Syfia Grands Lacs Burundi -Bujumbura : l`interdiction des taxis

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Syfia Grands Lacs Burundi -Bujumbura : l`interdiction des taxis
Burundi -Bujumbura : l'interdiction des taxis motos en ville appauvrit les habitants
Syfia Grands Lacs
Bujumbura, Burundi, 2011-04-02 (Syfia Grands Lacs) - Untitled 6
Burundi -Bujumbura : l'interdiction des taxis motos en ville appauvrit
les habitants
(Syfia Grands Lacs/Burundi). Depuis trois mois, le gouvernement
burundais a interdit aux quelque 2 000 conducteurs de taxis-motos de
Bujumbura de circuler au centre-ville. Cette mesure ruine les
commerçants, les propriétaires de moto et leurs chauffeurs et
appauvrit les habitants habitués à ce mode de transport économique.
Cent conducteurs de taxis-motos ont entamé, le 14 mars, une
formation d’une semaine qui doit s’étendre aux quelque 2 000 motards
de la Mairie de Bujumbura. Outre cette formation, le recensement des
conducteurs, l’octroi de gilets et de badges ainsi que la peinture des
motos en jaune sont les recommandations faites par l’Ombudsman
(médiateur national), Mohammed Rukara, saisi pour trancher le
différend qui oppose les motards et le gouvernement burundais depuis
le 24 décembre dernier.
Depuis cette date, il est interdit aux taxis-motos de circuler dans le
centre-ville de Bujumbura. Les autorités ont invoqué des menaces
proférées par les extrémistes islamistes somaliens Al Shaabab lors des
fêtes de fin d’année et un regain d’accidents au centre de la capitale
burundaise. Cette mesure a été reconduite après les deux semaines
initialement annoncées. Mais elle se heurte à la résistance des milliers
de jeunes motards, souvent illettrés, qui exercent ce métier et qui se
disent prêts à défendre leur gagne-pain. Quant aux usagers habitués,
depuis près de six ans, à ce moyen de transport peu cher, ils ont
désormais du mal à gagner le centre-ville ou doivent payer plus cher.
Commerçants en difficulté
En effet, la ville de Bujumbura s’étend chaque jour un peu plus et les
nouveaux quartiers, comme Carama (au nord) et Gisyo (au sud), sont
difficiles d’accès. Les bus n’arrivent pas dans ces quartiers éloignés du
centre. Seuls les taxis y accèdent. Or, l’essentiel des services publics et
privés, tout comme les lieux d’approvisionnement des petits marchés
périphériques restent concentrés au centre-ville.
Selon les commerçants, les clients ont déserté le marché central : un
sur deux ne vient plus acheter, depuis l’instauration de la mesure.
Certains commerces ont dû fermer en ville ou surtout dans les
quartiers. Au marché comme dans les boutiques du centre-ville, les
vendeurs restent désormais oisifs une partie de la journée. Ils disent
qu’ils n’en peuvent plus, car ils travaillent à perte. Les commerçants
des petits marchés se ravitaillent généralement tôt le matin au
centre-ville pour écouler leurs produits pendant la journée, mais ils ont
des difficultés à y arriver.
Dans les services, l’heure de début du travail (7h30) n’est plus
respectée, à cause des difficultés de déplacement et certains
employeurs se plaignent. Des travailleurs fainéants en profitent
souvent pour arriver à 9h. Selon un responsable d’une entreprise
privée, "le rendement a chuté, car on est parfois obligé de fermer les
yeux".
Propriétaires de motos ruinés
Cette restriction de mouvement occasionne aussi un manque à gagner
énorme chez les conducteurs, propriétaires et usagers des taxis-motos,
Ainsi, Janvier Niyonkuru, conducteur de taxi-moto, contraint de ne
pas dépasser les frontières de sa commune, a vu son gain journalier
réduit de 12$ à 2$. Quant au propriétaire de la moto, il
perçoit près de 4 $ par jour et non 10, comme auparavant.
Les passagers sont aussi pénalisés, malgré la multiplication des axes
desservis par les bus de l’Office de Transport en Commun
(OTRACO), très peu chers (0,24$ la course), comme le
taxi-moto (0,4$). Les taxis voitures, seuls désormais autorisés à
circuler au centre-ville et qui arrivent partout, comme les motos, sont à
2$ en moyenne la course, trop chers pour la majorité des gens.
Les moins nantis apprennent ainsi de plus en plus aller à pied.
Les propriétaires de motos, eux, sont étranglés. J.-N. n’a même pas eu
droit à un seul versement du chauffeur depuis qu'il a acheté sa moto et
se demande comment il va rembourser son crédit. "Par mois, on retient
110 000 Fbu (89$), soit la moitié de mon salaire et je ne sais
comment joindre les deux bouts" s'inquiète-t-il.
Une veuve retraitée ne cache pas son désarroi. "Avec 12 millions de
francs burundais (9.500$) donnés par mon employeur à la fin
de ma carrière, je m’étais acheté cinq motos, croyant vivre mieux,
mais je n’ai rien. Je croyais gagner un million de Fbu (800$)
par mois, et m’offrir une retraite dorée", regrette-t-elle.
Un jeune motard déplore enfin que l’insécurité financière ait disloqué
des ménages et contraint d’autres à aller s’installer à l’intérieur du pays
: "On a été victime de l’injustice, car les arguments avancés par le
gouvernement ne tiennent pas".
Pour accélérer les pourparlers en cours avec une commission mise en
place par l’Ombudsman, les motards réunis au sein de l’Association
des motards taximen du Burundi (Amotabu) ont revisité leur règlement
d’ordre intérieur. "C’est pour punir nous-mêmes les manquements de
nos collègues, en première instance, afin que la police de roulage
n’intervienne qu’en cas d’infraction grave", explique Gérard
Nijimbere, Secrétaire général de l’Amotabu. Pour lui, le travail
pourrait reprendre sans délai, "comme ça, les victimes de la mesure
vont pousser un ouf de soulagement", ajoute-t-il.
A l’Abuco (Association burundaise des Consommateurs), on espère
aussi que ce moyen de transport rapide et peu cher sera bientôt rétabli.
"Malgré les nombreux accidents dus à l'ignorance du Code de la route,
le taxi-moto avait révolutionné le secteur du transport urbain", dit
Pierre Nduwayo, porte-parole de l’Abuco.

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