Synthèse adoption 30 septembre 2011
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Synthèse adoption 30 septembre 2011
Université catholique de Louvain Centre interdisciplinaire de recherche sur les familles et les sexualités IACCHOS – UCL Recherche relative à la procédure d’adoption en Communauté française de Belgique Recherche réalisée à la demande de Madame la Ministre Evelyne HUYTEBROECK, Ministre de la Jeunesse et de l'Aide à la jeunesse Florence Vandendorpe Jacques Marquet (promoteur) Jehanne Sosson (promotrice) Avec la participation de Nathan Gurnet Le 15 septembre 2011 Synthèse Introduction Dans le cadre plus large d’une réflexion sur le processus d’adoption en Communauté française de Belgique, une recherche tant quantitative que qualitative a été confiée au Centre interdisciplinaire de recherche sur les familles et les sexualités de l’Université catholique de Louvain (CIRFASE – UCL – Louvain-la-Neuve) avec pour objectif de recueillir le point de vue des candidats impliqués dans une procédure d’adoption ainsi que celui des parents ayant adopté un enfant. Elle constitue le second volet d’une évaluation globale des différentes étapes de la procédure relative à l’adoption en Communauté française et fut menée de mars à septembre 2011. C’est de cette recherche qu’il est question dans ce document. La présente synthèse présente dans l’ordre : I. La méthodologie 02 II. Les résultats de l’analyse des questionnaires d’évaluation du processus d’adoption 07 III. Les résultats de l’analyse qualitative du point de vue des adoptants 12 IV. Les conclusions et recommandations 22 I. Méthodologie Le matériau qui a servi de base à cette évaluation est composé de deux sources distinctes : a) l’analyse quantitative porte sur les données récoltées via les questionnaires distribués par l’ACC aux candidats adoptants et parents adoptifs à différents moments de la procédure ; b) l’analyse qualitative porte sur le matériau rassemblée lors de groupes focaux, d’entretiens téléphoniques, via questionnaires avec des candidats à l’adoption et des parents adoptifs. A/ Partie quantitative Afin de prendre la mesure de la façon dont la procédure d’adoption est vécue par les candidats à l’adoption, l’ACC a produit plusieurs questionnaires qu’elle leur soumet. Ceux-ci sont distribués à différents moments de la procédure : à l’issue des séances d’information ; à la suite des séances de sensibilisation ; à l’issue de l’ensemble de la procédure d’adoption ; à la suite de l’arrêt de la procédure1. Ce sont les données récoltées via ces questionnaires au cours des années 2009-2010 qui furent transmis au CIRFASE pour analyse. 1. Comment lire les pourcentages présentés ? Les différents questionnaires comptent une ou plusieurs questions fermées destinée à mesurer un degré de satisfaction (de très satisfait à insatisfait) relativement à une étape ou un aspect de la procédure et un ensemble de questions ouvertes laissant davantage de latitude de réponse aux candidats adoptants ou aux parents adoptifs. Si la quasi-totalité des répondants indique bien un degré de satisfaction relativement à telle ou telle étape, à tel ou tel aspect de la procédure d’adoption, nombre de questions ouvertes restent sans réponse. Les pourcentages 1 Ce questionnaire n’émane pas directement de l’ACC, mais a été produit dans le cadre de la réalisation des deux mémoires produits à l’ULg. 2 enregistrés et présentés pour ces deux types de questions sont donc difficilement comparables. Répondre à une question ouverte demande aussi plus d’implication dans l’exercice. On considère généralement que les pourcentages reconstitués à partir de réponses à des questions ouvertes constituent des minima ; en effet, puisqu’aucune réponse n’est suggérée par la question, un élément ne sera indiqué que par ceux qui y pensent au moment de répondre, ce qui ne signifie nullement que d’autres ne partagent pas ce point de vue. 2. L’analyse catégorielle des réponses Pour les questions ouvertes, plutôt que de suivre les rubriques (sous-questions) des questionnaires, nous avons parfois pris l’option de regrouper les réponses d’un même individu pour un bloc de sous-questions et de procéder à une analyse catégorielle. La raison en apparaîtra directement en déployant un exemple. Le premier questionnaire traité est le questionnaire « information ». Il propose aux répondants d’indiquer les points forts (et ensuite les points faibles) des séances d’information en ce qui concerne le contenu, la méthodologie, l’animation et l’organisation. Si ces quatre rubriques sont parlantes pour les concepteurs du questionnaire, il n’en est de toute évidence pas de même pour les répondants qui vont à plusieurs reprises évoquer les mêmes faits mais en les plaçant tantôt dans une rubrique, tantôt dans une autre. À titre d’exemple, le manque temps renvoie pour certains à un problème de « contenu » (lorsque l’on traîne sur des détails), pour d’autres à un problème de « méthode » (lorsque certains exercices prennent trop de temps), pour d’autres encore à un mode d’ « animation » (lorsque certains occupent tout l’espace) et pour d’autres enfin à une problème d’ « organisation » (lorsque les séances regroupent un public trop hétérogène). Les réponses suffisamment fines que pour pouvoir distinguer ces niveaux de réponses sont cependant exceptionnelles ; la plupart du temps ceux qui estiment avoir manqué de temps se contentent d’inscrire « manque de temps » dans l’une ou l’autre rubrique. Ce que nous appelons « analyse catégorielle » vise donc à faire émerger les thèmes exprimés au-delà de légères variantes dans l’expression. B/ Partie qualitative 1. Recueil des données En complément à l’analyse des questionnaires utilisés par l’ACC pour évaluer la satisfaction des candidats adoptants et candidats adoptifs à différents moments de la procédure d’adoption, une démarche qualitative a été entreprise pour connaître de manière plus approfondie l’expérience des parents inscrits dans une procédure d’adoption. Celle-ci a emprunté trois chemins : a. Une série d’entretiens collectifs, ou « groupes focaux », ont été organisés. Ceux-ci ont permis de rassembler des parents inscrits dans une démarche similaire ; b. En complément à ces groupes focaux, des entretiens individuels ont eu lieu par téléphone ; c. Enfin, l’ensemble des participants ont été invités à nous renvoyer également un questionnaire afin de nous faire parvenir les informations qu’ils souhaitaient ajouter. a. Les groupes focaux Les groupes focaux consistent à rassembler un petit groupe de participants (8 à 12 en moyenne) pour leur permettre de s’exprimer tour à tour et débattre collectivement de thématiques qui les concernent. Ces groupes n’ont pas la prétention d’être « représentatifs de la population des candidats adoptants et des parents adoptifs » au sens statistique du terme, mais bien d’apporter une contribution « significative » à la problématique étudiée en visant à multiplier les points de vue à son égard. Cette formule présente l’avantage d’offrir à des 3 personnes dont la situation est minoritaire, voire marginale, un espace d’expression égal à celui dont disposent les autres individus. Les participants ont été sélectionnés en plusieurs temps : Dans un premier temps, le Cabinet a adressé un courrier à 500 personnes sur base de listes que lui avait au préalable communiquées l’ACC. La composition de ces listes est la suivante : - Une première liste reprenait les coordonnées de candidats se trouvant dans la situation suivante : abandon du projet d’adoption ; adoption terminée avant la mise en place de la réforme ; candidats célibataires ayant adopté ; candidats célibataires ayant abandonné leur projet d’adoption. - Une seconde liste reprenait les coordonnées de candidats célibataires ou en couple ayant terminé une procédure d’adoption ; - La troisième liste reprenait les coordonnées de candidats célibataires ou en couple en cours de procédure d’adoption. 100 noms ont été choisis de manière aléatoire à partir de la première liste ; 250 à partir de la seconde ; et 150 à partir de la troisième. Ces 500 personnes furent invitées par courrier par la Ministre à prendre part à la recherche sur base volontaire. Les personnes désirant s’impliquer dans la recherche étaient invitées à remplir un formulaire de participation et à le faire parvenir au centre de recherche chargé de l’étude (CIRFASE/UCL). Les chercheurs s’étaient pour leur part engagés à ne communiquer les noms des participants ni à l’Administration, ni au Cabinet. Un courrier de l’équipe de recherche présentant les objectifs de l’enquête était joint au courrier de la Ministre. Sur base de ces courriers, dans un premier temps, 46 formulaires de participation ont été renvoyés à l’équipe de recherche. Afin d’agrandir l’échantillon, un second courrier a été envoyé par la Ministre un mois plus tard environ. Celle-ci s’est alors adressée à l’ensemble des parents engagés dans un projet d’adoption interne repris sur la liste dont elle disposait, car ceux-ci étaient sous-représentés dans le groupe des personnes qui avaient manifesté leur intérêt pour la recherche. À l’issue de ces deux appels à participation, 74 formulaires ont été réceptionnés par l’équipe de recherche. Dans un second temps, sur base de ces formulaires, quatre groupes focaux ont été constitués. Ils rassemblent : - des parents qui ont adopté un ou plusieurs enfants par la voie de l’adoption internationale (groupes A et B) ; - des parents qui se sont inscrits dans le cadre d’une procédure d’adoption interne, que celle-ci ait abouti ou qu’elle soit encore en cours (groupe C) ; - des parents candidats à l’adoption d’un ou plusieurs enfants par la voie de l’adoption internationale (groupe D). Pour des questions de logistique, mais aussi de dynamique de groupe, les couples ont été invités à se faire représenter par une seule personne. Les participants aux deux premiers groupes focaux ont été choisis de manière à nous permettre de rencontrer des parcours aussi diversifiés que possible. Nous avons veillé à rassembler des personnes d’âges différents, résidant dans différentes provinces et ayant adopté des enfants d’âges différents, en veillant en outre à ce que tous les OAA soient représentés. Nous avons veillé, également, à ce que les expériences de ces participants témoignent tant de l’adoption d’enfants isolés que de fratries, d’adoptions uniques que d’adoptions multiples (1 ou 2 enfants), d’adoptions d’enfants sans /avec particularités, etc. Nous avons veillé, enfin, à inclure dans les groupes quelques parents célibataires. Pour ce qui concerne les groupes C et D, faute d’avoir reçu suffisamment de 4 formulaires, l’ensemble des parents qui se sont manifestés ont été invités à prendre part à la discussion. Étant donnée la manière dont ils ont été constitués, ces groupes ont été moins diversifiés qu’initialement espéré. Néanmoins, ils nous permettent quand même d’avoir accès à de multiples situations susceptibles d’être rencontrées par les candidats adoptants. Les groupes focaux se sont déroulés entre le 31 mai et le 21 juin dernier à raison d’un par semaine, le mardi en soirée. Les trois premiers, qui ont rassemblé de 10 à 12 participants chacun, ont duré 3 heures. Seuls 6 parents ont accepté de participer à la dernière rencontre rassemblant les parents candidats à l’adoption internationale ; cette rencontre a duré 2 heures. Pour une raison qui nous échappe, deux des participantes à cette table ronde sont venues accompagnées de leur compagnon. Les lieux de rencontre ont été choisis de manière à convenir au mieux aux participants. Les tables rondes consacrées aux parents qui ont adopté par la procédure internationale ont eu lieu à Louvain-la-Neuve et à Namur. La table ronde rassemblant les parents qui ont adopté par la procédure interne a eu lieu à Louvain-la-Neuve. Les candidats à l’adoption ont quant à eux été invités à Bruxelles. De manière à ne pas décourager les parents résidant loin du lieu de rencontre, une participation aux frais de déplacement a été proposée, de même qu’un buffet sandwiches et des boissons. Toutes les personnes qui s’étaient engagées à participer à ces tables rondes y sont venues, même celles qui venaient de loin. Des parents n’ont pas hésité à parcourir plus de 150 km pour venir participer. C’est dire s’ils étaient motivés ! Nous avons veillé à ce que les participants aux groupes focaux puissent s’exprimer aussi librement que possible, quand bien même leurs préoccupations ne rejoignaient pas celles qui avaient fait l’objet des discussions des professionnels. Dans ce but, les échanges ont été organisés en 2 temps : a) Lors d’un premier tour de table, les participants étaient invités à se présenter brièvement et à partager ce pour quoi ils avaient décidé de prendre part à la rencontre. La question que nous leur avons posée est la suivante : « S’il ne devait y avoir qu’une seule chose que vous voudriez vraiment dire ici, de quoi s’agit-il ? » b) Le second tour de table visait à entrer plus en profondeur dans les différentes thématiques évoquées. Les participants étaient invités à prolonger leur première intervention et à réagir aux propos des autres. Lorsque, dans les débats, était abordé un point spécifique qui avait fait l’objet de propositions concrètes dans le cadre des tables rondes organisées auprès des professionnels, ces propositions étaient mentionnées afin d’enregistrer les réactions des parents et voir si elles étaient, selon eux, de nature à répondre à leurs besoins. Les groupes focaux ont été animés par les deux chercheurs. Jacques Marquet a initié les rencontres et dirigé les tours de table. Florence Vandendorpe est intervenue de manière plus spécifique, notamment lorsque les participants évoquaient des points qui avaient fait l’objet de discussions dans le cadre des tables rondes réunissant les professionnels. Ce serait mentir que d’affirmer que les débats furent toujours calmes et sereins. Le ton est souvent monté parmi les parents qui ont adopté par la voie internationale, surtout lors de la première rencontre. Ce groupe était composé de quatre parents ayant adopté un enfant de Russie. Plusieurs d’entre eux étaient en colère et tenaient à le faire entendre. Certains témoignages furent lourds. Ce sous-groupe a, à certains moments, pesé lourdement sur la dynamique du groupe dans son ensemble. L’expression de ces inquiétudes et/ou frustrations n’a toutefois pas empêché les échanges de suivre leur cours de manière respectueuse et constructive. Le climat était nettement plus serein lors de la rencontre qui a rassemblé les candidats et les parents adoptifs inscrits dans la procédure interne. 5 b. Les entretiens téléphoniques Les entretiens téléphoniques ont été réalisés dans le but de disposer d’un groupe de contrôle à l’égard des informations récoltées dans le cadre des groupes focaux. À l’inverse des parents ayant participé aux tables rondes, les parents qui furent interviewés par téléphone n’ont pas été sélectionnés parmi ceux et celles qui avaient manifesté le souhait de participer à cette recherche, mais ils furent choisis de manière aléatoire à partir des listes reprenant les noms des parents engagés dans une procédure d’adoption depuis 2009, et ce tant pour la procédure interne que pour la procédure internationale. Signalons qu’entre le moment où les rendez-vous étaient pris par téléphone et celui où le chercheur contactait les parents concernés pour réaliser l’entretien, plusieurs parmi ceux-ci ont changé d’avis : le téléphone a sonné dans le vide à plusieurs reprises. Ces absences, pour lesquelles les participants n’ont pas jugé utile de prévenir le chercheur, concernaient presque toutes des candidats ayant renoncé à un projet d’adoption faute de le voir aboutir. La répétition de ces situations laisse supposer que, pour des personnes dans cette situation, parler de leur expérience n’est pas chose aisée. Nous ne pouvons toutefois, à cet égard, faire que des suppositions. Seize entretiens par téléphone ont été réalisés. Les personnes ayant accepté de prendre part à ces entretiens se trouvent dans les situations suivantes : - adoption internationale : 8 candidats en cours de procédure et 1 abandon du projet d’adoption ; - adoption interne : 1 candidat en cours de procédure, 4 adoptions terminées et 1 abandon. Tous ces entretiens ont duré une demi-heure en moyenne. Les questions qui furent posées aux parents lors de ces entretiens sont les mêmes que celles qui furent posées lors des tables rondes, et les mêmes également que celles qui furent envoyées par questionnaire à l’ensemble des parents ayant souhaité prendre part à la recherche. Ils ont fait l’objet d’une retranscription intégrale. Ces témoignages ont été analysés de manière commune avec les témoignages récoltés dans le cadre des groupes focaux. c. Questionnaires complémentaires Afin de contrebalancer l’effet entraînant bien connu des groupes focaux, où selon la dynamique qui se crée les participants peuvent se sentir entraînés à exagérer leurs propos dans un sens ou dans l’autre, nous avons informé tous les parents qui ont participé aux rencontres qu’il leur était possible, s’ils le souhaitaient, de nous faire parvenir par écrit des réflexions complémentaires afin de nuancer ou préciser les propos qu’ils avaient tenus lors du groupe focal. Dans ce but, nous leur avons adressé par email un questionnaire. Ce même questionnaire a été envoyé aux parents qui avaient manifesté leur souhait de participer à la recherche mais qui, faut de place, n’ont pu être invités à prendre part aux groupes focaux. Les formulaires que nous avons recueillis par ce biais concernent : 2 candidats à l’adoption internationale ; 3 parents ayant adopté un enfant par la procédure d’adoption internationale ; 3 parents inscrits dans une procédure d’adoption interne (candidats et/ou parents adoptifs). 2. Analyse des données recueillies Pour analyser le matériau récolté, qui compte plusieurs centaines de pages, nous avons utilisé l’analyse thématique. Celle-ci consiste à parcourir le matériau dans son ensemble et reprendre tous les moments où sont évoqués de mêmes thèmes. Par le biais de copier/coller, tous ces éléments sont regroupés dans de mêmes fichiers thématiques où ils sont ensuite classés par 6 contenu : les témoignages allant dans le même sens sont regroupés, de manière à pouvoir repérer l’éventail des positionnements. L’analyse consiste à rendre compte des différentes positions énoncées en les mettant en relation, lorsque cela est possible, avec les caractéristiques de ceux et celles qui les ont énoncés. Dans le cas de ce matériau-ci, une telle analyse des correspondances entre les avis énoncés et les circonstances dans lesquelles les parents qui les énoncent se sont trouvés est cependant limitée dans la mesure où, sauf exception, nous ne sommes pas en mesure d’identifier les auteurs des positions énoncées. Nous ne sommes donc pas en mesure d’associer leur avis aux circonstances particulières dans lesquelles ils se sont trouvés. Par conséquent, le document qui suit consiste principalement en une synthèse des témoignages récoltés. En analyse qualitative, on utilise habituellement le critère dit de « saturation » pour juger du moment où un matériau est complet. On définit ce seuil comme le moment où les témoignages supplémentaires n’apportent plus aucune information nouvelle par rapport aux préoccupations des chercheurs. Vu les nombreuses répétitions que nous avons entendues tant lors des tables rondes que lors des entretiens téléphoniques, nous avons le sentiment que le matériau récolté a effectivement atteint ce seuil de saturation. En d’autres mots, il devrait nous permettre de nous faire une idée relativement adéquate des situations rencontrées par les parents qui s’inscrivent dans un projet d’adoption sur le territoire de la Communauté française. II. Résultats des analyses des questionnaires d’évaluation du processus d’adoption On présente ici quelques éléments de synthèse des résultats de l’analyse statistique des données produites via les différents questionnaires utilisés à différents stades du processus d’adoption par l’ACC afin d’avoir un feed-back des candidats à l’adoption ou parents adoptifs. On ne reprend ici en détail aucun élément relatif ni aux questionnaires « sensibilisation » (n=12), ni au questionnaire « procédure d’adoption interne » (n=9), vu les effectifs très limités. L’intérêt de ces résultats est double : d’une part, ils constituent une première « mesure » de l’opinion (degré de satisfaction, suggestions, difficultés rencontrées…) des parents adoptifs et des candidats à l’adoption ; d’autre part, par comparaison avec les analyses du matériau récolté lors des focus groupes et des entretiens individuels, ils nous invitent à réfléchir à la pertinence de ces différents questionnaires comme instruments pour un monitoring des procédures d’adoption. Soulignons que le nombre de questionnaires est parfois très faible et qu’il convient dans ces cas d’interpréter les données avec beaucoup de prudence. Dans cette perspective, aucun pourcentage ne sera calculé pour des populations inférieures à 25 personnes. A/ Les questionnaires « information » Les questionnaires « information » sont remplis par les participants à la fin des séances d’information. Les questionnaires soumis à l’analyse concernent les années 2009 et 2010. Cent-dix-huit (118) questionnaires concernent l’adoption intrafamiliale, 510 l’adoption extrafamiliale. Nous distinguons ces deux populations pour la suite du traitement. 7 1. L’adoption intrafamiliale (n=118) Dans ce premier groupe 76,3% se disent « très satisfaits » des séances d’information ; 23,7% se déclarent « satisfaits ». Les points forts de ces séances, tels que relevés par les répondants dans les questions ouvertes, sont principalement : 1/ la clarté et la richesse (complétude) des informations soulignées par 89% d’entre eux ; 2/ le caractère adapté de la méthodologie (73.7%) ; 3/ l’organisation jugée satisfaisante (76,3%) ; 4/ et la sympathie des animatrices et leur capacité d’animation (66,9%). Les autres points cités restent tous en dessous des 10%. On notera cependant que les commentaires sont généralement très brefs, un peu comme s’il s’agissait de donner vite une réponse avant de s’en aller. Ces mêmes répondants avancent parfois aussi quelques points faibles, notamment : 1/ le manque de temps pour les questions ou pour développer certains points (cité par 8,5% d’entre eux) ; 2/ et le timing des séances (4,2%). Toutes les autres réserves sont évoquées par moins de 3% des individus. À nouveau, ici aussi les commentaires restent lacunaires. 2. L’adoption extrafamiliale (n=510) Dans ce second groupe 51,6% se disent « très satisfaits » des séances d’information ; 46,1% se déclarent « satisfaits ». Les points forts de ces séances, tels que relevés par ces répondants, sont principalement : 1/ la clarté et la richesse (complétude) des informations soulignées par 76,9% d’entre eux ; 2/ l’organisation jugée satisfaisante (52,9%) ; 3/ la sympathie des animatrices et leur capacité d’animation (50%) ; 4/ le caractère adapté de la méthodologie (48,6%) ; 5/ l’existence de débats ouverts est (22,4%) ; 6/ la qualité des interactions (19%) ; 7/ le fait d’être face à des personnes de terrain ou ayant une bonne connaissance du sujet (10,8%). Les autres points cités restent tous en dessous des 10%. On notera également que les commentaires sont généralement très brefs. Ces mêmes répondants avancent parfois aussi quelques points faibles, notamment : 1/ la gestion inadéquate du temps fait de longueurs et répétitions (10,6%) mais aussi le manque de temps pour les questions ou pour développer certains points (9,8%) et de façon globale le timing des séances (9,2%) ; 2/ la difficile conciliation des séances avec les horaires de travail (6,7%) ; 3/ le caractère abstraits et théoriques de certaines informations (6,1%), ou trop condensé (4,1%), mais aussi le caractère trop général d’autres informations relatives à l’adoption internationale (5,9%) ; 4/ les problèmes liés au support vidéo (8,4%) ; 5/ l’inadéquation des locaux (6,3%) ; 6/ les lieux retenus pour les séances (3,7%). Toutes les autres réserves sont évoquées par moins de 3% des individus. À nouveau, les commentaires restent lacunaires. B/ Les questionnaires « procédure d’adoption » (n=64) Neuf (9) questionnaires concernaient l’adoption interne ; vu l’effectif très réduit, nous n’en traitons pas dans cette synthèse. Les questionnaires analysés ci-dessous sont au nombre de soixante-quatre (64) et sont relatifs à des procédures d’adoption internationale. Cinquante et une (51) sont des premières adoptions, treize de nouvelles adoptions. La présentation globalise ici ces deux sous-populations. Après quelques questions générales, le questionnaire aborde successivement : 1/ la phase de préparation (en ce inclus les séances d’information, les séances de sensibilisation et les entretiens individuels) ; 2/ la phase d’évaluation des aptitudes ; 3/ la phase d’apparentement ; 4/ la phase post-adoptive. 8 Les différents contacts avec l’ACC tout au long de la procédure sont évalués globalement positifs : 56,3% de satisfaits et 37,5% de très satisfaits. Les principales pistes d’amélioration pour les contacts entre l’ACC et les candidats adoptants suggérées sont : 1/ avoir une ACC opérant moins comme une « administration » (12,5%) et davantage disponible (3,1%) ; 2/ être plus avenant avec des candidats qui au départ ignorent beaucoup de choses (10,9%) ; 3/ revoir la composition des groupes (trop grands, trop hétérogènes) (4,7%). 1. Relativement à la phase de préparation, la majorité des personnes se déclarent satisfaites (59,4%), voire très satisfaites (18,8%), des séances d’information, mais on note néanmoins 21,9% de personnes peu ou pas du tout satisfaites ; les résultats sont assez semblables pour l’évaluation des séances de sensibilisation avec 40,6% de satisfaits, 35,9% de très satisfaits et 23,4% de peu ou pas du tout satisfaits ; les entretiens individuels auprès de l’OAA sont évalués plus positivement encore avec 48,4% de personnes qui se déclarent très satisfaites et 43,8% qui se disent satisfaites. Pour l’essentiel, le cycle de préparation à l’adoption a permis : 1/ d’être mieux informés (31,3%) ; 2/ des rencontres et d’échanges (31,3%) ; 3/ de développer l’esprit d’ouverture (28,1%). Les principales suggestions d’amélioration à apporter aux cycles de préparation sont : 1/ réduire la longueur des démarches (20,3%) ; 2/ donner davantage d’exemples et d’informations pratiques (17,2%) ; 3/ éviter les informations trop négatives qui démotivent (12,5%) ; 4/ homogénéiser les groupes (10,9%) ; 5/ éviter que les questions individuelles ne prennent trop de place (6,3%). 2. Pour la phase d’évaluation des aptitudes, la manière dont l’enquête sociale a été réalisée par le travailleur social de l’ACC est globalement positive : 45,3% de satisfaits et 43,8% de très satisfaits, ce qui laisse 10,9% de peu ou pas du tout satisfaits. Les principales pistes d’amélioration de l’enquête sociale sont les suivantes : 1/ accélérer la procédure (12,5%) ; 2/ revoir l’enquête policière jugée inadaptée (10,9%) ; 3/ revoir la procédure administrative (6,3%) ; 4/ veiller à avoir des agents plus compétents (6,3%). L’évaluation de la manière dont la procédure judiciaire s’est déroulée devant le tribunal de la jeunesse est la suivante : 51,6% de satisfaits, 28,1% de très satisfaits, 18,9% de peu ou pas du tout satisfaits. 3. Pour la phase d’apparentement, une majorité (51,6%) se dit très satisfaite de l’accompagnement offert par leur OAA pendant la période d’attente ; 32,8% se déclarent satisfaits, 14% sont peu ou pas du tout satisfais. Sont d’abord appréciés : 1/ le contact humain avec l’équipe (46,9%) ; 2/ les rencontres (7,8%). Sont surtout regrettés : 1/ le manque d’informations (6,3%) ; 2/ le peu de contacts avant l’adoption (4,7%) ; 3/ la longueur du processus (3,1%) ; 4/ les difficultés de procédure (3,1%). Le degré de satisfaction de l’accompagnement offert par l’OAA et ses collaborateurs locaux pendant le séjour dans le pays d’origine de l’enfant est encore plus net : 65,6% de très satisfaits, 23,4% de satisfaits et 6,3% de peu ou pas satisfaits. A cette période sont particulièrement appréciées : 1/ la présence de l’OAA (40,6%) ; 2/ son expérience et les informations fournies (15,6%). Sont surtout regrettés : 1/ l’absence de l’organisme (9,4%) ; 2/ le manque d’informations (7,8%). Les principales suggestions d’amélioration de l’accompagnement offert par les OAA pendant cette phase sont : 1/ une augmentation des informations pratiques (17,2%) ; 2/ un accompagnement plus adapté lors du voyage (7,8%). 4. Pour la phase post-adoptive, l’évaluation de l’accompagnement psycho-social et administratif offert par l’OAA lors des premiers temps suivant l’accueil de l’enfant est positive : 46,9% de très satisfaits, 29,7% de satisfaits, 14,1% de peu ou pas satisfaits. Sont particulièrement appréciées : 1/ la confiance et la disponibilité de l’OAA (39,1%) ; 2/ les 9 visites post adoption (12,5%). Est regretté par certains (9,4%) l’apparent manque d’intérêt de l’OAA l’adoption une fois réalisée. La principale piste d’amélioration de l’accompagnement post-adoptif offert par l’OAA renvoie à une demande d’information accrue. C/ Les questionnaires « arrêts de procédure » Ce questionnaire n’émane pas directement de l’ACC. Il a été produit dans le cadre d’une recherche menée par deux mémorantes de l’Université de Liège. Le nombre de questionnaires destinés aux personnes ayant initié un projet d’adoption sous couvert de la nouvelle loi et l’ayant arrêté ici traité est de 28. Les principaux moments d’arrêts des projets sont : après ou pendant les séances d’information (39,3% = 11 personnes) ; après ou pendant les séances de sensibilisation collective (25% = 7 personnes) : après ou pendant les entretiens (25% = 7 personnes). Une part importante de ces personnes étaient arrivées à un projet d’adoption suite à un problème d’infertilité (46,4% = 13p.) ; d’autres motifs sont aussi invoqués : le souhait d’élargir la famille (17,9% = 5p.), un projet humanitaire (10,7% = 3p.), une risque de santé à concevoir un enfant biologique (7,1% = 2p.), un projet de vie en célibat (7,1% = 2p.). Dans un cas sur deux (50% = 14p.), une autre alternative avait préalablement été envisagée, et notamment la FIV dans 25% des cas (7p.). Dans la plupart des cas (79,6% = 22p.), le projet ne concerne que le couple ou la personne qui le porte, aucune personne extérieure n’est intervenue dans la prise de décision. Les cas où les démarches sont entreprises dès que le projet a germé (dans les 6 premiers mois) sont très minoritaires (17,9% = 5p.). Au départ, une majorité n’a pas de représentation très claire de la procédure d’adoption, 57,1% (16p.) n’en donne même aucune. Cependant, 78,6% (22p.) déclarent connaître les critères à remplir pour entamer les démarches, 78,6% (22p.) disent aussi connaître la durée du processus, 60,7% (17p.) estiment connaître les différentes étapes de la procédure et 67,9% (19p.) les aspects financiers. On notera aussi que 64,3% (18p.) évoquent des craintes à l’égard de la procédure. Pour les répondants, les implications de l’adoption d’un enfant sont d’abord : la difficulté d’intégration de l’enfant dans la famille (25% = 7p.), une procédure longue, difficile et couteuse (17,9% = 5p.), la nécessité d’une grande disponibilité (14,3% = 4p.). Si, à la réception des premiers documents relatifs à la préparation à l’adoption et lors des premiers contacts avec l’ACC, 46,4% (13p.) disent avoir été encouragés dans leur projet, 17,9% (5p.) déclarent aussi avoir été découragés dans leur projet. Des séances d’information, et pour l’essentiel, les répondants retiennent : leur intérêt (46,4% = 13p.), la lenteur du processus et le choix restreint de pays (14,3% = 4p.), les tentatives de décourager les candidats (14,3% = 4p.), leur peu d’intérêt (10,7% = 3p.). Si une majorité (53,6% = 15p.) dit ne pas avoir ressenti de découragement suite à la confrontation avec certaines réalités d’adoption ou face à d’autres types d’information, les autres évoquent divers motifs de découragement dont les principaux sont la lenteur du processus et le choix restreint de pays (17,9% = 5p.), le sentiment de payer pour un enfant ou d’être jugé avant de pouvoir être parent (10,7% = 3p.), le sentiment que l’adoption est impossible (7,1% = 2p.). Pour certains, ces séances d’information ont permis de prendre conscience de certaines difficultés inhérentes à l’adoption : de la longueur et de la complexité de la procédure (25% = 7p.), du déracinement de l’enfant (21,4% = 7p.), de l’accès différencié aux pays en fonction de la situation conjugale (7,1% = 2p.). Entre 25,0 et 39,3% des personnes ne répondront pas aux questions relatives aux séances de sensibilisation collective, ce qui était attendu puisque 39,3% ont déclaré avoir interrompu le processus d’adoption avant cette étape. Le fait que certains de ceux-là aient néanmoins 10 répondu à certaines questions peut traduire des problèmes de mémoire, mais aussi le fait que le moment où a eu lieu l’arrêt peut quelque peu s’étaler dans le temps au rythme des hésitations des personnes. Les résultats qui suivent concernent donc ces seules 17 personnes théoriquement toujours en procédure. Les séances de sensibilisation collective sont diversement appréciées : 8 (sur 17) trouvent les échanges intéressants et 4 en retiennent les expériences des enfants, mais 4 estiment aussi que la réalité casse le rêve et 3 soulignent des problèmes d’animation (qualifiée tantôt d’infantilisante, tantôt de dictatoriale). Si 3 considèrent les échanges lors des séances en groupe inutiles, 9 trouvent cependant qu’elles leur ont permis de prendre conscience des démarches et des situations post-adoption. Les personnes arrivées au stade du choix d’une OAA sont au nombre de 14. On se rappellera les réserves d’usage face à une population aussi petite. Six d’entre elles ont choisi l’OAA en fonction des pays avec lesquels elle travaillait, deux sur base de recommandations de tiers, les autres motifs ne sont cités que par une personne. Si huit sortent du premier entretien avec l’OAA heureux et confiants, trois estiment cependant avoir eu le sentiment d’être évalué, et sept disent avoir eu des craintes (de ne pas être à la hauteur, de ne pas avoir d’enfant, de ne pas convenir financièrement) suite à cet entretien. En définitive, si certains évoquent la procédure (sa lenteur, sa complexité, les tracasseries, le coût…) pour expliquer l’abandon du projet d’adoption, les choses sont cependant plus complexes et mêlent des dynamiques liées au processus d’adoption et des dynamiques conjugales et/ou individuelles (1 couple s’est séparé, 1 autre a eu un enfant, 1 personne touchée par la maladie estime avoir peu de chance qu’un enfant lui soit confié, 7 considèrent qu’un enfant biologique reste possible). Quatre cas concernent aussi des situations où, in fine, les personnes estiment ne pas remplir les conditions pour pouvoir adopter. D/ Quelques éléments de synthèse De l’analyse de ces formulaires d’évaluation et questionnaires (y compris ceux non présentés ici, mais dans les détails figurent dans le rapport complet), on peut dégager quelques éléments de synthèse qui seront confrontés aux enseignements de l’analyse qualitative : 1. Les informations récoltées par les formulaires d’évaluation tant pour les séances d’information que de sensibilisation sont relativement pauvres. Les questions ouvertes qui pourraient être des espaces d’expression privilégiés par les répondants pour s’exprimer ne sont guère mobilisés en ce sens. Les éléments de contexte (heures tardives, fatigue des participants… au moment où ils sont distribués) semblent insuffisants pour expliquer cela ; on peut faire l’hypothèse que la discrétion des répondants s’explique d’une part par leur manque de recul par rapport aux séances qui se terminent et d’autre part par leur méfiance à l’égard des divers intervenants dont ils estiment – à tort ou à raison – que dépend l’aboutissement de leur projet. 2. Pour l’ensemble des questionnaires, les questions fermées destinées à récolter le degré de satisfaction des candidats adoptants à l’égard de différents aspects de la procédure enregistrent des résultats globalement très positifs. Avec toutes les réserves d’usage liées aux effectifs limités, il apparaît cependant que les questionnaires remplis en fin de processus d’adoption enregistrent davantage de manifestations d’insatisfactions que les formulaires rentrés immédiatement après les séances d’information et de sensibilisation, et ce même relativement à ces séances. Deux hypothèses (non nécessairement exclusives) peuvent être formulées : 1/ la procédure d’adoption terminée, les ex-candidats adoptants sortiraient de leur dépendance à l’égard des professionnels (et de l’ACC) et retrouveraient une liberté d’expression longtemps contenue ; 2/ en avançant dans le processus d’adoption, les candidats adoptants prendraient progressivement conscience de manques ou de lacunes de ces séances par la confrontation à la réalité du processus d’adoption et de ses écueils. 11 3. Les points de satisfactions – les entretiens individuels, les contacts humains, les débats ouverts, les témoignages d’adoptants et d’adoptés, les visites au domicile – d’une part et les points d’insatisfactions, dont on rappellera à ce stade qu’ils sont exprimés par une petite minorité, – le caractère abstrait du contenu de certaines séances, le côté scolaire de certaines animations, le peu d’attention avec laquelle sont traitées certains candidats à l’adoption, les grands groupes, l’hétérogénéité des groupes, le manque de temps pour aborder les questions qui intéressent vraiment, une administration peu disponible – d’autre part dessinent comme un axe de tension entre une prise en charge chaleureuse et individualisée et une gestion froide et distanciée des situations. Sont ainsi valorisées les moments privilégiés parce que « personnels » (entretiens individuels, visites au domicile) et ceux qui sans être réservés abordent des questions qui touchent personnellement dans la mesure où ils sont en phase avec le projet individuel ; sont dévalorisés ceux où chaque candidat adoptant a l’impression de n’être qu’un numéro dans un ensemble hétérogène, incapable d’obtenir une reconnaissance de sa singularité. III. Résultats de l’analyse qualitative du point de vue des adoptants A/ Le profil des participants Parmi les 55 personnes qui ont participé à l’enquête qualitative, il y a 37 parents adoptifs pour 18 candidats à l’adoption ; sur l’ensemble, 16 projets d’adoption concernent l’adoption interne et 39 l’adoption internationale. Parmi ces 55 adoptants, seuls trois sont célibataires. Ils couvrent toutes les catégories d’âge entre 25 et 55 ans, avec une nette surreprésentation des personnes âgées de 40 à 45 ans. Un tiers d’entre eux (17/55) ont un ou plusieurs enfants biologique(s). La moitié des participants ont suivi leur préparation en 2006-2007. Nous avons toutefois récolté des témoignages de personnes qui ont entamé une procédure d’adoption bien avant la réforme alors que certains répondants venaient à peine de participer aux séances de sensibilisation collective lorsque nous les avons interviewés. Les expériences des participants en ce qui concerne le cycle de préparation à l’adoption se centrent cependant principalement sur les années 2006 à 2009. La grande majorité des répondants n’ont adopté qu’un enfant. Plus d’un quart (9/34) de l’ensemble des adoptions réalisées par les participants à cette recherche concernent des enfants dits « à besoins spéciaux ». B/ Synthèse des informations récoltées 1. Préambule La structure de ce compte-rendu suit une progression en entonnoir : dans un premier temps sont présentées des remarques générales formulées par les parents à propos d’une thématique donnée. Ensuite seulement, nous entrons dans le détail des différentes étapes de la procédure. En lisant les pages qui suivent, il importe de garder en mémoire la manière dont ces informations ont été collectées. Chaque méthode de récolte de données est en effet associée à certains risques de biais. Les groupes focaux, dans la mesure où ils sont collectifs, soumettent l’ensemble des propos aux dynamiques de groupes : certaines personnes ont tendance à mobiliser la parole, et la place importante de leurs propos peut laisser penser que leur avis est partagé par la majorité alors que ce n’est pas toujours le cas. Le groupe focal n’est pas 12 toujours approprié pour évoquer des avis minoritaires, lesquels n’y sont pas toujours exprimés. A l’inverse, les entretiens téléphoniques confrontent le chercheur au risque de recueillir des propos « lisses », convenus. Ne pouvant observer les expressions et gestes de ses interlocuteurs, le chercheur est en outre privé d’informations susceptibles de nuancer les paroles énoncées. Ces deux méthodes ayant été utilisées de manière parallèle, nous pouvons espérer que les défauts de l’une compenseront ceux de l’autre. Rappelons également que cette recherche avait pour objectif d’éclairer la Ministre dans d’éventuels projets de révision des procédures actuelles. Dans un tel contexte, la recherche a donné une place centrale aux difficultés rencontrées par les parents impliqués dans un projet d’adoption. Il va de soi que de nombreux aspects des procédures actuelles ne posent de difficultés à personne. Il va de soi, également, que de nombreux projets d’adoption se déroulent sans heurts. Le bonheur, toutefois, est discret et ce ne sont pas ces points positifs qui venaient les premiers à l’esprit des parents durant les entretiens. Ce sont au contraire les pierres sur lesquelles ils ont buté, les malentendus et frustrations éventuelles qu’elles ont causés qui ont fait l’objet de la plupart des échanges. Il est utile de garder en tête que ces critiques n’offrent qu’une face de la réalité, la face sombre ; l’autre face, celle des satisfactions, reste encore à explorer. Enfin, rappelons que la démarche adoptée est tributaire des personnes ayant accepté de se prêter au jeu. Il est évident que ces personnes ne parlent qu’en leur nom et ne sont vraisemblablement pas représentatives des centaines de candidats adoptants que nous n’avons pas eu l’occasion d’interviewer. 2. Les procédures d’adoption : quelques remarques d’ordre général a. Un parcours du combattant Les procédures relatives à l’adoption en Communauté française de Belgique ont fait l’objet de nombreux débats. Précisons d’ores et déjà que si les propos recueillis laissent apparaître un certain nombre de convergences, il n’y a jamais de véritable consensus car les expériences des uns et des autres, et les regards que les participants à la recherche ont portés sur elles, varient considérablement. Ainsi, là où certains considèrent que la procédure est « très très claire », d’autres trouvent qu’elle est inutilement compliquée. Plusieurs parents ont insisté sur l’impossibilité dans laquelle ils se trouvaient de pouvoir suivre l’état d’avancement de leur dossier. Certains regrettent de ne pas être associé ou ne fûtce qu’informé des initiatives prises par les différents intervenants impliqués dans leur dossier. Ce sentiment d’impuissance, de dépendance vis-à-vis des intervenants est partagé par de nombreux parents. Leur qualité, sur le plan humain, n’est pas mise en question. Mais des parents s’interrogent sur un éventuel manque de personnel ou sur une possible mauvaise organisation. Des parents suggèrent que les professionnels de l’adoption « n’ont aucune idée » de la réalité dans laquelle se trouvent les parents qu’ils accompagnent. Plusieurs parents ont l’impression d’être à la merci d’intervenants auxquels ils attribuent tous pouvoirs. Ils se voient alors comme victimes d’un système inhumain dans lequel leur situation particulière n’est pas prise en compte. Situation d’autant plus difficile à vivre que le parcours de l’adoption, bien souvent, vient au terme d’un parcours déjà long et marqués de blessures. Confrontés à des difficultés administratives ou autres dans le cadre de leur procédure d’adoption, les candidats ne savent pas toujours à qui s’adresser. « On est toujours tous seuls » : cette phrase, nous l’avons souvent entendue lors des groupes focaux comme des entretiens téléphoniques. Certains considèrent ainsi avoir été « abandonnés ». Ce sentiment de solitude et de victimisation semble en partie lié à la situation particulière dans laquelle se trouvent pris les candidats à l’adoption. Ils voient, en effet, leur projet 13 dépendant de nombreux professionnels amenés à en juger. Face à certains discours qu’ils jugeaient injustifiés, des parents ont eu le sentiment de devoir garder le silence et ont feint d’être d’accord pour ne pas risquer d’entrer en conflit avec ces personnes dont, disent-ils, dépendait l’issue de leur dossier. Pour ces parents, une chose ne fait aucun doute : il importe de maintenir de bons contacts avec les professionnels car c’est d’eux que dépend l’aboutissement de leur projet : « on dépend d’eux ». Ce vécu est entretenu par les difficultés rencontrées par certains pour entrer en contact avec les professionnels. Certains intervenants semblent particulièrement difficiles à joindre. Et de s’interroger : pourquoi les candidats à l’adoption sont-ils si malmenés ? Pour un participant, il y aurait un fossé entre le soin porté par les professionnels à l’égard des enfants abandonnées et le peu d’égards avec lequel on prend soin des parents adoptants. Etre ainsi en attente n’est pas confortable, et donnait à certains le sentiment de ne pas pouvoir s’absenter de crainte de rater un coup de fil. Le nombre de démarches à faire dans le temps requiert en outre beaucoup d’énergie et de disponibilité. Le parcours de l’adoption s’apparente pour certains parents à un véritable parcours du combattant. Certains y laissent des plumes et en ressortent encore plus fragilisés. Un des reproches formulés par les parents qui se sont retrouvés dans une situation difficile est de ne pas avoir su vers qui se tourner pour faire part de leur désarroi. Heureusement, tous les parents n’ont pas besoin d’aide à ce niveau. Pour beaucoup, les épreuves s’oublient lorsque l’enfant est là. Indépendamment des relations qu’ils ont nouées avec les professionnels, lesquelles varient selon les expériences de chacun, la grande majorité des parents sont confrontés à la gestion du temps. Dans le cas de l’adoption nationale, certains parents ont eu le sentiment de devoir courir derrière une procédure qui les devançait. Mais un tel vécu est aux antipodes de celui des parents embarqués pour l’adoption internationale : pour ceux-ci, le temps bien souvent semble s’être arrêté. « Les délais sont interminables », soupire un participant. Aux délais, s’ajoutent les contraintes administratives qui, pour certains, évoquent l’univers kafkaïen. Confrontés à des règles strictes dont ils ne comprennent pas la raison d’être, des parents se sentent malmenés. Leurs interrogations portent sur les critères en fonction desquels les candidats à l’adoption sont évalués : âge, état civil, orientation sexuelle… Des parents ayant décidé de se réorienter vers la procédure nationale après avoir terminé la préparation en vue d’une adoption internationale ne comprennent pas pourquoi on leur a imposé de recommencer une partie de la préparation. D’autres se demandent pourquoi il n’est pas possible d’introduire un dossier d’adoption simultanément dans plusieurs pays. La validité limitée du jugement d’aptitude, le coût de la procédure et singulièrement le coût des apostilles suscitent aussi de nombreuses interrogations. Confrontés à une procédure qui ne cesse de s’allonger et à une compétition croissante entre des candidats à l’adoption dont le nombre dépasse de plus en plus celui des enfants à adopter, certains parents s’interrogent sur les critères utilisés par la Belgique pour la sélection des pays avec lesquels elle collabore. b. Les OAA Le cadre de la recherche ne permettant pas d’affirmer quoi que ce soit concernant chacun des organismes en particulier, les commentaires des personnes interviewées sont présentés sous une forme générale. 14 Pour l’adoption interne Dans le cadre de l’adoption nationale, les parents ayant adopté ne tarissent pas d’éloges à l’égard des organismes d’adoption ; ils se sentent bien informés et ont eu le sentiment de pouvoir faire confiance à leurs interlocuteurs. Le côté loterie des listes d’inscription fut cependant mentionné à plusieurs reprises dans les discussions. Pour l’adoption internationale Les discours, même lorsqu’ils sont positifs, n’ont pas le même enthousiasme en adoption internationale. La diversité des OAA a été soulignée par de nombreux parents, notamment en ce qui concerner l’accompagnement qu’ils offrent aux parents. Le fait que les parents aient le choix de l’organisme qui encadrera leur projet d’adoption est vécu de manière positive. Certains participants ont choisi leurs interlocuteurs avec soin à l’issue de ce qui s’apparente à une véritable étude de marché. Mais cela n’est pas toujours possible : les critères imposés par les pays d’origine restreignent le choix des candidats à l’adoption. Les compétences des OAA ont fait l’objet de débats animés. Des parents ayant été confrontés à de toutes jeunes intervenantes s’interrogent sur la légitimité de celles-ci à remplir le rôle qui est le leur. Un manque de subsides, un manque de supervision ou de formation, un excès de pression, un manque de soutien de l’ACC… sont au cœur des hypothèses émises par les candidats adoptants pour expliquer cet état de fait. Plusieurs estiment que les organismes d’adoption sont ceux qui maîtrisent le mieux la réalité de l’adoption, et souhaiteraient qu’on leur accorde davantage de responsabilités. Cependant, la nécessité de coordonner et contrôler les interventions des OAA a toutefois été soulignée par beaucoup qui s’interrogent sur la manière dont l’ACC pourrait renforcer son rôle à ce niveau. Dans la situation de dépendance qui est la leur vis-à-vis de l’OAA, des parents se sentent en effet démunis et seraient rassurés s’ils pouvaient s’appuyer sur une instance contrôlant leur action. c. L’ACC C’est là que, pour les candidats adoptants, l’ACC joue un rôle central. Les appels à plus de contrôle et de coordination ne manquent pas indiquant combien l’ACC est pour d’aucuns un acteur essentiel. Ce contrôle, ils attendent notamment qu’il s’exerce sur les coûts financiers et sur les engagements des OAA par rapport à l’agrément. Nombre de parents situent toutefois l’ACC dans un rôle de surplomb vis-à-vis de l’ensemble de la procédure. Et le fait que celle-ci intervienne directement dans la procédure ne fait pas l’unanimité. Le rôle joué par l’ACC dans le cadre de l’enquête sociale est vécu par certains comme une aberration, ou comme faisant double-emploi avec le travail des OAA. L’ACC apparaît, pour nombre de parents, comme une grande machine impersonnelle, comme une institution déconnectée des réalités auxquelles ils sont confrontés. Les actions entreprises par l’ACC et les critères qui les motivent sont pour certains peu clairs. D’autres pointent le manque de soutien, les maladresses. Est également posée la question du contrôle de l’ACC, et ce d’autant plus que certains la perçoivent comme extrêmement hiérarchisée, concentrant le pouvoir de décision dans les mains d’une seule personne : que faire face à l’absence de réponse aux interpellations, en cas de désaccord ou d’erreur ? Des parents soulignent la nécessité d’instaurer des formes de recours… mais auprès de qui ? d. Les pays L’échantillon a été constitué de manière à recueillir l’avis de parents ayant adopté dans des contextes et des pays fort différents. Nous nous sommes toutefois retrouvés, lors d’un groupe 15 focal, avec plusieurs parents qui avaient adopté un enfant originaire de Russie. Sans développer davantage cette question, il convient de souligner à quel point les expériences de ces parents furent douloureuses. 3. La préparation à l’adoption Comme le début des procédures relatives à la préparation de l’adoption sont identiques qu’elle que soit la formule envisagée (interne ou internationale), nous les aborderons conjointement. a. En général Pour la grande majorité des parents que nous avons rencontrés, la préparation à l’adoption est vécue comme étant particulièrement longue. Plusieurs se sont demandés s’il ne serait pas possible de réduire le nombre d’intervenants qu’ils sont amenés à rencontrer et auxquels ils doivent se raconter. Des parents, principalement liées à des parcours d’adoption plus anciens, se sont plaints d’avoir dû attendre plusieurs mois avant de pouvoir entamer les réunions d’information. De nombreuses critiques ont porté sur la longueur des délais entre les différentes étapes de la procédure ; précisons toutefois que les vécus diffèrent selon les régions. Cette longueur des différentes étapes à parcourir en début de parcours semble d’autant plus problématique à ceux et celles qui savent que leur dossier risque ultérieurement d’être en attente dans un pays durant plusieurs années. Le décalage entre le moment où les sensibilisations sont suivies et celui où l’enfant arrive est fort important, à tel point que des parents se demandent ce qu’il restera des informations reçues lors de la préparation au moment où ils en auront besoin. A tout le moins les différentes étapes pourraient être repensées en fonction de cette temporalité longue. En ce qui concerne le contenu de la préparation, l’utilité du parcours de préparation est soulignée par la majorité des parents. De nombreux parents se disent satisfaits du parcours qu’ils ont suivi, soulignant à quel point ce parcours les a amenés à réfléchir. Les occasions de rencontres et d’échanges avec d’autres parents candidats à l’adoption font manifestement partie des points forts du dispositif. Bien sûr, il y a des insatisfaits, certains estimant notamment que les informations auraient pu être communiquées en un temps plus court. Plusieurs soulignent aussi l’hétérogénéité des groupes et s’interrogeant alors sur l’opportunité de contraindre tous les parents à traverser un même parcours. Pour ce qui est des intervenants qu’ils ont rencontrés tout au long de ce parcours, un constat fait quasiment l’unanimité : les propos tenus par les professionnels impliqués dans la préparation du parcours de l’adoption sont très négatifs. Le tableau de l’adoption dépeint aux candidats leur paraît excessivement sombre. Un certain nombre de parents racontent avoir eu le sentiment qu’on les mettait à l’épreuve, voire qu’on ne leur faisait pas confiance. Comment construire une relation de partenariat dans de telles conditions ? s’interrogent-ils alors. De nombreux parents ont évoqué le caractère contraignant des séances de préparation quant à leur organisation pratique : les rencontres en soirée ou le samedi matin pour les candidats travaillant à temps plein ou ayant de jeunes enfants à la maison ; les lieux des rencontres éloignés des domiciles ; le manque de flexibilité (horaire) des professionnels ; la durée limitée du certificat reçu à l’issue des séances de préparation... Ces expériences donnent à certains le sentiment de se trouver face à une machine inhumaine. 16 b. Les séances d’information Les séances d’information semblent répondre aux attentes de nombreux parents. Ils disent avoir apprécié la présentation de la procédure administrative ainsi que des différents acteurs impliqués dans l’adoption en Communauté française de Belgique. Le classeur fut unanimement salué comme une excellente initiative, même si certains pensent qu’il pourrait être complété. Néanmoins, plusieurs participants regrettent qu’on ne leur ait pas expliqué clairement l’enjeu relatif au choix qu’ils étaient invités à faire entre procédure nationale / internationale. Les possibilités de réorientation en cours de route devraient être davantage explicitées, estimentils, ainsi que leurs conséquences (démarches à recommencer, coût, etc.). Les questions du choix des pays vers lesquels s’orienter et du choix des organismes auxquels s’adresser posent des problèmes du même ordre. D’autres aspects sont également épinglés : le manque d’information sur la possibilité de suspendre la procédure ; le caractère obsolète d’informations présentées dans le classeur ou sur le site de l’ACC ; le statut réel de la sensibilisation individuelle ; les spécificités des pays d’origine ; le coût global de l’adoption ; le peu d’informations pratiques telles que les coordonnées de services spécialisés dans le suivi des enfants adoptés. c. La sensibilisation collective Indéniablement, c’est cette étape de la procédure qui a le plus marqué les candidats. Des parents ont beaucoup aimé ces séances, estimant qu’elles les ont nourris par la suite. Plusieurs candidats ont souligné l’excellente atmosphère qu’ils ont rencontrée dans ces groupes où ils se sont sentis respectés. Les liens qui se sont noués lors de ces groupes furent aussi importants pour beaucoup, et de qualité. Tous les groupes n’ont pas eu la même expérience. Des parents ont également émis à l’égard de ces rencontres un certain nombre de critiques. Certains parents se sont trouvés mal à l’aise avec la dimension collective de ces rencontres. S’exprimer dans un groupe n’est en effet pas évident pour chacun. D’autres parents ont regretté de s’être retrouvés face à des professionnels qui n’avaient pas d’expérience spécifique dans le domaine de l’adoption. Et si certains candidats adoptants ont souligné la qualité des jeux de rôles auxquels ils ont participé, d’autres les ont trouvés inutiles. De même certains estiment n’avoir rien appris au cours de ces séances et d’autres considèrent que les informations qui leur furent communiquées dans ce cadre étaient trop abstraites. La méthodologie est aussi décrite par d’aucuns comme trop scolaire. Plusieurs parents soulignent qu’ils auraient aimé y rencontrer des parents ayant adopté ou des adultes ayant été adoptés lorsqu’ils étaient enfants. Le peu de place accordée aux enfants à particularités dans l’ensemble de la préparation est aussi relevé. Certains pensent que la préparation devrait également varier selon l’âge de l’enfant que les parents se destinent à adopter Quant au formulaire distribué à l’issue des séances de sensibilisation collective, certains soulignent qu’il arrive trop tôt dans la mesure où ils ne peuvent pas encore savoir si la formation va s’avérer pertinente, d’autres disent aussi qu’en fin de soirée ils n’avaient plus vraiment leur esprit à ça, mais surtout nombre de parents rappellent combien ils se trouvent, à ce stade de la procédure, dans une situation inconfortable, en situation de dépendance... poussant à une extrême prudence. d. La sensibilisation individuelle Les candidats sont libres de choisir l’organisme avec lequel ils vont réaliser ces entretiens. Les séances d’information proposées par les organismes varient fortement : certains proposent des séances collectives, d’autres rencontrent le couple en individuel. 17 Plusieurs des parents interviewés ont insisté sur l’utilité des séances individuelles. Les entretiens menés par les associations ont manifestement permis à un certain nombre de « prendre un temps de recul », pour d’autres de clarifier leur projet. D’autres parents sont moins positifs. Certains estiment que ces séances, lorsqu’elles sont réalisées auprès de l’organisme qui encadrera le projet d’adoption par la suite, font double emploi avec les entretiens organisés dans le cadre de l’apparentement. Des candidats ont vu leur projet évalué successivement par différents intervenants qui remettaient chacun en question l’avis de ceux qui s’étaient prononcés plus tôt sur leur projet, et n’ont pas compris le sens de ces évaluations répétées. Des parents n’ont pas mesuré assez tôt l’enjeu de ces séances et ont été désarçonnés par le caractère qu’elles ont pris. Pour beaucoup, la perspective du jugement à venir donnait à ces rencontres un caractère stressant. Certains les ont vécues comme de véritables interrogatoires. Plusieurs participants se sont interrogés sur l’opportunité de faire intervenir à ce stade l’OAA avec lequel les candidats vont poursuivre ultérieurement leur projet d’adoption, estimant que les propos recueillis par celui-ci lors de la sensibilisation individuelle risquent de se retourner contre leurs auteurs au moment de l’affinement du projet. Séparer la sensibilisation de l’évaluation permettrait ainsi, selon plusieurs candidats, qu’elle puisse jouer son rôle pleinement. e. La requête en constatation de l’aptitude à adopter et l’enquête sociale Des parents ne comprennent pas pourquoi l’ACC intervient à ce niveau-là, estimant inutile que deux acteurs différents soient impliqués dans l’évaluation de l’aptitude des candidats. Ce questionnement est renforcé chez certains ce qu’ils considèrent comme une faible disponibilité des assistants sociaux employés par l’ACC. D’autres parents pensent cependant qu’il est important de disposer d’un second avis afin de pouvoir contrebalancer l’avis de l’OAA si besoin est. Certaines initiatives prises par des assistantes sociales de l’ACC ont dérangé des parents qui les ont trouvées inopportunes. C’est notamment le cas lorsque l’une d’elles juge indispensable d’associer les enfants au projet d’adoption, qu’une autre demande de libérer sans attendre la pièce dans laquelle ils envisagent de placer leur futur enfant, mais aussi chaque fois qu’elles manquent de tact, qu’elles renvoient les gens après quelques minutes, qu’elles ne prennent aucune note… Mais de telles expériences ne sont pas la majorité. D’autres parents racontent au contraire avoir été impressionnés par la qualité des échanges qu’ils ont eus avec les professionnels rencontrés lors de ces séances de sensibilisation. Ces évaluations diversifiées se retrouvent en ce qui concerne le rapport d’enquête sociale : la plupart des parents rencontrés sont ravis de la manière dont leurs propos ont été transcrits ; alors que plusieurs participants ont eu le sentiment que leurs propos avaient été trahis. Beaucoup considèrent que les critères utilisés par les professionnels pour rédiger les rapports qui composent l’enquête sociale sont flous et certains pensent que la possibilité devrait être laissée aux candidats parents de discuter et réagir à ces rapports. f. Le jugement Les temps d’attente du jugement d’aptitude semblent très variables, brefs ici, extrêmement longs là-bas. Les évaluations du passage au tribunal sont aussi contrastées : certains regrettent qu’on ne les ait pas suffisamment préparés en vue de cette étape, d’autres le vivent comme une opportunité pour repréciser leur démarche. De même le jugement, pour certains, n’apporte rien, sûrs qu’ils sont de leurs compétences parentales, alors qu’il est signe, pour d’autres, d’une sécurité. 18 Plusieurs participants ont fait part de leur déception lorsqu’ils ont réalisé que cette étape, qu’ils pensaient décisive, ne garantissait en rien le succès de leur projet. Un certain nombre d’entre eux avaient cru que le jugement d’aptitude leur donnait droit à adopter un enfant et sont tombés des nues lorsque l’organisme auquel ils se sont adressés a refusé d’encadrer leur projet. D’autres ont été surpris de se voir imposer des critères restrictifs à un projet qui, pensaient-ils, ne pouvait plus être questionné. La durée de validité du jugement a elle aussi été critiquée. Confrontés à des délais d’attente qui ne cessent de s’allonger, certains se demandent s’il ne serait pas opportun de prolonger la durée légale de validité du jugement. A été questionné, également, le caractère restrictif de certains jugements qui imposent aux parents des critères précis relatifs à l’âge des enfants qu’ils pourront adopter, leur nombre, leur pays d’origine, etc. g. Procédures en vue d’une seconde adoption Plusieurs parents qui ont entamé une seconde procédure d’adoption ont critiqué le fait que les professionnels (tant de l’ACC que des OAA) leur imposent un délai de carence avant de pouvoir entamer ces nouvelles démarches, alors que chacun sait combien la procédure, avant d’aboutir, sera longue. Le fait que les parents adoptifs soient contraints de recommencer un parcours de préparation en vue d’une seconde adoption a lui aussi fait l’objet de vives critiques. Et si, en définitive, les séances de préparation semblent avoir été bien vécues par la plupart c’est parce qu’elles offrent aux parents l’occasion d’échanger avec les autres participants autour de l’expérience de leur première adoption. Certains participants ont cependant regretté que ces rencontres de sensibilisation ne soient pas plus riches en contenu. 4. L’apparentement – procédure internationale a. La phase d’adéquation Une fois que les candidats ont reçu leur jugement d’aptitude, ils peuvent s’adresser à l’organisme d’adoption de leur choix pour finaliser le projet d’adoption : celui auprès duquel ils ont entamé la sensibilisation individuelle ou un autre. En cas d’échec auprès d’un organisme, ils sont libres de s’adresser à un autre. Prendre contact avec un OAA représente une épreuve pour certains candidats qui ont connu de mauvaises expériences. Rapidement, en effet, les candidats se rendent compte que l’organisme auquel ils s’adressent a la liberté de refuser leur projet. Cette situation est d’autant plus difficile à vivre que les critères des OAA ne sont pas explicités et semblent variables d’un OAA à l’autre. Le caractère mystérieux des critères utilisés par les OAA les fait paraître, aux yeux de certains candidats, comme toutpuissant. Certains attendent de l’ACC qu’elle joue un rôle de coordination à ce niveau. Il était évident pour les parents que nous avons rencontrés que la sélection la plus forte se fait au niveau des organismes encadrant l’adoption interne. Le caractère aléatoire des « listes » s’ouvrant et se fermant en fonction de paramètres inconnus des candidats a fait l’objet de discussions amères. Les OAA ont été également vivement critiqués pour la manière dont ils informent les candidats de leur décision… particulièrement lorsqu’elle est négative. Des candidats adoptants se retrouvent alors en plein désarroi, au moment où ils auraient besoin d’être soutenus. Arrêtés à ce stade du parcours, après avoir déjà dépensé beaucoup de temps, d’énergie et d’argent, des parents ont le sentiment d’avoir été floués. b. La phase d’élaboration L’affinement du projet d’adoption est une étape qui, parfois, s’avère elle aussi délicate. Certains participants nous ont dit avoir eu le sentiment de recommencer inutilement un 19 cheminement qui dans leur esprit avait déjà eu lieu. Certains participants ont insisté sur le caractère éprouvant et critique des contacts qu’ils ont eus avec l’OAA. D’autres, au contraire, ont beaucoup apprécié l’accompagnement dont ils ont bénéficié à ce stade. Ils n’ont pas eu le sentiment de subir un examen, mais de traverser une évaluation légitime et constructive. La poursuite des démarches implique que les candidats signent ensuite avec leur OAA une convention. Celle-ci représente un investissement financier sans garantie d’aboutissement. Des critiques ont été formulées par les participants à l’égard des nombreuses démarches administratives auxquelles ils doivent se soumettre à ce stade et des coûts que celles-ci entraînent. A ce stade, certains estiment qu’ils se sont retrouvés seuls face à des démarches qui auraient pu être gérées collectivement. Une fois que le dossier d’un (couple) candidat a été envoyé par l’OAA dans un pays, débute alors une nouvelle période d’attente. Sauf exception, cette attente s’étire en général sur plusieurs années. Beaucoup de parents se plaignent d’avoir reçu peu de soutien de leur OAA durant cette période. Beaucoup se sentent abandonnés. L’attente place les candidats dans une situation particulière. Certains s’interdisent de partir en vacances, de prendre des engagements, de crainte de rater un appel fort attendu. Le temps, pour eux, est suspendu. Pour d’autres, le rythme de l’attente est nettement moins régulier, alternant des temps d’urgence et des temps durant lesquels rien ne semble se passer. Pour d’autres encore, l’attente prend des proportions dramatiques : ils ont attendu en vain durant de longues années sans jamais voir aboutir leur dossier. La majorité des participants à cette recherche se sont plaints de n’avoir eu aucune démarche proactive de l’organisme à leur égard. Tous les candidats n’ont cependant pas eu ce vécu d’abandon. Certains estiment avoir bénéficié de l’accompagnement dont ils avaient besoin. Parmi les candidats qui attendent une proposition d’enfant certains se posent énormément de questions et aimeraient pouvoir anticiper l’arrivée de l’enfant pour pouvoir se préparer de manière appropriée. Plusieurs candidats ont regretté que des rencontres avec des parents qui ont adopté ne soient pas organisées par leur OAA. D’autres saluent les initiatives de ce type de leur OAA. A défaut de trouver les réponses à leurs questions du côté de leur OAA, internet a permis à certains de créer un véritable réseau d’entraide entre parents orientés vers un même pays. D’autres ont trouvé ce soutien parmi les candidats avec lesquels ils ont vécu les séances de sensibilisation collective. Derrière ces initiatives, ce qui est souligné à chaque fois, c’est l’opportunité d’échanger avec d’autres personnes qui partagent une même réalité. Plusieurs participants se sont demandé si l’ACC ne pourrait pas jouer un rôle à ce niveau en proposant des activités – facultatives – qui soient ouvertes à tous. c. La proposition d’enfant Des participants qui avaient des enfants biologiques au moment où ils ont adopté ont discuté des conditions d’âge respectif des enfants qu’on leur a imposées. Cette discussion a démontré le caractère variable de ces conditions. Pour l’adoption interne, les participants ont discuté des critères formulés par les mères biologiques elles-mêmes quant au type de familles par lequel elles souhaitent que leur enfant soit adopté ; la légitimité de ces attentes était interrogée. La question de la durée de la période avant de pouvoir aller chercher l’enfant qui leur est déjà attribué a aussi été soulevé par certains. Plusieurs participants n’ont pas tari d’éloges sur l’enfant qu’on leur a proposé au terme de ce processus. Ce n’est cependant pas l’expérience de tous les parents. Plusieurs témoignages proviennent de parents auxquels on a proposé des enfants à particularités alors que cela ne correspondait pas à leur projet de départ. Certains, qui avaient opté pour un enfant à 20 particularités, ont eu le sentiment que leurs limites n’avaient pas été respectées. Des parents, fâchés, avaient le sentiment de ne pas avoir été respectés ni soutenus. d. La phase de reconnaissance Lorsque le projet se concrétise, les candidats peuvent enfin aller chercher l’enfant. Cette étape, elle non plus, n’est pas toujours de tout repos, ni exempte de surprises : enfant fortement malade ou handicapé alors que rien n’avait été communiqué en ce sens ; difficulté face à l’absence de protection médicale des enfants adoptés durant cette période de transition ; solitude face à démarches administratives complexes ; manque de soutien à l’étranger de l’ACC, des OAA, des ambassades et des autorités belges. Heureusement, tous les témoignages ne sont pas aussi négatifs : plusieurs participants à la recherche sont ravis de l’accompagnement dont ils ont bénéficié sur place. e. Le suivi post-adoptif Une fois que les parents sont rentrés chez eux avec l’enfant tant attendu, d’autres difficultés apparaissent. Tous les parents rencontrés disent avoir rencontré des difficultés pour régler le statut administratif de leur enfant. Plusieurs participants ont évoqué les longs délais requis pour que l’enfant soit couvert par la mutuelle. D’autres ont insisté sur l’impossibilité à laquelle ils se sont trouvés confrontés de pouvoir bénéficier du congé d’adoption. La durée de ce congé a elle aussi été questionnée. Indépendamment de ces situations questions, le quotidien des familles adoptives n’est pas sans surprises et compte lui aussi son lot de difficultés. Plusieurs participants à la recherche ont rappelé l’importance du suivi post-adoptif. Certains sont ravis de l’accompagnement qui leur a été proposé. À en croire certains témoignages, les parents qui ont adopté en interne seraient particulièrement gâtés. Et manifestement, tous les parents ne bénéficient pas de la même qualité de suivi. Des participants ont regretté de ne pas être davantage informés de l’ensemble des services spécialisés travaillant dans le domaine de l’adoption. 5. L’apparentement – procédure interne Pour les participants à la recherche qui ont adopté par la procédure nationale, le parcours semble nettement plus léger. La grande majorité des adoptants inscrits dans une procédure d’adoption interne qui ont participé à la recherche ne tarissent pas d’éloges à l’égard de l’organisme qui encadre ou qui a encadré leur parcours d’adoption. Bien sûr, il y a des bémols. Des parents reprochent la lourdeur et la longueur des démarches qu’ils ont dû entamer au début de leur procédure, d’autres la longue attente qui suit la phase de préparation et où les informations communiquées sont rares. A l’opposé certains relatent une expérience différente : attente très brève, accompagnement de qualité. Plusieurs participants ont évoqué des situations embarrassantes dans lesquelles ils se sont trouvés après que l’enfant leur ait été confié, jusqu’au moment où l’adoption plénière fut prononcée. Sont particulièrement pointés : l’impossibilité de changer le nom de l’enfant dès qu’il arrive entraîne des difficultés administratives (mutuelle, caisse de sécurité sociale…) ; le manque de statut des candidats adoptants tant que l’adoption n’a pas été prononcée ; la difficulté pour faire valoir leur droit au congé d’adoption ; le stress et les incompréhensions suscitées par l’enquête sociale et la procédure judiciaire dans laquelle elle s’inscrit. Cependant plusieurs participants à la recherche ont dit au contraire avoir traversé cette étape sans difficulté, estimant avoir été très bien accompagnés par leur organisme pour les questions administratives 21 IV. Conclusion et recommandations Avant de conclure, il importe de rappeler les limites de cette recherche. Telle qu’elle a été conçue, elle a permis d’évaluer la satisfaction des parents adoptifs et des candidats adoptants à l’égard des procédures d’adoption qui furent mises en place suite à la réforme. On peut raisonnablement faire l’hypothèse que le degré de satisfaction se situe entre la mesure très positive qu’en donnent les questionnaires produit par l’ACC et l’image plus sévère qui, sur certains points, transparaît de la recherche qualitative. Cette recherche ne permet pas de réaliser une évaluation de la réforme en tant que telle, encore moins de son efficacité en regard des objectifs qui étaient les siens. Rien ne permet en effet, au terme de cette recherche, d’énoncer quoi que ce soit quant à l’efficacité des procédures actuelles sur le plan de la protection de l’intérêt de l’enfant. Pour évaluer celle-ci, il aurait fallu étudier (1) les besoins spécifiques des enfants à adopter, (2) les compétences parentales nécessaires pour pouvoir y répondre, et (3) la manière dont la préparation proposée par l’ACC permet d’évaluer si les candidats adoptants possèdent ou non ces compétences et, le cas échéant, de remédier aux manques éventuels. Quand bien même la question de l’intérêt de l’enfant eu été au centre de la démarche, la validité de cette recherche aurait été limitée en raison du caractère récent de la réforme : les difficultés liées à l’adoption surviennent surtout à l’adolescence, or les enfants adoptés depuis la réforme sont en majorité plus jeunes. Dès lors, il est trop tôt pour pouvoir évaluer l’efficacité des procédures d’adoption sur le bien-être à long terme des enfants adoptés et de leurs familles. Il convient aussi de souligner que la présente recherche ne permet nullement de faire une analyse globale du fonctionnement des divers organismes impliqués (ACC, OAA, mutuelles, ambassades, administrations communales…) ou d’un acteur individuel. Les candidats adoptants et les parents adoptifs rencontrent ces services et leurs professionnels de façon ponctuelle et dans une perspective très spécifique, ils n’ont dès lors qu’une vue très partielle de leurs activités et ne connaissent généralement ni les ressources ni les contraintes qui sont les leurs. Enfin, rappelons que la majeure partie de cette recherche fut réalisée selon une approche qualitative, c’est-à-dire une approche dans laquelle la part de subjectivité des chercheurs est plus visible qu’elle ne l’est dans une démarche basée sur des données chiffrées. La récolte et l’analyse des données ont suivi un canevas scientifique rigoureux. Et cependant, elles restent tributaires du regard particulier qu’ont posé sur elles chacun des chercheurs en fonction de leur expérience propre et de leur sensibilité. Comme en attestent les témoignages recueillis dans le cadre de cette recherche, le vécu de l’adoption n’est pas toujours rose. Et ce, en dépit du fait que ce secteur a la chance de pouvoir compter sur des professionnels qui s’y investissent avec un enthousiasme et une créativité remarquables. Certes, les critiques portent bien davantage sur les procédures relatives à l’adoption internationale que sur celles relative à l’adoption interne ; il n’empêche, l’analyse des témoignages récoltés dans le cadre de cette recherche a mis en évidence l’existence de nombreux mécontentements des candidats adoptants, et ce à de nombreux niveaux. L’enseignement principal de cette recherche est bien celui-là : nombre de candidats adoptants et de parents adoptifs ont vécu la procédure comme une situation de dépendance face à un système bureaucratique. Certains, globalement satisfaits de la façon dont les choses se sont passées, évoquent juste l’incompréhension face à la façon dont leur situation fut ponctuellement traitée tantôt par l’ACC, tantôt par un OAA, tantôt encore par une ambassade, une administration communale ou une mutuelle ; d’autres par contre, avec 22 des formules extrêmement dures, évoquent la maltraitance infligée par une machine inhumaine disposant d’un pouvoir absolu. Au-delà de l’expression des émotions, rapport de pouvoir et logique administrative sont ainsi les deux éléments qui émergent de la façon la plus massive pour qualifier le vécu du processus d’adoption. Dans une certaine mesure, et la formule est ici importante, ces deux éléments sont inhérents à tout processus de gestion centralisée des demandes quelles qu’elles soient. Nombre de difficultés institutionnelles sont liées aux structures et non à ceux et celles qui y travaillent. Dans le cas particulier qui nous occupe, les acteurs concernés, en ce compris l’ACC, sont, de plus, dépendants d’un cadre législatif extrêmement complexe dont une part importante s’impose à eux sans qu’ils n’aient prise sur elle parce qu’elle se définit ailleurs, au niveau fédéral par exemple. Cela étant, les candidats adoptants sont effectivement dépendants d’une multitude de décisions prises par des acteurs variés (assistants sociaux, psychologues, juges, responsables d’OAA ou de l’ACC, fonctionnaires d’administrations diverses) ; étant en demande d’enfants, le rapport de force leur est défavorable, et ce d’autant plus que la demande d’enfants est nettement supérieure au nombre d’enfants adoptables et que, en ce sens, ce qu’ils ont à offrir perd une part de sa valeur. L’amour, l’attention, l’éducation… qu’ils sont prêts à offrir à un enfant paraît comme dévalué en raison du simple fait que de nombreux autres candidats à l’adoption sont également désireux de l’apporter. Par ailleurs, depuis les travaux de Michel Crozier, on sait que l’administration, en tant que mode d’organisation, est inductrice d’un certain nombre de dysfonctionnements. Le développement du modèle bureaucratique est lié à la standardisation des modes de gestion et de traitement des situations. Et le fait de gérer de nombreux dossiers implique des logiques de fonctionnement qui, partout et toujours, empêchent de pouvoir apporter aux situations individuelles l’attention qu’elles seraient en droit de revendiquer. Or, la gestion de nombreux dossiers concerne non seulement l’ACC mais aussi les OAA. Tous ces acteurs, à des degrés variables, font face à des contraintes liées au nombre important de situations dans lesquelles ils sont, à un titre ou à un autre, impliqués. Tous, par conséquent, sont contraints de suivre des procédures et d’imposer des règles qui, par définition, ne tiennent pas entièrement compte des spécificités de certaines situations. Dans une certaine mesure, les tensions « pouvoir versus dépendance » et « gestion administrative bureaucratisée versus gestion au cas par cas » sont inévitables. Et les différents intervenants-acteurs d’un tel système devraient pouvoir assumer la position qui est la leur, ce qui ne semble pas toujours le cas. Mais au-delà de ce « structurellement inévitable », il n’en reste pas moins que les situations où le pouvoir est perçu comme pouvoir absolu et la logique bureaucratique comme totalement inhumaine posent questions. On peut à cet endroit parler de dysfonctionnement. Il convient de repérer ces lieux de dysfonctionnement pour leur chercher des solutions appropriées. Nombre de critiques exprimées par les parents adoptants concernent des questions d’organisation ; c’est à ce niveau, dès lors, que nombre de solutions doivent être recherchées. C’est dans cet esprit qu’ont été formulées les recommandations qui suivent. 1. Quelques recommandations d’ordre général 1.1. Mise en place d’un système de suivi L’analyse des avis formulés par les participants à l’égard des formulaires d’évaluation et autres questionnaires qui leur furent distribués par l’ACC à différents moments de la procédure a permis de mesurer à quel point les informations récoltées par ce biais sont maigres. Certes, les évaluations globalement très positives sont encourageantes, et l’on peut penser que si les situations problématiques étaient la règle cela se traduirait déjà lors de ces 23 évaluations. Cependant, mobilisés comme ils le sont actuellement, ces questionnaires sont d’une utilité limitée comme outils de monitoring de la procédure d’adoption, comme outils de suivi pour évaluer de manière régulière la pertinence et l’efficacité des activités dont l’ACC a la responsabilité. Ces outils devraient être (re)pensés en tenant compte de l’état de dépendance dans lequel se trouvent les candidats à l’égard de l’administration à chaque étape de la procédure. La question du responsable de ces évaluations gagnerait aussi à être étudiée : sa gestion par un service indépendant de l’administration permettrait d’assurer la confidentialité des informations récoltées dans ce cadre… avec le risque cependant d’ajouter encore un acteur dans un processus déjà bien complexe. Ad minima, un certain nombre de précautions devraient être respectées : - Séparer temporellement et spatialement la distribution des formulaires des lieux et des moments réservés pour la préparation ; - Permettre aux candidats de remettre ces formulaires directement au service de suivi en évitant le recours à des intermédiaires ; - Pour l’évaluation des séances de sensibilisation et d’information, distribuer les formulaires d’évaluation à un stade plus avancé de la procédure et non à l’issue des dites séances, afin que les candidats puissent tenir compte dans leur évaluation de la manière dont les connaissances reçues lors de la préparation ont pu les soutenir dans leur projet d’adoption, à plus long terme. 1.2. Un meilleur partage des informations a. Accès au dossier De nombreux candidats adoptants se plaignent de ne pas être suffisamment informés de la progression de leur dossier. Les questions qu’ils posent et les angoisses qu’elles engendrent les amènent à douter de la bonne volonté ou de la compétence des professionnels impliqués. Cette absence de communication nourrit aussi leur sentiment de dépendance dans le sens où ils se considèrent comme « dépossédés » de leur propre dossier. Communiquer sur l’état d’avancement de la démarche peut donc remplir une double fonction : celle de rendre le processus davantage transparent et celle de permettre aux candidats à l’adoption de se le réapproprier au moins partiellement. Aujourd’hui, la technologie offre énormément de possibilités en matière de gestion de l’information, notamment par le biais d’internet. De nombreuses administrations déjà ont mis à la disposition du public des interfaces virtuelles permettant aux individus de suivre et contribuer en ligne à l’état d’avancement de leur dossier. La création d’une telle interface au niveau de l’ACC pourrait faciliter la communication non seulement entre l’administration et les candidats adoptants, mais aussi entre les différents professionnels impliqués dans un même dossier. Ce dossier, dont une partie serait accessible au candidat et l’autre aux professionnels, regrouperait des informations telles que : - la liste des documents qu’il contient (attestations, rapports…) ; - le nom et les coordonnées des professionnels qui y sont intervenus ; - les dates auxquelles le dossier a été transmis à (et/ou reçu par) d’autres acteurs, en Belgique et à l’étranger ; - la liste des étapes administratives franchies avec leurs dates ; - la liste des étapes restant à mener et les documents requis ; - le délai envisagé avant l’aboutissement du dossier ; 24 - le nom et les coordonnées d’une personne auxquelles les candidats peuvent s’adresser pour avoir des informations sur leur situation. b. Instaurer un système de référent unique L’accès à un e-dossier seul ne résoudrait cependant pas toutes les questions. Malgré son intérêt, il est probable qu’à un moment ou un autre un tel système soit confronté à l’incapacité de tenir compte des spécificités de toutes les situations. Par ailleurs, il ne répond pas davantage à la critique d’inhumanité de l’administration. La désignation d’un professionnel chargé de suivre en particulier chaque dossier pourrait être une formule complémentaire à un tel système. Cette personne serait la même du début jusqu’à l’aboutissement de la procédure d’adoption. Elle aurait pour fonction de rassembler l’ensemble des informations liées à un dossier précis. Ainsi, les candidats adoptants auraient un interlocuteur attitré. Les coordonnées de cet interlocuteur, ainsi que les moments durant lesquels il peut être contacté, leur seraient communiqués. En cas de conflit, un autre interlocuteur pourrait être désigné. c. Accompagner les notifications de décisions des critères utilisés et les motiver Presque tous les parents qui ont vécu un refus (…) regrettent l’absence de communication, le caractère arbitraire et surtout le manque de soutien après la communication de l’avis négatif. À défaut d’une instance pour assurer un soutien à ces personnes, la formation initiale devrait à tout le moins aborder et munir les participants d’une possibilité de recadrage lors d’un tel événement. (Laffineur et al., 2000, p. 42) L’extrait ci-dessus est issu d’une recherche réalisée en 2000 sur les procédures d’adoption en Communauté française de Belgique. Dix ans plus tard, cette remarque est toujours d’actualité ! Comme en attestent les témoignages récoltés dans le cadre de la présente recherche, aujourd’hui encore de nombreux candidats adoptants sont meurtris par des décisions qui leur ont été communiquées de manière abrupte, sans informations quant aux motivations sous-jacentes. Pour pouvoir intégrer psychiquement une réalité, tout individu a besoin de pouvoir lui donner sens. Cela vaut, a fortiori, lorsque cette réalité est décevante et oblige l’individu à entamer un véritable processus de deuil. Des décisions négatives non motivées confrontent les candidats à de réelles difficultés car elles ne leur donnent pas les moyens de tourner la page pour pouvoir rebondir. L’incapacité dans laquelle ils se trouvent à pouvoir donner sens à leur situation les expose au risque de ne pas pouvoir traverser cette épreuve : incapable d’accepter une réalité, l’individu se retrouve à ressasser encore et encore l’événement qui l’a meurtri sans pouvoir avancer. Et au-delà du vécu psychique, de tels événements renforcent le sentiment de dépendre du bon vouloir du Prince qui peut décider seul sans même avoir à se justifier. A partir de là, la confiance se rompt et la relation se charge de non-dits et de dissimulation afin d’être certain de ne pas donner des arguments qui pourraient se retourner contre soi à cet Autre perçu comme Tout-Puissant. Sans doute serait-il souhaitable que les professionnels de l’adoption adaptent leur pratique de manière à pouvoir prendre en compte ce besoin de sens que rencontrent tous les candidats adoptants et à maintenir la relation de confiance avec eux, indispensable pour un exercice efficace de leurs fonctions. Des explications de vive voix permettraient cela. À défaut, il est souhaitable que chaque décision par écrit soit assortie d’une argumentation et accompagnée d’un numéro de contact auquel les personnes qui le souhaitent peuvent s’adresser pour obtenir davantage d’informations. d. Associer les candidats aux décisions qui les concernent Quel que soit le domaine dans lequel elle est réalisée, et quel que soit le public concerné, une évaluation peut être menée de différentes façons. Depuis les années soixante, les pédagogues insistent sur l’utilité, lorsqu’on travaille avec des adultes, de les associer aux évaluations qui les concernent. Leurs recommandations ont donné lieu, dans le champ de la pédagogie 25 d’adultes (par exemple en promotion sociale), à diverses méthodes d’évaluation participative. Celles-ci sont devenues la référence dans certains domaines comme le champ de l’intervention humanitaire, où toutes sortes d’outils ont été conçus afin d’associer les populations cibles aux évaluations de projets (que ce soit au stade de l’analyse des besoins ou celui de l’évaluation de l’impact). Associer les populations aux évaluations qui les concernent ne répond pas qu’à un souci éthique. Cela permet également d’intégrer l’évaluation à un processus formatif dans lequel les personnes évaluées sont informées des objectifs à atteindre et responsabilisées. L’évaluation des aptitudes des candidats à adopter, telle qu’elle est menée actuellement tant par l’ACC que par les OAA, s’inscrit dans une conception de l’évaluation qui est en porte-àfaux avec les tendances actuelles : les candidats adoptants ne sont pas informés des critères utilisés pour les évaluer et ne sont pas associés à la rédaction du rapport. La conclusion de l’évaluation leur est signifiée sous une forme indirecte – par courrier – et n’est pas toujours argumentée. D’un point de vue pédagogique, on ne peut que regretter que les évaluations, à quelque niveau que ce soit – qu’il s’agisse d’évaluer les aptitudes pédagogiques d’un candidat (enquête sociale), de vérifier s’il répond aux conditions fixées par des pays d’origine (phase d’adéquation), de décider si son projet pourra ou non être pris en charge par un OAA (phase d’élaboration), etc. – ne fassent pas l’objet d’un échange avec les candidats concernés, et ce de manière systématique quelle qu’en soit la conclusion. Dans le cas du rapport d’enquête sociale réalisé en vue d’une adoption internationale, étant donné l’incidence de ce rapport sur la suite de la procédure (dès lorsqu’il sera transmis aux autorités des pays d’origine), on peut s’étonner que les candidats adoptants n’aient pas la possibilité d’y introduire des commentaires éventuels. On pourrait imaginer que lorsqu’ils prennent connaissance du rapport au greffe du tribunal concerné, la possibilité leur soit offerte d’y inclure des commentaires visant à corriger ou nuancer son contenu. 1.3. Créer des espaces neutres En écoutant les participants à la recherche, en entendant leurs griefs, leurs frustrations, et parfois leur colère, nous avons pu mesurer à quel point l’adoption est un parcours lourd en émotions. Des émotions que les parents n’ont pas toujours l’occasion d’exprimer et qui retombent, dès lors, sur les professionnels chargés de les accompagner. La création de lieux où les parents auraient la possibilité de s’exprimer sur les difficultés qu’ils rencontrent dans le parcours d’adoption apparaît nécessaire. Afin de permettre aux candidats adoptants de s’y livrer sans craindre que leurs paroles n’affectent leur dossier, ces lieux devraient cependant être indépendants de l’administration et des organismes d’adoption. Nous reprenons ici une proposition qui avait déjà été formulée dans le cadre de la recherche réalisée par Jean-Yves Laffineur et Jean-Claude Chalon (2000). Différentes formules peuvent être imaginées pour remplir cette fonction, notamment la création d’un service d’ombudsman, ou encore la mise sur pied d’un service téléphonique d’écoute dans le respect de l’anonymat. De tels lieux, ou des formules d’inter- et supervisions, seraient probablement également utiles pour les professionnels chargés d’accompagner les candidats adoptants et les familles adoptives. Eux aussi sont confrontés quotidiennement à des situations délicates et à leur lot d’émotions. Plusieurs personnes rencontrées lors de cette recherche pensent d’ailleurs pouvoir interpréter les silences des différents intervenants comme leur incapacité à dire que rien ne bouge, à annoncer une mauvaise nouvelle, bref à assumer cette part de responsabilité qui est la leur. Pour ces intervenants qui sont amenés à intervenir dans des dossiers parfois délicats et qui reçoivent en première ligne les émotions des parents, des temps et des lieux d’échanges avec des professionnels indépendants, lorsqu’ils n’existent pas déjà, pourraient être utiles. 26 2. La préparation 2.1. Parler concret Il semble que si les professionnels ont compris l’importance de doter les candidats adoptants d’outils conceptuels leur permettant d’envisager les enjeux spécifiques liés à l’adoption, ils aient peut-être sous-estimé les interrogations des candidats sur le plan concret : que dire à l’enfant lorsqu’il est là ? Comment gérer son agressivité ? Mais aussi, que faire à telle et telle étape du processus d’adoption : à qui s’adresser, à quel moment, avec quels documents ? Le matériau récolté pour cette recherche montre que les candidats adoptants valorisent fortement les séances d’entretiens individuels et les témoignages de parents adoptifs, c’est-à-dire deux modes de communications où ils ont le sentiment d’être au centre du dispositif : d’un côté ils peuvent vraiment expliciter leur démarche personnelle, sans être un numéro parmi de nombreux candidats, et de l’autre, ce sont des parents « comme eux » qui viennent témoigner et tiennent leur crédibilité du fait qu’eux aussi « sont passés par là ». Pour communiquer ces informations réclamées, différentes formules peuvent être envisagées. Plusieurs participants à la recherche ont suggéré que soient réalisés des guides-mémos pratiques, complémentaires au classeur (très apprécié) distribué dans le cadre de la préparation. Mais la question d’une place accrue pour des parents adoptifs ainsi que d’adoptés devenus adultes, et ce à différents stades de la procédure, mérite d’être posée. 2.2. Dissocier sensibilisation et évaluation Les professionnels avaient déjà soulevé ce point, les participants à la recherche l’ont confirmé : le fait que dans les procédures actuelles la sensibilisation individuelle contribue – par l’intermédiaire du volet C – au rapport sur base duquel s’appuiera le jugement d’aptitude ne lui permet pas de jouer pleinement son rôle. Les candidats adoptants ont été on ne peut plus clairs à cet égard : sachant que leurs propos allaient être pris en compte dans le cadre du rapport social, nombre d’entre eux ont contrôlé leurs propos de manière à éviter que leurs doutes éventuels ne mettent en danger leur projet d’adoption. Et pourtant, comme en attestent les témoignages de ceux et celles qui ont joué le jeu de la sensibilisation, un temps de réflexion et de maturation du projet d’adoption a effectivement toute sa place à cette étape de la préparation. Cependant, pour qu’il puisse remplir son rôle, il semble indispensable de repenser la manière dont il est organisé. Dans cette perspective, dissocier les étapes de sensibilisation et d’évaluation (jugement) est une condition sine qua non. Cela requiert de garantir une réelle confidentialité des propos énoncés dans le cadre des séances de sensibilisation individuelle. La question de la nécessaire impartialité des personnes qui seront amenées à évaluer les aptitudes à adopter des candidats ne peut être évacuée. Tout en ayant à l’esprit le risque de complexification du dispositif et de multiplication des acteurs, elle implique, peut-être, d’envisager que cette évaluation soit au moins partiellement confiée à des professionnels indépendants de l’administration comme des organismes d’adoption. Notons à ce propos que si l’administration se déchargeait des tâches d’évaluation qu’elle assume actuellement au niveau de l’enquête sociale, cela lui permettrait d’assumer à l’égard des candidats adoptants une position de neutralité qui fort probablement simplifierait et faciliterait les contacts qu’elle a avec ceux-ci. 3. L’apparentement 3.1. Vers une harmonisation des critères légaux et des critères utilisés lors de l’apparentement ? En Belgique, au départ, peu de conditions sont imposées aux personnes qui souhaitent adopter. Célibataires et couples, qu’ils soient mariés ou non, qu’ils aient ou non déjà d’autres enfants, et qu’ils soient plus ou moins âgés (avec un minimum fixé à 25 ans) ont en principe 27 tous le droit d’adopter ̶ pour autant, bien entendu, qu’ils obtiennent le Jugement d’aptitudes requis par la loi. Cette apparente ouverture cache, dans les faits, une autre réalité. Le décalage entre le nombre de candidats et le nombre d’enfants qui sont proposés à l’adoption en Belgique chaque année est tel qu’après l’étape du jugement d’aptitude, une autre sélection est réalisée : les OAA, qui ont l’embarras du choix, sont libres de choisir les candidats qu’ils accompagneront. Cette seconde sélection, à laquelle les candidats ne s’attendent pas, est d’autant plus mal vécue que les critères en fonction desquels elle est réalisée semblent laissés au libre choix des organismes d’adoption. En fonction de leurs valeurs et de la manière dont ils se représentent l’intérêt de l’enfant à adopter, ceux-ci vont établir des critères qui leur sont propres pour juger du caractère opportun des projets d’adoption qui leur sont adressés. À en croire les témoignages recueillis dans le cadre de cette recherche, certains OAA refusent systématiquement d’accompagner les projets de célibataires et/ou de couples homosexuels. D’autres fixent des limites d’âge, etc. À cette seconde sélection opérée par l’OAA, succède bien souvent une troisième évaluation : les pays auxquels s’adressent les candidats à l’adoption inscrits dans une procédure d’adoption internationale, et les parents biologiques des enfants proposés à l’adoption interne, vont à leur tour avoir quelque chose à dire quant aux types de projet d’adoption qu’ils accepteront de soutenir. Certains pays imposent aux candidats adoptants un certain nombre d’années de mariage. La Chine refuse les candidats en surpoids. Le Maroc n’accepte que les candidats musulmans. D’autres pays encore refusent les parents qui ont déjà des enfants biologiques… Les projets d’adoption s’avèrent en réalité soumis à des critères bien plus nombreux et variés que ceux énoncés dans la loi. Dès lors qu’il n’est pas souhaitable de créer de faux espoirs chez des candidats qui, dans l’état actuel des procédures ont très peu, voire aucune chance de voir aboutir leur projet, il conviendrait de ne pas les laisser s’enliser dans des procédures vaines qui mobiliseront leur temps, leurs émotions, leur argent, et ce parfois durant de longues années. Certains candidats à l’adoption arrêtent alors parfois après plusieurs années de vaines attentes avec le sentiment d’avoir été floués car ils prennent conscience que leurs chances de recevoir un enfant étaient nulles depuis le début. Même si les solutions alternatives – l’accueil, le parrainage d’enfants, et d’autres formules – ne sont pas nécessairement acceptées par les candidats à l’adoption, ce point devrait être clarifié. Assumer sereinement un rapport de pouvoir, c’est aussi pour celui qui est en position de force assumer la responsabilité de rappeler ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. La diversité des critères mobilisés par les acteurs qui sont impliqués dans une procédure d’adoption pose elle aussi question. Plus spécifiquement, la diversité des critères utilisés par les différents OAA en matière d’apparentement, dans la mesure où elle incite les candidats à s’adresser successivement à différents OAA, ne contribue pas à réduire la surcharge des organismes concernés. Par ailleurs, se plaçant sur le plan légal, certains s’interrogent quant au fait que des organismes puissent se permettre de recourir à des critères plus stricts que ceux imposés par la loi sans être sanctionnés et réclament une harmonisation des critères utilisés par les différents OAA pour procéder à l’apparentement. Au minimum, il apparaît souhaitable que cette question soit clarifiée et que les candidats adoptants puissent avoir une vision claire des possibilités qui s’offrent à eux par une publicité des critères mobilisés par les divers acteurs du champ de l’adoption, faute de quoi la règle de l’arbitraire semble être de mise. 3.2. Valoriser et humaniser l’attente L’attente, nous l’avons vu, confronte la plupart des candidats, principalement pour l’adoption internationale, à de longues périodes durant lesquelles rien ou pas grand-chose ne leur est 28 proposé. Les témoignages recueillis montrent à quel point ces périodes sont difficiles à vivre pour les candidats et combien les groupes de soutien jouent un rôle important. Des formes d’encouragement et de soutien à la création de tels réseaux de solidarité en mettant à la disposition des candidats des espaces de rencontres et d’échanges, qu’ils soient réels – espace ouvert dans lequel les candidats pourraient venir boire un verre et rencontrer d’autres candidats, activités diverses – ou virtuels – forums de discussion thématiques, par exemple organisés par pays, devraient être étudiées. Il va de soi que pour que ces lieux puissent remplir le rôle qui est le leur, la confidentialité des informations qui seront échangées dans ce cadre doit être garantie. Des formules informelles – sans animateur – seraient à cet égard probablement plus utiles que des rencontres placées sous la supervision d’animateurs. On s’inscrit ici dans la perspective dessinée par les espaces neutres évoqués plus avant. 3.3. Mieux prendre en compte les limites des candidats adoptants Plusieurs participants à la recherche ont expliqué avoir eu le sentiment que l’organisme auquel ils s’étaient adressés avait tenté d’orienter leur choix vers certaines catégories d’enfants (enfants à particularités, enfants originaires de certains pays, enfants plus âgés…). D’autres participants ont raconté que l’enfant qu’on leur a proposé ne correspondait pas aux limites qu’ils avaient clairement formulées. De telles situations sont problématiques à plusieurs égards. Elles posent tout d’abord la question du respect de l’adoptant et des droits qui sont les siens : quels recours sont proposés aux parents confrontés à de telles situations ? Ces situations posent également question du point de vue de l’enfant adopté : il n’est pas dans l’intérêt d’un enfant d’être adopté par des parents qui ne se sentent pas capables d’assumer sa particularité, quelle qu’elle soit. À fortiori lorsque les adoptants sont amenés à revoir leur option de départ en quelques heures seulement et que l’imminence d’une réponse enfin positive peut les pousser à mettre entre parenthèses des réserves qu’ils avaient pourtant mûrement réfléchies et exprimées. On peut faire l’hypothèse que de telles situations sont révélatrices du dilemme dans lequel se trouvent pris les professionnels confrontés à de nombreux parents « en panne d’enfants » d’une part, et à certaines catégories d’enfants « en panne d’adoptants », d’autre part. Ils seraient alors tentés de faire coïncider ces deux réalités. Peut-être, cependant, est-il indispensable de faire respecter à ce niveau un certain nombre de garanties afin d’éviter de créer des situations inappropriées. 3.4. Faciliter les démarches administratives Les nombreuses critiques adressées par les participants inscrits dans la procédure d’adoption internationale à l’égard des difficultés administratives auxquelles ils se sont trouvés confrontés, tant dans le pays d’origine de l’enfant qu’à leur retour en Belgique (lorsqu’il s’agit d’inscrire celui-ci à l’administration communale et d’obtenir pour lui une couverture de la mutuelle, notamment), indiquent à quel point il reste là à mener un important travail de sensibilisation et de formation des administrations concernées. Cela vaut également pour ce qui concerne le congé d’adoption : manifestement, telle qu’elle est formulée actuellement, la législation en la matière n’est pas toujours applicable. Il serait probablement opportun de réviser le cadre définissant les modalités du congé en question. Un allongement des délais légaux pour rentrer les justificatifs requis semble le minimum. Un allongement de la durée du congé elle-même pour certaines catégories d’enfants (enfants handicapés, enfants plus âgés…) mériterait également, à en croire les parents, d’être étudiée. Par ailleurs, il pourrait être utile également de mettre en place en parallèle des procédures qui faciliteront l’obtention de ce congé par les parents concernés. Cela pourrait par exemple prendre la forme d’attestations qui seraient remises de manière systématique aux parents 29 adoptifs par l’ACC, et qui viendraient compléter ou remplacer à titre temporaire d’autres documents administratifs requis. 3.5. Repenser le temps de l’évaluation dans le cadre de l’adoption interne Dans le cadre de l’adoption interne, l’enquête sociale évaluant les aptitudes à adopter des candidats adoptants intervient après que l’enfant leur ait été confié. Les témoignages recueillis dans le cadre de cette recherche ont mis en évidence à quel point ce moment est, pour les familles adoptives, un moment délicat et parfois éprouvant. On peut se demander s’il ne serait-il pas opportun de revoir l’organisation générale de la procédure de manière à ce que pour l’essentiel cette évaluation intervienne en amont. Les témoignages de parents adoptifs qui ont été bloqués dans la procédure d’adoption parce que la mère biologique tardait à donner son consentement indiquent qu’à ce niveau, également, la procédure mérite d’être repensée. Est-il pertinent de confier à des candidats adoptants un enfant tant que la mère biologique de celui-ci n’a pas encore légalement renoncé à exercer vis-à-vis de lui son rôle de mère ? Le délai, peut-être, pourrait être allongé. 4. L’après adoption 4.1. Multiplier, diversifier et communaliser les aides aux familles adoptives L’adoption est un projet de vie. Les difficultés auxquelles peuvent être confrontés les parents adoptifs, et plus généralement les familles adoptives, ne s’arrêtent pas le jour de l’arrivée de l’enfant adopté. Les témoignages recueillis dans le cadre de cette recherche ont rappelé l’utilité du suivi post-adoptif à cet égard, et souligné les inégalités entre OAA de ce point de vue. Nombre de parents disent ne pas connaître les services spécialisés ou ne pas y avoir accès parce que ceux-ci sont coûteux, loin de leur domicile, ou parce que faute de place ils ne peuvent y obtenir de rendez-vous avant plusieurs mois. Diverses solutions peuvent être envisagées pour remédier à cette situation : - - Réaliser à l’attention des parents adoptifs une brochure informative répertoriant l’ensemble des professionnels et services spécialisés en matière d’adoption, répartis par province ; Inciter les OAA à rendre les activités qu’ils proposent aux familles adoptives accessibles à l’ensemble des familles concernées, indépendamment de l’organisme avec lequel elles ont collaboré. La communalisation des ressources permettrait de les diversifier et de concevoir des activités adaptées à des problématiques particulières liées à des catégories d’âge (les adolescents…), des pays d’origine, des problématiques (enfants à particularités, troubles de l’attachement, agressivité…), etc. 30