Lithiases biliaires chez les enfants
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Lithiases biliaires chez les enfants
CABINET Forum Med Suisse 2009;9(12):246–250 246 Lithiases biliaires chez les enfants Peter Klimeka, Ulf Kesslera, Susanne Schiblib, Steffen Bergera, Zacharias Zacharioua Inselspital, Universitätsklinik Bern a Klinik für Kinderchirurgie, b Klinik für Kinderheilkunde Quintessence Avec la pratique de plus en plus fréquente de l’échographie et sa qualité, le nombre de lithiases biliaires diagnostiquées, souvent asymptomatiques, augmente régulièrement chez les enfants. chez les enfants, contrairement aux adultes, chez lesquels les lithiases biliaires sont nettement plus fréquentes chez les femmes (env. 8,6–16,6%) que chez les hommes (env. 5,5–7,9%). Contrairement aux adultes, il n’existe que des données éparses sur la prévalence et le traitement des lithiases biliaires des enfants. Etiologie L’étiologie peut être subdivisée en trois grands groupes: pathologies hématologiques, non hématologiques à risque accru de cholélithiase et cholélithiase idiopathique. Chez les enfants de moins de 6 ans, ce sont les calculs de bilirubine qui sont les plus fréquents (env. 70%, la plupart du temps radio-opaques), et ensuite ceux de bilirubinate de calcium qui dominent à partir de 6 ans. Les calculs de cholestérol augmentent avec l’âge mais sont caractéristiques des adultes [4]. La principale étiologie des lithiases pigmentaires est donnée par les pathologies hémolytiques qui augmentent la concentration de bilirubine dans la bile. La bilirubine se lie ensuite au calcium pour former des complexes très peu solubles (bilirubinate de calcium). La liste suivante des pathologies pouvant provoquer une cholélithiase chez les enfants provient de la littérature et de données personnelles: – pathologies hématologiques: thalassémie, drépanocytose, sphérocytose, elliptocytose, manque de glucose-6-phosphate-déshydrogénase, de pyruvate-kinase, hémolyse auto-immune; – pathologies métaboliques: hypothyroïdie, mal. de Wilson, troubles du métabolisme phosphocalcique, syndromes de malabsorption (par ex. mal. de Crohn), mucoviscidose; – médicaments: ceftriaxone, cyclosporine, contraceptifs hormonaux; – autres étiologies: prématurité, alimentation parentérale, cirrhose, cholestase chronique, dyskinésies biliaires, prédisposition héréditaire, perte de poids rapide, obésité, grossesse à l’adolescence, syndrome de l’intestin court, troubles de l’exonération, anomalies anatomiques; – cholélithiase idiopathique. Dans les lithiases biliaires symptomatiques, les anomalies biliaires congénitales et les pathologiques lithogènes, c’est la cholécystectomie par laparoscopie qui est considérée comme le traitement de choix chez les enfants aussi. La cholécystectomie doit aussi être envisagée en cas de lithiases biliaires symptomatiques sans pathologie de base. L’indication doit cependant tenir compte de la taille et du nombre des calculs. L’option thérapeutique la plus importante de la cholélithiase asymptomatique chez les enfants est le traitement conservateur (attitude expectative) et le diagnostic approfondi pour en préciser l’étiologie. Summary Cholelithiasis in children Due to the increasing use and improving quality of ultrasonography, cholelithiasis in children, although often asymptomatic, is being diagnosed with growing frequency. In contrast to adults, little is known about the prevalence and therapy of cholelithiasis in children. The aetiology can be classified into three groups: haematological diseases, other conditions that predispose to cholecystolithiasis, and idiopathic gallstone disease. The first-line therapy in symptomatic cholelithiasis, congenital biliary anomalies and stone-forming underlying diseases is laparoscopic cholecystectomy. Cholecystotomy should also be considered in cases of symptomatic gallstones without underlying disease. The indication for cholecystotomy should however take the number and size of the stones into account. The primary therapeutic approach to asymptomatic cholelithiasis in children is conservative (wait and see) and a careful search for an underlying aetiology. Epidémiologie La prévalence des lithiases biliaires chez les enfants est inférieure à 0,3% [1]. La cholélithiase ne présente pas de différence notable entre les sexes Symptômes Les lithiases biliaires chez l’enfant sont souvent asymptomatiques et diagnostiquées par hasard lors d’une échographie. Chez les petits enfants, le diagnostic est parfois très difficile, car la symptomatologie peut ne compor- Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 239 ou sur internet sous www.smf-cme.ch. CABINET ter qu’agitation motrice, vomissement, perte de poids et diarrhée, symptômes très généraux et fréquents chez eux [4]. Chez les plus grands, la symptomatologie est identique à celle des adultes. Diagnostic L’examen technique diagnostique de choix en cas de suspicion de cholélithiase est l’échographie abdominale, actuellement facile, rapide et économique. Cet examen a une sensibilité et une spécificité élevées pour la cholélithiase. Le sludge (boue) est souvent précurseur des lithiases biliaires et se voit à l’échographie (fig. 1 x). Une autre méthode non invasive à grand potentiel de développement et sans irradiation est la MRCP (cholangio-pancréatographie par résonance magnétique), qui ne peut toutefois être effectuée que chez un patient allongé et tranquille, donc difficile ou uniquement sous sédation/narcose chez les petits enfants. Pour la question des concrétions cholédociennes, qui ne peuvent souvent pas se voir à l’échogra- Figure 1 Sludge dans la vésicule biliaire (G: vésicule, L: foie, P: pylore, M: estomac, N: rein). Tableau 1. Aperçu des symptômes cliniques en fonction de l’étiologie. Groupe Etiologie Nombre Symptômes cliniques oui 1 2 3 Sphérocytose non 14 11 3 Drépanocytose 2 1 1 Autres hémolyses 3 1 2 Anamnèse familiale positive 2 2 Obésité 4 3 Traitement par ceftriaxone 2 Mucoviscidose 3 2 1 Leucémie/tumeur 6 1 5 Prématurés 3 Idiopathique 23 11 11 Total 62 32 27 2 2 Forum Med Suisse 2009;9(12):246–250 247 phie, une ERCP (cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique) peut également être effectuée chez les enfants, mais uniquement sous narcose et dans des centres spécialisés en gastroentérologie pédiatrique [5]. L’ERCP offre en outre la possibilité d’extraire directement les concrétions intracanaliculaires éventuellement découvertes et de dilater la papille. Avec une cholélithiase, il faut rechercher les signes de cholestase au laboratoire: ascension de la GGT (gamma-glutamyl-transférase), de la PA (phosphatase alcaline), de la bilirubine ou des transaminases. En l’absence de tout symptôme clinique, ces résultats sont généralement dans les normes. Mais les examens de laboratoire peuvent donner d’importants indices sur la pathologie de base et doivent être demandés individuellement en fonction de la suspicion diagnostique. Données personnelles Rétrospectivement, dans les archives électroniques des services de pédiatrie de l’Hôpital de l’Ile Berne de 1997 à 2007, il a été possible d’identifier 62 enfants (39 filles, 23 garçons) de 0 à 16 ans ayant des concrétions dans la vésicule et les voies biliaires (critères de recherche: calculs et cholélithiase). 32 patients avaient des symptômes cliniques (indépendants de leur âge), 27 n’en avaient aucun et 3 n’avaient aucune documentation claire de leurs problèmes (tab. 1 p). Les lithiases vésiculaires et des voies biliaires ont toutes été diagnostiquées par ultrasons. Deux patients ont bénéficié en plus d’une MRCP et un d’une TC (pour abcès hépatique surtout). Les étiologies ont pu être classées en 3 grands groupes: groupe 1: pathologies hématologiques (31%, 19 enfants), groupe 2: pathologies non hématologiques avec risque accru de cholélithiase (32%, 20 enfants) et groupe 3: cholélithiase idiopathique (37%, 23 enfants). 14 enfants ayant une sphérocytose congénitale, 2 ayant une anémie à hématies falciformes homozygote et 3 une autre hémolyse ont été classés dans le premier groupe. Ont été attribués au deuxième groupe: 2 enfants ayant une anamnèse familiale positive, 4 une obésité marquée, 2 ayant une cholélithiase secondaire à la ceftriaxone et 3 une mucoviscidose. 6 autres avaient des maladies tumorales (leucémies surtout), 3 étaient des prématurés (moins de 31 semaines de gestation avec alimentation parentérale postnatale). Aucune étiologie n’a été découverte chez 23 enfants (37%). Une ERCP initiale avec extraction des lithiases a été effectuée chez 10 patients et une cholécystectomie s’est avérée nécessaire chez 7 autres (tab. 2 p). 14 patients au total ont subi une cholécystectomie par laparoscopie, 8 autres à ciel ouvert (dont CABINET Forum Med Suisse 2009;9(12):246–250 248 Tableau 2. Aperçu des traitements effectués en fonction de l’étiologie (lap: intervention par laparoscopie, ouvert: intervention à ciel ouvert, OP: opération, méd: traitement médicamenteux). Groupe 1 2 3 Etiologie Nombre Sphérocytose Traitement Cholécystectomie Cholécystotomie ERCP lap lap ERCP 14 3 Drépanocytose 2 1 Autres hémolyses 3 ouvert 6 ouvert 1 conservateur OP ultérieure 3 3 1 1 1 avec méd 4 1 2 Anamnèse familiale positive 2 2 Obésité 3 1 2 2 1 1 1 1 4 sans méd Traitement par ceftriaxone 2 Mucoviscidose 3 2 Leucémie/tumeur 6 5 1 Prématurés 3 2 1 Idiopathique 23 4 Total 62 14 2 8 2 2 1 7 avec splénectomie et 1 qui a dû passer à l’intervention à ciel ouvert après traumatisme du canal cholédoque lors de la laparoscopie). 2 enfants ont subi une cholécystotomie par laparoscopie et 1 à ciel ouvert (avec splénectomie) (2 avaient une cholélithiase idiopathique et 1 enfant une sphérocytose congénitale connue). 6 enfants ont subi une cholangiographie peropératoire. Chez 2 enfants ayant une cholédocholithiase, et malgré une cholangiographie peropératoire à ciel ouvert négative, une cholédocholithiase nouvelle ou persistante a été découverte à 1 semaine postopératoire et traitée par extraction par ERCP. Une cholédocholithiase a pu être diagnostiquée chez un total de 9 enfants (tab. 3 p). 30 enfants (55%) n’ont reçu aucun traitement et seule leur évolution clinique a été suivie. Chez 18 patients, des concrétions vésiculaires ont pu être mises en évidence lors des contrôles de 2 à 6 ans et 2 autres n’en présentaient par contre plus aucune à 2 ans. Nous n’avons plus revu 12 patients (les contrôles ont été effectués par leur médecin traitant ou dans une autre clinique). Tableau 3. Cholédocholithiase en fonction de l’étiologie. Groupe Etiologie Nombre Cholédocholithiase 1 2 3 14 3 Drépanocytose Sphérocytose 2 1 Autres hémolyses 3 Anamnèse familiale positive 2 Obésité 4 Traitement par ceftriaxone 2 Mucoviscidose 3 Leucémie/tumeur 6 2 1 Prématurés 3 Idiopathique 23 2 Total 62 9 10 7 1 13 2 30 4 4 patients (13% de ceux ayant reçu un traitement conservateur) ont été traités par l’acide ursodésoxycholique. 2 n’avaient plus aucun calcul à 1 an, 2 autres avaient toujours leur cholélithiase asymptomatique à 2 ans. Discussion Pour les lithiases biliaires symptomatiques, les anomalies biliaires congénitales et les pathologies lithogènes, c’est très nettement la cholécystectomie par laparoscopie (fig. 2 et 3 x) qui est le traitement de choix chez les enfants aussi [6]. Les interventions laparoscopiques effectuées de routine chez les enfants se caractérisent par une convalescence plus courte, moins de douleurs postopératoires, un diagnostic élargi à l’ensemble de l’abdomen et de bons résultats esthétiques. Mais il ne faut pas négliger l’incidence relativement élevée de complications peropératoires, qui peut atteindre pratiquement 35% chez les adultes en Suisse [8]. Dans notre collectif, l’incidence de ces complications a par contre été très faible. Un patient a dû passer en chirurgie à ciel ouvert après traumatisme iatrogène du canal cholédoque par laparoscopie. Une alternative à la cholécystectomie, chez les enfants surtout, est la cholécystotomie par laparoscopie (fig. 4 et 5 x), qui est envisagée en cas de lithiase solitaire et de cholélithiase idiopathique, car la vésicule biliaire de ces patients n’est pas malade en tant qu’organe et aucune autre maladie systémique ne leur est connue. La proportion élevée de récidives décrite dans la littérature (jusqu’à 30% la première année [7]) résulte à notre avis du fait que ces patients n’ont pas été sélectionnés selon les critères ci-dessus. Un de nos patients ayant une sphérocytose congénitale, qui a dû subir une splénectomie à ciel ou- CABINET Forum Med Suisse 2009;9(12):246–250 249 Figure 2 Cholécystectomie par laparoscopie: préparation du canal cystique (Dc) et de l’artère cystique (Ac) (L: foie, G: vésicule). Figure 3 Cholécystectomie par laparoscopie: section du canal cystique (Dc) et de l’artère cystique en aval des clips métalliques en ménageant le canal hépatique (Dhc) (L: foie). Figure 4 Cholécystotomie par laparoscopie: extraction du calcul (S: calcul, G: vésicule, L: foie). Figure 5 Cholécystotomie par laparoscopie: vésicule biliaire fermée après extraction du calcul (G: vésicule, L: foie). vert et dont les parents n’ont demandé qu’une cholécystotomie, a présenté de nouvelles lithiases biliaires après 1 an. 2 autres patients sans risque accru n’ont présenté aucune concrétion après 2 et 3 ans. L’option thérapeutique la plus importante de la cholélithiase asymptomatique chez les enfants reste cependant le traitement conservateur (attitude expectative) et les examens approfondis à la recherche de son étiologie. Chez les petits enfants surtout, l’incidence de la dissolution spontanée est élevée [9]. Un traitement médicamenteux par l’acide ursodésoxycholique a tout son sens, surtout chez les enfants de moins de 3 ans. Ce traitement peut d’une part jouer un rôle dans la prévention d’une nouvelle cholélithiase, et de l’autre abaisser l’incidence des coliques biliaires [10]. S’il y a une pathologie de base ou des symptômes cliniques, nous préconisons un consilium dans une consultation de chirurgie ou de gastroentérologie pédiatrique, de manière à fixer d’un commun accord les investigations et un traitement selon l’algorithme de la figure 6 x. Les calculs solitaires radio-opaques peuvent théoriquement aussi être traités par lithotritie extracorporelle. En raison cependant des proportions élevées de récidives, de ses complica- Lithiases biliaires* symptomatique asymptomatique aucune maladie de base maladie de base maladie de base aucune maladie de base cholécystotomie ou cholécystectomie par laparoscopie cholécystotomie par laparoscopie observation évt cholécystectomie par laparoscopie observation évt acide ursodésoxycholique * S’il y a des calculs dans le cholédoque à l’échographie ou une cholestase/pancréatite préopératoire: évt ERCP en préopératoire (avec retenue chez les enfants <7 ans). Figure 6 Algorithme thérapeutique dans notre service. CABINET tions potentielles et surtout de la nécessité d’une narcose, cette technique n’est pas à recommander chez les enfants. En résumé, la cholélithiase de l’enfant se distingue de celle de l’adulte surtout par son étiologie. Chez les enfants asymptomatiques n’ayant aucune pathologie de base, c’est surtout le traitement conservateur qui prédomine. Chez les enfants ayant une cholélithiase idiopathique symptomatique, il est possible d’envisager une cholécystotomie plutôt qu’une cholécystectomie par laparoscopie. Références 1 2 Correspondance: Dr Peter Michael Klimek Universitätsklinik für Kinderchirurgie Inselspital CH-3010 Bern [email protected] 3 4 5 Palasciano G, Portincasa P, Vinciguerra V, Velardi A, Tardi S, Baldassarre G, et al. Gallstone prevalence and gallbladder volume in children and adolescents: an epidemiological ultrasonographic survey and relationship to body mass index. Am J Gastroenterol. 1989;84(11):1378–82. Everhart JE, Khare M, Hill M, Maurer KR. Prevalence and ethnic differences in gallbladder disease in the United States. Gastroenterology. 1999;117(3):632–9. Kumar R, Nguyen K, Shun A. Gallstones and common bile duct calculi in infancy and childhood. Aust N Z J Surg. 2000;70(3):188–91. Schweizer P, Lenz MP, Kirschner HJ. Pathogenesis and symptomatology of cholelithiasis in childhood. A prospective study. 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Laparoscopic cholecystectomy. Curr Opin Pediatr. 1998;10(3):310–4. 10 Tomida S, Abei M, Yamaguchi T, Matsuzaki Y, Shoda J, Tanaka N, et al. Long-term ursodeoxycholic acid therapy is associated with reduced risk of biliary pain and acute cholecystitis in patients with gallbladder stones: a cohort analysis. Hepatology. 1999;30:6–13.