"La grandeur et les larmes" dans La Libre Belgique (24 juin
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"La grandeur et les larmes" dans La Libre Belgique (24 juin
"La grandeur et les larmes" dans La Libre Belgique (24 juin 1971) Légende: Le 24 juin 1971, le quotidien La Libre Belgique commente l'ancrage du Royaume-Uni à l'Europe communautaire et évoque les enjeux du processus d'élargissement européen. Source: La Libre Belgique. 24.06.1971. Bruxelles: Edition de la Libre Belgique S.A. "La grandeur et les larmes", p. 1. Copyright: (c) La Libre Belgique Le présent article est reproduit avec l'autorisation l'Editeur, tous droits réservés. Toute utilisation ultérieure doit faire l'objet d'une autorisation spécifique de la société de gestion Copiepresse [email protected] URL: http://www.cvce.eu/obj/la_grandeur_et_les_larmes_dans_la_libre_belgique_24_juin_1971-fr-9f58321c-d59f4dbb-93f9-65d2fbf39885.html Date de dernière mise à jour: 13/09/2013 1/3 13/09/2013 La grandeur et les larmes La nostalgie impériale refoulée, le pragmatisme traditionnel et une bonne dose d’idéalisme ont inspiré pendant dix ans, tour à tour ou simultanément, les efforts britanniques visant à rapprocher le Royaume-Uni de l’Europe et à le faire entrer dans le Marché commun. C’est Harold Mac Millan, le plus « européen » des Premiers ministres de Sa Majesté, qui avait pris, en août 1961, la décision « historique » d’entamer les négociations avec la Communauté européenne afin de découvrir si les conditions d’une adhésion étaient acceptables. Quelque temps auparavant, il avait été vivement irrité par une appréciation de Dean Acheson, l’ancien secrétaire d’état américain, qui, d’un ton péremptoire, avait affirmé : « La Grande-Bretagne a perdu son empire ; elle n’a pas encore trouvé sa voie ». Ces paroles sévères avaient touché au vif les sensibilités britanniques, au lendemain de la débâcle de Suez qui avait fourni la preuve que la Grande-Bretagne n’était plus capable d’agir seule – ou même avec la France – en tant que « grande puissance mondiale ». Aujourd'hui, vingt-cinq ans après avoir perdu son empire, la Grande-Bretagne a trouvé sa nouvelle voie ; c’est celle de l’Europe. Et la Communauté européenne, en levant, treize ans après sa naissance, les derniers obstacles qui empêchaient la Grande-Bretagne d’y adhérer, atteint l’âge adulte. *** Pour les dirigeants britanniques, dont la plupart ont profondément conscience qu’aucune autre voie ne s’ouvrait vraiment devant une Grande-Bretagne politiquement amoindrie, économiquement affaiblie, socialement vieillie, l’heureux aboutissement des négociations constitue la fin de bien de doutes et d’appréhensions. Le sort en est jeté : la porte de l’Europe ne peut plus se fermer devant eux. Après de longues années passées à ressasser les souvenirs glorieux de la guerre mondiale et à contempler les vaincus de 1940, de 1943, de 1945 s’unir entre eux et les dépasser, les Britanniques ont définitivement renoncé au rêve impérial pour s’ancrer à L’Europe. Winston Curchill – le grand homme – leur avait promis à l’aube de la dernière guerre mondiale – « du sang, de la sueur et des larmes ». M. Edward Heath, aujourd’hui, doit leur promettre « des larmes et de la sueur » mais - et l’Europe des Six en est un témoignage – il y aura, au bout du chemin, la grandeur et la prospérité retrouvées. Le mariage d’aujourd’hui est bien un mariage de raison. Pour les Continentaux, cette adhésion, tant souhaitée, pose des problèmes. Que va devenir, après son élargissement, leur Communauté, née dans l’enthousiasme, dans un grand élan de réconciliation et dans la conscience bien nette que la survie de leurs nations dépendait de leur union ? La trilogie proposée en décembre 1969, à la Haye, par M. Georges Pompidou – achèvement, approfondissement, élargissement – en est, en moins de deux ans, à son troisième volet. Pour certains, la Communauté européenne n’est pas suffisamment achevée et encore moins approfondie. Sa structure ne résisterait pas à cet afflux de sang nouveau, provoqué par l’irruption de quatre nouveaux membres dont on peut craindre qu’ils n’aient pas encore assimilé complètement l’esprit communautaire. Pour eux, ces adhésions risquent d’affaiblir dangereusement la Communauté européenne qui pourrait, dès lors, se transformer en une vague zone de libre-échange d’où serait bannie toute ambition politique, toute substance proprement européenne. Pour d’autres, au contraire, une Europe à Six, en proie aux déchirements intérieurs et aux pressions extérieures, avait peu de chance de survivre à une nouvelle crise qui aurait certainement éclaté si, pour la 2/3 13/09/2013 troisième fois, un veto avait été opposé à la Grande-Bretagne. *** Que l’Europe de demain ne réponde pas complètement aux vœux de ses fondateurs disparus – Robert Schuman, Conrad Adenauer, Alcide de Gasperi – est certain. Ce n’est toutefois pas l’entrée de la GrandeBretagne qui aura été à l’origine de cette distorsion. L’Europe des nations, pour autant qu'elle s’oppose à l’Europe intégrée, n’est pas imputable à ceux qu’elle accueille aujourd’hui. M. Pompidou a tracé, à la Haye, la perspective d’une Europe européenne, formée d’Etats confédérés. M. Heath a approuvé cette idée. Les autres Etats de la Communauté s’en accommodent d’autant plus facilement qu’elle correspond sans doute aux tendances profondes de la civilisation européenne. 3/3 13/09/2013