1940-1998) est un poète français. Professeur de français à l’École européenne
de Luxembourg, il s’est beaucoup engagé pour le rayonnement de la langue française.
1.
Cumulus : nuage blanc qui apparait par beau temps.
S3 : Lecture analytique n°1 – Guillaume de Saluste du Bartas, « La Première Semaine », III
851-862, La Semaine, ou Création du monde, 1578
Écriture de travail en introduction :
Dire aux élèves : proposez à l’oral une suite pour cette amorce : « Je te salue, ô Terre… » (une
ou deux phrases)
Mise en commun
Lecture du texte par le professeur (sans que les élèves l’aient sous les yeux) : recueillir leurs
impressions
Distribution du texte et relecture
Questionnement (ligne directrice : projet de lecture)
Poursuite de la constitution du réservoir de mots et d’expressions correspondant à des
images poétiques : fiche de travail à compléter
Trace écrite éventuelle ou lecture expressive par quelques élèves
Je te salue, ô Terre, ô Terre porte-grains,
Porte-or, porte-santé, porte-habits, porte-humains,
Porte-fruits, porte-tours, mère, belle, immobile,
Patiente, diverse, odorante, fertile,
Vêtue d’un manteau tout damassé1 de fleurs,
Passementé de flots, bigarré2 de couleurs.
Je te salue, ô cœur, racine, base ronde,
Pied du grand animal qu’on appelle le Monde,
Chaste3 épouse du Ciel, solide fondement
Des étages divers d’un si grand bâtiment.
Je te salue, ô sœur, mère, nourrice, hôtesse
Du Roi des animaux4. Tout, ô grande princesse,
Vit en faveur de toi. […]
Guillaume de Saluste du Bartas, « La Première Semaine », III 851-862, in La Semaine, ou
Création du monde, 1578
1.
2.
3.
4.
Damassé, passementé : orné de broderies.
Bigarré : décoré de motifs variés aux couleurs vives.
Chaste : sage.
Roi des animaux : l’être humain.
S4 : Écriture
Écrire un poème pour célébrer la neige.
S5 : Histoire des arts - Écriture
-
Montrer aux élèves le tableau Nuit étoilée de Vincent Van Gogh. Recueillir leurs émotions
+ impressions.
-
Leur demander de proposer des expressions poétiques pour évoquer cette nuit.
-
Construire un calligramme en lune avec le meilleur de leurs productions.
-
Expliquer ce qu’est un calligramme.
-
Leur montrer le calligramme « Le ciel, la nuit, l’été » de Guillaume Apollinaire.
-
Les inviter à créer un calligramme personnel sur un des sujets suivants : la lune, le soleil,
une étoile…
Poursuite de la constitution du réservoir de mots et d’expressions correspondant à des
images poétiques : fiche de travail à compléter
S6 : Lecture analytique n°3 « Soleils couchants »
Activité d’oral en introduction :
Complétez la phrase « Oh ! regardez le ciel ! cent nuages mouvants… »
Lecture du texte par le professeur (sans que les élèves l’aient sous les yeux) : recueillir leurs
impressions + voir ce qui les a marqués.
Distribution du texte et relecture avec les élèves
Leur demander : que voit le poète ?
Questionnement (ligne directrice : projet de lecture)
Oral : Avez-vous déjà joué à voir des formes dans les nuages comme le fait Victor
Hugo ? Qu’avez-vous vu ?
Poursuite de la constitution du réservoir de mots et d’expressions correspondant à des
images poétiques : fiche de travail à compléter
Trace écrite éventuelle ou lecture expressive par quelques élèves
« Soleils couchants »
Oh ! regardez le ciel ! cent nuages mouvants,
Amoncelés là-haut sous le souffle des vents,
Groupent leurs formes inconnues ;
Sous leurs flots par moments flamboie1 un pâle éclair,
Comme si tout à coup quelque géant de l’air
Tirait son glaive2 dans les nues 3. […]
Puis voilà qu’on croit voir, dans le ciel balayé,
Pendre un grand crocodile au dos large et rayé,
Aux trois rangs de dents acérées ;
Sous son ventre plombé glisse un rayon du soir ;
Cent nuages ardents 4 luisent sous son flanc noir
Comme des écailles dorées. […]
Victor Hugo, « Soleils couchants », in Feuilles d’automne, 1831
1.
2.
3.
4.
Flamboie : brille.
Glaive : épée.
Nues : nuages.
Ardents : rougeoyant.
S7 : Écriture
Pour « traduire » la vision d’un poète
Créez un haïku inspiré du poème de Victor Hugo, sur le modèle ci-dessous. (au préalable, on
aura bien expliqué en quoi consiste cette forme poétique).
Sur la pointe d’une herbe
devant l’infini du ciel
une fourmi
OZAKI HÔSAI (1885-1926)
S8 : Étude de la langue (orthographe)
Travailler sur les homophones du mot « vers ». Les relations écrit / oral.
S9 : Lecture analytique n°3 « La forêt »
Oral - en introduction, demander aux élèves : Vous êtes-vous déjà retrouvé(e) seul(e) dans
une forêt ? Quelles ont été vos impressions ?
Distribution du texte et lecture silencieuse du texte par les élèves
Leur demander : à la lecture de ce poème, retrouvez-vous les impressions que vous avez déjà
ressenties en forêt ?
Lecture du texte par le professeur
Questionnement (ligne directrice : projet de lecture)
Poursuite de la constitution du réservoir de mots et d’expressions correspondant à des
images poétiques : fiche de travail à compléter
Trace écrite éventuelle ou lecture expressive par quelques élèves
« La forêt »
Je ne suis pas
Une addition d’arbres.
Le chat huant1 le sait,
Le répète.
Lui qui est ma voix,
Le meilleur de mes voix. […]
Je suis silence.
Je suis une amphore2 de silence. […]
Je suis comme j’étais
Il y a des millénaires.
Les amoureux le savent
Sans le savoir.
En moi ils aiment
Comme nulle part ailleurs.
Ils s’aiment
Dans l’origine. […]
J’ai mes bêtes,
Elles me comprennent,
Du lièvre à la coccinelle
Du chevreuil à la fourmi.
Elles se voient perdues
Quand elles me quittent,
Quand on m’abat. […]
Eugène Guillevic, « La forêt » in Motifs, 1981-1984
1.
2.
Chat huant : chouette.
Amphore : vase grec qui contenait des aliments.
S10 : Écriture
Faites parler un élément de la nature (par exemple une rivière, une montagne…).
Écrivez trois courts passages.
Vous commencerez successivement par : « Je ne suis pas », « Je suis » et « J’ai ».
Lorsque vous avez fini d’écrire, entrainez-vous à faire de votre texte une lecture orale et
expressive.
S11 : Clôture de la séquence :
-
Relecture des poèmes de la séquence (textes étudiés en lecture analytique) : comparaisons,
synthèses des ressemblances et des différences
-
Lectures cursives 1 et 2
-
Choix par chaque élève de son poème préféré + trace écrite dans le « cahier de littérature »
(version papier ou numérique) accompagnée d’un commentaire
-
Retour sur la définition de la poésie du début de séquence
-
Réflexion sur « Je n’invente rien »
Je n’invente rien
Mes histoires et mes mots sont les mêmes que les tiens. Simplement, je les assemble de telle
sorte qu’ils puissent te surprendre.
Si tu ne vois pas tout à fait ce que je vois, ça n’a pas d’importance : l’essentiel est que ton
regard invente autre chose, que mes objets, mes arbres, mes herbes ou mes étangs deviennent
les tiens.
Christian Da Silva, Pour que le soir te prenne par la main (extrait de la préface), Cheyne
éditeur, 1989
Christian Da Silva (1937-1994) a milité pour que la poésie contemporaine soit étudiée dans le milieu
scolaire. Poète, il a revendiqué une « manière de vivre la poésie dans le quotidien ».
S12 : Évaluation de fin de séquence
« Passage d’un poète »
« Passage d’un poète »
[…]
Le poète est passé : le ruisseau qui hésite,
Devient fleuve royal ;
Il n’a plus de repos ni de limites :
Il ressemble au cheval.
Le poète est passé : au milieu du silence
S’organise un concert,
Comme un lilas : une pensée se pense,
Le monde s’est ouvert.
Le poète est passé : un océan consume1
Ses bateaux endormis.
La plage est de l’or et tous les ors s’allument
Pour s’offrir aux amis.
Le poète est passé : il n’est plus de délire2
Qui ne soit œuvre d’art.
Le vieux corbeau devient un oiseau-lyre3.
Il n’est jamais trop tard.
Pour vivre quinze fois : si le poète hirsute4
Repasse avant l’été,
Consultez-le car de chaque minute
Il fait l’éternité.
Alain Bosquet, « Passage d’un poète », extrait, Un jour après la vie, 1984, Éditions Gallimard
Alain Bosquet (1919-1998) est un poète et écrivain français d’origine russe. Il reçoit le prix Goncourt
de la poésie en 1989.
1.
2.
3.
4.
Consume : détruit.
Délire : les rêves du poète.
Oiseau-lyre : un oiseau poète.
Hirsute : mal coiffé, sauvage.
Lisez le poème très attentivement.
Écriture : inventez deux strophes (de 4 vers) à ajouter au poème. Vous préciserez à quel
endroit du texte vous proposez de la placer et vous justifierez votre choix. (20 pts)
Grille d’évaluation à construire avec les élèves
Lectures cursives : Lire 2 poèmes
N°1
« Celui qui entre par hasard »
Celui qui entre par hasard dans la demeure d’un poète
Ne sait pas que les meubles ont un pouvoir sur lui
Que chaque nœud du bois 1 renferme davantage
De cris d’oiseaux que tout le cœur de la forêt
Il suffit qu’une lampe pose son cou de femme
À la tombée du soir contre un angle verni
Pour délivrer soudain mille peuples d’abeilles
Et l’odeur du pain frais des cerisiers fleuris
Car tel est le bonheur de cette solitude
Qu’une caresse toute plate de la main
Redonne à ces grands meubles noirs et taciturnes2
La légèreté d’un arbre dans le matin.
René-Guy Cadou, « Celui qui entre par hasard », Hélène ou le Règne végétal, Seghers, 1952
1.
2.
Nœud du bois : défaut du bois.
Taciturnes : ici, froids, tristes.
N°2
« Chanson du vitrier »
Comme c’est beau
Ce qu’on peut voir comme ça
A travers le sable, à travers le verre
A travers les carreaux
Tenez regardez par exemple
Comme c’est beau
Ce bûcheron
Là-bas au loin
Qui abat un arbre
Pour faire des planches
Pour le menuisier
Qui doit faire un grand lit
Pour la petite marchande de fleurs
Qui va se marier
Avec l’allumeur de réverbères 1
Qui allume tous les soirs les lumières
Pour que le cordonnier puisse voir clair
En réparant les souliers du cireur
Qui brosse ceux du rémouleur2
Qui affûte les ciseaux du coiffeur
Qui coupe le ch’veu au marchand d’oiseau
Qui donne ses oiseaux à tout le monde
Pour que tout le monde soit de bonne humeur.
Jacques Prévert, « Chanson du vitrier », Histoires, 1946, Éditions Gallimard
1.
2.
Personne qui allumait les lampadaires au gaz.
Personne qui aiguise les couteaux et les ciseaux.
Poursuite de la constitution du réservoir de mots et d’expressions correspondant à des
images poétiques : fiche de travail à compléter
Texte de transition de la séquence n°1 à n°2
« La Création »
Et Dieu se promena, et regarda bien attentivement
Son soleil, et sa Lune, et les p’tits astres de son firmament 1.
Il regarda la terre qu’il avait modelée dans sa paume,
Et les plantes et les bêtes qui remplissaient son beau royaume.
Et Dieu s’assit, et se prit la tête dans les mains,
Et dit : « J’suis encore seul ; j’vais m’fabriquer un homme demain. »
Et Dieu ramassa un peu d’argile au bord d’la rivière,
Et travailla, agenouillé dans la poussière.
Et Dieu, Dieu qui lança les étoiles au fond des cieux,
Dieu façonna et refaçonna l’homme de son mieux.
Comme une mère penchée sur son p’tit enfant bien-aimé,
Dieu peina, et s’donna du mal, jusqu’à c’que l’homme fût formé.
Et quand il l’eut pétri, et pétri et repétri,
Dans cette boue faite à son image Dieu souffla l’esprit.
Et l’homme devint une âme vivante,
Et l’homme devint une âme vivante…
Marguerite Yourcenar, « La Création », recueilli dans « L’Ancien et le Nouveau Testament »,
Fleuve profond, sombre rivière, 1964, Éditions Gallimard
1.
Firmament : ciel, voûte céleste.
SÉQUENCE N°2 : Au commencement du monde (OI)