1er extrait Assise dans un rocking-chair près de la cheminée, Marie

Transcription

1er extrait Assise dans un rocking-chair près de la cheminée, Marie
1er extrait
Assise dans un rocking-chair près de la cheminée, Marie se détend, les mains posées
sur son ventre arrondi. Elle peut par moments sentir les mouvements de l’enfant qu’elle
porte. Il doit naitre dans un mois et demi. Un garçon ? Une fille ? La jeune femme n’a
pas souhaité le savoir. Qu’importe le sexe ! Elle ne désire qu’une chose : qu’il soit en
bonne santé. Cet enfant est le fruit d’un amour vrai, passionné, et pourtant d’un amour
aujourd’hui compromis. Depuis quelques jours, le froid a fait son apparition. Ce mois de
décembre
s’annonce particulièrement
rigoureux.
Au-dehors,
quelques
passants
pressés, frileux, hâtent le pas. Cette offensive hivernale offre un spectacle d’une grande
beauté. Les arbres, poudrés de givre, totalement dépouillés, s'étirent majestueusement
vers le ciel. Le vent glacial fait courber les plus frêles. Sammy, le labrador, fidèle
compagnon des bons et mauvais jours, somnole aux pieds de Marie. Elle se sent bien,
moins fatiguée que les jours précédents. Elle écoute la cinquième symphonie de
Beethoven. La musique classique a le pouvoir de chasser de son esprit toutes les
inquiétudes et la mélancolie qui la submergent parfois. Elle se lève avec peine du
fauteuil et s’enroule dans un châle. Son dos la fait souffrir et son ventre la gêne, de
temps à autre, dans les mouvements du quotidien. Ses yeux arpentent le salon ; ces
derniers temps, elle s’y prélasse souvent, car son médecin lui a ordonné de se reposer.
Les murs sont agrémentés de toiles qu’elle a peintes. Son regard s'attarde sur le portrait
de son grand-père. Il a beaucoup compté dans sa vie, et malheureusement a
disparu beaucoup trop tôt. C’était un gars du Nord, un ch’ti. Lorsqu’enfant, Marie venait
passer quelques jours de vacances chez ses grands-parents, elle était toujours très
impressionnée de voir ces maisons en brique alignées, qui se ressemblaient toutes. Son
grand-père était un homme simple, il aimait la terre, les gens. Il a transmis à Marie des
valeurs morales de respect, de don de soi, de loyauté. Il mourut d’une silicose, cette
fichue maladie des mineurs.
2ème extrait
Franck voulut la prendre dans ses bras mais Marie le repoussa. Elle était au bord des
larmes. Il n’insista pas et prit place sur le sofa. La jeune femme avait envie de hurler,
de s’effondrer au milieu de la pièce tellement elle avait mal ! Elle avait beaucoup de
peine à tenir debout sur ses jambes tant son corps tremblait. Elle avait l’impression
d’avoir reçu un coup de massue sur le crâne. Sa tête tournait, ses mains étaient
devenues moites. Elle ouvrit la fenêtre pour prendre un bol d’air frais. Quand elle la
referma, elle se dirigea vers la cuisine. Franck la suivit du regard. Elle marchait d’un pas
lent comme si elle allait chanceler d’un instant à l’autre. Elle se servit un grand verre
d’eau au robinet. Appuyée au lavabo, elle se mit à sangloter en silence. Une fois ses
larmes séchées, elle le rejoignit au salon. Il n’avait pas bougé. Quand il la vit, il se leva
et s’approcha d’elle. Il essaya à nouveau de la toucher mais en vain. Marie n’avait pas
envie d’être consolée, de lui donner bonne conscience.
3ème extrait
Marie prend enfin l’ascenseur. Elle appuie nerveusement sur le bouton du 3e étage. Sa
main tremble. Elle s’y engouffre, se colle dans un coin de la paroi. Elle espère que
personne ne monte en même temps qu’elle car elle a du mal à retenir ses larmes.
L’ascenseur est sur le point de se refermer quand il s’ouvre à nouveau et laisse entrer
deux jeunes femmes enceintes. Toutes deux sourient à Marie qui s’oblige à répondre
par un léger pincement des lèvres. Toutes les trois participent au même cours. Lorsque
Marie s’assied dans la salle d’attente avec les autres femmes, elle n’a qu’une envie :
quitter les lieux. Cette rencontre inattendue la plonge dans un état second, une émotion
violente la submerge telle une grosse vague qui vient s’écraser sur les rochers. Ce face
à face l’a profondément troublée. À cet instant Marie est bien loin de se douter que de
son côté, Franck est en proie aux mêmes sentiments, à la même émotion. La
désinvolture, le détachement qu’il lui a manifesté n’ont été qu’un subterfuge pour cacher
son trouble de la revoir. Il a feint l’indifférent, l’homme pressé simplement pour fuir au
plus vite. Franck ne voulait pas que Marie s’aperçoive qu’il était complètement
bouleversé, que la revoir lui transperçait le cœur.

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