Critique Anne-Sophie Gousenbourger

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Critique Anne-Sophie Gousenbourger
Debout, les morts !
Un cri de vie, une espérance, un sourire après les larmes. Debout !, c'est une pièce à réveiller
les morts. Pas ceux qui dorment six pieds sous terre, non, pas "les pourris, les aplatis, les
démantibulés". Les autres, ceux qui respirent encore. Debout !, c'est la sagesse de Gaëlle, la
Demeurée. C'est l'énergie et l'incompréhension futée de Léa. C'est la maturité et la force de
Lucie, propulsée dans un monde où la raison des adultes est mise en péril. C'est la souffrance
déclinée sous toutes ses formes et la route, parfois longue, pour revenir à la vie.
Point de chichis pour qui veut raconter la mort de manière juste. Point de pleurs affectés ou de
"doléances" de circonstance. La mort, c'est aussi ne plus pouvoir prononcer un nom dans une
maison devenue trop silencieuse. Dans cette pièce, la simplicité sera donc de mise. Au niveau
du texte, avant tout. A travers le filtre de l'enfance, au moyen de réflexions ingénues et
terribles, les mots de Stéphanie Mangez explosent dans une poésie forte et poignante. On
mentionnera tout spécialement la description de la maison, litanie rimée et rythmée dessinant
avec brio la chape de plomb tombée sur la vie familiale.
La scénographie bannit elle aussi les excès. Comme dans des jeux enfantins, les blocs
géométriques se mettent au service de l'imagination pour former tour à tour des pierres
tombales ou des armoires de maison. Au niveau sonore enfin, cette terrible sensation de vide
créée par l'absence totale de musique ou de bruitages enregistrés ne sera comblée que dans les
dernières minutes, au moment où la vie reprend ses droits, sans effacer pour autant le
souvenir. Une intervention musicale efficace, symbolique… qui ne manquera pas d'émouvoir,
si ce n'était pas encore fait, plus d'un spectateur. De même, à l'ère du "spectacle total",
l'utilisation de techniques multimédias sera limitée à la vidéo initiale, nous présentant Eliot.
En complète opposition avec cette économie omniprésente, il y a le jeu d'acteur. Tour à tour
mutines, boudeuses, énergiques ou tristes, Mélissa Leon Martin et Stéphanie Mangez passent
du rire aux larmes avec le naturel et la facilité déconcertante d'un enfant. De la folle en quête
de "temps sans bruit et [de] temps sans hommes", à la mère terrassée par la mort prématurée
de sa fille, Anne-Claire Van Oudenhove explore, elle aussi, une vaste gamme de sentiments,
dans un rôle pourtant moins exubérant que celui des deux jeunes sœurs.
Parler de la mort en s'adressant à un public mélangé, composé tant d'adultes que d'enfants (à
partir de 8 ans), sans tomber dans l'émotion excessive, mais sans théoriser : le pari était osé.
Mais il est réussi. La troupe sera encore en représentation du 28 au 30 mars à la Maison des
Cultures à Molenbeek, puis le 20 avril à La Courte Echelle, à Liège. On leur souhaite de
persuader encore bien des gens de "Mourir bien vivants" !
Anne-Sophie Gousenbourger
(22 ans)

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